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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







vendredi 23 décembre 2011

Nativité de Notre Seigneur - 25 décembre 2011

Accueillir celui qui vient et voir plus loin.






Alors, il te plaît, ton cadeau ? Combien d’enfants, voire d’adultes, ont entendu cette phrase après le grand déballage de cette nuit ? N’est-ce pas, lorsque nous offrons un cadeau, nous attendons au moins cette lueur dans le regard qui, à défaut de mots, sonne comme un assentiment et un remerciement : tu as bien choisi, c’est bien ce que je voulais. La même question vaut pour nous tous, ce matin. Sommes-nous heureux du cadeau que Dieu nous a fait en cette nuit ? Sommes-nous heureux d’accueillir cet enfant ou sommes-nous déçus devant la taille du cadeau ? Après tout, nous attendions un Sauveur et tout ce que nous avons, c’est un bébé, c’est-à-dire moins d’un mètre de chair, qui braille comme tous les nouveau-nés, et qui n’a même pas eu la bonne idée de naître dans une famille bien comme il faut. Pensez donc : père célibataire, mère enceinte d’un autre. Pas très catho tout ça ! Alors, il vous plaît, le cadeau ?

La messe du jour de Noël a ceci de particulier qu’elle nous fait voir plus loin, plus haut. Autrement dit, elle ne nous fait pas seulement nous intéresser au cadeau, mais à ce que ce cadeau est réellement et à ce que ce cadeau va devenir. Le merveilleux de la nuit (un enfant qui naît à l’écart de tous, avec comme chorale la cohorte des anges et comme visiteurs les bergers du coin), ce merveilleux donc cède la place à la réflexion spirituelle et philosophique. Que voulez-vous ? Il y a un temps pour s’extasier et un temps pour méditer. Et qu’apprenons-nous alors ce matin que nous ne savions déjà cette nuit ? Des choses surprenantes, en fait !

D’abord, nous apprenons sa fonction : il est le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu ! Cet enfant que nous avons admiré en cette nuit, il nous faudra un jour l’écouter. Nous ne pouvons donc pas nous contenter d’une visite à la crèche et nous en retourner chez nous. Si nous venons voir cet enfant, c’est pour nous intéresser à lui, maintenant, mais aussi à l’avenir. Comme tous les enfants, il va grandir ; et c’est à ce moment-là qu’il deviendra intéressant pour nous. Il est depuis toute éternité et pour toute éternité la Parole de Dieu, désormais incarnée. Il aura donc des choses à nous dire.

Nous apprenons aussi qu’il n’est pas si nouveau que cela, ce nouveau-né, puisqu’il était au commencement avec Dieu, et qu’il était Dieu. Ce qui est nouveau, par contre, c’est qu’il vient en notre monde. Un des mots importants de la liturgie de Noël, c’est justement aujourd’hui. Aujourd’hui vous est né un Sauveur. C’est bien maintenant que cela se passe, même si l’histoire des relations entre Dieu et les hommes est une vieille histoire ; cette naissance nous renvoie aujourd’hui au commencement. En fait, aujourd’hui devient un commencement. Avec cet enfant, avec cette Parole livrée aux hommes, c’est un nouveau départ dans notre relation à Dieu. L’auteur de la lettre aux Hébreux le souligne bien : Souvent, dans le passé, Dieu a parlé à nos pères… mais dans les jours où nous sommes (autre manière de dire aujourd’hui) il nous a parlé par un Fils qu’il a établi héritier de toutes choses. Il est peut-être né dans une étable, à l’écart de tous, il n’en n’est pas moins le premier de tous, puisqu’il est l’héritier ! Il va compter plus qu’on ne le devine devant cette mangeoire.

Nous apprenons encore que ce nouveau-né est la lumière, la vraie lumière, précise Jean. Pas seulement celle qui nous permet de marcher dans la nuit, mais la lumière qui révèle, la lumière qui fait advenir les choses qui seraient restées dans le noir, inconnues de nous. Il aura des choses à nous dire et des choses à nous montrer, ce petit d’homme. Par lui, lumière venue éclairer les hommes, nous verrons l’amour de Dieu à l’œuvre et nous comprendrons mieux à quel point nous sommes aimés de Dieu ; et nous comprendrons mieux comment nous devons aimer à notre tour.

Et puis nous apprenons surtout que ce petit d’homme nous permet à tous de devenir fils de Dieu ! A ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu. S’il est venu chez nous et si nous sommes venus à lui, c’est pour que s’opère ce magnifique échange : Dieu se fait homme et nous pouvons devenir Dieu. Et c’est encore par cet enfant que cet échange s’effectue. Nous ne le voyons peut-être pas encore là, sur la paille et le bois de la crèche, mais nous le mesurerons pleinement lorsqu’il sera élevé de terre, sur le bois de la croix. Ce petit d’homme donne Dieu à voir, à entendre et à suivre.

Alors, il vous plaît, votre cadeau ? Si vous en êtes encore au merveilleux de cette nuit, acceptez désormais de faire un pas de plus. Si vous trouvez le cadeau trop petit, attendez qu’il grandisse et reprenez-le, suivez-le, écoutez-le. Il ne vous décevra jamais ; il ne vous ennuiera jamais. Il ne se démodera pas. Il ne s’abimera que sur la croix pour mieux vous recréer et vous mener à Dieu en son Royaume. Alors, si vous trouviez la joie de cette nuit un peu courte, vous la retrouverez à nouveau, pour toute éternité. Car c’est pour partager cette joie qu’il est venu ; c’est pour que vous connaissiez cette joie toujours qu’il s’est fait le cadeau de Dieu pour vous. Amen.








(Photo crèche privée)

Sainte Nuit de Noël - 24 décembre 2011

Accueillir celui qui vient.




Cela devait bien finir par arriver, n’est-ce pas ! Nous ne nous sommes pas préparés pendant quatre semaines pour rien. Celui qu’Isaïe, Pierre, Jean le Baptiste et Marie nous ont appris à attendre, voilà qu’au cœur de notre nuit, il vient à nous. Ne le cherchez pas dans un palais : vous ne le trouverez pas ! Ne le cherchez pas au Temple : il n’y est pas. Avec ses parents, encore blotti dans le sein de sa mère, il a pris la route pour mieux nous rejoindre et c’est tel un nouveau-né qu’il se présente à nous. Oui, l’enfant dont la naissance nous rassemble en cette nuit est celui que nous attendions, celui dont nous avons préparé la venue.

L’accueillir, c’est d’abord le reconnaître tel qu’il se présente à nous. Ne soyons pas comme tous ceux qui l’ont renvoyé dans la nuit avant même qu’il ne vienne au monde. Osons lui ouvrir la porte de notre cœur. Que pourrait cet enfant contre nous ? Il est fragile, il est pauvre, il est loin de chez lui ! Accueillons ce petit d’homme comme on accueille un nouveau membre dans une famille. Accueillons-le, extasions-nous devant lui : il est comme tout nouveau-né. De qui a-t-il le nez, les yeux, la bouche, les oreilles ? Il a le nez de ceux qui savent sentir les tournants de l’histoire ; il a les yeux de ceux qui savent regarder plus loin que les apparences ; il a la bouche de ceux qui savent annoncer une bonne nouvelle ; il a les oreilles de ceux qui savent écouter Dieu parler à leur cœur. Il est comme nous ; il nous ressemble ; il est devenu nous pour que nous puissions devenir Dieu. Il est comme nous, et pourtant, il est bien plus que nous !

Accueillir celui qui vient, c’est reconnaître, au cœur de notre nuit, celui qui nous apporte une lumière nouvelle, celui qui nous rend la joie de la fête après la nuit du péché, la nuit de la défaite. Il vient, de la part de Dieu, nous apporter la victoire. Le prophète Isaïe avait donc raison lorsqu’il prophétisait : Un enfant nous est né, un fils nous est donné ; l’insigne du pouvoir est sur son épaule ! Laissé par presque tous dehors, dans la nuit, il vient éclairer la vie des hommes d’une clarté nouvelle. Et ce sont les anges qui chantent cette bonne nouvelle à qui veut bien les écouter : Aujourd’hui vous est né un Sauveur ; il est le Messie, le Sauveur. Aujourd’hui, c’est-à-dire maintenant, pour nous. En cette nuit, nous ne célébrons pas l’anniversaire de la naissance de Jésus ; mais nous célébrons sa naissance au milieu de nous. A qui vous interrogera sur votre sortie nocturne, vous pourrez redire : Aujourd’hui nous est né un Sauveur. Autrement dit, aujourd’hui (25 décembre 2011) notre vie peut changer ; aujourd’hui notre vie peut devenir lumière pour les autres ; aujourd’hui, nous pouvons choisir d’accueillir cet enfant et de reconnaître en lui celui qui peut quelque chose pour notre vie, celui qui peut tirer de nous le meilleur pour que notre monde s’améliore, pour que notre vie soit plus belle, pour que nos cœurs soient plus grands. Aujourd’hui, en accueillant la nouvelle de la naissance de cet Enfant Dieu, en faisant nôtre la joie du ciel, nous faisons le choix de Dieu, nous faisons le choix de plus de solidarité, de plus de charité, de plus d’espérance, de plus de pardon, de plus de paix.

Comment ne pas nous réjouir et ne pas nous émerveiller avec les bergers, avec les anges, avec Marie et Joseph ? La paix de Dieu nous est donnée, le pardon de Dieu nous est offert. Avec cette vie d’enfant, ce sont toutes nos vies qui renaissent, toutes nos vies qui reprennent vigueur, toutes nos vies qui voient un avenir s’ouvrir. Les crises que connaît notre monde aujourd’hui, pour sévères qu’elles soient, n’en sont pas moins passagères ; cet Enfant est éternel. Les crises semblent diviser nos sociétés entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien ; cet Enfant vient nous dire que nous sommes de la même famille, que nous n’avons qu’un seul Père, le sien, et que nous ne nous sauverons pas seul mais ensemble. Il vient nous dire qu’un autre monde est possible et il l’inaugure avec sa naissance. Oui, aujourd’hui, quelque chose de neuf peut advenir si nous accueillons cet Enfant.

Cela devait bien finir par arriver et cela ne cesse d’arriver : là où les hommes s’entendent pour plus de justice, plus de liberté, plus de fraternité, Dieu est présent, Dieu est vivant au milieu d’eux. Goûtons à présent la fécondité de cette nuit très sainte, sûrs qu’elle nous conduira un jour à la communion glorieuse avec Celui qui s’est fait homme, pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Amen.




(Photo crèche privée)

vendredi 16 décembre 2011

4ème dimanche de l'Avent B - 18 décembre 2011

Attendre le Messie avec Marie


En ce 4ème dimanche de l’Avent, nous sommes invités à nous conformer à Marie, celle qui deviendra la Mère du Sauveur, et à attendre avec elle, à nous préparer avec elle, à accueillir le Messie. L’évangile est suffisamment parlant pour que nous ne nous trompions pas dans son interprétation. Il met bien en exergue l’attitude de Marie, l’attitude que nous devons faire nôtre en cette dernière semaine de l’Avent.

Il est d’abord dit par l’ange que Marie est Comblée de grâce. D’autres traductions disent : Tu as la faveur de Dieu, laissant entendre que Dieu a une préférence pour elle. Personnellement, j’en resterai volontiers à la traduction liturgique, Dieu ne pouvant avoir de préférence, même pour celle qu’il a choisie et mise à part dès sa naissance, comme nous le rappelait la fête de l’Immaculée Conception au cours de notre Avent.

