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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 29 avril 2023

4ème dimanche de Pâques A - 30 avril 2023

 Jésus, le bon Berger qui veille sur nous.






 

 

            Une fois n’est pas coutume : j’ai un problème avec la Parole de Dieu de ce dimanche, au moins avec une lecture, celle extraite de la première lettre de Pierre. Avez-vous bien entendu ce qu’elle nous a dit ? Et surtout, comment l’avez-vous compris ? Je vous relis le début : Si vous supportez la souffrance pour avoir fait du bien, c’est une grâce aux yeux de Dieu. A lire trop vite, à sortir surtout cette phrase de tout le texte pour la mettre en exergue, nous pourrions très vite croire que cela plaît à Dieu que nous souffrions, surtout si on lit le verset suivant : C’est bien à cela que vous avez été appelés, car c’est pour vous que le Christ a souffert. Qui parmi vous a compris ainsi ? Vous comprenez mon problème avec ce passage, d’autant plus que les deux dimanches précédents, cette même lettre nous rappelait d’abord que nous étions héritiers de Dieu, par le Christ qui a livré sa vie pour nous, et que nous avions du prix aux yeux de Dieu, le prix élevé de la vie de Jésus, livré sur la croix. Si le début de la lettre dit vrai, peut-elle soudainement nous dire que pour plaire à Dieu nous devons souffrir, parce que Jésus a souffert pour nous, par nous ? Si nous sommes héritiers de Dieu et de son Royaume, comment Dieu peut-il exiger de nous que nous souffrions ? Cela n’aurait aucun sens ! 

            Vous comprenez bien, j’espère, qu’il n’est ni possible d’énoncer les choses ainsi, ni possible de les croire. Après la Passion de Jésus, après le prix élevé de notre rachat, Dieu ne peut pas exiger que nous souffrions ce que le Christ a souffert. La souffrance du Christ a suffi à nous obtenir le salut ; il n’est pas nécessaire de souffrir à notre tour, de rajouter encore aux souffrances du Christ, ou alors la Passion n’a pas de valeur.  Ce que Pierre nous dit, me semble-t-il, c’est que nous pouvons supporter de souffrir pour avoir fait du bien par une grâce venant de Dieu. Ou pour le dire autrement, Dieu nous donne la grâce (les moyens) de supporter la souffrance qui se présente dans notre vie, en nous faisant contempler et méditer la Passion de Jésus. Et cela change tout. Même dans les moments difficiles de notre existence, même dans les moments que nous estimons injustes, nous devons garder notre regard tourné vers le Christ, notre berger, le gardien de nos âmes. En fait, tout ce passage est une invitation à la confiance en Dieu qui jamais ne nous abandonne, même si nous pouvons avoir l’impression du contraire. Quand tout va mal, ne te demande pas ce que tu as fait au bon Dieu pour mériter cela, mais… souviens-toi que Dieu a livré son Fils pour ton salut. Quand tout n’est qu’injustice autour de toi, regarde Jésus. C’est pour toi qu’il a souffert. Et dans sa Passion, il devient le modèle de tout croyant qui doit affronter l’injustice dans sa vie. Lui qui n’a pas commis de péché, dans sa bouche, on n’a pas trouvé de mensonge. Insulté, il ne rendait pas l’insulte, dans la souffrance, il ne menaçait pas, mais il s’abandonnait à Celui qui juge avec justice. Bien loin de justifier la souffrance, ce texte nous invite à la combattre avec les mêmes armes que le Christ : ne pas rendre le mal pour le mal, ne pas rajouter de souffrance là où il y en a déjà, tenir bon dans la souffrance parce que Dieu est un juge juste. Et au final, c’est son jugement seul qui compte. 

            Je peux maintenant reprendre le verset qui m’a fait difficulté et celui qui le suit, et faire un pas de plus. Ecoutez à nouveau : Si vous supportez la souffrance pour avoir fait le bien, c’est une grâce aux yeux de Dieu. C’est bien à cela que vous avez été appelés, car c’est pour vous que le Christ a souffert. Une lecture trop rapide pourrait à nouveau faire comprendre que nous avons été appelés à souffrir. Puisque nous savons maintenant que nous devons affronter la souffrance avec le Christ qui a souffert pour nous, nous devons alors nous souvenir de ce que la Parole de Dieu nous dit au moment de Noël : elle nous dit que Dieu a envoyé Jésus dans le monde pour sauver le monde ; il ne l’a pas envoyé pour souffrir dans le monde. De même, nous ne sommes pas appelés à souffrir, mais à faire le bien. Et si lorsque nous faisons le bien, certains nous font souffrir, alors souvenons-nous de Jésus qui, pour sauver le monde, a dû offrir sa vie et souffrir la Croix. Ce n’est pas parce que des gens nous font souffrir que nous pouvons renoncer à faire le bien. Faire le bien est notre vocation, comme héritiers de Dieu ! Là encore, Jésus est notre modèle, notre berger, c'est-à-dire celui qui nous montre le chemin à suivre. C’est le chemin du bien, en toutes choses, malgré les obstacles, malgré les souffrances que cela peut engendrer. Nous ne souffrons pas pour faire du bien ; nous faisons le bien, et quelquefois cela peut entraîner dans notre vie une part de souffrance, que nous vivrons alors à l’exemple du Christ. Mais nous ne renoncerons pas au bien à faire, nous ne renoncerons pas à imiter le Christ dans ce qui a été l’essentiel de sa vie terrestre : il est passé en faisant le bien, en guérissant, en sauvant, en annonçant le Royaume de Dieu. Héritiers de Dieu avec le Christ, c’est cela notre vocation première ! Il ne saurait en être autrement ! 

