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dimanche 31 juillet 2016

18ème dimanche ordinaire C - 31 juillet 2016

Quand l'homme veut se servir de Dieu...






Le moins qu’on puisse dire, c’est que nous venons de vivre une semaine partagée entre la joie, telle qu’elle s’exprime chez les jeunes rassemblés à Cracovie autour du pape François, et l’horreur, telle qu’elle s’est exprimée à travers l’assassinat sauvage d’un prêtre âgé, célébrant l’amour inconditionnel de Dieu pour tous les hommes dans le sacrement de l’eucharistie. Et reconnaissons-le, nous ne sommes plus tout à fait les mêmes. Des prêtres qui sont assassinés, ce n’est pas une chose rare dans le monde. Mais chez nous, en France, en plein 21ème siècle, cela ne s’était jamais vu. Les guerres de religion ont suffisamment marqué l’histoire de notre pays pour qu’aucune Eglise, aucune croyance ne peuvent honnêtement souhaiter le retour à ces temps obscurs. Le pape François, d’ailleurs, a clairement rappelé que si nous étions bien en guerre, ce n’était pas une guerre de religion, mais bien une guerre plus « conventionnelle » liée à des intérêts politiques, économiques ; bref des enjeux de pouvoirs. Ce n’est pas parce que des assassins crient le nom de Dieu qu’il faut crier à la guerre sainte ! L’homme ne peut jamais se servir de Dieu pour servir ses propres intérêts. 
 
L’Evangile de ce dimanche va bien dans ce même sens. Lorsque quelqu’un, du milieu de la foule, demande à Jésus : ‘Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage’, Jésus lui répondit : ‘Homme, qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ?’ Comprenons bien ce qui se joue ici. Voilà quelqu’un, on ne sait pas si c’est un homme ou une femme, qui fait une demande du milieu de la foule. Il ne fait pas partie de ceux qui suivent Jésus, sinon Luc aurait parlé d’un disciple. Non, ce n’est qu’un badaud, un quelconque qui veut mettre Jésus dans sa poche, s’en servir pour régler une question familiale. Il ressemble à tous ceux qui ne participent jamais à la vie d’une communauté, mais qui, selon ce dont ils ont besoin, se souviennent que peut-être Dieu existe et qu’à partir de ce moment-là, il n’y avait aucune raison qu’il n’intervienne pas pour eux. Dieu n’est pas vraiment Dieu pour eux, juste un alibi, un larbin de service qu’on siffle quand on en a besoin. Ils ne viennent pas à la rencontre de Jésus pour mieux le connaître ; ils convoquent Jésus, ils convoquent Dieu pour qu’il s’exécute en leur faveur. 
 
Les assassins de ce prêtre ont procédé de la même manière : en criant le nom de Dieu, ils l’ont convoqué pour s’en servir, mais ils n’ont pas servi Dieu. Aucun Dieu, qu’il soit annoncé par la Bible ou le Coran, ne peut souhaiter, voire exiger la mort de ceux qui croient autrement, prient autrement, vivent autrement. Mais si d’aventure un tel Dieu existait, il ne mériterait ni son titre, ni l’honneur que les hommes doivent lui rendre. Invoquer le nom de Dieu pour commettre le Mal, c’est offenser gravement Dieu, que vous soyez chrétiens, juifs ou musulmans. Les différents responsables religieux qui se sont exprimés après ce crime ont tous réaffirmé cette même conviction. Dieu ne peut être que du côté de la vie ; Dieu ne peut être que du côté de la paix ; Dieu ne peut être que du côté de la fraternité universelle ; Dieu ne peut être que du côté de l’entraide ; Dieu ne peut être que du côté du partage. 
 
Lorsque nous doutons de l’utilité de poursuivre le dialogue avec celui qui croit autrement que nous, lorsque la peur de l’étranger nous gagne, lorsque nous commençons à croire qu’il vaut mieux que tous ces croyants autrement retournent chez eux, parce que la France ne peut être que judéo-chrétienne, nous participons au même péché : nous voulons nous servir de Dieu pour justifier des orientations politiques en contradiction flagrante avec l’Evangile que nous devons vivre. Depuis le crime, les manifestations en hommage de ce prêtre se sont multipliées. Le plus bel hommage que nous pourrons lui rendre, c’est de poursuivre la voie qu’il avait lui-même empruntée, celle d’une présence vraie, d’une présence amicale et d’un désir de comprendre l’autre, de le rencontrer, sans rien renier de ce qu’il était, sans demander de conversion en contrepartie. Le meilleur hommage à rendre à ce prêtre martyr, c’est de vivre vraiment ce que nous croyons, de vivre vraiment selon l’enseignement du Christ. Il nous a invités à aimer chaque homme, et à prier pour chacun, même celui que nous pourrions considérer comme un ennemi. N’est-ce pas Jésus qui a proclamé heureux les artisans de paix ?
 
Comme souvent, c’est saint Paul qui a raison lorsqu’il nous demande de faire mourir en nous ce qui n’appartient qu’à la terre : débauche, impureté, passion, désir mauvais, et cette soif de posséder, qui est une idolâtrie. Loin de nous servir du Christ, nous devons servir le Christ en revêtant l’homme nouveau… Ainsi, il n’y a plus le païen et le Juif, le circoncis et l’incirconcis, il n’y a plus le barbare ou le primitif, l’esclave et l’homme libre ; mais il y a le Christ : il est tout, et en tous. Qu’il en soit ainsi pour nous en ces temps troublés. Amen.

(Dessin de Tomy Ungerer)

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