Que signifie être comblée de grâce ? C’est peut-être une jolie manière de dire que Marie est tout entière tournée vers Dieu. Elle est remplie de sa grâce, comme nous le disons dans la prière du Je vous salue, parce qu’elle est attentive à Dieu, parce qu’elle est accueillante à sa parole. Non marquée par le péché, elle est tout entière à Dieu, en Dieu.

Nous préparer à accueillir le Messie avec Marie, c’est nous laisser tourner vers Dieu, nous laisser remplir de lui. Le sacrement du pardon proposé au cours de ce temps de l’Avent doit nous permettre ainsi de nous vider de nous-mêmes pour faire à Dieu la place qui lui revient. Profitons de ces moments offerts pour retrouver cette proximité avec Dieu.

Ensuite, Marie est invitée par l’ange à ne pas craindre. Dieu ne veut pas de mal à Marie. Il lui propose de devenir un maillon de l’histoire du salut en accueillant en son sein le Fils du Très-Haut. Il lui est demandé de faire confiance absolument à ce Dieu en qui elle croit. Etant déjà tournée vers Dieu, il lui est demandé d’accueillir le projet d’amour que Dieu porte pour elle. Elle doit ratifier, elle-même, ce que Dieu attend d’elle. Dieu ne s’impose pas, il ne demande rien d’impossible. Mais Marie, comme chacun de nous, doit librement se prononcer et choisir Dieu, si elle le veut.

Comme Marie, nous avons à entrer dans ce que Dieu attend de nous, sans crainte, sûrs que Dieu veut notre bonheur et le bonheur de ceux vers qui il nous envoie. Il nous est demandé le même acte libre et de consentir au projet de Dieu. Nous sommes un maillon de l’histoire du salut, car Dieu a voulu avoir besoin de nous pour être manifesté aux autres. Nous pouvons, comme Marie, accepter de porter le Christ en nous et en être ainsi témoins auprès de ceux que Dieu met sur notre route. Mais nous pouvons aussi refuser ! Le choix est nôtre.

Enfin, Marie elle-même, acceptant le projet de Dieu pour elle, sans trop savoir où ce projet la mènerait, se définit comme la servante du Seigneur. Elle ne demande pas ce que le Seigneur va faire pour elle, ni ce qu’elle peut faire pour le Seigneur. Non, elle se met à sa disposition pour qu’il puisse faire selon sa parole à lui. Elle ne s’engage pas à faire quelque chose ; elle s’engage à laisser Dieu œuvrer en elle. Accueillante à la Parole de Dieu, elle est aussi accueillante à l’œuvre en elle de l’Esprit.

C’est cette même disponibilité à Dieu qu’il nous faut cultiver. J’ai déjà eu l’occasion de le dire : Dieu a un projet pour chacun de nous. Nous devons accueillir ce projet pour que Dieu puisse le réaliser à travers nous. Dieu n’est pas celui dont nous pouvons nous servir pour réaliser nos projets ; il est celui au service de qui nous nous mettons pour que se réalise la seule grande œuvre qui vaille : l’œuvre de salut annoncée et réalisée en Christ, et que nous avons à faire connaître aux hommes et aux femmes de notre temps. Avec Marie, nous sommes invités à devenir serviteurs à notre tour pour que grandisse le Règne de Dieu, pour qu’advienne enfin cette paix que Dieu veut porter à l’humanité.

Une semaine encore, et nous accueillerons le Messie. Ne nous précipitons vers Noël. Prenons le temps de nous mettre à l’écoute du Dieu vivant et vrai. Chacun de ceux que nous avons rencontré au cours de nos liturgies de cet Avent nous y invitait. En choisissant avec Marie la voie du service, nous sommes sûrs de ne pas nous tromper, nous sommes sûrs de trouver notre joie. Alors ce sera vraiment Noël, parce que Dieu sera bien en nous. Amen.


(Photo : détail de la crèche de l'église de Holtzheim, Statue de la Vierge Marie)

samedi 10 décembre 2011

3ème dimanche de l'Avent B - 11 décembre 2011

Attendre le Messie avec Jean le Baptiste


Reconnaissons-le ! Un temps de l’Avent sans parler de Jean le Baptiste ne serait pas vraiment un temps de l’Avent. Il est un personnage incontournable lorsque l’on parle d’attendre le Messie. N’est-il pas celui qui en a annoncé la venue de manière imminente ? Apprenons donc de lui comment attendre le Messie en cette deuxième moitié de l’Avent.

Attendre le Messie avec Jean le Baptiste, c’est d’abord apprendre à regarder, apprendre à ouvrir les yeux. Il sait lire les signes des temps ; il reconnaît le moment où Dieu va se manifester. Selon l’évangéliste Matthieu, il est le premier à reconnaître en Jésus le Messie lorsque celui-ci vient vers lui pour être baptisé. J’ai vu et j’atteste qu’il est, lui, le Fils de Dieu, dira-t-il de Jésus au moment de son baptême dans l’évangile de Jean. Si vous avez contemplé un jour le retable d’Issenheim, peut-être avez-vous été saisi par le regard de Jean le Baptiste, debout près de la croix. Il a ce regard profond qui voit au-delà des apparences, ce regard qui, malgré les événements lui donne encore de l’assurance.

Attendre le Messie avec Jean le Baptiste, c’est aussi savoir lire les Ecritures. Quand vient le temps de sa mission, il renvoie aux annonces du prophète Isaïe. Sachant lire et interpréter les Ecritures, il sait qu’il ne se trompe pas, et il ne nous trompe pas. Nous pouvons nous fier à son jugement, à sa parole ; s’il annonce la venue imminente du Messie, c’est parce que cela est vrai, cela va se réaliser. Là encore, je vous renvoie au retable d’Issenheim : l’auteur représente Jean le Baptiste, le livre des Ecritures bien ouvert en main.

Attendre le Messie avec Jean le Baptiste, c’est encore laisser le Messie grandir en nous. Jean le Baptiste ne se met pas en avant ; il accomplit la mission qui est la sienne, puis il s’effacera devant le Messie. Il a bien conscience de n’être pas le Messie et quand les foules viennent à lui pour l’interroger, il les détrompe de suite : Je ne suis pas le Messie. Il n’est pas davantage la Lumière, ni le grand prophète. Il n’est qu’une voix qui crie dans le désert. Jésus lui rendra témoignage en disant : parmi ceux qui sont nés d’une femme, aucun n’est plus grand que Jean ; et cependant le plus petit dans le Royaume de Dieu est plus grand que lui ! Matthias Grünenwald, sur son retable, place près de Jean, cette phrase : il faut qu’il grandisse et que je diminue. Seul importe pour lui celui qui vient après lui et dont il n’est pas digne de défaire la courroie de ses sandales.

Attendre le Messie avec Jean le Baptiste, c’est enfin ne pas se tromper sur le Messie. Sur le célèbre retable d’Issenheim, Jean le Baptiste apparaît curieusement au pied de la croix ! De son doigt, il montre le Christ crucifié et à ses pieds, se trouve l’Agneau immolé. C’est celui-là que Jean le Baptiste est venu annoncer. Même si Jean est un incontournable du temps de l’Avent, il n’annonce pas le petit Jésus de la crèche, mais bien celui qui est venu dans le monde pour le sauver par le don ultime de sa vie. A la suite de Jean, nous sommes invités à voir clair au sujet de celui qui vient. Le père Noël n’est pas le Sauveur, ne vous en déplaise. Celui qui vient et que nous attendons, ne vient pas nous faire des cadeaux ; il vient pour un jugement : tout arbre qui ne porte pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu. D’où l’insistance de Jean à préparer le chemin du Seigneur, par une vie droite et conforme, faite de partage, de justice, de non-violence. Relisez dans l’évangile de Luc ce qui est dit du ministère de Jean.

Il est heureux que nous rencontrions Jean le Baptiste en ce troisième dimanche de l’Avent parce qu’il nous place sur le bon chemin, il nous aide à préparer véritablement nos cœurs et nos vies à l’accueil de celui que Dieu envoie. Ecoutons Jean et nous saurons nous situer en vérité face au Christ, face à nos frères. Ecoutons-le et nous pourrons découvrir toujours mieux celui que nous ne connaissons pas encore. Amen.

(Matthias Grünenwald, retable d'Issenheim, détail, Musée Unterlinden, Colmar)

vendredi 2 décembre 2011

2ème dimanche de l'Avent 2 - 04 décembre 2011

Attendre le Messie avec Pierre



Après Isaïe, la semaine passée, voilà Pierre qui nous invite à attendre le Messie et qui nous indique, à sa manière, comment attendre. Car il est animé d’une certitude : le jour de Dieu viendra, même si apparemment il se fait attendre. Pierre nous invite donc à être patient dans l’impatience. Et ce pour deux raisons.

La première raison est biblique. Il cite, mot à mot, un extrait du psaume 90 : « Pour le Seigneur, un jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un jour ». Autrement dit, le rapport au temps n’est pas, n’est plus le même lorsque nous nous situons dans notre relation à Dieu. Dieu a l’éternité pour lui. Et Pierre nous invite à entrer dans ce temps de Dieu, qui ne se mesure pas comme le temps humain. Pas besoin de montre ! Le temps de Dieu se mesure autrement. Sa mesure est celle de la confiance qu’il place en l’homme. Nul besoin donc de s’impatienter. Nous devons apprendre à vivre selon le temps de Dieu, nous qui voulons vivre selon son Esprit.
Ainsi, attendre le Messie avec Pierre n’est pas une question de jour ou d’heure, mais bien une question de conversion. Il s’agit bien de notre capacité à entrer dans le projet d’amour que Dieu porte pour nous. Voilà ce qui est en cause. Voilà ce sur quoi il nous faut travailler.

C’est la deuxième raison avancée par Pierre. Dieu est patient parce qu’il n’accepte pas qu’un seul d’entre nous, qu’un seul être humain se perde ! Le temps qui semble retarder sa venue est le temps nécessaire à tout homme (actuellement croyant ou non) pour se convertir. Et pour que l’homme se convertisse, il faut d’abord qu’il découvre Dieu, qu’il découvre combien il est aimé de lui et combien surtout il est attendu de Dieu. Lorsque je me sens aimé, lorsque je me sens attendu, je me hâte vers mon amour et ainsi, je hâte notre rencontre, je hâte sa venue.
Certains diront que cela peut prendre du temps ! Certes. Tous ne se convertissent pas avec la même rapidité et la même sincérité. Nombreux sont les prophètes qui peuvent en témoigner. Mais Dieu n’oublie pas. Et il viendra : Pierre en est certain. Son jour viendra « comme un voleur », surtout pour celui qui ne s’y est pas préparé. Celui qui, dès maintenant, discerne ce que Dieu attend de lui ; celui qui, dès maintenant, convertit son cœur et sa manière de vivre, celui-là ne se laissera pas surprendre, puisqu’il se sera préparé, par toute sa vie, à ce grand jour. Certains ne verront que catastrophe sur catastrophe : le croyant, lui, y découvrira les signes qui annoncent le retour tant attendu du Sauveur. Et Dieu vient faire toute chose nouvelle ! Ce qui manifestera le mieux la venue du Sauveur, c’est la transformation radicale du monde dans lequel nous vivons. Et cette transformation ne pourra être qu’un mieux, puisque Celui dont nous attendons la venue, vient justement pour faire œuvre de libération.