            En ce dimanche du Bon Pasteur, dimanche des vocations, demandons à Dieu la grâce d’accomplir cette vocation première : faire le bien. Les vocations particulières auxquelles nous sommes appelés ne sont qu’une mise en œuvre circonstanciée de cette vocation au bien. Que ce soit la vie matrimoniale, la vie sacerdotale, la vie religieuse, ou tout autre chemin que Dieu nous appelle à vivre, ils ne seront jamais que des chemins particuliers pour nous permettre de faire le plus grand bien possible. Que cela soit toujours l’horizon de notre vie. Amen.

samedi 22 avril 2023

3ème dimanche de Pâques A - 23 avril 2023

 Jésus, celui qui nous donne du prix aux yeux de Dieu.





 

 

 

            Chaque année, le temps pascal nous donne de lire en continu une lettre d’Apôtre. Cette année, c’est la première lettre de Pierre, une lettre écrite pour des chrétiens dispersés, marginalisés. En cela, elle peut nous intéresser et nous permettre de découvrir toujours mieux qui est le Christ pour nous. Après nous avoir rappelé dimanche passé que Jésus, mort et ressuscité, est la source de notre joie, voici que l’auteur nous fait comprendre que Jésus est celui qui nous donne du prix aux yeux de Dieu. 

            L’argumentaire du passage entendu est simple et efficace. Vous le savez : ce n’est pas par des biens corruptibles, l’argent ou l’or, que vous avez été rachetés de la conduite superficielle héritée de vos pères ; mais c’est par un sang précieux, celui d’un agneau sans défaut et sans tache, le Christ. Il faut nous souvenir ici de ce discours théologique qui fait de l’humanité l’esclave de la mort et du péché. Ce discours trouve ses racines déjà dans le Premier Testament. Par sa désobéissance au projet que Dieu portait pour lui, Adam a fait entrer le péché dans le monde. Il lui est désormais soumis. Nombreux seront les actes de Dieu qui annonceront le salut, c'est-à-dire la libération définitive de l’humanité de ce péché. Ainsi, pour ne prendre que ce texte entendu au cours de la liturgie de la nuit de Pâques, la libération d’Egypte signifie tout autant la libération de l’esclavage réel du peuple hébreu en Egypte, que sa libération des forces du mal. Mais cette libération ne fait qu’annoncer le salut définitif. Le peuple, en marche vers la terre promise, ne manquera pas de se rebeller contre Dieu à la première occasion. Le salut définitif viendra du sang versé par le Christ sur la croix. Nous n’avons pas été rachetés par de l’argent ou de l’or, mais bien par le sacrifice du Christ. Ainsi, notre prix est bien plus élevé. Tout l’or du monde n’aurait pas suffi à racheter l’humanité aux yeux de Dieu. Mais le sacrifice consenti de son Fils, voilà qui donne à Dieu notre prix. L’obéissance d’un seul pour racheter la désobéissance d’Adam qui a entrainé notre désobéissance à tous. Nous ne mesurons pas, ou nous mesurons à tout le moins mal, le prix que nous avons aux yeux de Dieu à cause de Jésus ! 

            Ce prix de rachat, donc le sang versé par Jésus pour nous sauver, entraîne notre foi, dit la lettre de Pierre : C’est par lui [Jésus] que vous croyez en Dieu, qui l’a ressuscité d’entre les morts et qui lui a donné la gloire. Notre foi repose sur cette certitude que Jésus n’a pas racheté les esclaves que nous étions pour que nous soyons esclaves de Dieu, mais pour que nous devenions des hommes et des femmes libres, désormais. Libres de vivre à la hauteur de Dieu ; libres de vivre de l’amour de Dieu ; libres de vivre enfin pour Dieu et en Dieu. Et c’est ainsi qu’il nous faut comprendre l’affirmation initiale du passage entendu aujourd’hui : Vivez dans la crainte de Dieu. Pour celles et ceux qui m’ont entendu ici même hier dire que ni Dieu, ni Jésus ne voulaient nous faire peur, il me faut préciser cette crainte pour que vous n’ayez pas l’impression que j’affirme le contraire aujourd’hui. La crainte de Dieu dont il s’agit, c’est cette reconnaissance de la bonté de Dieu envers nous, de son amour immense pour nous et notre engagement à vivre de cet amour. La crainte de Dieu est ce mouvement qui me fait me reconnaître aimé et qui m’entraîne à aimer en retour de ce même amour. Notre crainte de Dieu se vérifie donc dans notre charité. Non pas que nous aimions parce que nous avons peur de ne plus être aimés de Dieu, mais nous aimons parce que nous nous savons infiniment aimés de Dieu. La mesure de l’amour de Dieu pour nous, c’est la croix du Fils levée pour notre salut. Je redis ce que j’affirmais hier : nous n’avons pas à avoir peur de Jésus ; nous n’avons pas à avoir peur de Dieu. Nous avons à reconnaître que Dieu nous aime, et qu’il a versé un grand prix pour nous sauver : non pas de l’argent ni de l’or, mais son propre Fils, Jésus. Que vaux-tu aux yeux de Dieu ? Depuis Pâques, tu vaux le même amour qu’il porte à son Fils depuis toute éternité. Par Jésus, mort et ressuscité, il te fait fils, il te fait fille de Dieu, au même titre que Jésus. Rappelez-vous, dimanche dernier, il nous appelait les héritiers de Dieu par notre baptême. 

