Si l’histoire de l’humanité n’était
pas si dramatique, elle pourrait presque prêter à sourire ! Puisque l’homme
recherche sans cesse d’autres formes de vie dans notre vaste univers, imaginez
un instant ce que verrait de loin quelqu’un qui nous observerait : voici
des hommes qui essaient de changer le monde à la force de leurs seuls poignets
et de promesses vite oubliées sitôt formulées. Il verrait l’homme tel qu’il est :
partagé entre ce qu’il y a de meilleur en lui et la face sombre de ses humeurs.
Pour peu que notre observateur ait un peu d’humour, il nous composerait un
hymne intitulé : D’r Hans im
Schnokeloch, tant il est vrai que l’homme veut toujours ce qu’il n’a pas,
dédaignant ce qu’il a et qu’il ne veut pas.
Au cœur de cette histoire humaine, Dieu paraît !
A lire les textes bibliques, les incursions de Dieu dans l’histoire des hommes
sont permanentes ; seul l’homme ne s’en rend pas compte. Depuis Abraham
jusqu’à Jésus Christ, en passant par Moïse, les rois et les prophètes, Dieu n’a
cessé de manifester son intérêt pour l’espèce humaine. En Jésus, il se fait
même l’un de nous pour mieux délivrer l’homme de cette face sombre que l’on nomme
le péché, c’est-à-dire rupture d’amour profonde entre les hommes, entre les
hommes et Dieu.
D’alliance en rupture d’alliance, Dieu n’a cessé ainsi
de manifester son amour, sa patience infinie à l’égard de l’homme. Sa fidélité
n’a de pareille que notre infidélité ! Comme si Dieu se plaisait à
manifester plus de fidélité chaque fois que l’homme se montre infidèle ;
comme si Dieu se plaisait à aimer davantage encore chaque fois que l’homme se
détourne de lui, se détourne des autres. A notre grand péché fait face
l’immense amour de Dieu !
Et Dieu sans cesse appelle. Il appelle à vivre, il appelle
à aimer, il appelle à grandir dans son amour. A l’époque d’Isaïe, alors que le
peuple est enfin rentré d’exil, les pauvres sont à nouveau exclus,
marginalisés. Le peuple aurait-il déjà oublié l’expérience douloureuse où il
n’était qu’un pauvre en terre étrangère ? Dieu envoie son prophète appeler
les hommes à plus de justice : lui-même viendra rétablir cette
justice ; lui-même viendra délivrer
les prisonniers ; lui-même viendra proclamer
une année de bienfait, une année jubilaire où les dettes seront remises, ou
le pauvre pourra redresser la tête et retrouver sa dignité. Le Seigneur Dieu fera germer la justice et
la louange devant toutes les nations.
Marie, dans sa prière du Magnificat que la liturgie de
ce jour nous a fait entendre, avait bien saisi cette grande fidélité de Dieu à
son dessein d’amour. Son chant est une proclamation des merveilles de Dieu à
l’égard de son peuple : Il comble de
biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son
serviteur, il se souvient de son amour. Jamais la fidélité de Dieu à son
Alliance n’avait été ainsi chantée. Et chaque fois que nous reprenons ce
cantique, nous disons notre foi en cette fidélité, notre foi en l’agir de Dieu
au cœur de la vie humaine.
Jean le Baptiste renvoie lui-aussi à cette fidélité de
Dieu les hommes qui courent vers lui. Il aurait pu jouer la vedette, profiter
du courant de sympathie que suscitait sa prédication. Il a préféré renvoyer
vers un autre, vers le Tout-Autre, celui qui est déjà là, au milieu de nous,
mais que nous ne connaissons pas : moi,
je vous baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne
connaissez pas : c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne
de délier la courroie de sa sandale. C’est lui qui réalisera la fidélité de
Dieu. C’est lui qui nous appellera à emprunter à sa suite, résolument, le
chemin qui mène au Père, en passant par les frères. C’est pour lui qu’il nous faut aplanir les
routes de nos vies.
Dieu est fidèle, il nous appelle : il réalisera
tout ce que le Christ a annoncé. Saint Paul s’en porte garant. C’est pour cela que
nous devons être heureux, être dans la joie. Parce que nous portons, dans la
foi, la certitude d’être sauvés ; parce que nous avons, au plus profond de
nous, la certitude d’être accompagné de l’Esprit Saint, pour réussir nos routes
humaines à la rencontre de Dieu et de nos frères. Dieu est fidèle, il nous
appelle : à nous d’apprendre à l’accueillir ; à nous d’apprendre
comment lui répondre, dans la joie et la foi, en fidélité à cette Alliance qui
nous unit à lui. Amen.
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