Comme Isaïe la semaine passée, Pierre invite finalement à attendre avec impatience ce jour, la même impatience qui fait que je me prépare à vivre chaque jour comme s’il était celui de la rencontre avec le Messie. « Vous voyez quels hommes vous devez être, quelle sainteté de vie, quel respect de Dieu vous devez avoir… faites tout pour que le Christ vous trouve nets et irréprochables, dans la paix. » A chacun de voir quel chemin aplanir : à chacun de se préparer selon ce qu’il aura discerné de la volonté de Dieu pour lui. Plus que jamais, il est nécessaire de nous plonger dans les Ecritures pour nous mettre à l’écoute de Dieu ; plus que jamais, il est nécessaire d’ouvrir notre cœur et notre vie à la puissance de l’Esprit de Dieu. Avec le psalmiste, nous pouvons redire : « J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple. Son salut est proche de ceux qui le craignent et la gloire habitera notre terre. » En ce temps de l’Avent, c’est là notre espérance ; c’est là notre foi. Qu’il en soit ainsi pour nous. Amen.






(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)

vendredi 25 novembre 2011

1er dimanche de l'Avent B - 27 novembre 2011

Attendre le Messie avec Isaïe


Nous voici donc au début du temps de l’Avent qui nous prépare aux fêtes de Noël qui approchent. Déjà nos rues sont parées et illuminées et peut-être chez vous, avez-vous commencé à confectionner ces petits « bredele » qui font la joie de tous au temps des fêtes. Mais le temps de l’Avent est d’abord un temps pour nous permettre une nouvelle démarche spirituelle. Si j’étais curé de paroisse, je proposerais de vivre ce temps de l’Avent en suivant 4 personnages : Isaïe, Pierre, Jean le Baptiste & Marie. Ils ne sont pas pris au hasard. Ils marquent, en cette année liturgique nouvelle, chacun un dimanche, nous apprenant à attendre comme eux ont attendu. Aujourd’hui, donc, nous apprenons à attendre avec Isaïe ou comme Isaïe.

Le prophète Isaïe a vécu à une époque difficile de l’histoire du peuple que Dieu s’est choisi. Une époque faite d’incertitudes, de conflits, de déportation, de malheurs, et de manque de foi. Le passage que nous avons entendu appartient à la fin du livre du prophète Isaïe. Le peuple qui avait été déporté à Babylone est de retour sur sa terre. Mais Jérusalem est détruite, ce n’est plus qu’une terre désolée. Partout la misère. C’est dans ce contexte qu’Isaïe s’adresse à Dieu dans cette belle prière. Elle nous dit comment Isaïe attend son Dieu.

Ce qui me frappe d’emblée, c’est la certitude d’Isaïe vis-à-vis de Dieu. « Tu es notre Père, notre Rédempteur ». Celui dont il attend quelque chose n’est pas un inconnu pour lui. Il s’en reconnaît fils, il le proclame son Sauveur. Voici donc qui précise dès le début ce qu’attend Isaïe : un geste de salut de la part de Celui à qui il se confie. En appelant Dieu « Père de son peuple », Isaïe place aussi le rapport à Dieu sur le terrain de l’amour et non de l’obligation ou d’une quelconque servitude. Il rappelle que, par le passé déjà, Dieu s’était souvenu de son peuple et était intervenu en sa faveur. Il ne lui demande donc ni plus, ni moins que de faire ce qu’il a déjà fait.
C’est pour moi la première marque de l’attente d’Isaïe : que Dieu soit maintenant celui qu’il est depuis toute éternité : un Père qui aime et qui sauve. Attendre le Messie avec Isaïe, c’est oser nous tourner vers Dieu, oser l’interroger comme le fait Isaïe, oser reconnaître en lui celui qui peut quelque chose pour nous. C’est reconnaître que c’est Dieu qui vient à notre rencontre et non pas nous qui allons à la rencontre de Dieu. Son engagement est premier.

Dans un deuxième temps, Isaïe confesse pourquoi il a besoin de Dieu. « Nous étions semblables à des hommes souillés, et toutes nos actions étaient comme des vêtements salis ». Le péché a envahi la vie et le cœur des hommes. Il a obscurci en l’homme la capacité de reconnaître Dieu, de le rencontrer. « Tu nous avais caché ton visage, tu nous avais laissés au pouvoir du péché ». Non pas que Dieu punisse l’homme, mais plutôt il tire les conséquences des actes de l’homme. Celui-ci ne se fie plus à Dieu ; et bien Dieu se retire. Ou plutôt : l’homme a l’impression que Dieu s’en est allé. Mais Isaïe sait bien que Dieu est toujours présent, attendant un mot de l’homme pour revenir dans sa vie.
Attendre le Messie avec Isaïe, c’est opérer ce retour sur soi, sur sa vie pour y démasquer le péché et se confier à Dieu, qui seul peut laver nos vêtements, qui seul peut nous rendre une figure humaine, à son image et à sa ressemblance. Ce temps de l’Avent, même s’il n’est pas un temps de pénitence, pourra être un temps de retour à Dieu, un temps de vérité pour chacun de nous. Le sacrement du pardon vous sera certainement proposé à l’approche de Noël pour que votre cœur puisse véritablement reconnaître en Celui qui va venir, celui que vous attendez et qui vous redonnera vie.

Enfin, Isaïe, au nom de son peuple, crie vers Dieu sa souffrance d’être éloigné de lui : « Ah si tu déchirais les cieux ! » Il attend, il espère la venue de Dieu de toute son âme. Il en est rempli d’impatience. Mais une impatience saine : celle qui habite celui qui a vraiment faim et qui attend d’être nourri, ou celui qui est assoiffé et qui attend l’eau qui le fera revivre.
Attendre le Messie avec Isaïe, c’est creuser en nous ce désir de Dieu, cette saine impatience que Dieu soit le tout de notre vie ; c’est être habité du désir vrai de rencontrer Celui qui vient, du désir vrai de l’accueillir au plus profond de nos vies pour qu’il nous transforme et nous sauve, et qu’il nous ouvre à la vraie vie.

Puissions-nous exprimer, durant cet Avent, le même désir de Dieu et la même impatience devant sa venue ! Puissions-nous aussi, comme Isaïe, crier vers Dieu pour ceux qui ne le peuvent plus ou qui ne reconnaissent plus en eux ce désir d’être sauvés. Le vrai sens de notre attente, la vraie joie de Noël, c’est aussi cette ouverture aux autres en qui Dieu se manifeste. Qu’il en soit pour nous comme il en fut jadis pour Isaïe. Amen.








(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)

samedi 19 novembre 2011

Christ, Roi de l'univers A - 20 novembre 2011

Que signifie accueillir le Christ, Roi de l'univers ?





C’est une bien belle manière de terminer l’année liturgique que de la consacrer au Christ, Roi de l’univers. Comme le chantera la préface tout à l’heure, nous reconnaissons, au terme d’un parcours avec l’évangéliste Matthieu, que Jésus est bien celui que Dieu a envoyé pour établir un règne de vie et de vérité, un règne de grâce et de sainteté, un règne de justice d’amour et de paix, dans lequel l’homme et Dieu vivront réconciliés. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement pou nous ? Qu’est-ce que cela veut dire d’avoir le Christ pour roi de l’univers ?

Accueillir le Christ comme roi de l’univers dans ma vie, c’est d’abord me laisser chercher par lui. Nous considérons souvent que la vie spirituelle consiste à chercher Dieu. Mais la Bible nous apprend que c’est Dieu qui cherche l’homme. Relisez la Genèse, quand l’homme et la femme ont désobéi à Dieu. Ils se cachent devant sa face et Dieu se met à leur recherche : homme, où es-tu ? Relisez le prophète Ezéchiel que nous avons entendu en première lecture : Maintenant, j’irai moi-même à la recherche de mes brebis et je veillerai sur elles… la brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la soignerai. Celle qui est faible, je lui rendrai des forces. Relisez aussi les évangiles et contemplez Jésus allant à la rencontre des hommes et des femmes de son temps, et particulièrement vers celles et ceux qui sont blessées, exclues, pour leur dire qu’ils sont du peuple que Dieu se donnent, qu’est venu le temps de la délivrance, le temps du salut. Oui, reconnaître le Christ comme Roi de l’univers, c’est accepter qu’il nous trouve, qu’il entre dans notre vie pour y faire son œuvre de salut. C’est accepter que lui seul puisse redresser en nous ce qui est courbé, que lui seul puisse guérir en nous ce qui est malade. C’est accepter que Dieu m’aime et qu’il peut et veut faire quelque chose pour moi.

Accueillir le Christ comme roi de l’univers, c’est aussi reconnaître que c’est sur la croix qu’il manifeste le mieux sa royauté. C’est bien en livrant sa vie sur la croix qu’il réalise ce que personne n’a jamais fait et ne fera plus jamais pour nous : il livre sa vie en échange de la nôtre ; il livre sa vie pour que nous puissions vivre. Là, sur la croix, il détruit l’ultime ennemi de l’humanité : la mort elle-même. Plus rien désormais ne peut nous tenir éloignés de Dieu, si ce n’est nous-mêmes et notre liberté. Dans sa mort et résurrection, le Christ est ce pasteur qui est allé à la rencontre de ses brebis, qui s’est livré pour elles, qui a pris soin d’elles. Seul notre refus de Dieu peut désormais nous tenir éloignés de lui. D’où la nécessité d’un jugement que le Christ devra prononcer lors de son retour, non pour punir, mais pour unir en Dieu celles et ceux qui se seront laissés sauver.

Accueillir le Christ comme roi de l’univers, c’est nécessairement alors vivre de telle manière que nous manifestions, dès maintenant, par nos actes que le Christ nous déjà trouvé et sauvé. Le récit du jugement dernier que nous avons entendu est intéressant. Il nous montre le Christ revenant dans sa gloire et séparant les hommes, les uns des autres. Deux groupes distincts, mais à qui sont faites les mêmes réflexions : J’avais faim, j’avais soif, j’étais un étranger, j’étais nu, j’étais malade, j’étais en prison. En un mot, les grands besoins fondamentaux de tout humain : nourriture, boisson, accueil (logement), vêtement, compassion et miséricorde. Et un constat : tu l’as fait pour moi ou tu ne l’as pas fait pour moi. La même surprise, des deux côtés : quand t’avons-nous vu, Seigneur ? Quand avons-nous fait (ou pas fait) cela pour toi ? Et la même réponse : chaque fois que vous l’avez fait (ou pas fait) à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait (ou pas). Ceux qui auront choisi et accueilli le Christ comme leur roi, en toute chose, durant leur vie, seront accueillis par lui pour avoir vécu selon son unique commandement : Aime Dieu et tes frères. Nous reconnaissons le Christ comme notre roi lorsque, comme lui, nous servons nos frères. Si nous ne le faisons pas pour eux, faisons-le au moins parce qu’à travers eux, nous rencontrons le Christ et nous nous laissons rencontrer par lui. Le visage du Christ est imprimé en chacun de nous depuis que Dieu s’est fait homme, depuis qu’il s’est irrémédiablement lié à nous.

Sachant que nous sommes tous le pauvre de quelqu’un et le riche d’un autre, nous avons tous à servir et à nous laisser servir pour construire ce monde, ce règne de justice, d’amour et de paix. Ainsi nous correspondrons toujours mieux à ce que Dieu a voulu faire de nous lorsque, au commencement, il nous a créés dans son amour. Et nous entendrons notre roi nous dire, à son retour : Venez, les bénis de mon Père, et recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Quel beau retour à la maison que ce jour-là ! Amen.



