Tout un dimanche pour fêter le sacrement
de l’Eucharistie : voilà ce que nous offre cette fête du Corps et du Sang
du Christ. Un dimanche pour approfondir notre foi, pour adorer le Christ
présent réellement dans le Pain eucharistique, d’où les adorations et les
processions qui renaissent un peu partout dans nos paroisses. Si nous en avions
perdu le goût, peut-être nous faudra-t-il y réfléchir pour l’avenir et pas
seulement nous contenter de courir les « fêtes – Dieu » allemandes et
revenir en disant : ah que c’était beau ! Parce que la vocation
première de ces manifestations festives autour de l’eucharistie n’est pas qu’elles
soient belles et folkloriques. Leur raison d’être est peut-être d’abord de nous
rappeler que l’eucharistie, selon la formule du Concile Vatican II, est la
source et le sommet de la vie chrétienne, donc source et sommet de notre foi.
Elle est la source de notre foi et de
notre vie parce qu’elle nous renvoie au sacrifice de Jésus. Là naît notre
attachement au Christ Sauveur et notre vie avec lui. Là naît pour les croyants
au Christ la nécessité de s’unir à ce sacrifice par sa célébration rituelle.
L’ordre donné par Jésus lui-même au soir du Jeudi Saint ne manque pas de clarté
à ce sujet : Faites cela en mémoire
de moi. Et nous avons entendu Paul
redire aux chrétiens de Corinthe toute l’importance de ce sacrement : chaque fois que vous mangez ce pain et que
vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il
vienne. Chaque eucharistie célébrée est donc une commémoration de cet
unique sacrifice du Christ, quand il s’offre sur la croix pour notre salut. Et
l’Eglise ne saurait se priver de cette célébration, parce qu’elle se priverait
de ce lien unique à Jésus qui se livre par amour pour nous. Célébrer
l’eucharistie revient à sans cesse plonger au cœur de notre foi, pour puiser à
cette source la nourriture nécessaire pour progresser et tenir bon en Christ,
et en recevoir la force nécessaire pour vivre notre foi au quotidien. Parce que
l’eucharistie est bien notre nourriture, donnée par Dieu, pour que nous ne
manquions de rien. Nous ne saurions, sans risque majeur, nous en priver de
manière continue.
Si elle est la source de notre foi et de
notre vie chrétienne, elle en est aussi le sommet parce qu’il n’y a rien de
plus grand et de plus beau que de communier au Christ et l’accueillir ainsi au
cœur même de notre vie. Ce morceau de pain partagé, c’est le corps du Christ,
mort et ressuscité pour nous. L’eucharistie célébrée, c’est la rencontre avec
Dieu Père, qui nous parle dans son Fils, qui se livre à nous dans la puissance
de l’Esprit Saint. Elle est le sommet de notre foi et de notre vie parce
qu’elle anticipe cette rencontre face à face que nous espérons dans le Royaume
à venir. Elle est un avant-goût de la grande fête que Dieu lui-même nous
prépare dans son Royaume, quand le Christ reviendra dans sa gloire. Elle est
proclamation du pardon des péchés, écoute de la Parole de Dieu, union intime
avec le Christ Sauveur. Elle est don gratuit et sans cesse renouvelé de la
grâce de Dieu. Dieu ne saurait nous faire cadeau plus grand que celui-ci, qui
nous unit intimement au Christ et à nos frères en Christ. En accueillant le
pain rompu, j’accueille l’amour de Dieu pour moi, j’accueille la vie de Dieu en
moi pour qu’ils me tournent vers mes frères en humanité. Il n’est plus question
ici de savoir si j’aime ou pas les autres ; il est question d’accueillir
la vie de Dieu pour la transmettre aux autres par mon témoignage de vie.
Communier n’est pas un acte individuel ou égoïste ; c’est un acte
hautement communautaire puisqu’il renforce l’unité entre les croyants qui
communient au même Corps.
Oui, l’eucharistie est source et sommet de
notre foi et de notre vie chrétienne parce qu’elle initie tout et qu’elle
récapitule tout. D’où l’insistance de l’Eglise au sujet de l’obligation
dominicale. Elle n’est pas à comprendre comme une obligation contrainte au sens
où tu n’as pas d’autre choix, mais comme une obligation vitale au sens où sans
l’eucharistie, la vie chrétienne s’affaiblit et finit par mourir. Elle devrait
être pour nous cette obligation amoureuse qui nous fait surmonter tous les
obstacles qui se dressent entre elle et nous, pour aller à la rencontre de
l’être aimé. Nous devrions être convaincus que nous ne pourrons jamais
connaître de joie plus grande que celle que procure la célébration de
l’eucharistie. Ici tout est dit ; ici tout est offert ; ici tout est
amour ; ici se trouve la plus grande proximité possible sur notre terre avec
le Christ et avec chacun de ceux qu’il met sur notre route. Ici le ciel rejoint
la terre ; ici les hommes chantent avec les anges. Ici le Dieu fait homme
donne à l’homme de devenir Dieu ; ici l’homme et Dieu sont unis. Il n’y a
rien de plus beau ; il n’y a rien de plus grand.
Quand nous comprenons que l’eucharistie
est la source et le sommet de notre foi et de notre vie chrétienne, nous
comprenons aussi la vacuité de l’expression « croyant non
pratiquant ». Elle comporte en elle-même une erreur fondamentale puisque
je ne puis être croyant pour moi. Je ne suis croyant que relié à l’Eglise, la
communauté croyante rassemblée par Dieu. Si Jésus lui-même dans l’Evangile n’a
pu renvoyer la foule, c’est parce qu’elle était un signe du Royaume :
l’humanité rassemblée autour du Christ qui enseigne, guérit, nourrit et sauve.
Se dire croyant non pratiquant, n’est-ce pas renvoyer la foule de notre vie et
s’illusionner d’un lien solitaire avec le Christ venu pour tous les
hommes ?
Puisse cette fête du Corps et du Sang du
Christ nous unir toujours plus aux autres, en Eglise, en nous unissant
davantage au Christ, lui qui est le début et le terme de notre foi, l’Alpha et
l’Omega de notre vie. Ainsi nous deviendrons ce que nous recevons dans notre
communion : le Corps du Christ à jamais vivant. Amen.
(Dessin de M. Leiterer)
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