            Je ne peux m’empêcher de croire, en liant cet extrait de la lettre de Pierre à l’évangile des disciples d’Emmaüs, que c’est cela, entre autres choses, que Jésus leur a expliqué, chemin faisant, et qui a réchauffé leur cœur. Car seule l’affirmation de l’amour de Dieu pour nous, peut réchauffer nos cœurs refroidis par le péché et le mal. Seule l’affirmation de l’amour de Dieu pour nous peut nous faire reconnaître la valeur du sacrifice de Jésus et la puissance de vie qui est en lui depuis Pâques. C’est parce qu’il nous aime infiniment que Jésus a vaincu pour nous la mort ; c’est parce qu’il nous aime infiniment qu’il nous ouvre les portes de la vie avec Dieu pour toujours. Comme nous y invite Pierre, mettons notre foi et notre espérance en Dieu qui nous aime ainsi. E avec les disciples d’Emmaüs, avec Pierre au jour de la Pentecôte, annonçons que l’amour de Dieu pour nous n’est pas mort, mais bien vivant en Jésus, le premier-né d’entre les morts. Annonçons-le par nos mots, annonçons-le par toute notre vie. Amen. 


samedi 15 avril 2023

2ème dimanche de Pâques A - 16 avril 2023

 Jésus, mort et ressuscité, source de notre joie.





  

 

            Durant tout le temps pascal, nous entendrons, en deuxième lecture, la première lettre de Pierre, qui s’adresse à des chrétiens disséminés, persécutés ou à tout le moins marginalisés, et qui n’ont déjà plus connu Jésus de son vivant. En cela, son contenu peut nous intéresser et redonner sens à notre foi, dont il faut bien dire qu’elle est en perte de vitesse en Occident. Les chrétiens, que la France laïque essaie depuis la Révolution de marginaliser, renvoyant leur foi à la sphère strictement privée, trouveront dans cette épître de quoi redonner sens et force à leur foi, en ce temps pascal. 

            Le passage que nous avons entendu commence par une longue bénédiction qui nous redit que Dieu nous fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts. Elle donne d’emblée une tonalité pascale à cette lettre. Et il nous faut bien entendre le vocabulaire utilisé. Il est question d’abord de renaissance : le mystère pascal que nous célébrons et qui fonde notre foi, nous fait naître à l’homme nouveau grâce à la résurrection de Jésus. Cet acte radicalement nouveau a un impact direct sur notre vie. Elle en est bouleversée, renouvelée ; et c’est notre baptême qui nous rend participant de cette nouveauté. Cette renaissance nous donne accès à l’héritage (autre mot à retenir) qui nous est réservé dans les cieux. En passant la mort, en nous ouvrant à la vie nouvelle, Jésus, le Fils unique de Dieu, son héritier, fait de nous des co-héritiers. C’est dire la dignité qui est la nôtre depuis notre baptême. Et, nous dit Pierre, en vue de cet héritage, Dieu veille sur nous, il nous garde par la foi. Entendez bien et convertissez votre regard. Nous croyons souvent que c’est nous qui gardons Dieu dans notre vie par la foi qui est nôtre ; et bien non, nous dit Pierre, c’est tout le contraire : Dieu nous garde par la foi. Elle est le don par lequel nous sommes dans la main de Dieu. Parce que nous prenons conscience de ce mystère du salut opéré en Jésus, par Dieu qui nous garde, nous exultons de joie. La source de notre joie est la source de notre foi : Jésus, mort et ressuscité pour notre salut. Et cette joie est si grande qu’elle nous fait tenir dans les tribulations et les souffrances que nous pouvons connaître. 

            L’auteur ne développe pas une vision doloriste de la vie chrétienne. Il ne dit pas qu’il nous faut souffrir pour être sauvés. Il dit : lorsque vous souffrez, souvenez-vous de Jésus, mort et ressuscité pour votre vie ; en lui est le salut, en lui est votre joie, même et surtout au milieu des épreuves. Ce n’est pas un appel à être heureux parce qu’on souffre, mais un appel à vivre nos souffrances en n’oubliant pas à quoi nous sommes appelés : un héritage qui ne connaîtra ni corruption, ni souillure, ni flétrissure. La mort et la résurrection du Christ, en nous rappelant à quel héritage nous sommes promis, nous donne la force de traverser les épreuves de la vie, en conservant au fond de notre cœur la joie du salut. Il nous faut nous attacher au Christ vivant, lui que nous aimons sans l’avoir vu. Le salut n’est pas hors d’atteinte ; le salut est au bout de notre chemin de foi. Il nous est offert ; il est offert à quiconque croit que Jésus, celui qui était mort, est ressuscité et qu’il est notre vie et notre joie. J’insiste sur ce point parce que j’ai été marqué hier par la rencontre avec un homme qui est venu se confesser. Après la confession, nous avons discuté un peu ; il était anxieux au sujet de ses parents décédés, pour qui il avait fait dire de nombreuses messes. Il désirait pour eux le paradis. Seulement voilà, une « voyante » lui a dit que malgré ses nombreuses messes, ses privations offertes en sacrifice de réparation pour ses parents, ceux-ci se trouvaient toujours au purgatoire. Certes, ils avaient progressé un peu. Mais quand même, disait-il, est-ce que les messes que je fais dire servent réellement à quelque chose ? Sa foi vacillait parce que des pseudos voyants lui disaient qu’il n’en a pas fait assez pour ses parents. Il en a perdu la joie de la foi ! La lettre de Pierre nous invite au contraire à la joie et à la foi, avec la promesse du salut. Dieu nous a faits pour la vie, ici-bas certes ; mais il nous a surtout faits pour la vie avec lui dans le Royaume. C’est notre héritage ! C’est le don de notre foi aboutie ! Comment pouvons-nous douter de Dieu, de sa bonté, de son projet amoureux pour nous ? 

            Il est urgent de retrouver cette joie toute pascale. Jésus, mort et ressuscité, serait allé à la croix pour rien si cet événement unique ne transformait pas notre vie. Jésus aurait souffert pour rien si notre salut n’était pas au bout du chemin pour nous, par la foi dans laquelle Dieu lui-même nous garde. Notre baptême nous a identifiés au Christ mort et ressuscité, faisant de nous les héritiers de ce qui est à Dieu : la vie éternelle. L’eucharistie nous fait proclamer la mort et la résurrection de Jésus et notre attente de son retour dans la gloire. Elle est le sacrement qui nous donne un avant-goût de la joie qui sera nôtre au Paradis. Célébrons le Christ mort et ressuscité, et que vive notre joie, aujourd’hui et toujours, parce qu’elle est la joie de nous savoir sauvés, même quand notre vie est difficile. Amen. 


samedi 8 avril 2023

Jour de Pâques - 09 avril 2023

 Vous savez ce qui s'est passé...