(Photo de Quentin Urlacher)

samedi 12 novembre 2011

33ème dimanche ordinaire A - 13 novembre 2011

Faire fructifier ce que le Christ nous a confié.




Après avoir entendu Jésus parler de sa venue dimanche dernier à l’aide de la parabole des vierges sages et des vierges folles, le voici, poursuivant sa réflexion avec une nouvelle parabole : celle du maître qui part en voyage. Une parabole qui peut nous sembler difficile puisqu’elle s’achève par la condamnation et le renvoi d’un serviteur qui semble n’avoir rien fait de mal. Essayons de mieux comprendre.

Le maître de la parabole, c’est Jésus ; son voyage, c’est sa mort, son départ de ce monde ; les serviteurs, c’est nous, membres de l’Eglise ; le retour du maître, longtemps après, c’est le retour du Christ dans la gloire, à la fin des temps ; le temps intermédiaire, pendant lequel les serviteurs s’occupent diversement des biens reçus, c’est le temps de l’Eglise, le temps où nous sommes. C’est donc l’histoire d’un maître qui part en voyage et qui confie ses biens à ses serviteurs. Remarquez bien ceci : ses biens et non des biens. Il leur donne ce qu’il a de plus précieux, ce qui est à lui et dont il veut que les serviteurs s’occupent. Ce qu’il donne, ce ne sont pas des qualités humaines, ni des conseils ; non, il leur donne de l’argent, beaucoup d’argent, à chacun selon ses capacités. Il n’est pas injuste en distribuant inéquitablement ses biens : au contraire, il donne à chacun selon ses capacités. Il n’y a là rien de discriminant ; il tient compte des capacités de chacun : c’est dire le respect qu’il a pour eux. Il sait qu’ils seront capables de faire quelque chose de ce qu’ils ont reçu. Et il part.

Aussitôt, dit Jésus dans la parabole, les serviteurs s’occupent de leur capital. Ils ne trainent pas, ne se reposent pas en disant : j’aurai bien le temps ! Chacun à sa manière s’occupe de ce qu’il a reçu. Des deux premiers, on ne sait pas ce qu’ils ont fait au juste ; nous savons juste que leur capital a fructifié et doublé. Le troisième serviteur, par contre, a pris peur, il a enfoui le bien reçu ; il le restituera tel quel à son Maître le moment venu. Tout semble aller bien jusqu’au retour du maître.

C’est l’heure des comptes à rendre : les deux premiers rendent ce qu’ils ont reçu avec le surplus qu’ils ont gagné et ils sont invités à entrer dans la joie du maître. Le troisième rend ce qu’il avait reçu, avec un discours curieux sur ce qu’il croyait savoir du maître : je savais que tu es un homme dur ; tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain. J’ai eu peur et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient. Ce serviteur n’avait rien demandé quand il a reçu son talent ; il n’en a donc rien fait et maintenant il se contente de le rendre. Tout devrait aller bien. Ce maître qu’il a jugé dur va se montrer dur sur la base de ses propres paroles. Et le serviteur se fait jeter dehors, parce qu’il n’a rien fait !

Ceci nous oblige donc à comprendre que sont ces talents que le maître distribue au moment de son départ. Ce qu’il distribue, c’est ce qui était à lui. Et qu’est-ce qui était au Christ, qu’est-ce qui lui tenait à cœur au moment de son départ, si ce n’est son désir de sauver tous les hommes ? Qu’est-ce qui était au Christ, qu’est-ce qui lui tenait à cœur, si ce n’est que tous les hommes vivent dans l’amour et dans la fraternité ? Qu’est-ce qui était au Christ, qu’est-ce qui lui tenait à cœur, si ce n’est que tous les hommes connaissent son nom et se tournent vers Dieu ? Oui, ce que ce maitre a confié à ses serviteurs, ce que le Christ a confié à son Eglise, c’est ce désir de salut, ce désir que tous les hommes vivent dans la connaissance de son nom. C’est le bien confié à l’Eglise tout entière. C’est le bien dont nous sommes redevables. Avons-nous, par notre vie, par nos actions, contribué à augmenter le nombre des fils et filles de Dieu ? Avons-nous, par notre vie, nos actions et nos paroles, contribué à faire connaître le vrai visage de Dieu et de son Christ ? Ou avons-nous pris peur ? Avons-nous annoncé ce Dieu qui nous invite à la joie ou avons préféré annoncer un Dieu rabat-joie ? Avons-nous participé à la vie de l’Eglise par peur de Dieu (comme cela, s’il existe, au moins nous aura-t-il vu dans son église !) ou par amour de Dieu, avec au cœur l’urgence de le faire connaître par le plus grand nombre ?

Le troisième serviteur n’a rien fait, par peur. Il a cru que son maître était un comptable qui ne lui passerait rien ; il n’a eu confiance ni en son maître, ni en lui-même. Il a eu peur de risquer le don qui lui a été fait ; il a sous-estimé le don et sa puissance. L’aurait-il au moins mis en banque, que ce don aurait généré par lui-même des intérêts ? Combien plus aurait-il pu produire s’il s’en était servi !

Nous sommes toujours dans ce temps de l’attente du retour du Christ dans sa gloire. Nous sommes toujours les héritiers des dons que Dieu nous fait par son Christ. Que faisons-nous du désir de Dieu de sauver tous les hommes ? Avec quelle urgence annonçons-nous ce désir ? Quel visage de Dieu donnons-nous à voir ? Sommes-nous déjà habités de la joie qui sera celle du Christ à son retour ? Ou avons-nous tout enterré, tout oublié, même que le Christ reviendra et que avons à l’attendre, activement, proclamant son nom et ses merveilles afin que le monde croit ? Qu’avons-nous fait de la Parole qu’il nous a confiée ? Qu’avons-nous fait des sacrements de son Eglise ? Qu’avons-nous fait des frères qu’il nous a confiés ?

La parabole d’aujourd’hui veut réveiller notre foi et nous faire prendre conscience de l’urgence à annoncer le vrai Dieu, à faire entrer les hommes et les femmes de notre temps dans sa joie. Si nous y travaillons déjà, poursuivons avec courage et confiance. Si nous avons baissé les bras et tout enfouit quelque part dans la terre, dépêchons-nous de creuser, dépêchons-nous de récupérer ce bien confié et de le faire fructifier. Le Christ ne se contentera pas d’un « j’avais peur ». Nos peurs, il a fait mourir avec lui sur la croix. Faisons-lui confiance à nouveau et construisons ce monde d’amour qu’il a inauguré dans sa mort et sa résurrection, et nous serons appelés à partager sa joie, pour toute éternité. Amen.

(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)

samedi 5 novembre 2011

32ème dimanche ordinaire A - 06 novembre 2011

Avoir toujours le désir de voir le Christ !





Elles sont méchantes, elles ne partagent pas ! C’est le cri du cœur d’un enfant à qui les catéchistes ont sans cesse parlé de l’importance du partage et qui entend cette page d’évangile ; il y a bien cinq jeunes filles qui ont de l’huile en réserve et qui refusent de la partager avec les cinq autres qui n’ont pas pris de réserve. Et en plus, celles qui ne sont pas partageuses sont invitées par l’époux alors que les autres sont jetées dehors ! Notre brave petit y perd sa religion. S’il faut partager avec ceux qui n’ont rien, y aurait-il malgré tout des choses qui ne se partagent pas ?

Ce que cet enfant n’a pas compris, c’est le contexte de l’histoire, sans lequel rien n’est clair. Jésus, en racontant cette parabole, parle de son retour. Au moment où l’évangéliste écrit ces lignes, la jeune communauté s’inquiète : Jésus est mort et ressuscité, il est retourné vers son Père, il a transmis l’Esprit… mais il tarde à revenir ! Qu’en est-il de cette dernière promesse ? Beaucoup pensaient qu’ils verraient ce retour de leur vivant ; mais cela ne semble plus être le cas. La parabole de Jésus rapportée par Matthieu vient alors leur redire que ce retour aura lieu, à un jour et à une heure que nul ne connaît et qu’il nous faut donc patienter, nous tenir prêt.

La noce de la parabole, c’est le jour du retour du Christ ; l’Epoux, c’est le Christ ; les jeunes filles, les insensées comme les prévoyantes, ce sont les membres de l’Eglise. Le temps de l’Epoux qui tarde à venir, c’est le temps où nous sommes ; les lampes d’huile, notre capacité à attendre, notre capacité à veiller dans la nuit. Lorsque, devant l’arrivée repoussée de l’Epoux, les jeunes filles s’endorment, leur capacité à veiller est manifestée par ces lampes à huile qui brillent. Les cinq prévoyantes ont des réserves de patience : quoi qu’elles fassent, qu’elles soient éveillées ou endormies, elles sont en veille, elles ont le désir de rencontrer l’Epoux et de ne pas le manquer. Les cinq insensées, au contraire, n’ont pris que ce qui leur semblait utile ; on n’a jamais vu un Epoux tarder à venir à sa propre noce. L’attendre n’est qu’une question de principe. Elles s’endorment comme les autres, et leurs lampes avec elles. Elles n’ont plus le désir d’attendre. Si les premières s’endorment avec le désir de la rencontre, les secondes s’endorment, fatiguées d’attendre ; il ne viendra plus !

Ainsi va la vie de l’Eglise et des croyants. Il y a ceux qui croient vraiment et qui attendent encore le retour du Christ sauveur, qui l’attendent avec la certitude qu’un jour ils verront Dieu, un jour, ils seront pour toujours avec le Seigneur. Et il y a ceux qui n’y croient plus vraiment, dont le désir de rencontre s’est affadi, perdu dans les sables de l’histoire. Ils sont croyants sans être vraiment pratiquants. Que le Christ vienne ou pas ne change rien à leur vie. Nous comprenons alors ce que le petit garçon n’avait pas compris. Les cinq prévoyantes ne peuvent pas donner de leur huile de réserve, parce que personne ne peut donner à un autre une part de son désir de voir Dieu. Si ce désir se perd et que la foi n’est qu’un ornement de notre vie, personne ne pourra nous donner un morceau de sa foi, un morceau de son désir.

Attendre Dieu, attendre le retour du Christ se fait de manière active, avec la certitude chevillée au cœur, que je dorme ou sois éveillé, qu’un jour, il viendra et que je dois être prêt pour ce jour. Si je me laisse surprendre parce que j’ai perdu l’envie de la rencontre, je resterai dehors de la salle du festin. Je m’entendrai dire, comme aux cinq insensées : Vraiment, je vous le dis : je ne vous connais pas.

La célébration eucharistique qui nous rassemble est un moyen de recharger l’huile de nos lampes pour ne jamais en manquer. Nous venons ici écouter la Parole de Dieu qui nous encourage à tenir bon ; nous venons recevoir le Pain consacré, signe de la présence du Christ au milieu de nous ; et nous chanterons, dans l’anamnèse, notre désir de son retour. Nous repartirons dans notre quotidien, forts de ce que Dieu lui-même nous aura partagé, capables de transformer notre monde et notre vie pour qu’ils correspondent toujours plus à ce que Dieu en attend. Pour attendre le retour du Christ, il ne s’agit pas de rester bloquer dans cette église, il s’agit d’y venir puiser à la source ce qu’il nous faut pour accomplir notre tâche d’homme et de chrétien au milieu de ce monde. Et si le sommeil de la mort s’empare de nous avant le retour du Christ, il s’agit de nous endormir encore avec le désir de voir Dieu : Dieu prendra avec lui ceux qui se sont endormis en Jésus.

