Avec ce septième dimanche de Pâques, nous
terminons la méditation du livre de l’Apocalypse. Nous en avons entendu les
derniers versets nous annoncer le retour du Christ, commencement et fin de toutes choses. Il vient récapituler l’Histoire
des hommes, la mener à son achèvement.
Si vous avez pris le temps, durant ce
temps de Pâques, de lire la totalité de ce livre, vous aurez compris que cet
achèvement est en fait un commencement. Le commencement de la communion
retrouvée entre l’homme et Dieu, le commencement de ce que l’histoire des
hommes n’aurait jamais dû cesser d’être s’il n’y avait pas eu la chute d’Adam
et d’Eve, nos premiers parents ; le commencement de ce que notre propre
histoire personnelle avec Dieu aurait dû être depuis notre baptême, quand Dieu nous
a rachetés à grand prix, nous faisant participer à la mort et à la résurrection
du Christ. Le commencement d’une vie dans laquelle l’homme et Dieu partagent
une même vision, le commencement d’une vie où projet de Dieu et projet de l’homme
ne font qu’un. Ce livre nous rappelle alors que notre vie a un sens, qu’elle
est orientée vers ce jour où, comme jadis au jardin de la Genèse, nous verrons Dieu
face à face. Notre vie est destinée à être libre de toute entrave du Mal, libre
de toute entrave de la Mort. Notre vie n’est vraiment la Vie, qu’ancrée en Dieu.
Si vous avez été attentifs à cette lecture
de l’Apocalypse, vous aurez remarqué que ce retour du Christ s’accompagne d’une
béatitude : Heureux ceux qui lavent
leurs vêtements [dans le sang de l’Agneau, comme le rapportait la vision entendue
au quatrième dimanche de Pâques] : ils
auront droit d’accès à l’arbre de la vie. Nous pourrions dire que la boucle
est bouclée, pour peu que nous nous souvenions de la parole prononcée par Dieu au
moment de la chute de nos premiers parents : Voilà que l’homme est devenu l’un de nous par la connaissance du bien
et du mal ! Maintenant, ne permettons pas qu’il avance la main, qu’il ne
cueille aussi le fruit de l’arbre de vie, qu’il en mange et vive éternellement.
Ce qui était interdit à l’homme lui devient possible, pour peu qu’il ait
passé la grande épreuve avec le Christ, pour peu qu’il ait passé avec lui la
mort. L’homme, sauvé par le Christ, est fait pour la vie, pour la vie en
plénitude. Voilà l’heureuse nouvelle dont les chrétiens sont dépositaires ;
voilà l’heureuse nouvelle que nous devons découvrir par l’écoute de la Parole
et transmettre au monde. Dans un monde secoué, en crise, il n’est rien de plus
urgent à faire découvrir pour rendre aux hommes une espérance. Dans un monde en
proie à la violence, il n’est rien de plus urgent à proclamer : l’homme n’est
pas fait pour la mort, il est fait pour la vie avec Dieu. Il n’y a pas d’autre
issue possible si nous ne voulons pas nous abimer dans des guerres sans fin. Il
s’agit bien de retrouver le goût de la grandeur de l’homme ; il s’agit
bien de retrouver le goût de la fraternité que Caïn avait supprimé en tuant son
frère Abel ; il s’agit de retrouver le goût de l’éternité.
Nous pouvons comprendre alors que le livre
de l’Apocalypse n’était définitivement pas donné pour nous faire peur, mais
pour réveiller notre conscience de ce que nous sommes réellement : nous
sommes des hommes et des femmes désirés par Dieu, pour vivre avec lui. Oui, Dieu
a voulu avoir besoin de nous ; Dieu nous a voulu, en sa bonté, comme
partenaires d’une alliance éternelle, pour une vie de bonheur et de sainteté. Devant
la connaissance d’un tel projet, nous pouvons entendre l’Esprit et l’Epouse (autrement dit l’Eglise) dire au Christ :
Viens ! Et nous pouvons entendre
la nécessité pour nous de dire pareillement au Christ : Viens ! Comment, devant la promesse
d’un tel bonheur, ne pas vouloir qu’il s’accomplisse ? Comment, devant la
promesse d’un tel bonheur, ne pas vouloir hâter cette venue en appelant du fond
du cœur : Viens !? Pour que
ce désir devienne réalité en nous, il nous faut nous ouvrir à l’Esprit Saint :
c’est lui qui poussera avec nous ce cri de notre désir : Viens !
Nous mesurons bien alors la profondeur et
la réalité du désir de Dieu que nous vivions avec lui, puisque non seulement il
nous a envoyé son Fils et l’a livré pour notre salut ; mais maintenant que
son Fils s’en est retourné partager la gloire de son Père, il nous donne l’Esprit
Saint, celui qui nous fait tout comprendre, celui qui nous permet de dire à Dieu :
Abba ! Père, celui qui, avec l’Eglise,
dit au Christ : Viens ! Comment
exprimer mieux que notre vie vient de Dieu, qu’elle est pour Dieu, qu’elle est
en Dieu ? Saint Paul l’a rappelé jadis aux chrétiens de Rome : Quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait
tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son
amour. Quand les hommes aiment Dieu : aimes-tu suffisamment Dieu pour
désir son retour ? Que cette semaine qui nous sépare de la Pentecôte soit
pour nous l’occasion de demander une présence renouvelée de l’Esprit au cœur même
de notre vie, pour que nous puissions dire en vérité : Viens, Seigneur Jésus ! Viens ! Amen.
(Icône de Armia El Katcha, St Jean à Patmos)
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