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samedi 15 août 2015

Assomption - 15 août 2015

Marie, une exception ?





Au risque de paraître impertinent, interrogeons-nous : Marie, dans son Assomption, est-elle une exception ? Derrière cette question s’en cache une autre qui nous concerne davantage : avons-nous une chance de vivre quelque chose d’analogue à son Assomption ? Car enfin, reconnaissons-le : nous ne sommes pas tous comme Marie à garder jour et nuit la Parole de Dieu au cœur de notre vie et à la méditer sans cesse ; contrairement à Marie, nous sommes marqués par le péché des origines dès notre éveil à la vie. Alors oui, avons-nous une chance ? Et à quelles conditions ?
 
D’emblée, il nous faut rappeler que l’Assomption de Marie que nous célébrons aujourd’hui n’est pas une récompense pour ses vertus. D’ailleurs quelle vertu de Marie pourrions-nous mettre en avant pour justifier cette récompense ? Si l’on en croit la prière de l’Eglise, elle  été préservée de tout péché par une grâce venant déjà de la mort de Jésus (oraison de la fête de l’Immaculée Conception). La Tradition de l’Eglise comprend donc bien que Marie, dès sa naissance, a été préservée du sort du commun des mortels pour accueillir en son sein le Fils unique de Dieu, Jésus, notre Seigneur et Sauveur. D’une certaine manière, sa vie n’a rien de surprenant alors. Préservée par Dieu, non marquée par le péché, il semble facile de vivre conformément à la volonté de Dieu. Du moins le pensons-nous spontanément. 
 
Si l’Assomption n’est pas une récompense, comment la comprendre alors ? Il faut la comprendre comme l’aboutissement d’un long processus. Elle est rendue possible par l’incarnation du Fils de Dieu. Si Jésus n’était pas devenu homme pour que les hommes puissent devenir Dieu, nous ne pourrions pas célébrer l’Assomption comme l’annonce de notre propre destinée : nous sommes faits pour vivre en Dieu pour toujours ! Sans l’incarnation, l’Assomption serait un coup d’exception, réservée à une femme d’exception, mais totalement hors de notre portée. Avec l’incarnation, c’est-à-dire avec le désir de Dieu de venir en ce monde pour changer la face de la terre et offrir le salut à tous, le résultat de l’Assomption (Marie dans la gloire du ciel) devient pour nous un motif d’espérance. Puisque Dieu vient à notre rencontre, nous pouvons devenir ses familiers. Peut-être avons-nous là la raison du choix de l’Evangile de cette fête : par le Magnificat, Marie chante bien toutes les merveilles que Dieu fait pour les hommes. Mais elle dit aussi le lien entre l’incarnation et l’assomption : Il s’est penché sur son humble servante (incarnation) ; désormais tous les âges me diront bienheureuse (assomption). L’un ne va pas sans l’autre. Pour que les enfants des hommes puissent espérer vivre en Dieu pour toute éternité, il faut un geste d’amour divin ; il faut que Dieu s’abaisse pour élever l’homme à sa hauteur. Marie a été la première à être élevée aussi haut pour nous rappeler notre avenir et donner à notre foi un peu de consistance. Elle a été la première parce qu’elle a totalement accueilli Dieu dans sa propre vie. Nous ne croyons pas en Dieu en vain ; nous ne proclamons pas un Dieu qui s’est fait homme juste pour son bon plaisir : il est devenu l’un de nous pour nous attirer à lui et nous sauver une fois pour toutes de tout ce qui nous retient loin de lui. 
 
Si l’Assomption est la conclusion triomphale de l’incarnation, n’avons-nous donc rien à apprendre de Marie ? Oh que si ! Nous avons à apprendre d’elle la fidélité  de Dieu à son projet d’amour et notre propre fidélité à ce projet. En préparant en Marie une demeure digne de son Fils, Dieu nous rappelle qu’il est fidèle à son projet d’amour : aucun péché des hommes ne saurait lui faire abandonner son désir de nous sauver. En entrant dans la gloire des enfants de Dieu, Marie nous rappelle qu’il nous faut entrer dans cette fidélité, à notre tour. Bien que préservée par Dieu, elle gardait sa pleine liberté et aurait pu refuser ce pour quoi elle avait été préparée. Mais elle a dit oui à l’ange, oui à Dieu, oui au salut que Dieu proposait à tous les hommes. Son Assomption nous rappelle que nous ne perdons pas notre temps à agir sur terre de manière à plaire à Dieu plutôt qu’aux hommes. Comme Elisabeth a raison d’accueillir en Marie celle qui a cru en l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ! C’est là son titre de gloire ; et le fait qu’elle ait été choisie par Dieu ne rend pas sa foi plus simple ou plus évidente. 
 
Aujourd’hui, Dieu accueille en sa présence Marie, fille d’Eve. Il nous redit à quelle vie il nous appelle. Il nous redit qu’il nous aime tellement qu’il nous veut avec lui pour toujours. Il nous a choisis au moment de notre baptême pour vivre avec lui. De Marie, apprenons à dire oui à Dieu en toutes choses et nous verrons nous-aussi les cieux s’ouvrir pour nous accueillir lorsque viendra le terme de notre vie, car l’amour de Dieu ne peut se détourner de ceux qui comptent sur lui. Laissons-nous aimer comme Marie, et nous aussi nous partagerons sa gloire. Amen.

(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, éd. Les Presses d'Ile de France)

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