Elles ne sont donc pas méchantes, les cinq jeunes filles qui avaient pris de l’huile en réserve ; elles sont juste habitées par un désir plus grand de voir l’Epoux venir, par le désir de l’accompagner et de le suivre. Qu’elles soient notre modèle pour réveiller en nous ce même désir de voir le Christ et nous rendre attentif à toujours avoir un peu d’huile de réserve. Qui sait : il pourrait venir aujourd’hui ! Amen.





(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille Dimanches et fêtes, Année A, éditions Les presses d'Ile de France)

lundi 31 octobre 2011

Toussaint - 01er novembre 2011

« Voyez comme il est grand l’amour dont le Père nous a comblés » (1 Jean 3, 1)




Et si tout n’était qu’une histoire d’amour ? Si saint Jean était dans le vrai lorsqu’il nous invite à revenir à l’amour primordial que Dieu nous porte ? Cela changerait-il quelque chose pour nous ? Celui qui nous appris que le nom de Dieu était Amour, peut-il nous enseigner la sainteté ?

Il suffit de relire la deuxième lecture de ce jour pour comprendre que Jean a touché du doigt la seule chose importante : l’amour que Dieu nous porte. C’est cet amour qui nous vaut d’abord d’être enfant de Dieu. Même si nos parents choisissent de nous présenter au baptême, même si un adulte choisit de recevoir ce sacrement d’initiation et d’intégration à une communauté, il n’en reste pas moins vrai que c’est toujours en réponse à un appel de Dieu ; c’est toujours en réponse à l’amour dont Dieu nous a comblés. Si nous sommes enfants de Dieu par notre baptême, c’est parce que Dieu nous appelle à notre véritable condition. Il se révèle à nous comme Père, comme source de toute vie ; et nous pouvons alors le reconnaître comme tel. C’est lui qui, le premier, nous fait sentir sa paternité. C’est lui qui, le premier, entre en relation d’alliance avec nous. Dieu se propose à nous et non pas nous à Dieu. Il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes ! J’ai envie de dire que c’est presque aussi simple que cela ! Et pourtant ce n’est que le début. Dieu voit plus grand pour nous !

Dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement ! Il y aurait donc des stocks d’amour de Dieu, quelque part en réserve ! Il ne suffit pas à Dieu de faire de nous ses enfants ! Il veut plus pour nous. En relisant l’Ancien Testament, nous trouvons déjà une trace de ce que Dieu veut au final pour nous : il nous veut saint ! Soyez saint parce que je suis saint ! Voilà la grande idée de Dieu ! Voilà notre destin : être comme Dieu ! A celles et ceux qui croient la chose impossible, l’Eglise oppose aujourd’hui la fête de la Toussaint, la fête de celles et ceux (et ils sont nombreux) qui nous proposent, par leur vie, un chemin vers ce bonheur que Dieu nous réserve. Car ils sont nombreux, les chemins de réalisation de ce projet de Dieu. Ils sont nombreux et variés, mais ils ont tous en commun d’avoir été suivis par des femmes, des hommes des enfants mêmes qui ont choisi d’essayer, qui ont choisi de se donner tout entier à Dieu et à leurs frères, simplement par amour. Qu’ils aient été religieux, père et mère de familles, pape, évêques, étudiants ou jeune enfant, ils ont tous rencontré l’amour de Dieu, ils se sont tous ouverts totalement à cet amour et ont choisi d’en vivre, dans ce qui faisait le quotidien de leur vie. Beaucoup n’ont rien fait d’extraordinaire, ni miracles, ni autre extravagance, mais tous ont essayé de vivre de l’amour de Dieu et d’en faire vivre autour d’eux. Si vous les aviez croisé et dit qu’ils étaient des saints, sans doute vous auraient-ils ri au nez ! Ils faisaient simplement ce qu’ils jugeaient bon de faire.

Mais revenons à l’épître de Jean : Lorsque le Fils de l’homme paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est ! Nous devenons comme Jésus, comme Dieu, parce qu’il se révèlera à nous tel qu’il est. Et si dès maintenant, nous le suivons dans la simplicité de notre vie, nous lui serons semblables. Ce que le baptême réalise dans la foi sera révélé au grand jour. Nous saurons véritablement que, malgré les épreuves traversées, malgré la bassesse quelquefois de notre vie, nous sommes aimés de Dieu. Son amour, il nous l’offre et ne le reprend pas. Ce ne sont pas nos actes qui font de nous des saints, mais notre capacité à nous ouvrir et à accueillir l’amour de Dieu en nous, en chaque chose que nous faisons. Il n’y a pas aujourd’hui notre vie sur terre et un jour notre vie avec Dieu ; il y a dès maintenant à vivre avec Dieu pour être accueilli un jour auprès de lui. Il y a, dès maintenant, à laisser Dieu être le Maître de notre vie, en toute chose. La sainteté commence peut-être par la faculté de reconnaître que j’ai besoin de Dieu dans ma vie.

Dieu nous aime au point de nous vouloir semblable à lui. Et il s’est fait l’un de nous pour nous enseigner cela. En Jésus, c’est bien Dieu qui devient comme nous pour que nous retrouvions en nous son image, sa ressemblance. Que nos amis les saints nous aident à voir clair en nous et que nous trouvions en l’un d’eux au moins, le chemin qui nous conduira vers Dieu, le chemin qui nous fera aimer Dieu comme il nous aime. Amen.


(Photo : Détail d'une icône (l'assemblée des saints autour de la Trinité) - Monastère de Toplou, Crête)

vendredi 28 octobre 2011

31ème dimanche ordinaire A - 30 octobre 2011

Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé !




Il existe, dans l’évangile, des versets dangereux, dangereux pour notre vie. Jésus lui-même nous en donne un aujourd’hui. Il est dangereux parce que mal compris, il pourrait mener à des impasses dont l’Eglise aura du mal à sortir. Dans l’Evangile de ce dimanche, c’est le dernier verset du passage d’évangile que nous avons entendu : Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. Plutôt que de le supprimer, essayons de mieux le comprendre.

Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. A priori, il n’y a rien de méchant dans cette phrase, même si elle sonne comme un avertissement. Et c’est peut-être là son premier danger. Avertissant d’un changement de mentalité nécessaire, cette citation peut entraîner une certaine paresse humaine ou spirituelle. N’est-ce pas, si je ne fais rien, je ne fais rien de travers et donc je ne risque rien. Or, Jésus ne nous demande pas de ne rien faire ; il nous demande de veiller à la manière dont nous faisons les choses. Ce que Jésus met en cause, ce ne sont pas les personnes qui agissent, qui commandent, qui ont en charge une responsabilité qui les place aux avant-postes. Non, ce que Jésus met en cause, c’est la manière dont elles s’acquittent de cette charge. Pour Jésus, tout commandement, toute fonction à la tête d’une organisation, d’une cité, d’une Eglise, est d’abord un service à rendre à tous. Il s’agit de ne pas se gonfler d’orgueil ; il s’agit de ne pas se transformer en petit chef, exigeant avec les autres et très peu pour soi. Monter en première ligne parce qu’il y a un service à rendre et non pour briller ou pour écraser les autres. L’exercice de l’autorité est toujours un service de la communauté humaine ou spirituelle à laquelle j’appartiens.

Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. Avertissant d’un changement de mentalité nécessaire, cette phrase, mal comprise, peut aussi en inciter certains à ne jamais se reconnaître de mérite, à refuser toute promotion, à refuser toute ambition. C’est un second danger. Refuser tout ce qui pourrait être risqué pour moi mais utile pour les autres. Surtout ne pas se faire remarquer. Pour vivre heureux, vivons cacher. N’est-ce pas, si les autres ne me voient pas, je ne risque rien ! Elémentaire, mon cher Watson ! Ce genre de compréhension a été fatal, me semble-t-il, dans certains milieux. L’ambition était toujours suspectée, la réussite mal vue. Or une saine ambition est nécessaire et même souhaitable. Sans cela, notre société n’évoluerait pas, et chacun resterait sagement à sa place, sans mettre en œuvre les talents que Dieu lui a confiés. Ce serait aussi reconnaître que l’homme ne peut pas progresser et nous aurions tôt fait de séparer le monde en classes auxquelles nous appartiendrions par notre naissance et jusqu’à notre mort. Les riches sont condamnés à rester riches et les pauvres à rester pauvres ; qu’ils n’essaient même pas de s’en sortir. L’affirmation de Jésus ne vise pas le désir de changer le monde. Au contraire, nous devons tous nous engager pour élever l’humanité, lui permettre de grandir et d’offrir à tous les mêmes chances, un même bonheur, une même fraternité. Non vraiment, Jésus ne s’oppose pas à une saine ambition au service d’un mieux être pour tous.

Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. Avertissant d’un changement de mentalité nécessaire, cette phrase de Jésus est peut-être d’abord une invitation à l’imiter. Lui qui, tout en restant l’image même de Dieu n’a pas voulu revendiquer d’être pareil à Dieu. Au contraire, il s’est anéanti, devenant l’image même du serviteur et se faisant semblable aux hommes… Il s’est abaissé, et dans son obéissance, il est allé jusqu’à la mort, et la mort sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout (Ph 2). Dans l’agir de Jésus, la seule ambition est le salut des hommes ; dans l’agir de Jésus, la seule autorité est celle de l’amour offert ; dans l’agir de Jésus, la seule priorité c’est l’autre. Quand il en sera devenu ainsi pour nous, nous n’aurons plus besoin de cet avertissement de Jésus, car nous tiendrons notre juste place, celle où Dieu nous veut, pour transformer avec lui le monde, pour changer avec lui le cœur des hommes.

Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. Dangereuse si mal comprise, cette affirmation de Jésus est une invitation à toujours mieux servir, à toujours mieux être attentif à ce que Dieu attend de nous pour un meilleur service des autres. En nous mettant à l’école du Christ, notre seul Maître, nous pourrons progresser dans notre vie humaine, sociale et spirituelle sans craindre d’être un jour abaissé. Loin d’être un encouragement à la paresse ou à la peur du risque, elle est plutôt encouragement à aimer mieux, à servir mieux, à accueillir mieux la sainteté que Dieu lui-même nous offre. Il n’y a pas de mal à mieux aimer ; il n’y a pas de mal à mieux servir ; il n’y a pas de mal à être plus saints. Bien au contraire ! Amen.






(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)

samedi 22 octobre 2011

30ème dimanche ordinaire A - 23 octobre 2011

Témoins de la Parole !

Qu’est-ce qui fait la vitalité d’une communauté ? Est-ce une liturgie variée ? Est-ce une multitude de mouvements ou de propositions pastorales ? Est-ce le nombre de personnes qui se rassemblent pour les célébrations du dimanche ? Le nombre de jeunes présents ?

Pour beaucoup de nos contemporains, croyants ou non, les critères de vitalité doivent être visibles. Il doit être possible de communiquer à leurs sujets. Il s’agit donc avant tout du nombre de personnes et particulièrement de jeunes présents dans nos assemblées, il s’agit de l’événementiel, ce qui dénote dans un quotidien souvent morne et gris. Il suffit de se remémorer les commentaires des journalistes à l’occasion des JMJ de Madrid. Il y en a encore qui s’étonnent que les jeunes puissent être intéressés par la foi. Et quand ils sont obligés de constater, comme à Madrid, que l’Eglise et les jeunes, ce n’est pas une histoire finie, ils se sentent obligés de dire tout de suite après : vous savez, le dimanche, ils sont plutôt absents ; y’a que des vieux à la messe. Merci pour nous ! Pas de jeunes quelque part : manque de vitalité ! Pas de publicité tapageuse : manque de vitalité ! Peu de gens présents le dimanche : manque de vitalité ! Pas assez de variété : manque de vitalité ! Non mais, de quoi je me mêle ?

