Au cœur de notre nuit a jailli un cri de
joyeuse espérance : Aujourd’hui vous
est né un Sauveur… qui est le Christ, le Seigneur. Et ainsi Dieu accomplit
les promesses de la première Alliance. Peut-être cette bonne nouvelle nous
a-t-elle surpris : comment, Dieu a encore quelque chose à dire ?
Peut-être nous a-t-elle laissé indifférents : oui, et alors ? Peut-être
nous a-t-elle réjouis : depuis le temps que nous l’attendions, quelle
bonne nouvelle, vraiment ! Passé le temps de l’annonce, nous pouvons
maintenant faire un pas de côté et comprendre davantage. La lettre aux Hébreux,
dont nous avons entendu un extrait, veut nous y aider.
Au départ, un constat : A bien des reprises et de bien des manières,
Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes. Ce qui, pour le
croyant, est une certitude et une évidence, peut vite devenir, pour le
non-croyant ou l’indifférent, une source d’inquiétude. Que certains veuillent
s’encombrer d’un Dieu, c’est une chose ; mais qu’ils le gardent surtout
dans leur sphère privée. Mais si on vient nous dire que ce Dieu parle, alors
là… Les plus cyniques vous diront peut-être qu’on savait que ça le prenait,
Dieu, de parler par des prophètes. L’avantage, c’est que ce n’était jamais en
direct. L’avantage, c’est qu’un prophète, quand ça dérange, ça se
supprime ! Et on n’entend plus parler de Dieu ! Un bon cachot, un
coup d’épée : problème réglé ! Souvenez-vous de Jean le
Baptiste : il a rétréci d’une tête. Avec la bonne nouvelle annoncée au
cœur de notre nuit, tout change : à
la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils qu’il a
établi héritier de toutes choses. Cet enfant, venu au cœur de notre nuit,
au cœur de notre vie, c’est la Parole de Dieu faite chair, le Verbe de Dieu pour parler comme saint Jean dans l’évangile.
Quand vous allez voir l’enfant de la crèche, c’est Dieu que vous rencontrez.
Quand, devenu grand, il parlera, c’est Dieu lui-même qui parlera. Plus
d’intermédiaire ; c’est du direct – live ! Vous voyez le
problème ? Tant qu’il parlait par des prophètes, on pouvait toujours se
dire qu’ils ont peut-être mal transmis, ou que nous avons mal compris. Par
prophète interposé, Dieu restait chez lui, bien là-haut ; et nous, on
restait chez nous, bien au chaud ! Quand la Parole vient en direct, c’est
plus compliqué. Comment ignorer ce qui n’est plus du ouï-dire, mais une vraie
parole, de première main ? Comment
l’écouter encore sans se sentir concerné par ce qu’il dit, par ce qu’il
demande ? Comment l’écouter sans prendre le risque d’être séduit par la
promesse de bonheur qu’il adresse à chacun de nous ?
Vous comprenez bien que l’événement de
cette nuit n’est pas banal. Vous comprenez aussi que si nous le prenons au
sérieux, aujourd’hui en 2018, cela peut tout changer. Il y a une manière de
vivre Noël qui nous rapproche des incroyants : celle qui consiste à dire
que ce n’est qu’un souvenir, au mieux un anniversaire, celui de Jésus. Une
occasion de faire la fête, mais rien de plus. Et il y a ce que Dieu veut
déclencher en nous : une vraie réflexion sur notre vie, sur le sens que
nous entendons lui donner. Devant l’Enfant de la crèche, comment ne pas être
séduit par le projet d’amour de Dieu pour les hommes ? Devant l’Enfant de
la crèche, comment ne pas entendre Dieu nous dire qu’en lui la vraie lumière qui éclaire tout homme est
venue dans le monde ? Qui peut
rester indifférent à un enfant nouveau-né ? Tenez un enfant dans vos bras,
et dites-moi qu’il n’est pas porteur de promesses infinies ! Tenez un
enfant dans vos bras, et dites-moi qu’il n’est pas l’avenir ouvert à
l’infini ! Tout est possible dans une nouvelle vie qui commence. Tous les
espoirs sont permis. C’est cela que Dieu a déclenché au cœur de notre
nuit : la renaissance d’une espérance, la renaissance d’un avenir
meilleur, la renaissance d’un monde meilleur. Tout commence quand Dieu parle à
l’homme en cet enfant, né de Dieu. Tout devient possible quand l’homme se
décide (enfin !) à écouter.
Et maintenant ? Maintenant il faut
nous prononcer. Nous avons vu les signes : un enfant né hors de la ville,
dans une étable, visité par les pauvres et les exclus du pays, chanté par les
troupes célestes. Nous avons compris qu’il n’était pas un enfant de plus, mais
bien le Fils unique de Dieu. Comme l’affirme Jean : Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa
gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et
de vérité. Maintenant donc, nous pouvons nous laisser séduire et entraîner
par cet Enfant à devenir enfants de Dieu
nous-mêmes… nous pouvons choisir de
naître nous-aussi de Dieu. Ou nous pouvons rejoindre le monde [qui] ne l’a pas reconnu. Nous pouvons faire comme si Dieu
ne parlait toujours pas ; nous pouvons faire comme si rien ne s’était
passé au cœur de la nuit. Nous pouvons continuer à nous ignorer, à nous
massacrer, à nous haïr, même au nom de Dieu si ça peut aider à se sentir mieux.
Mais il nous faut choisir. Choisir l’un ou l’autre, mais pas les deux. Parce
que chacun développera en nous un art de vivre particulier, incompatible avec
l’autre. Autrement dit, si je choisis de reconnaître en cet Enfant que Dieu
s’est fait homme, je l’accueille dans toute ma vie, dans tous les instants de
ma vie : et je deviens enfant de la lumière. Il éclairera désormais toute
ma vie. Si je ne le choisis pas, je reste dans les ténèbres, parce qu’il n’y a
pas d’autre vraie lumière possible. Seule la vraie lumière chasse définitivement
nos ténèbres.
Vouloir être ou ne pas être fils de la
lumière : telle est la question ! La réponse appartient à chacun. Ici
et maintenant, devant l’Enfant de la crèche, chacun peut trouver sa réponse.
Chacun peut choisir de vivre en vérité. Viens, regarde et choisis ta vie. Amen.
(Enluminure de Frère Jacques)
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