Au
risque de paraître impertinent, interrogeons-nous : Marie, dans son
Assomption, est-elle une exception ? Derrière cette question s’en cache
une autre qui nous concerne davantage : avons-nous une chance de vivre
quelque chose d’analogue à son Assomption ? Car enfin,
reconnaissons-le : nous ne sommes pas tous comme Marie à garder jour et
nuit la Parole de Dieu au cœur de notre vie et à la méditer sans cesse ; contrairement
à Marie, nous sommes marqués par le péché des origines dès notre éveil à la
vie. Alors oui, avons-nous une chance ? Et à quelles conditions ?
D’emblée,
il nous faut rappeler que l’Assomption de Marie que nous célébrons aujourd’hui
n’est pas une récompense pour ses vertus. D’ailleurs quelle vertu de Marie
pourrions-nous mettre en avant pour justifier cette récompense ? Si l’on
en croit la prière de l’Eglise, elle été préservée de tout péché par une grâce
venant déjà de la mort de Jésus (oraison de la fête de l’Immaculée
Conception). La Tradition de l’Eglise comprend donc bien que Marie, dès sa
naissance, a été préservée du sort du commun des mortels pour accueillir en son
sein le Fils unique de Dieu, Jésus, notre Seigneur et Sauveur. D’une certaine
manière, sa vie n’a rien de surprenant alors. Préservée par Dieu, non marquée
par le péché, il semble facile de vivre conformément à la volonté de Dieu. Du moins
le pensons-nous spontanément.
Si
l’Assomption n’est pas une récompense, comment la comprendre alors ? Il
faut la comprendre comme l’aboutissement d’un long processus. Elle est rendue
possible par l’incarnation du Fils de Dieu. Si Jésus n’était pas devenu homme
pour que les hommes puissent devenir Dieu, nous ne pourrions pas célébrer l’Assomption
comme l’annonce de notre propre destinée : nous sommes faits pour vivre en
Dieu pour toujours ! Sans l’incarnation, l’Assomption serait un coup d’exception,
réservée à une femme d’exception, mais totalement hors de notre portée. Avec l’incarnation,
c’est-à-dire avec le désir de Dieu de venir en ce monde pour changer la face de
la terre et offrir le salut à tous, le résultat de l’Assomption (Marie dans la
gloire du ciel) devient pour nous un motif d’espérance. Puisque Dieu vient à notre
rencontre, nous pouvons devenir ses familiers. Peut-être avons-nous là la
raison du choix de l’Evangile de cette fête : par le Magnificat, Marie chante
bien toutes les merveilles que Dieu fait pour les hommes. Mais elle dit aussi
le lien entre l’incarnation et l’assomption : Il s’est penché sur son humble servante (incarnation) ; désormais tous les âges me diront
bienheureuse (assomption). L’un ne va pas sans l’autre. Pour que les
enfants des hommes puissent espérer vivre en Dieu pour toute éternité, il faut
un geste d’amour divin ; il faut que Dieu s’abaisse pour élever l’homme à
sa hauteur. Marie a été la première à être élevée aussi haut pour nous rappeler
notre avenir et donner à notre foi un peu de consistance. Elle a été la
première parce qu’elle a totalement accueilli Dieu dans sa propre vie. Nous ne
croyons pas en Dieu en vain ; nous ne proclamons pas un Dieu qui s’est
fait homme juste pour son bon plaisir : il est devenu l’un de nous pour
nous attirer à lui et nous sauver une fois pour toutes de tout ce qui nous
retient loin de lui.
Si
l’Assomption est la conclusion triomphale de l’incarnation, n’avons-nous donc
rien à apprendre de Marie ? Oh que si ! Nous avons à apprendre d’elle
la fidélité de Dieu à son projet d’amour et notre propre fidélité à ce
projet. En préparant en Marie une demeure digne de son Fils, Dieu nous rappelle
qu’il est fidèle à son projet d’amour : aucun péché des hommes ne saurait
lui faire abandonner son désir de nous sauver. En entrant dans la gloire des
enfants de Dieu, Marie nous rappelle qu’il nous faut entrer dans cette
fidélité, à notre tour. Bien que préservée par Dieu, elle gardait sa pleine
liberté et aurait pu refuser ce pour quoi elle avait été préparée. Mais elle a
dit oui à l’ange, oui à Dieu, oui au salut que Dieu proposait à tous les
hommes. Son Assomption nous rappelle que nous ne perdons pas notre temps à agir
sur terre de manière à plaire à Dieu plutôt qu’aux hommes. Comme Elisabeth a
raison d’accueillir en Marie celle qui a
cru en l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur !
C’est là son titre de gloire ; et le fait qu’elle ait été choisie par Dieu
ne rend pas sa foi plus simple ou plus évidente.
Aujourd’hui,
Dieu accueille en sa présence Marie, fille d’Eve. Il nous redit à quelle vie il
nous appelle. Il nous redit qu’il nous aime tellement qu’il nous veut avec lui
pour toujours. Il nous a choisis au moment de notre baptême pour vivre avec lui.
De Marie, apprenons à dire oui à Dieu en toutes choses et nous verrons
nous-aussi les cieux s’ouvrir pour nous accueillir lorsque viendra le terme de
notre vie, car l’amour de Dieu ne peut se détourner de ceux qui comptent sur
lui. Laissons-nous aimer comme Marie, et nous aussi nous partagerons sa gloire.
Amen.
(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, éd. Les Presses d'Ile de France)
(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, éd. Les Presses d'Ile de France)
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