En relisant la deuxième lecture de ce dimanche, je préfère de loin l’analyse de Paul. Il ne loue pas les Thessaloniciens pour leur propositions pastorales, mais parce qu’ils ont accueilli chez eux la Parole de Dieu. Ils ont reconnu que l’enseignement de Paul et des Apôtres n’est pas d’abord parole d’hommes, mais parole de Dieu véhiculé par des hommes. Et l’accueil de cette parole a changé leur vie. Ils se sont détournés des idoles, ils ont choisi de servir Dieu. Leur communauté est vivante parce qu’elle vit de cette parole, parce qu’elle partage cette parole largement, parce que cette parole continue sa course dans le cœur de leurs auditeurs. Il n’y a pas de secret. C’est la foi qui construit une communauté, une foi appuyée sur l’écoute attentive de la Parole de Dieu, et sur le témoignage de ce que cette parole réalise dans nos vies. Chaque baptisé est ainsi responsable non seulement de l’annonce de la parole de Dieu, mais aussi de la vitalité de sa communauté. Il n’y a pas d’autres recettes que celle-là. Vivre et approfondir sa foi, écouter la parole de Dieu et la mettre en pratique, témoigner auprès des autres, à commencer de sa propre famille, de ses propres enfants, de la beauté de la parole et de ce qu’elle peut réaliser dans une vie. Nos communautés ne seront vivantes qu’à cette condition. Tout le reste : mouvements, projet pastoral, liturgie variée… ne sont que des trucs en plus. Mais ils ne permettent pas de construire une communauté si ceux qui la constituent ne se réfèrent pas explicitement à Dieu et à sa Parole. Une pastorale coupée de la Parole de Dieu n’est que vague agitation. Une foi coupée de la Parole de Dieu méditée n’est que vague réflexion sur le monde.

La réponse de Jésus à la question qui lui est posée, renforce ce que Paul nous dit dans la deuxième lecture. Pour répondre à la question sur la Loi, Jésus n’invente pas un nouveau commandement : il cite la parole de Dieu, le cœur de cette parole : l’amour de Dieu et du frère. Comment aimer Dieu si je ne l’écoute jamais ? Comment comprendre que c’est l’amour que j’ai pour Dieu qui me renvoie nécessairement vers le frère si je n’écoute pas Dieu lui-même me dire : ce que tu fais à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que tu le fais ? Nous ne refonderons notre foi, nous ne refonderons nos communautés qu’au prix d’une lecture attentive et aimante de la Parole de Dieu. C’est bien pour cela que nous venons d’achever trois années consacrées à la redécouverte et à l’approfondissement de la Parole de Dieu dans notre diocèse. Cet effort ne doit pas s’arrêter là ; il va s’ouvrir sur une année consacrée à l’évangélisation. Parce que cette Parole entendue, cette Parole méditée, nous ne saurions la garder pour nous. Comment, aujourd’hui, la transmettre efficacement au monde dans lequel nous vivons ?

Benoît XVI rappelle dans sa dernière lettre apostolique Porta fidei, qu’il est possible de franchir le seuil (de la Porte de la foi) quand la Parole de Dieu est annoncée et que le cœur se laisse modeler par la grâce qui transforme. Je prie Dieu pour que la célébration de ce dimanche nous permette de suivre l’exemple des Thessaloniciens et nombreux seront ceux qui entendront la Parole de Dieu, nombreux seront ceux qui retrouveront le chemin de nos communautés. Ainsi sera révélée la gloire de Dieu pour toute éternité. Amen.

samedi 8 octobre 2011

28ème dimanche ordinaire A - 09 octobre 2011

Invités au repas des noces !



Qui a dit que la religion était quelque chose de triste ? Il est vrai qu’on pourrait le penser si on s’en tenait simplement au discours un peu traditionnel sur les efforts à faire, sur notre indignité quasi permanente. Mais à lire de près les textes bibliques, une telle affirmation ne tient plus la route.

Isaïe décrit, dans la première lecture que nous avons entendue, le retour du Seigneur à la fin des temps comme un grand jour de joie, un jour de réjouissance où nous serons tous invités à un repas, un festin de viandes succulentes et de vins décantés. La joie sera présente car la mort sera détruite pour toujours. Bref, ce qu’annonce Isaïe, c’est déjà le paradis. Nous verrons Dieu face-à-face, il nous donnera le salut, il nous invitera à son festin. Pas le temps d’être triste ! Le Dieu qu’annonce Isaïe est le Dieu qui rend le bonheur à son peuple.

Jésus n’annonce pas quelqu’un d’autre lorsqu’il commence sa prédication. Pour lui, Dieu, son père, se veut le Père de tous les hommes et le Sauveur de tous les hommes. Il est celui qui invite les hommes à marcher à la suite de Jésus pour parvenir au festin du Royaume.

Lorsque l’on parcourt les évangiles, l’image du festin est bien présente. Pour n’en citer qu’un : Jésus laisse son mémorial, c’est-à-dire l’acte par lequel on le rendra présent pour la suite des temps, au cours d’un repas, ce repas auquel nous participons maintenant et qui est déjà une anticipation de ce repas auquel nous serons invités au terme de notre vie. Il est donc normal que Jésus parle du Royaume qui nous est promis comme d’un grand festin, un jour de grande joie pour tous les peuples. Mais Jésus veut aussi et surtout nous rendre attentif à notre attitude vis-à-vis de l’invitation à venir à ce festin.

La double parabole de Jésus se passe presque de commentaire. Qui ne l’a jamais entendu ? Un roi marie son fils. Il a invité beaucoup de monde et lorsque tout est enfin prêt, il envoie chercher les convives. Stupeur ! Ceux-là ne viennent pas. Ils ont tous mieux à faire. Certains vont même jusqu’à tuer les envoyés. Voilà un mariage qui vire au cauchemar, et pour une fois ce n’est pas la faute du couple ! Le roi fait périr les meurtriers et remplace les invités défaillants par celles et ceux qui veulent bien venir, celles et ceux à qui on ne pense jamais, les bons comme les mauvais. La fête est prévue, la fête aura lieu. Ici s’arrête la première parabole. Elle vient nous redire que nous sommes tous invités, qu’il n’y a pas d’exclusive, pas de gens « pas assez bien » pour venir. Cette histoire vient aussi nous rappeler que si l’invitation est bien faite et bien transmise, la réponse ne dépend, quant à elle, que de nous. Personne n’est obligé de venir. L’appel de Dieu n’est bien qu’une invitation : nous restons libres de répondre favorablement ou de décliner l’invitation. C’est à nous de savoir s’il y a quelque chose ou quelqu’un de plus important que Dieu dans notre vie. C’est à nous de savoir si ce rendez-vous d’amour est vital ou optionnel. C’est à nous de savoir et de dire clairement si, oui ou non, Dieu a une place dans notre vie, et quelle place ? Est-il le « premier servi » ou n’est-il qu’un gris-gris ou qu’un paratonnerre en cas de difficulté ? Ceux qui ne viennent pas ne sont pas condamnés parce qu’ils ne viennent pas : ils s’excluent eux-mêmes ! Ceux qui sont condamnés, le sont parce qu’ils ont maltraité les envoyés, et, non contents d’être sourds aux appels de Dieu, parce qu’’ils veulent en plus lui apprendre qui est le patron !

Cette première histoire a une suite, ou plutôt Matthieu y rajoute cette autre histoire d’un roi qui entre dans la salle du festin et qui regarde ses convives. Dans le lot, il en aperçoit un qui est venu sans vêtement de fête. Il l’interroge à ce sujet, mais l’autre ne répond pas. Il est renvoyé de la fête, jeté dehors, dans les ténèbres.

La juxtaposition des deux histoires peut surprendre. En effet, le roi ayant choisi de remplacer les premiers invités par n’importe qui, comment peut-il maintenant s’offusquer de ce qu’un de ces invités de dernière minute ne porte pas le vêtement adéquat ? Là encore, nous sommes renvoyés à notre manière de répondre à l’appel de Dieu. Parmi ceux qui répondent, il y a ceux qui sont heureux de cette invitation et qui vont se préparer pour l’événement. Même invités tardivement, ils ont le temps de respecter les usages et de revêtir les plus beaux vêtements pour faire la fête. Et il y a celui qui vient, parce que la porte était ouverte, sans trop savoir, sans trop se soucier des usages : j’ai vu de la lumière et je suis entré. A celui-là, Jésus rappelle qu’il ne suffit pas d’être invité pour entrer : il faut encore se montrer à la hauteur, se montrer prêt ! Comment répondons-nous à l’invitation qui nous est faite chaque dimanche de participer au festin du Seigneur ? Venons-nous par habitude, parce que la cloche a sonné et que la porte était ouverte ? Ou prenons-nous le temps de nous préparer à ce rendez-vous particulier avec Dieu en prenant connaissance des textes que nous entendrons, en prenant le temps de faire le point avec un prêtre de ce qu’est notre vie, en invitant telle personne à se joindre à nous, en étant heureux tout simplement de nous retrouver ensemble, pour chanter et prier ? Avons-nous toujours le vêtement de fête sur nous et en nous lorsque nous franchissons les portes de ce lieu où Dieu nous attend ?

Invités au repas que Dieu nous offre semaine après semaine, prenons le temps de nous y préparer comme nous le faisons lorsque nous participons à une fête profane. Mettons tout notre cœur à participer à cette rencontre : elle deviendra alors le lieu d’une véritable joie, promesse de cette joie sans fin que nous vivrons avec nos frères, dans le Royaume de Dieu. Quelle fête se sera ! Quelle joie nous connaîtrons ! AMEN.

(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)

vendredi 30 septembre 2011

27ème dimanche ordinaire A - 02 octobre 2011

Ne soyez inquiets de rien !



Frères, ne soyez inquiets de rien ! Nous n’avons pas choisi cette page de Paul à cause de la situation économique actuelle. Cette page aux Philippiens a été lue parce qu’elle est attribuée à ce dimanche de l’année. Les circonstances internationales en font malgré tout un appel pressant à la confiance adressé aux chrétiens. Après avoir rappelé que notre foi repose sur le Christ Jésus, qui s’est abaissé jusqu’à la mort pour que nous ayons la vie, Paul va au bout de sa réflexion et invite chaque croyant à la prière. Comment autrement s’unir à ce Dieu qui a tant fait pour nous et qui continue d’agir pour nous ?

Frères, ne soyez inquiets de rien, mais en toutes circonstances, priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes. La confiance que nous plaçons en ce Dieu qui a livré son Fils sur la croix, est enrichie de notre prière. Nous nous adressons à Dieu, et c’est particulièrement vrai dans les moments plus difficiles de notre existence, non pas par crainte, ni par couardise, mais bien parce que nous savons que Dieu peut justement encore quelque chose alors que nous semblons démunis. Se confier à Dieu dans la prière, lui confier nos proches ou bien telle situation particulière, c’est poser un acte de foi, c’est lui dire que nous avons besoin qu’il manifeste sa puissance. Le premier résultat de cette prière confiante, avant même le fait qu’elle soit exaucée, c’est la paix profonde qu’elle nous procure. Nous faisons bien de nous adresser à Dieu puisque nous retrouvons la paix que lui seul peut nous donner dans l’adversité. Désormais, ayant tout remis entre les mains de Dieu, il n’y a plus de crainte à avoir. Sans doute est-ce pour cela que Paul insère dans sa demande, dans l’action de grâce priez et suppliez ! Demandez tout en remerciant déjà ! Demandez avec la certitude d’avoir déjà reçu ! Demandez, remerciez et ne soyez inquiets de rien !

