Dans notre
vie, nous rencontrons quelquefois des hommes et des femmes qui ont sur nous une
influence réelle. Nous aimons les écouter, leur demander conseil. Ils sont même
parfois à l’origine de choix radicaux qui ont réorienté toute notre vie. Jean
Baptiste était de ceux-là. Les foules nombreuses qui l’ont rencontré, celles et
ceux qui l’interrogeaient en témoignent. De cet homme émanait un
je-ne-sais-quoi qui ne laissait personne indifférent, qui transformait une vie.
Pas étonnant alors qu’ils venaient nombreux vers lui. Pas étonnant qu’ils l’interrogeaient
ainsi : Que devons-nous faire ? Son bon sens, sa
connaissance de l’homme, sa proximité avec Dieu lui permettaient de répondre en
trois verbes : partagez, faites votre devoir d’état, recherchez le Christ.
Partager :
un mot à la mode de nos jours. Plus que jamais nous sommes sollicités pour
venir en aide aux nécessiteux de toutes sortes. En ces fêtes de fin d’année,
nos boites aux lettres sont inondées de demande d’organismes respectables, qui
attendent notre soutien. Deux attitudes sont possibles : classer verticalement
(pourquoi vais-je aider des gens que je ne connais pas ou qui ne m’aident
pas ?) ou choisir entre différentes possibilités, parce qu’on ne peut pas
aider tout le monde). Cette invitation au partage est toujours d’actualité. St Jean-Paul
II nous a souvent rappelé que la charité couvrait une multitude de péchés, et
qu’elle était donc un bon moyen de se réconcilier avec Dieu. L’acte de partage
avec les plus pauvres est un moyen d’exprimer notre volonté de répondre à
l’amour de Dieu en faisant preuve d’amour envers celles et ceux qui n’ont pas
autant de chance que nous. Quand nous parlons de partage, souvenons-nous aussi
qu’il n’y a pas que l’argent à partager : nous pouvons et devons aussi
partager notre temps avec ceux et celles qui ont besoin d’être écoutés,
accompagnés. Nous pouvons et devons partager notre travail pour faire reculer
le spectre du chômage. Nous pouvons et devons partager nos responsabilités pour
éviter de cumuler les engagements : à vouloir trop faire, on ne fait plus
rien de bien ! Les occasions de partage et les choses à partager ne
manquent pas, pour que chacun puisse apporter un peu de sa richesse humaine à
qui en a besoin.
Faire son
devoir d’état : c’est ainsi que je comprends la réponse de Jean le Baptiste
aux soldats qui l’interrogeaient. En les invitant à refuser la violence
gratuite, en les invitant à se contenter de leur solde et donc à ne pas se
livrer au pillage, il leur indique une voie honnête pour accomplir le métier difficile
qui est le leur. Soldats, ils auront à se battre ; mais cela ne comprend
pas les exactions auxquelles ils se livraient parfois. Faire son devoir d’état,
c’est donc faire simplement, et de notre mieux, ce que nous avons à faire
chaque jour. Que ce soit au travail, en famille, à l’école, dans nos loisirs.
Faire son devoir d’état, c’est-à-dire faire simplement ce que j’ai à faire,
sans en rajouter pour en imposer aux autres, sans rien retrancher pour ne pas
écraser les autres de tout ce que je ne veux pas faire. La liturgie a un adage qui
correspond bien à cela : Que chacun
fasse seulement, mais totalement, ce qui lui revient ! Pour un
chrétien, cela va au-delà de bien mener sa vie. Pour un chrétien, cela comprend
bien sûr le respect des commandements de Dieu (aime Dieu, aime l’autre,
aime-toi comme je t’aime !) mais aussi une recherche toujours plus grande
de la sainteté à laquelle nous sommes appelés. En nous regardant vivre, ceux
qui ne nous connaissent pas devraient reconnaître notre qualité de chrétien. Ils
devraient voir briller en nous la lumière que le Christ est venu apporter au
monde.
Rechercher le
Christ : autrement dit : ne pas confondre le messager avec celui qui
est annoncé. Je ne suis pas le Messie, répète Jean le Baptiste à qui veut
l’entendre. Il n’est que celui qui précède le Messie, celui qui le montre,
celui qui nous prépare à l’accueillir. Parce que la réponse ultime à la
question de la foule est bien celle-ci : préparez-vous à accueillir le
Messie que Dieu envoie ! Le partage, la réalisation du devoir d’état ne
sont que des moyens de se préparer à cet accueil. Il faut travailler notre
regard sur le monde, notre regard sur les hommes qui nous entourent pour
découvrir la trace du passage de Dieu au cœur de notre vie. Nos années
liturgiques nous sont données pour redécouvrir toujours mieux ce Sauveur que
Dieu a envoyé dans le monde. Loin de revivre toujours les mêmes fêtes, les
mêmes temps, nous avons une année de plus pour approfondir nos motifs de
croire, d’espérer et d’avancer à la rencontre du Christ, le même hier,
aujourd’hui et toujours. Une année entière pour redire : Je crois Jésus
que tu es mon Sauveur, que tu donnes ta vie pour racheter la mienne ; je
crois que tu me donnes ton Esprit pour reconnaître en Dieu, mon Père, et en
chaque homme, mon frère.
En ces temps
troublés, qui ont une fois de plus été marqués dans notre région par la
violence aveugle et la folie meurtrière d’une idéologie nauséabonde, ce sont
ces mêmes conseils qui nous sont donnés pour parvenir à la joie du salut. Il peut
sembler paradoxal de parler de joie alors que notre semaine a commencé dans la
souffrance et les larmes. Et pourtant, n’est-ce pas là le vrai remède pour
changer le cœur des hommes ? Apporter la joie du salut : non pas une
joie béate, mais la joie véritable que seule donne la foi en Dieu qui veut le
meilleur pour l’homme ; la joie véritable qui ne se réjouit pas de la mort
du coupable, mais qui toujours cherche, avec tous les hommes, des chemins d’entente
et de paix, pour que jamais plus quelqu’un puisse profaner le nom de Dieu en semant
la mort.
Que devons-nous faire ? Prier me
semble une autre réponse adéquate pour que le Seigneur lui-même nous montre le
chemin du salut et de la paix pour tous. Prier, pour remettre notre vie entre les
mains de Dieu. Lui seul peut donner sens à notre existence ; lui seul peut
donner la joie parfaite ; lui seul peut faire advenir la paix entre tous
ceux qui se réclament de lui. Plus nous lui serons proche, plus nous leur
serons proches. Plus nous recevrons de lui la paix et la joie, plus nous
pourrons les vivre et les partager avec tous nos frères et sœurs en humanité. Que
notre liturgie, en ce temps de l’Avent, nous tourne vers lui et nous donne de l’accueillir
vraiment. Amen.
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