Il y
aura mis le temps, mais au final, il a tout compris et il ne cesse de le
proclamer depuis. Il, c’est Pierre bien entendu, celui qui avait renié, celui
qui n’avait pas toujours compris ce que Jésus voulait dire. Et ce qu’il a
compris, c’est qu’au final, dans toute cette histoire, celui qui compte, c’est
Jésus le Nazaréen et lui seul. Tout le reste, c’est de la
littérature. Tous les autres, Pierre compris, ne sont que des serviteurs de Jésus,
des proclamateurs de son mystère. C’est donc bien toujours à lui, Jésus, qu’il
faut revenir. En toute chose, en tout temps.
Dans la force de l’Esprit Saint reçu
au jour de la Pentecôte, Pierre annonce Jésus, le Nazaréen, en n’ayant même pas
peur de rappeler aux hommes qu’ils l’ont supprimé. Et il le fait sans
haine ; c’est un fait, désormais historique, et les hommes devront l’assumer
non comme une tache dans leur histoire, mais comme ce moment qui aura permis à Dieu
de libérer toute sa puissance de vie en ressuscitant Jésus d’entre les morts. Puisque
Dieu lui-même ne reproche pas aux hommes la mort de son Fils, puisque Dieu lui-même
fait de ce Fils mort le chemin vers la vie éternelle pour tous les hommes, Pierre
ne peut pas davantage condamner ses coreligionnaires ; il ne peut qu’encourager
ses contemporains à croire en Jésus, il ne peut que leur annoncer le salut. Au jour
de la Pentecôte, comme dans la lettre que nous entendons en seconde lecture, c’est
bien vers Jésus qu’il tourne le cœur des hommes, ce Jésus grâce à qui nous
pouvons croire en Dieu.
Ce qui me surprend, c’est que la
liturgie met ces affirmations fortes de Pierre en rapport avec l’évangile des
disciples d’Emmaüs. Pierre n’y apparaît qu’à la fin, comme témoin de la
résurrection. Mais ce n’est pas lui qui guidé Cléophas et son compagnon de
tristesse et de désespoir vers Jésus. C’est Jésus lui-même qui se révèle
lentement et patiemment à eux, comme il l’a fait pour d’autres. Il le fait au
moyen de deux éléments : le pain partagé qui sera déterminant pour ces
deux hommes, et la parole partagée qui aura préparé leur cœur à cette reconnaissance.
C’est comme si Jésus formait à distance Pierre et les autres disciples à qui
cette histoire sera rapportée. Ils n’auront pas à prouver la résurrection, mais
à l’annoncer. Ils n’auront pas à l’expliquer, mais à rappeler, dans toute l’Ecriture,
ce qui le concernait. Car ce Jésus, si son histoire est récente pour Pierre
et ses compagnons, est présent dans le projet de Dieu depuis le commencement du
monde. Je pourrais longtemps désirer savoir ce que Jésus a dit à Cléophas et à
l’autre disciple, en vain. Pourtant, en ouvrant les Ecritures à mon tour, en
les relisant à la lumière de Pâques, je peux comprendre ce qu’il leur a dit, et
je peux refaire le chemin d’Emmaüs. Je deviens alors ce second disciple qui n’a
pas de nom, parce qu’il prendra alors mon nom. Ce deuxième disciple, c’est
chaque homme, chaque femme, qui prendra le temps d’ouvrir les Ecritures pour y
découvrir le projet d’amour de Dieu pour les hommes. Par la lecture amoureuse
de la Parole, notre cœur deviendra brûlant en nous, brûlant de
cet amour que Dieu communique, brûlant aussi du désir de connaître réellement
celui qui y est ainsi annoncé. Et nous serons alors conduit naturellement à l’Eucharistie
dans laquelle Jésus se donne encore et toujours aux hommes, dans le pain rompu
et la coupe partagée. Ainsi, en chaque eucharistie, c’est bien la rencontre d’Emmaüs
qui se rejoue ; en chaque eucharistie, c’est bien Jésus qui est remis au cœur
brûlant de nos vies. En chaque eucharistie, il nous est redit ce qu’affirmait
Pierre au jour de la Pentecôte : il s’agit de Jésus le Nazaréen. Vous
pourrez triturer les Ecritures dans n’importe quel sens, c’est à Jésus que vous
viendrez. Vous pouvez partager le pain en autant de morceau que vous voulez, c’est
toujours Jésus qui sera révélé, présent, vivant au milieu de nous. Et lorsque
vous croiserez un disciple de Jésus, vous le saurez authentique si c’est vers Jésus
qu’il vous mène, et non vers lui.
Pierre avait donc tout dit, et il
nous suffit de le répéter. Pierre avait tout dit, et nous devons le redire à notre
tour : il s’agit de Jésus le Nazaréen, celui que Dieu a fait chemin
de vie en le ressuscitant d’entre les morts. Le proclamer, à temps et à contretemps,
c’est assurer le salut aux hommes de bonne volonté. C’est la seule mission de l’Eglise ;
c’est la mission de tout baptisé. Il s’agit de Jésus le Nazaréen, et
nous ne saurions le taire. Il s’agit de Jésus le Nazaréen, et il nous
faut l’annoncer. Tout le reste, ce sera son œuvre à lui, Jésus, lorsque l’ayant
découvert par notre annonce, le cœur des hommes sera prêt à le laisser agir. Oui,
il s’agit de Jésus le Nazaréen, le même hier, aujourd’hui et dans les
siècles des siècles. Amen.