Cette attitude spirituelle qui consiste à se confier à Dieu, ce n’est pas se retirer du monde, ni se désintéresser de la suite. Ce n’est pas non plus se croiser les bras et attendre. Il nous faut aller au bout du passage entendu pour comprendre la logique de la pensée de Paul. Ne soyez inquiets de rien… dans l’action de grâce, priez et suppliez… enfin, mes frères, tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela prenez-le à votre compte. Vous faites bien de ne pas vous inquiéter ; vous faites bien de vous confier à Dieu ; mais ne vous arrêtez pas là. Ne croyez pas que Dieu fera tout. Prenez votre part, vivez selon Dieu, vivez dans le vrai, vivez dans la justice et la pureté du cœur, vivez dans l’amour de tous, vivez selon les vertus communes. Dieu tiendra sa part ; à vous de vivre comme des sauvés ; à vous de vivre comme les fils et les filles adoptifs que vous êtes devenus en Christ.

N’être inquiet de rien c’est croire que rien de ce qui touche le monde n’est un obstacle à la foi au Christ : au contraire, c’est à travers leurs rapports aux autres et au monde que les chrétiens doivent vivre leur attachement au Christ. Il n’y a pas lieu de s’évader du monde, il n’y a surtout pas à déserter les lieux des combats pour plus d’humanité, plus de fraternité, plus de justice. Au contraire, fort de sa confiance en Dieu, le croyant doit agir avec Dieu pour transformer le monde. N’être inquiet de rien, c’est donc aussi déployer toutes les gammes de la vie chrétienne pour témoigner de ce Dieu en qui nous nous confions. N’être inquiet de rien, c’est être signe de ce Dieu qui sauve le monde. N’être inquiet de rien, c’est vivre de cette paix que Dieu nous offre et à la suite du Christ, devenir nous aussi artisan de la paix de Dieu pour un monde meilleur. Que la célébration de notre eucharistie en ce dimanche nous permette d’entrer dans cette paix que Dieu offre à profusion pour mieux pouvoir la transmettre et en vivre autour de nous. Amen.





(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)

lundi 26 septembre 2011

26ème dimanche ordinaire A - 25 septembre 2011

Une foi à proclamer, une foi à vivre dans l’ordinaire d’une vie.

C’est l’histoire de deux fils à qui leur père fait une demande : « va travailler aujourd’hui à ma vigne ! » L’un répond « non » et le fait quand même. L’autre répond « Oui » et ne le fait pas. C’est l’histoire de l’humanité partagée entre ceux qui croient et qui ont du mal à vivre selon leur foi et ceux qui ne croient pas et qui sont quelquefois plus évangéliques que les croyants. C’est donc notre histoire que Jésus raconte ! L’histoire de nos vies, l’histoire de nos doutes, l’histoire de nos manquements, l’histoire de nos difficultés à vivre ce que nous croyons. C’est au final l’histoire de notre vie avec Dieu. Car il fait partie de cette histoire. C’est lui qui appelle, c’est lui qui attend.

Dieu appelle tout homme à vivre avec lui. C’est un principe élémentaire de notre foi. Nous l’avons tous appris. Nous savons aussi ce qu’il attend de nous : une vie conforme à l’Evangile. Paul le redit dans la deuxième lecture : s’il est vrai que dans le Christ on se réconforte les uns les autres, si l’on s’encourage dans l’amour, si l’on est en communion dans l’Esprit, si l’on a de la tendresse et de la pitié, alors, pour que ma joie soit complète, ayez les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments ; recherchez l’unité. Il nous adresse un appel à vivre chaque jour, par nos actes, ce que nous proclamons dans la foi chaque dimanche.

Dans notre vie de foi, l’habitude aidant, il nous faut reconnaître que nous nous installons sans doute dans un quotidien routinier. Nous demandons les sacrements « parce que cela s’est toujours fait dans la famille », nous allons à l’église, nous partageons un peu avec les pauvres : on est chrétien, quoi ! Surtout le dimanche ! Et de toute manière, y’en a plein qui ne croient même pas, qu’on ne voit jamais le dimanche. Ce qu’on fait, c’est déjà pas mal ! C’est, je crois, une bonne interprétation de l’attitude du deuxième fils. Il sait ce que son père attend de lui, il y donne son accord, mais quelques fois, cela coince. Il pense qu’il suffit de dire « OUI » une fois, et ensuite tout est bon.

Il me fait penser à cet autre fils de la parabole de l’enfant prodigue : le fils aîné, celui dont on ne parle jamais. Celui qui pensait que l’obéissance et la soumission suffisaient, alors qu’il faut avant tout aimer et se sentir fils de ce père qui appelle. C’est là tout le drame de tant de croyants, le drame de chacun de nous à un moment de notre vie de foi : il nous faut découvrir que la vie de foi n’est pas d’abord obéissance servile à quelques préceptes moraux, mais d’abord amour accepté et amour donné. Dieu n’attend pas de nous que nous soyons des serpillières absorbant des principes de vie, mais des hommes et des femmes debouts, libres, aimés et aimant en retour.

La mise en parallèle de l’Evangile avec le passage du prophète Ezéchiel vient renforcer ma certitude. Le prophète annonce clairement que chaque homme sera jugé sur ses actes (ceux de toute une vie) et non sur une décision prise à un moment donné de sa vie. Ainsi « si le juste se détourne de sa justice, se pervertit, et meurt dans cet état, c’est à cause de sa perversité qu’il mourra. Mais si le méchant se détourne de sa méchanceté pour pratiquer le droit et la justice, il sauvera sa vie. »

Donc, si Dieu appelle chaque homme à la vie, si chaque homme est libre de sa réponse initiale, Dieu attend de l’homme qu’il se convertisse et l’homme est sans cesse libre et capable de modifier sa réponse initiale. Si la réponse initiale de l’homme est « Oui » au projet de Dieu, il lui faudra toute sa vie pour ratifier ce OUI par des actes qui vont dans le sens de plus de vie, plus de fraternité, plus de charité. Si la réponse initiale est « Non », il aura toujours la possibilité de se reprendre et de réorienter sa vie dans le sens de LA VIE et répondre ainsi au projet d’amour de Dieu pour lui. Magnifique patience de Dieu qui ne se résout pas à enfermer l’homme dans sa misère et son péché, mais qui lui offre toujours et encore de reprendre pied et de choisir la vie.

Paul appuie cette nécessité de cohérence sur l’exemple du Christ lui-même qui s’est abaissé par amour et qui est allé jusqu’au bout de son chemin de croix. Il ne s’est pas contenté de dire Oui au projet de Dieu au moment de l’incarnation, quand les anges chantaient la gloire de Dieu et que les nations se prosternaient devant lui ; il n’a pas seulement donné son accord au projet de Dieu quand, entrant dans Jérusalem, il est accueilli tel le Messie venu libérer son peuple. Il a aussi donné son Oui à Dieu lorsque le fouet lacérait son dos, lorsque les clous traversaient sa chair et que, pendu à la croix, son souffle l’abandonnait, l’entrainant dans la mort. Il s’est abaissé, et dans son obéissance, il est allé jusqu’à la mort, et la mort sur une croix. Jésus devient véritablement le Christ dans cet acte ultime, acte consacré par le Père au moment de la résurrection. Son Oui devient définitif sur la croix ; après cet acte inouï, plus aucun Oui ne saurait être approximatif ou passager.

Pour le croyant, rien n’est donc jamais acquis. Le baptême ne donne pas de droit au Royaume : il en ouvre le chemin et en rappelle les exigences. Il nous donne une responsabilité supplémentaire vis-à-vis de ceux qui ne sont pas baptisés : nous devons témoigner de notre foi, càd leur donner envie de découvrir à leur tour ce Dieu qui les appelle et les attend, leur donner envie de rejoindre cette communauté faite de frères et de sœurs à aimer parce qu’aimés de Dieu. Puissions-nous être suffisamment ouverts à l’Esprit Saint pour entendre l’appel de Dieu et trouver le chemin d’une conversion vraie, qui nous fera répondre, positivement et durablement, au projet d’amour qu’il a pour nous. Pour y parvenir, nous pouvons prier avec le psalmiste : Seigneur, fais-moi connaître tes chemins, enseigne-moi tes sentiers. Dirige-moi dans ta vérité : enseigne-moi, tu es le Dieu qui me sauve. AMEN.

samedi 17 septembre 2011

25ème dimanche ordinaire A - 18 septembre 2011

Pour moi, vivre c'est le Christ !




Pour moi, vivre, c’est le Christ et mourir est un avantage. Combien de temps faut-il à un homme pour arriver à pareille affirmation ? Peut-on seulement arriver à pareille affirmation ? Qu’est-ce que Paul veut nous faire comprendre ?

Pour moi, vivre, c’est le Christ. En transmettant ces mots à ces chers Philippiens, Paul dit son attachement au Christ. Celui qui s’est révélé à lui sur le chemin de Damas est devenu le cœur de sa vie. Non seulement il vit pour le Christ, pour l’annonce de sa Bonne Nouvelle, mais encore il vit par le Christ. Paul a cette prétention d’être véritablement attaché au Christ au point de n’être plus qu’un avec lui. Tout ce qu’il fait, il le fait pour le Christ ; tout ce qu’il fait, il le fait au nom du Christ. Ce qu’il nous livre ici, c’est sa profession de foi en Christ qui remplit et comble toute une vie. Paul n’a plus besoin d’autre chose puisqu’il a le Christ, puisqu’il est en Christ. L’affirmation de Paul devient pour tout croyant une invitation à se fondre en Christ, à prendre au sérieux notre foi et notre relation au Christ. Celui qui a authentiquement rencontré le Christ ne peut plus vivre comme avant. Toute sa vie est transformée, bouleversée, marquée par cette rencontre.

Pour moi, vivre, c’est le Christ signifie aussi qu’il n’est plus possible désormais à Paul, de vivre sans annoncer ce Christ. Celui qui est devenu le cœur de sa vie, il voudrait qu’il devienne le cœur de la vie de tous les hommes, pour que leur vie et leur monde même en soient transformés, pour le bien de tous. Le Christ est un trésor qui se doit d’être partagé. Ayant rencontré le Christ, l’ayant reconnu comme le cœur de sa vie, comment Paul pourrait-il ne pas vouloir l’annoncer aux autres, pour qu’ils bénéficient de la même expérience ? Paul ne pouvait plus, depuis Damas, être autre chose qu’Apôtre du Christ. Quiconque rencontre le Christ en vérité ne peut plus que devenir son Apôtre, chargé d’annoncer la Bonne Nouvelle. Puisque Paul est parvenu à une telle union avec le Christ, il peut nous apprendre à entrer dans une relation semblable.

Paul est tellement devenu Un avec le Christ que son seul désir, la seule chose qui lui manque, c’est d’être pour toujours Un avec lui, par delà la mort-même. Pour moi, vivre, c’est le Christ et la mort est un avantage. C’est bien ainsi qu’il nous faut comprendre la totalité de la phrase. Certes, dès ici bas, Paul a conscience d’être pleinement uni au Christ ; mais il attend comme une délivrance de le voir face à face dans la gloire du Royaume. Il est tellement uni au Christ qu’il a conscience que plus rien, pas même la mort, ne peut le tenir loin de lui. Il comprend sa propre mort comme l’union totale à celui qu’il a accueilli dans la foi. La mort lui est un avantage, parce que de ses yeux, il verra le salut. Vivant pour et avec le Christ, Paul ne craint plus rien, pas même la mort.