 (Tableau de Sieger KÖDER, Pâques)

 

 

            

          Au cœur de notre nuit, un cri a retenti : Christ est ressuscité ! Cette joyeuse nouvelle, après les jours sombres de la Passion, en aura réjoui certains et laissé d’autres dans la perplexité. Ne croyons pas que tout fut simple. Les textes que la liturgie nous propose nous le montrent bien. 

          Si je prends les lectures dans l’ordre entendu, il me faut reconnaître que le passage des Actes des Apôtres pourrait nous induire en erreur. Entre l’événement de la Pâque et cette rencontre chez le centurion romain, il s’en est passé des choses. Cette visite n’a pas eu lieu le jour de Pâques. Pierre a eu le temps de digérer les événements, la Pentecôte a eu lieu, l’Esprit Saint lui a été donné, et avec lui, la sagesse qui vient de Dieu. Il est loin le Pierre qui a couru au tombeau le matin de Pâques et qui reste perplexe devant ce qu’il voit : les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, roulé à part à sa place. L’évangile de Jean nous montre bien qu’il n’a pas la sagacité du disciple que Jésus aimait et qui, entrant dans le tombeau et voyant la même chose, vit et cru, instantanément. La conclusion du passage entendu montre bien qu’il y aura un chemin d’intelligence à faire, même pour les disciples, pour entrer dans le mystère de la résurrection de Jésus : Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. La résurrection est, et restera, pour beaucoup, une énigme, si ce n’est une histoire à dormir debout. J’ajouterai : heureusement ! Parce que cela donne du poids et de l’épaisseur à l’acte de croire. Le Christ ressuscité se propose à ma vie, mais il me laisse libre de croire. C’est à moi de le découvrir et de comprendre ce qu’il attend de moi. Cela demande quelque effort ! 

          Pierre, qui a mis son temps à croire – au moins une course au tombeau et une apparition de Jésus le soir de ce même jour – et qui a pris un peu plus de temps pour comprendre et savoir en parler librement et sans crainte – ce qui lui a pris cinquante jours et le don de l’Esprit Saint si j’en crois les Actes des Apôtres – ce Pierre donc, nous le trouvons plein d’assurance chez Corneille quand il prend la parole. Et écoutez bien comment il commence son discours : vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean. Vous savez ce qui s’est passé ! L’histoire de Jésus n’est pas une histoire inventée, c’est une histoire qui a eu lieu et qui est connue : Jésus, là où il passait, faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui. Ce qui différencie Pierre des autres, c’est le regard qu’il porte désormais sur ces événements. Souvenez-vous de Pierre lors du procès de Jésus ; il était habité par la peur au point de renier Jésus, non pas une fois, non pas deux fois, mais bien trois fois de suite. Et maintenant, il témoigne de ce qu’il a découvert grâce à l’Esprit Saint : Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même a établi (Jésus) Juge des vivants et des morts. Vous savez ce qui s’est passé, mais jusqu’à présent vous n’aviez pas compris la nouveauté de l’œuvre de Dieu. Vous savez ce qui s’est passé, mais jusqu’à présent, vous n’aviez pas compris que Jésus, celui qui était mort, est ressuscité. 

          Vingt et un siècles plus tard, c’est toujours la même problématique qui se pose aux hommes. Nous savons ce qui s’est passé ; les témoignages ne manquent pas, ni dans les Ecritures, ni hors des Ecritures. Et pourtant, tout le monde ne porte pas le même regard sur ces événements. Plus le temps nous éloigne des événements initiaux, plus certains trouvent difficile de croire ; c’est trop beau pour être vrai ! Et puis si Jésus est ressuscité, pourquoi ma grand-mère que j’aimais tant ne l’est pas ? Il ne suffit donc pas de savoir que quelque chose a eu lieu pour croire la signification profonde de l’événement. Il faut accepter de regarder plus profond, comme le disciple que Jésus aimait quand il entre dans le tombeau à son tour. Si notre foi se fait hésitante, demandons à Dieu que la grâce de cette fête de Pâques renouvelle notre regard et nous permette d’aller en profondeur vers le sens de ces événements. Ce n’est pas grave de ne pas avoir la foi subite d’un Jean ; ce n’est pas grave s’il vous faut plus de temps que Pierre pour comprendre et croire ce que vous savez avoir eu lieu. Ce qui compte, c’est de chercher comment croire mieux ce qui est incroyable : celui qui était mort est vivant, et il nous invite à partager sa vie. Parce que oui, nous aussi, nous ressusciterons quand Dieu nous appellera à partager sa gloire. Demandons à Dieu la grâce d’entrer toujours plus dans la juste compréhension du projet de salut que Dieu porte pour l’humanité. Ce que nous comprendrons mieux, nous le croirons mieux ; ce que nous aurons cru, nous le vivrons un jour. 

          Accompagnons Pierre au tombeau et regardons. Accompagnons Pierre chez le centurion Corneille, et écoutons. Et à notre tour, témoignons de ce que nous savons s’être passé jadis. Témoignons par nos mots et par notre vie, vécue dans la puissance de la résurrection. En nous voyant vivre selon la parole du Christ, d’autres comprendront que la résurrection, ça vous change une vie, en mieux, en grand, ici et maintenant. Vivons selon ce que nous sommes déjà grâce à Jésus le premier-né d’entre les morts : vivons en hommes et en femmes libres, debout, ressuscités. Amen. 

Vigiles de Pâques - 08 avril 2023

 Jésus, le Christ, le Ressuscité.



