De quoi nous parle la Bible, si ce n’est
d’histoires de familles ? D’Adam et Eve à Marie, Joseph et Jésus, en
passant par Abraham et tous les autres, il n’est question que de familles. Notre
première lecture s’en fait l’écho en nous parlant d’Elcana et Anne qui vont
donner naissance au petit Samuel. La Bible peut dire : Familles, je vous
aime ! Au-delà du slogan, il y a une réalité plus grande encore qui anime
tous les écrivains bibliques : faire comprendre à leurs lecteurs qu’ils
sont invités à prendre leur place dans cette grande famille, car l’Alliance que
Dieu propose concerne tout homme.
Les familles dont nous parle la
Bible sont loin d’être exemplaires en toutes choses. On y connaît la jalousie
(Caïn et Abel, mais aussi Esaü et Jacob), le meurtre, l’infidélité, les
rivalités, les difficultés et les joies des familles ordinaires. Il n’y a pas un
modèle de famille biblique ; il y a des familles qui essaient de vivre,
tant bien que mal, l’alliance que Dieu propose, à l’époque qui est la leur.
Même la Sainte Famille que nous célébrons aujourd’hui connaît des moments plus
difficiles. La « fugue » de Jésus à douze ans en est un exemple. Je
veux bien qu’on me dise que c’était parce qu’il lui fallait être chez son Père, comprenez bien Dieu, qu’il s’est
absenté ; cela n’enlève rien au fait qu’il a inquiété ses parents et
retardé leur retour à la maison. Qu’est-ce qui l’empêchait de les prévenir de
son désir d’être encore au Temple ?
Il me semble qu’il y a là de quoi
rassurer nos familles d’aujourd’hui. Elles ne sont ni pires, ni meilleures que
les familles bibliques. Elles essaient, tant bien que mal, à travers les difficultés
et les joies de notre temps, de vivre quelque chose de l’amour que Dieu nous
porte. Il n’y a pas de familles parfaites, et ceux qui le croient, s’illusionnent.
L’histoire d’Anne et d’Elcana et leur souffrance d’être sans enfant trop
longtemps, l’histoire de Marie et Joseph recherchant leur fils dans la crainte
qu’il lui soit arrivé quelque chose de grave, tout cela ce sont nos histoires
aussi ; tout cela nous est relaté pour nous éclairer, nous interroger,
nous faire grandir et finalement renforcer notre confiance en Dieu qui peut
tout et veut d’abord notre bonheur. L’histoire d’alliance que Dieu nous propose
ne se vit pas seul ; c’est aussi une histoire de famille. Certains anciens
le vivent douloureusement aujourd’hui quand ils constatent qu’ils ne sont pas
suivis par leurs enfants et leurs petits-enfants : qu’avons fait de
travers, interrogent-ils souvent. Rien, rassurez-vous. Vous avez fait ce qu’il
fallait : vous avez témoigné auprès de vos enfants que Dieu était important
pour vous. C’est tout ce que vous pouviez faire ; le reste dépend d’eux. Mais
ce que vous avez semé est irremplaçable. Personne ne pourra arracher le bon
grain de la présence de Dieu dans une vie. Dieu lui-même moissonnera le moment
venu.
Cette fête de la Sainte Famille est
là pour nous rappeler à chacun que nous avons notre place dans cette grande
famille des enfants que Dieu se donne. Relisez la première lettre de Jean :
Voyez quel grand amour nous a donné le
Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes… Mes
bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu. Il n’y a pas à en
douter ! Il y a à travailler pour le devenir toujours plus. Le baptême ne
suffit pas ; il est la première pierre d’un édifice toujours à construire ;
il est la fondation de notre appartenance à la famille de Dieu. Recherchons et
promouvons tout ce qui peut renforcer cette appartenance, ce désir d’être de Dieu.
Recherchons et promouvons ce qui renforce notre
foi dans le nom de son Fils Jésus Christ. Recherchons et promouvons tout ce
qui nous permet de nous aimer les uns les
autres toujours plus, toujours mieux. Nos familles sont saintes non pas
parce qu’elles ne connaîtraient pas de difficultés, mais parce qu’elles ont en
elles la force de les vaincre et de les dépasser. Nos familles sont saintes lorsqu’elles
cherchent à toujours s’aimer davantage, malgré les mensonges, malgré les
doutes, malgré les peurs. Nos familles sont saintes quand elles n’attendent pas
d’être parfaites pour se tourner vers Dieu, mais qu’elles osent lui crier leurs
soucis et leurs peines. Nos familles sont saintes parce qu’elles sont humaines
et que c’est dans cette humanité que Dieu est venu en son Fils Jésus. C’est
cette humanité qu’il est venu sauver ! C’est cette humanité qu’il a choisi
d’aimer !
Ne doutons pas de l’amour de Dieu pour
nous. Ne doutons pas de notre capacité à partager cet amour offert. Osons vivre
à la mesure de Dieu, à la mesure de son amour pour nous. Plus nous grandirons en
humanité, plus nous grandirons en sainteté, Jésus ayant définitivement lié les
deux. Que grandisse l’amour de la Sainte Famille dans nos familles ; que
vivent nos familles de l’amour que Dieu leur porte. Amen.
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