Avez-vous
bien compris ce que nous dit le prophète Baruc ? Il annonce le salut de
son peuple. Il parle du rassemblement, à Jérusalem, du peuple juif
dispersé de par le monde. Ce retour, Dieu l’opèrera. Car il se souvient de son
peuple et n’oublie pas la promesse faite aux Pères de veiller et de faire
grandir ce peuple qu’il s’est choisi. L’histoire, avec la chute de Jérusalem et
l’exil à Babylone, semblait lui avoir donné tort, mais Dieu n’a pas dit son
dernier mot. Il ramènera à lui, en sa maison, ceux qui ont été dispersés dans
la nuit de l’Exil. Dieu rassemblera parce que Dieu le veut : et ce que
Dieu veut, Dieu le fait ! Les obstacles qui se présentent, il les
renverse : c’est lui qui prépare la route du retour ; c’est lui
qui abaisse les collines et les montagnes, c’est lui qui comble les
ravins pour que son peuple avance, libre et en sécurité, vers la nouvelle
Jérusalem, terre de paix et de justice, gloire du Dieu vivant. Dieu ouvre la
voie !
Avez-vous
bien compris ce qu’annonce Jean le Baptiste dans l’évangile de ce dimanche
? Lui aussi parle de chemin, lui aussi prophétise que les montagnes devront
être abaissées, que les ravins devront être comblés. Mais il y a cette petite
différence : c’est à l’homme de préparer, semble-t-il, la route au
Seigneur ! Aurait-il mal compris son prédécesseur ? Un moine copiste
aurait-il commis quelque erreur de transcription, au temps jadis ? D’où
vient cette subite inversion des rôles ? Je n’ai pas de réponse à cette
question. Je constate simplement que là où Baruc annonçait que Dieu préparerait
le chemin de son peuple, Jean le Baptiste invite le peuple à préparer le chemin
du Seigneur ! Est-ce si différent ? Lorsque le Baptiste nous invite
ainsi à la conversion, en nous demandant de préparer la route au Seigneur, il
rappelle que l’homme doit faire à Dieu une place dans sa vie. Quand une vie
d’homme est remplie d’activités aussi inutiles qu’indispensables, lorsqu’il
constate au milieu de son agitation que cela n’a que peu de sens, peut-être
doit-il alors réentendre l’appel de Jean à faire une place à Dieu. Peut-être le
moment est-il venu de remettre au cœur de sa vie celui qui donne sens. Mais
pour que Dieu puisse prendre sa place, il faut que l’homme libère de la place,
laisse des choses futiles pour que l’unique Essentiel puisse donner sens à sa
vie. Préparer le chemin du Seigneur, ce n’est pas abattre les montagnes, ni
combler les ravins, ni aplanir les routes déformées : ce travail-là, c’est
celui de Dieu. Lui seul, selon Baruc et selon Jean le Baptiste qui reprend le
prophète Isaïe, peut réaliser l’impossible. Vous aurez noté que Jean ne dit
pas : aplanissez les chemins, mais bien les chemins seront
aplanis ! sous entendu par
Dieu. Mais l’homme a sa part de travail dans ce processus de conversion :
il doit préparer la route au Seigneur, il doit creuser en lui le désir de Dieu,
le désir de voir Dieu lui venir en aide, le désir de voir Dieu donner sens à sa
vie. Préparer la route au Seigneur, pour que le Seigneur puisse achever l’œuvre
de conversion. Une conversion qui ne s’appuierait pas sur Dieu serait vouée à
l’échec : lui seul peut retourner totalement un cœur, mais il faut que le
cœur ait en lui ce désir ; il faut que le cœur ait le désir d’être sauvé.
Il
n’y a donc pas à opposer Jean le Baptiste et Baruc. Avec eux, nous comprenons
que Dieu est notre chemin et notre salut. Parce que, s’il est bien celui qui
nous guide, il est bien aussi celui qui nous sauve. Et le Christ, que nous
attendons et dont nous préparons la venue en ce temps de l’Avent, est bien
celui qui pourra nous mener à cette joie du Royaume qui nous est promise.
N’est-il pas, celui qui vient, la parole ultime de Dieu sur l’homme, sur le
sens de sa vie et sur Dieu lui-même ? N’est-il pas, celui qui vient, le
Chemin qui mène à Dieu, la Vérité sur Dieu, la Vie même de Dieu ? Laissons
à Dieu toute sa place dans notre vie pour qu’il prépare lui-même nos cœurs à la
rencontre avec celui qu’il nous envoie. Si Dieu le Père ne met pas en nous le
désir de le rencontrer, si l’Esprit ne souffle pas en nous pour nous permettre
d’entendre, de voir et de comprendre, comment le Christ pourra-t-il accomplir
l’œuvre de salut pour laquelle justement il vient en notre monde ? Comment
reconnaître en lui le chemin qui mène à Dieu, si Dieu lui-même n’a pas levé
tous les obstacles qui empêchent cette rencontre ?
Préparez le chemin du Seigneur, annonçait le Baptiste ! Ce faisant, il a mis
les hommes de son temps en route, très concrètement. Le salut, la foi,
passeront toujours par les pieds. Si je refuse de me mettre en route, si je ne
veux pas suivre le Christ, il n’y aura pas de part pour moi dans le Royaume de
Dieu. L’histoire de l’Alliance est un long pèlerinage menant les hommes à la
rencontre de leur Seigneur. Que nous
soit accordée la grâce de nous mettre joyeusement en route à la suite de celui
qui vient, à la rencontre du Dieu vivant et vrai ! AMEN.
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