(Tableau de Sieger KÖDER, Marie Madeleine au tombeau)



        Le propre de la célébration de la veillée pascale, c’est de nous inviter à une longue liturgie de la Parole, comprise comme une relecture lente et profonde de l’histoire de l’humanité avec Dieu. Je regrette personnellement que nous n’ayons pas l’habitude de relire la totalité des sept lectures de la Première Alliance prévues en cette nuit très sainte. Elles veulent nous permettre d’entrer dans l’attente du Messie du Dieu et dans la compréhension de qui est celui qui doit venir. Nous avons laissé Jésus au tombeau après l’office de la Passion. Nous sommes entrés dans un grand silence, et cette veillée veut nous permettre de comprendre que Jésus, le Serviteur, le Crucifié est bien, malgré les apparences, le Messie attendu, et que son histoire ne peut s’arrêter là, au fond du tombeau où nous l’avions déposé. 

Nous n’avons lu que trois extraits de la Première Alliance, mais ils nous ont permis de sentir que quelque chose s’est joué depuis la nuit des origines jusqu’à nos jours : quelque chose qui allait changer la vie des hommes, quelque chose qui allait changer notre vie. Cette chose, c’est que Dieu s’intéresse à la vie des hommes. Non seulement il est notre Créateur, celui qui nous a appelés à la vie, mais il est encore celui qui porte quotidiennement le souci de nous, le souci de chacun de nous. Quand les ténèbres de l’oppression, de la violence et de l’injustice nous écrasent, il intervient, comme il l’a fait jadis par Moïse. Il est le Dieu libérateur, le Dieu qui veut notre salut, le Dieu qui veut notre bonheur. Avec le psalmiste, nous avons raison de proclamer : Ma force et mon chant, c’est le Seigneur : il est pour moi le salut. Quand les ténèbres de l’oubli, de la méchanceté et de l’indifférence nous enveloppent, il est celui qui nous éclaire, celui qui nous appelle auprès de lui, celui qui nous pardonne ; Isaïe nous l’a rappelé. Avec le psalmiste, nous avons eu raison de chanter : Voici le Dieu qui me sauve : j’ai confiance, je n’ai plus de crainte. Quand les ténèbres de la mort et du péché ont envahi notre vie, il est celui qui nous a envoyé son Fils Jésus. Paul, dans sa belle lettre aux Romains, nous a redit sa foi, notre foi : Jésus n’est pas mort en vain, sa mise au tombeau ne signifie pas la fin de son histoire. En fait, nous dit Paul, il est mort pour notre vie. Et le baptême que nous recevons est notre participation à sa mort et à sa résurrection. En Jésus, mort et ressuscité, notre vie est transformée. Frères, nous tous qui par le baptême avons été unis au Christ Jésus, c’est à sa mort que nous avons été unis par le baptême. Si donc, par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ. Si nous comprenons bien, cela doit changer quelque chose à notre vie d’avoir été baptisé.  

Regardez ces femmes qui, de bon matin, se rendent au tombeau de Jésus. Elles assistent à un événement non ordinaire : L’ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s’assis dessus. Vous comprendrez qu’elles soient craintives. Et pourtant, une fois reçu l’annonce de la résurrection, elles repartent, vite, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle à ses disciples. Le traumatisme de la crucifixion laisse place à la joie. Elles ne seront jamais plus les mêmes. Et nous, devant l’annonce du tombeau vide et le témoignage des femmes, que vivons-nous intérieurement ? Cette résurrection de Jésus, c’est juste une belle histoire ou le cœur absolu de notre foi et donc de notre vie ? Vivons-nous en ressuscités, en hommes et en femmes libérées de la mort et du péché ? Vivons-nous en hommes et en femmes qui ont obtenu la vie éternelle par le Christ ? Pour le dire encore autrement, ça change quoi, à ma vie, que Jésus soit ressuscité des morts ? Et si je ne sais pas dire ce que cela change, est-ce qu’au moins j’ai de la reconnaissance pour cette vie éternelle qui m’est offerte sans que je n’aie rien fait pour la mériter ? Vivre une vie de ressuscité à la suite du Christ, c’est respecter la vie, toute vie ; c’est avoir le souci des autres, de tout autre ; c’est refuser le mal sous toutes ses formes ; c’est vivre dans l’esprit de l’enseignement du Christ à jamais vivant. Je ne peux pas être disciple du Ressuscité et collaborer à ce qui conduit l’humanité vers sa perte ; je ne peux pas être disciple du Ressuscité et refuser de voir en tout humain un frère ou une sœur à aimer ; je ne peux pas être disciple du Ressuscité et répandre le mal autour de moi. Je ne peux pas être disciple du Ressuscité et vivre comme si je n’étais pas déjà ressuscité, partageant la vie même de Dieu avec tous ceux et celles qu’il met sur ma route.  

La joie de cette nuit vient de l’annonce d’une bonne nouvelle : Christ est ressuscité. Cette bonne nouvelle est à partager. Les femmes revenues du tombeau s’empressent de le faire. Mais cette joie n’est pas la joie d’un instant ; elle est la joie de toute une vie, la joie de notre vie. Le meilleur moyen d’annoncer cette joie n’est pas juste de la redire, mais de la vivre : puisque le Christ est ressuscité, vivons comme des ressuscités, et nous verrons le monde devenir meilleur. Ça commence aujourd’hui ; ça commence avec chacun de nous. Amen.

vendredi 7 avril 2023

Vendredi Saint - 07 avril 2023

 Jésus, le Messie crucifié.




(Tableau de Sieger KÖDER)



 

 

            Mon serviteur réussira, dit le Seigneur. Cette prophétie d’Isaïe, reconnaissons que nous avons du mal, après le récit de la Passion, à y croire. Là, au pied de la croix, l’histoire Jésus semble belle et bien achevée, dramatiquement finie pour toujours. Et ne venons pas dire que, si nous avions assisté jadis à l’événement, que nous aurions misé une seule pièce sur la victoire de Jésus. La seule flagellation donnée par les romains (soit cinquante coups avec un fouet à deux lanières lestées de plomb ou d’os de mouton) a affaibli considérablement le corps de Jésus. Personne n’aurait misé sur sa réussite, et la condamnation à la croix aurait achevé les derniers espoirs. 

