Reconnaissons-le : l’évangile que je
viens de proclamer n’est pas banal et nous ne l’entendons pas souvent. Pour
certains, il peut même avoir un côté ennuyeux et répétitif avec cette longue
généalogie qui semble ne pas finir. Mais en cette messe de la veille au soir de
Noël, je trouve qu’il résonne tout particulièrement bien. Pour deux raisons.
La première, et c’est cette longue
généalogie de Jésus qui nous le rappelle, c’est que cette page d’évangile
inscrit bien Jésus dans l’Histoire des hommes. Remontant jusqu’à Abraham, et
passant par tous les moments importants de l’histoire du peuple de l’Alliance,
cette généalogie fait de Jésus l’héritier des promesses faites par Dieu tout au
long de son alliance. Si vous prenez le temps de lire ce commencement de l’évangile
de Matthieu et de le méditer, vous verrez défiler devant vos yeux toutes les
riches pages de cette alliance, avec ses moments de clarté comme avec ses
moments de doute, de trahison et d’oubli de Dieu. En cette veille de Noël, il
est bon de nous rappeler que cette histoire de Jésus est aussi notre histoire.
Quand il vient dans le monde, quand il s’inscrit ainsi dans l’histoire des
hommes, c’est dans notre monde qu’il vient, c’est dans notre histoire qu’il
s’inscrit. Nous ne nous souvenons pas d’une vieille histoire, ce soir ;
nous relisons notre histoire pour y découvrir l’irruption de Dieu en Jésus.
Oui, c’est bien pour nous qu’il vient dans le monde ! Si vous en avez
l’occasion, faites donc le tour des crèches de notre communauté de paroisses et
regardez bien l’Enfant Jésus. Il est très différent d’une église à l’autre.
Dans certains lieux, il est heureux, dans d’autres, il est plus dubitatif, pour
ne pas dire triste. Il est à l’image de nos vies : quelquefois heureuses,
quelquefois plus lourdes. Quelle que soit notre vie en ce soir, heureuse ou
plus triste, Jésus vient pour nous. Il vient dans notre région marquée
récemment par l’attentat meurtrier de Strasbourg pour apporter lumière et paix
à nous qui pouvons raisonnablement douter de l’homme et de sa capacité à
vaincre le Mal. La naissance de Jésus vient nous redire que Dieu ne saurait se
satisfaire de ces poussées de violence et qu’il intervient en faveur de ceux
qui en sont victimes. La naissance de Jésus vient ouvrir une brèche dans les
murs de violence, de refus de l’autre, d’exclusion. Il vient nous dire que Dieu
se range définitivement aux côtés de tous ceux et celles qui souffrent.
La deuxième raison qui justifie la
proclamation de cette page d’évangile, c’est la présence de Joseph, non pas
comme un faire-valoir, mais comme l’acteur principal de cette scène. Matthieu
nous rappelle les qualités humaines de Joseph : il était un homme juste. Quand il apprend la grossesse de Marie, il ne
veut pas la faire souffrir, ni la mettre au ban de la société. Il décide de la répudier en secret. Peut-il
montrer davantage son amour pour celle qui lui était promise ? Avant qu’il
n’ait pu mettre son projet à exécution, voilà que l’ange du Seigneur
intervient. Il révèle à Joseph le projet de Dieu comme il l’avait révélé à
Marie. En fait, cette page d’évangile, c’est l’annonciation de Joseph. Il doit
décider s’il s’ouvre au désir de Dieu et offre aux hommes la chance d’un salut.
Il doit consentir à devenir lui-aussi le serviteur de Dieu, qui accepte sans
trop comprendre, sans trop savoir ce que cela va donner. En faisant ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit,
Joseph nous offre à tous la chance d’être sauvés. Et il nous invite à entrer
nous aussi dans le projet de Dieu. Nous serions bien ingrats envers Joseph si
nous ne faisions pas effort pour laisser Dieu guider notre vie. Joseph n’a
peut-être pas conçu Jésus, mais à ce moment-là, il devient son père ; il
prend sur lui la responsabilité d’accueillir cet enfant qui vient de Dieu et de
l’inscrire dans cette longue histoire que la généalogie évoquait. Désormais, le
projet de Dieu n’est plus seulement le projet de Marie ; il devient le
projet de Joseph, le projet d’un couple, le projet d’une famille. Venu au monde
dans cette famille-là, rien ne pourra détourner Jésus de sa mission. Dieu a
donné à son Fils, Dieu-fait-homme, une famille humaine toute tournée vers Dieu,
une famille où l’homme vit Dieu ! Dieu et l’homme se rejoignent non
seulement en Jésus, vrai Dieu et vrai homme, mais aussi en Marie et Joseph, pleinement
acquis au projet de salut de Dieu. Quand on comprend mieux l’importance de
cette page d’évangile, on comprend moins que certains oublient Joseph.
Au cœur de cette nuit, nous
accueillerons l’Enfant-Dieu. Au cœur de cette nuit, nous aurons à faire un
choix, comme Marie, comme Joseph. Accueillerons-nous Dieu qui se donne à son
peuple, qui se donne à nous ? Ouvrirons-nous notre cœur au projet que Dieu
porte pour chacun de nous ? Notre présence ici, en cette veille de Noël,
se veut déjà une réponse. Emportons avec nous un avant-goût de cette joie de
Noël, dans la certitude que Dieu veut notre vie et notre bonheur. Amen.
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