            Lorsque le prophète Isaïe prononce cet oracle, le peuple juif est en déportation à Babylone. Son histoire est finie, son alliance avec Dieu rompue ; ce peuple n’existe plus. Il connaît l’enfer de la désolation. Et c’est là que naît l’espérance d’un Messie qui va rétablir le peuple de Dieu dans ses droits. Mon serviteur réussira, dit le Seigneur. Voilà de quoi redonner espoir ; voilà de quoi réchauffer les cœurs. Le problème, c’est la suite de cet oracle : il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme… méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, … il a été broyé… il a été transpercé. Nous comprenons bien que la multitude avait été consternée en le voyant. Ils attendaient un super héros, un homme fort ; ils n’ont devant les yeux qu’un agneau conduit à l’abattoir. Et aujourd’hui, nous n’avons pas mieux. Jésus, que nous reconnaissons comme Messie, est un Messie crucifié. Nous attendions de lui monts et merveilles ; nous n’avons à contempler qu’un corps torturé, suspendu au bois de la croix, humilié comme jamais. 

            En ce Vendredi Saint, nous n’aurons que cela à adorer : un corps, mort, défiguré, abandonné. En ce Vendredi Saint, nous n’avons que nos yeux pour pleurer. En ce Vendredi Saint, notre foi en lui est mise au tombeau avec lui. Cette expérience de la désolation est nécessaire ; cette expérience de l’abandon de Dieu est cruciale ; cette expérience que tout est fini et perdu est fondamentale. Ne courrons pas trop vite vers le matin de Pâques ! Ne nous consolons pas trop vite en disant : ce n’est que passager ; dans trois jours, il ressuscitera. Ce serait comme joindre notre voix à ceux qui l’ont insulté sur la croix ; ce serait nier la nécessité de ce moment fondateur : Dieu, en Jésus, meurt sur la croix pour affronter, en notre nom, la mort éternelle. Le combat entre la mort éternelle et la vie éternelle n’a fait que commencer. Nous sommes au temps du silence et du deuil, ce temps si particulier, comme suspendu, dans l’attente de quelque chose dont on ignore tout. C’est le temps nécessaire pour que nous puissions nous interroger : avons-nous eu tort ou raison de croire en ce que Jésus a dit quand il était au milieu de nous ? Avons-nous eu tort ou raison de croire aux signes qu’il a posé et qui nous montrait la puissance de vie qui résidait en lui ? L’oracle d’Isaïe laisse entrevoir une porte de sortie quand il dit : S’il remet sa vie en sacrifice de réparation, il verra une descendance, il prolongera ses jours : par lui, ce qui plaît au Seigneur réussira. Par suite de ses tourments, il verra la lumière. 

            Comme au temps d’Isaïe, comme au temps de Jésus, il nous faut attendre dans la foi. Comme au temps d’Isaïe, comme au temps de Jésus, il nous faut apprendre à croire que tout est possible à Dieu, même l’impossible, même l’incroyable. Sans doute avons-nous vu des hommes défaits, démoralisés, reprendre force et courage. Sans doute avons-nous vu des malades retrouver la santé. Sans doute avons-nous vu des hommes lourdement blessés retrouver goût à la vie. Mais un mort revenir de chez les morts : qui l’a vu ? Un corps que la vie avait abandonné, avec certitude, retrouver la vie, qui l’a vu ? La mort n’est pas un mauvais moment à passer dont on se remet. La mort n’est pas un jeu : ni la nôtre, ni celle de Jésus. Elle est une part de notre réalité. 

            Aujourd’hui, face au corps mort de Jésus, nous ne pouvons que faire silence et nous interroger : comment avons-nous pu en venir là ? C’est la question qui revient sans cesse après chaque drame que connaît notre existence. En relisant les textes de la Première Alliance, nous pourrons trouver un chemin d’espérance, en attendant que Dieu lui-même nous redise avec force : Mon serviteur réussira ! Pour l’heure, mesurons ce que signifie la croix dans notre vie. Mesurons la grandeur de ce sacrifice. Mesurons le prix que tout humain a aux yeux de Jésus, aux yeux de Dieu. Et si nous croyons que Jésus est allé à la croix pour nous et pour tous, alors commençons comme lui à nous aimer et à aimer tous ceux qu’il met sur notre route. Ce sera notre manière de faire échouer la mort, parce que nous montrerons ainsi qu’elle n’aura pas réussi à nous entraîner dans le tombeau de la désespérance. Puisque Jésus est devenu le Messie Crucifié par amour pour nous, nous pouvons déjà vivre de lui en aimant comme lui. Toujours, et tout le monde. Amen.

jeudi 6 avril 2023

Jeudi Saint - 06 avril 2023

 Jésus, le Serviteur.




(Tableau de Sieger KÖDER, Le lavement des pieds)



 

            Il ne fait aucun doute que la figure qui parle le mieux de Jésus en ce soir du Jeudi Saint est la figure du Serviteur. L’évangile du lavement des pieds en est l’illustration parfaite. Jésus, « le Maître et le Seigneur » a pris le vêtement du service et a posé un geste familier à son époque, mais réservé à un esclave : s’abaisser devant quelqu’un pour lui laver les pieds. 

            Ce geste, il l’a posé pour être un exemple pour ses disciples. Quand Jésus leur sera enlevé, ils auront à découvrir, qu’à leur tour, ils doivent se faire serviteurs de leurs frères et sœurs en humanité. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. Nous ne pouvons donc pas échapper à cette attitude fondamentale qui nous met les uns et les autres au service. Cette attitude est d’abord une attitude profondément ministérielle. Aucun ministère ne saurait se comprendre comme un pouvoir dans l’Eglise, et quand cela fut fait, ce fut toujours une erreur qui a coûté cher à l’Eglise. Aucun évêque, aucun prêtre, aucun diacre, aucun laïc au service de l’Eglise n’est autre chose qu’un serviteur du Christ et de ses frères. Il est important que nous nous en souvenions. Et quand je dis « nous », je ne pense pas seulement aux personnes précédemment citées, mais aussi au peuple de Dieu, qui doit avoir pour eux une juste considération. Il est de bon ton de dénoncer le cléricalisme ces derniers temps ; mais il ne naît pas seulement du fait d’un mauvais positionnement des clercs et des laïcs engagés dans un service d’Eglise. Il naît aussi et surtout par le regard que les autres portent sur eux. Combien d’hommes et de femmes, croyants ou non, sont capables de porter aux ministres de l’Eglise la même considération qu’ils portent à quelqu’un qui n’exercent pas un service d’Eglise ? Demandez aux prêtres combien de personnes de leur entourage ont changé leur manière d’être avec eux sitôt qu’ils étaient ordonnés. 

            Cette attitude de service qui est au fondement de tout ministère n’est pas réservé au rapport qu’ils entretiennent avec les fidèles. C’est une attitude à avoir avec tous, croyants ou non. Servant l’Eglise, nous servons l’humanité dans sa totalité, humanité dont nous devons avoir le souci, et particulièrement le souci de son salut. Si le lavement des pieds est sans contexte le geste le plus fort qui nous rappelle ce devoir de servir, l’Eucharistie que le Christ institue en ce soir, est tout autant un appel au service. Toute eucharistie nous met en tenue de service, que nous soyons ministres de l’Eglise ou participants à l’eucharistie. Tous, nous célébrons les mystères du salut ; tous, nous sommes bénéficiaires de sa Parole, tous nous accueillons son Corps livré, tous nous sommes pareillement renvoyés vers ce qui fait notre vie. Et si les prêtres ont reçu le « pouvoir » de rendre le Christ présent par l’imposition de leurs mains et les paroles sacramentelles qui accompagnent ce geste sur le pain et le vin, c’est encore pour servir Dieu et leurs frères et sœurs. 

            Célébrer l’eucharistie, c’est célébrer le Christ qui nous sert, le premier. La table où nous sommes invités ce soir, est sa table. Le pain et le vin servis sont les signes de sa présence éternelle au milieu de nous. Je suis au milieu de vous comme celui qui sert, nous dit-il en chaque eucharistie. Notre propre service n’est qu’agitation s’il n’est pas appuyé sur le service du Christ en faveur de l’humanité. Notre devoir de service vient de ce service premier du Christ. Comment, en effet, nous dire disciples du Christ sans vivre authentiquement cette parole qu’il nous laisse ce soir : Faites ceci en mémoire de moi ? Si nous comprenons l’eucharistie comme le sacrement du service, alors célébrer l’eucharistie, c’est se mettre en tenue et en attitude de service. Il n’y a pas d’autre possibilité pour nous. Le Faites ceci en mémoire de moi et le afin que vous fassiez comme j’ai fait pour vous, signifient la même chose : l’impérieuse nécessité pour tout disciple du Christ d’être un serviteur à l’image de Jésus LE Serviteur. Le beau geste du lavement des pieds que les prêtres sont invités à refaire au cours de cette liturgie est malheureusement souvent omis parce qu’il ne se trouve personne pour accepter de se laisser faire ainsi. Or, l’attitude de serviteur commence par cette acceptation que je ne maîtrise pas toujours tout. Se laisser laver les pieds demande également un authentique sens du service, pour que la communauté dans son ensemble comprenne dans ce geste posé par le prêtre et reçu par quelques fidèles, que nous sommes un peuple de serviteurs. L’attitude de Pierre - Tu ne me laveras pas les pieds, non, jamais ! - est bien souvent la nôtre quand on nous propose de participer à ce rite pourtant parlant et marquant. Pour Pierre comme pour nous, c’est une occasion manquée d’entrer dans l’esprit de service du Christ. 

            Jésus, le Serviteur, commence ce soir son ultime chemin de service sur notre terre. Il a tout donné puisqu’il s’est donné. Et il s’est donné par amour : Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. Et nous nous souvenons alors que nous avons appris dans notre enfance que l’eucharistie était le sacrement de l’amour. Amour et service, une même réalité, tant il est vrai que celui qui n’aime pas, ne sert pas, et que celui qui ne sert pas, n’aime pas vraiment. Entrons dans ce mystère d’un Dieu qui sert l’homme par amour et à notre tour, prenons la tenue de service, aimons la tenue de service, pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Amen.

dimanche 2 avril 2023

Dimanche des Rameaux et de la Passion A - 02 avril 2023

 Jésus, un imposteur ?



(Tableau de Sieger KÖDER, Jésus est condamné)




            Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur a dit, de son vivant : « Trois jours après, je ressusciterai. » Alors donne l’ordre que le sépulcre soit surveillé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent voler le corps et ne disent au peuple : « Il est ressuscité d’entre les morts. » Cette dernière imposture serait pire que la première. Voyez comme l’humanité en veut toujours plus, éternelle insatisfaite qu’elle est ! Voyez comme les ennemis de Jésus sont si peu sûrs d’eux qu’ils vont déjà essayer d’empêcher Dieu de jouer le coup d’après, celui pour lequel tout ce que nous venons d’entendre était devenu nécessaire. 

            Parce que la résurrection de Jésus est le cœur de la foi des chrétiens, et qu’elle ne peut donc se démontrer, il y aura, heureusement, toujours la possibilité pour l’homme de refuser d’y croire. Mais faut-il pour autant prendre toutes ces précautions ? Nous avons vu les disciples de Jésus l’abandonner au moment de son arrestation. Pierre, qui suivait de loin, s’est empressé de le renier. Et chez Matthieu, il n’y a personne d’autre que des soldats au pied de la croix : de nombreuses femmes observaient de loin la mort de Jésus. Les grands-prêtres et les pharisiens n’ont rien à craindre d’elles ni des disciples, rien à craindre d’un vol hypothétique d’un cadavre. La Passion selon l’Evangile de Matthieu montre bien, me semble-t-il, que les disciples ont moins bien compris les annonces de la résurrection faites par Jésus de son vivant que les grands prêtres et les pharisiens. Les amis de Jésus ont tous fui, il meurt seul, abandonné, humilié, moqué par tous, y compris par les bandits crucifiés avec lui. Chez Matthieu, Jean et Marie ne sont pas près de la croix ; chez Matthieu, pas de bon larron pour ouvrir à une espérance en la vie plus forte que la mort. Non, chez Matthieu, ceux qui introduisent cette espérance, ce sont paradoxalement ceux qui ont voulu se débarrasser de lui. Il ne faudrait pas que les gens puissent croire que nous nous sommes trompés. Il ne faudrait pas que les gens puissent dire un jour : il est ressuscité. Il ne faudrait pas que le peuple croie que Dieu est plus fort que la mort et que celui-ci était bien son Fils. Plongés dans les ténèbres de l’ignorance, de l’aveuglement, du péché, ceux qui ont tout fait pour faire mourir Jésus, veulent se rassurer eux-mêmes d’abord : nous en sommes enfin débarrassés ! J’entends cette demande de garde comme l’ultime acte de défiance envers Dieu : qu’il vienne, s’il ose se frotter à l’armée romaine ! 

            Quand bien même l’humanité cherche à se prémunir de Dieu, il nous faudra toujours nous rendre à l’évidence : nous ne pouvons rien contre lui. Ah, nous pouvons bien refuser de croire, proclamer haut et fort qu’il n’existe pas ; cela ne l’empêche pas, Dieu, de mener son projet de salut pour les hommes à son terme. Dieu est patient avec nous ; tous les grands textes de l’Ancien Testament entendus durant ce carême nous l’ont rappelé. Dieu est puissant ; tous les Evangiles entendus durant ce carême nous l’ont démontré. Dieu est têtu ; l’histoire de tant d’hommes et de femmes que Dieu a entrainés à sa suite, nous le redisent à travers les âges. J’ai pu le vérifier il y a quelques années, lorsque curé dans la périphérie de Strasbourg, une maman est venue, dépitée, demander le baptême pour sa fille de huit ans. Comprenez, me disait-elle, nous avons tout fait pour que ce jour n’arrive pas, mais cela fait trois ans qu’elle nous casse les oreilles avec sa demande de baptême : mon mari et moi rendons les armes ; qu’elle soit baptisée puisqu’elle y tient ! Vous pourrez tous les garde-fous possibles et imaginables ; quand Dieu entre dans la vie de quelqu’un, ce ne sont que pailles et poussière ; ils disparaissent quand souffle le vent de l’Esprit. Vous pouvez enfermer Jésus dans le tombeau de votre mémoire ; il en sortira toujours. Vous pouvez essayer d’empêcher Dieu de réaliser son projet de salut, projet de vie pour tous les hommes ; vous échouerez toujours. Personne ne peut enfermer Jésus dans un tombeau ; la mort elle-même a échoué. Ne faites donc pas comme les grands prêtres et les pharisiens ; ne cherchez pas quel est le moyen le plus sûr d’éviter Dieu ! Si vous ne croyez pas en lui, si vous ne croyez pas en son projet de salut pour vous, soit, vous en avez le droit. Mais ce n’est pas Jésus que vous enfermez dans un tombeau sous bonne garde ; c’est vous-mêmes qui vous enfermez dans le tombeau de l’ignorance et du refus de Dieu, dans le tombeau du refus de la vie et de l’amour que Dieu veut pour vous. 

            Jésus n’est pas un imposteur ; ce qu’il a dit, il le fera. Ce ne sont pas quelques gardes qui vont l’en empêcher. Les imposteurs sont ceux qui ont ourdi ce procès ; les imposteurs sont ceux qui ont refusé que la vie triomphe. Les imposteurs sont ceux qui cherchent comment se prémunir de l’œuvre de Dieu. Les disciples qui ont accompagné Jésus durant son ministère savent au fond d’eux-mêmes qui est Jésus, même si les événements de la Passion les ont plongés dans la peur. Les foules qui ont acclamé Jésus quand il est arrivé à Jérusalem avaient compris qui est Jésus, sinon elles ne l’auraient pas accompagné en criant : Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Le centurion et ses hommes qui gardaient Jésus, ont fini par reconnaître, à la mort de Jésus que vraiment, celui-ci était Fils de Dieu ! Nous pourrons bien crier à l’imposteur avec les grands prêtres et les pharisiens ; soyons juste conscients que ce n’est pas sur lui, mais sur nous, que nous refermerons le tombeau de l’ignorance, le tombeau du refus de la présence de Dieu dans notre vie. 

            Parce que Dieu nous aime et qu’il veut votre salut, il nous offre à nouveau cette semaine sainte pour revivre les derniers instants marquant de la vie de Jésus. De son entrée triomphale à Jérusalem à sa mort en croix, en passant par son dernier repas, tout nous est révélé à nouveau pour que nous puissions, au matin de Pâques entrer, ou non, dans la joie renouvelée d’une vie plus forte que la mort. A nous de revivre ces événements avec Jésus pour pouvoir nous prononcer en vérité sur Lui au matin de Pâques. Prenons le temps de cette route ultime ; prenons le temps que Dieu nous offre ; n’en ratons rien ; il y va de notre vie. Amen.