Pourtant, si Paul désire la mort pour être totalement en Christ, il ne la provoque pas, il ne la hâte pas, parce qu’il sait que Dieu a encore besoin de lui. Paul est partagé soudain entre son désir d’être face à son Sauveur et sa mission qui est d’annoncer justement le salut à tous. A cause de vous, demeurer en ce monde est encore plus nécessaire. Il ne craint pas de mourir, mais il ne provoque pas la mort parce que les Philippiens ont encore besoin d’entendre Paul, d’entendre sa prédication. Il est plus urgent, plus utile d’annoncer l’Evangile pour le salut du monde que de vouloir être en Christ, dans son Royaume. Entre son désir propre et sa mission, ce qui est premier, c’est sa mission, c’est le monde qui ne connaît pas encore le Christ, ou qui le connaît mal. Comment parviendrait-il, ce monde, à la connaissance du Christ, si tous ceux qui l’ont découvert n’ont qu’une hâte : lui être uni dans son Royaume ? L’Apôtre ne saurait être égoïste et ne penser qu’à son bonheur. Le souci de l’Apôtre, c’est de gagner le monde au Christ, comme lui-même a été gagné au Christ. En choisissant le bien de la communauté, Paul ne renonce pas à son désir, il ne renonce pas à ce qui, pour lui, est fondamental : être avec le Christ ! Il sera avec le Christ dans le service de ses frères. Il sera avec le Christ en menant une vie droite. Il peut alors interpeler cette communauté pour laquelle il diffère son désir propre en l’invitant à mener une vie conforme à la foi qu’elle a accueillie : quant à vous, menez une vie digne de l’Evangile du Christ.

Quand un chrétien est ainsi disposé, il comprend mieux alors la parabole du Christ au sujet des ouvriers de la dernière heure. Qu’importe le temps passé à la mission, qu’importent les conditions et la durée de la mission (dans la chaleur et le poids du jour ou seulement avant la tombée de la nuit), la récompense est la même : vivre avec Dieu pour toute éternité, le voir face à face dans la béatitude du Royaume où il nous attend. Qui peut prétendre vouloir plus parce qu’il aurait travaillé plus ? Nous ne sommes plus dans un système marchand, mais sous le régime de la grâce. Dieu offre le salut à ceux qui travaillent à sa vigne, à ceux qui se laissent gagner par le Christ. Peu importe le temps mis à l’ouvrage ; ce qui compte, c’est que notre cœur soit à jamais au Christ.

Pour moi, vivre, c’est le Christ. Saisis par le Christ au jour de notre baptême, devenu comme lui, nous voici invités à reconnaître sa présence et son œuvre au cœur de notre vie. Nous pouvons faire nôtre la profession de foi de Paul et son espérance : être un jour totalement uni au Christ Sauveur dans la gloire du Royaume. En attendant ce jour béni, gagnons au Christ nos frères et sœurs qui ne le connaissent pas encore par l’exemple de notre propre vie. Comme Paul, soyons Apôtre du Christ au milieu de nos frères. Prenons notre part de travail dans la vigne du Seigneur. Il n’est jamais trop tard. Amen.









(Photo La Transfiguration, Bible de Gustave DORE)

samedi 3 septembre 2011

23ème dimanche ordinaire A - 04 septembre 2011

La correction fraternelle passe par la prière.


Si ton frère, qui a commis un péché, refuse d'écouter l'Eglise, considère-le comme un païen et un publicain. Voilà une parole qui peut nous sembler bien sévère dans la bouche de Jésus, une parole qui sonne comme une condamnation alors même que nous tenons Jésus pour le chantre de l'amour de Dieu et du respect dû à tout homme. Comment comprendre cette affirmation ? Cette phrase est à relire d'abord à la lumière de tout l'enseignement de Jésus, à la lumière de sa vie même.

Jésus a brisé des tabous en mangeant avec des pécheurs ; il a annoncé le pardon de Dieu à tous ceux qu'il rencontrait. Il a rappelé l'immense tendresse du Père et sa patience sans limite envers l'homme pécheur. Il a annoncé un Dieu lent à la colère et plein d'amour. Sans jamais condamner, il a regardé les hommes et les femmes de son temps comme des êtres ayant besoin de l'amour de Dieu, comme des êtres de valeur quelle que soit leur vie. Il a toujours dissocié l'homme de ses actes. La correction fraternelle n'est pas là pour reprendre celui qui me déplait parce qu'il n'est pas comme moi, ou ne fait pas comme moi, mais pour reprendre celui qui a péché ! Ce qui est en cause, profondément, c'est la relation de l'homme à Dieu. C'était là la passion de Jésus. Pour Jésus, plus que pour tout autre, l'homme est créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. Pour Jésus, plus que pour tout autre, l'homme est appelé à partager le bonheur que Dieu promet. Pour Jésus, plus que pour tout autre, l'homme a besoin du salut parce que l'homme est pécheur. Il ne s'agit pas d'enfermer, ni de condamner; il s'agit de guérir, de relever, de sauver, c'est-à-dire d'indiquer un chemin de vie, à la suite de Jésus, à la rencontre du Père de tous. Lorsqu'il nous appelle à traiter comme un païen l'homme qui ne se repend pas, il nous invite peut-être surtout à poser sur lui le regard de Dieu lui-même, un regard fait de patience, un regard fait d'amour, un regard fait de miséricorde. Et surtout, il nous invite à prier pour lui. Seul Dieu peut toucher le coeur des hommes ; seul Dieu peut bouleverser une vie. Le païen n'est pas seulement celui qui ne reconnaît pas Dieu ; il est aussi celui qui peut encore le découvrir et l'aimer pour peu qu'on en lui laisse le temps, pour peu qu'il rencontre dans sa vie des hommes et des femmes qui vivent déjà du Christ.

La phrase de Jésus est donc aussi à comprendre à la lumière des paroles du prophètes Ezéchiel que la liturgie nous a fait entendre en première lecture : Fils d'homme, je fais de toi un guetteur pour la maison d'Israël. Lorsque tu entendras une parole de ma bouche, tu les avertiras de ma part. Et voilà Ezéchiel promus gardien de ses fères. Sa propre vie et la vie des autres dépendent de son ardeur à redire cette parole, à transmettre les messages de Dieu. S'il ne dit rien, les méchants mourront, et lui avec. S'il prévient, lui vivra ; pour les autres, ce sera selon leur attitude face à la parole proclamée. De même qu'Ezéchiel était le gardien de son peuple, de même, Jésus, par cette affirmation sévère, fait de nous les gardiens de nos frères et soeurs en humanité. Cela ne signifie pas que nous avons à nous mèler de leur vie privée ; cela signifie qu'il nous faut avoir à coeur de nous sauver avec eux et non malgré eux ou contre eux.

Si ton frère a commis un péché, va le voir, parle-lui, seul à seul. Il faut beaucoup de tact et de courage, beaucoup d'humilité et de fraternité pour oser reprendre ainsi son frère. Il ne s'agit pas de le crier sur les toits, ni de l'humilier, encore moins de l'enfermer dans son péché. Il s'agit de lui rappeler que nous sommes invités à vivre à la suite du Christ, dans un amour et un respect réciproque.

Si tu n'arrives pas à le convaincre, prends avec toi deux ou trois frères ; si cela ne suffit toujours pas, dis-le à l'Eglise,
c'est-à-dire à la communauté des frères. Tout un processus pour permettre au frère pécheur de réaffirmer son appartenance à cette communauté de foi ; un processus long pour lui permettre de faire le point et de se situer en vérité non par rapport à ses frères, mais par rapport à Dieu et à son amour pour nous. S'il refuse, il sera considéré comme un païen, comme un publicain, comme quelqu'un qui n'a pas encore découvert l'immense amour de Dieu pour lui. Il se sera coupé lui-même de la communauté de foi, d'espérance et de charité que nous voulons vivre et construire.

L'invitation finale à la prière de demande commune n'est peut-être pas un hasard. Si deux d'entre vous sur la terre se mettent d'accord pour demander quelque chose, ils l'obtiendront de mon Père qui est aux cieux. La première des choses à demander ensemble, n'est-ce pas la conversion de celles et de ceux qui sont loin de l'amour de Dieu ? Si nous prions pour notre conversion commune, nos communautés n'en seront-elles pas plus fraternelles ?

Gardiens les uns des autres, invités à vivre de l'esprit même du Christ, nous devenons des serviteurs de la réconciliation. Aucun de nous ne peut se dire meilleur qu'un autre. Chacun de nous a besoin du pardon de Dieu. Chacun de nous a besoin de quelqu'un pour lui indiquer le chemin de retour vers le Père. Tous, nous avons besoin de la prière fraternelle pour progresser et accueillir la sainteté de Dieu en nos vies. Nous sommes tous gardiens de nos frères ; nous sommes tous païens pour nos frères. Avançons ensemble à la rencontre de notre Dieu, nous soutenant, nous supportant, nous encourageant sur ce chemin de pardon et d'espérance. Si nous le faisons au nom du Christ, il sera au milieu de nous, il marchera avec nous. Amen.

(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)

dimanche 21 août 2011

21ème dimanche ordinaire A - 21 août 2011

Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu !





Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu ! Il n’est pas besoin d’être grand savant pour comprendre que ces mots renferment l’admiration profonde et sincère de Paul à l’égard de ce Dieu qui l’a choisi et appelé à être Apôtre. Il n’est pas besoin d’être grand savant pour comprendre que ces mots expriment l’absolue grandeur de Dieu et de son projet pour l’humanité. Cette hymne que nous avons entendue en seconde lecture vient au terme de l’exposé de Paul qui s’achevait sur l’affirmation de la miséricorde de Dieu pour tous les hommes, qu’ils soient juifs ou païens. Elle est comme une mini eucharistie, c'est-à-dire une action de grâce pour l’œuvre de salut réalisée en Jésus Christ.

Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu ! Ne croyons pas que l’on parvient aisément à une telle affirmation. Il a fallu à Paul méditer longuement l’histoire de Dieu avec les hommes, l’histoire du salut, l’histoire de Jésus Christ pour parvenir ainsi à cette affirmation de foi. La miséricorde que Dieu accorde à tous les hommes, Paul l’a découvert d’abord dans sa propre existence. Il a pu la vérifier dans l’histoire du peuple élu auquel il appartient. Et sur le chemin de Damas et dans les jours qui ont suivi, plongé dans la nuit en attendant de retrouver la lumière par l’imposition des mains d’Ananie, Paul a compris que cette miséricorde et cette œuvre de salut s’ouvraient désormais en Christ, à tous. Il n’a pas tardé à annoncer le Christ car il voulait que tous puissent vivre cette expérience ; il voulait que tous puissent découvrir en Jésus celui qui récapitule toute l’histoire du salut : tout est de lui, et par lui et pour lui. Tout est grâce, tout est don.

Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu ! Face à l’œuvre de Dieu, l’homme ne peut que méditer et approfondir sa connaissance de Dieu, s’il veut accueillir le salut dans sa propre vie. Le salut de Dieu est grâce, il est don, certes ; mais l’homme doit accueillir ce don. La grâce ne s’impose pas. Dieu propose le salut, l’homme en dispose. Avons-nous besoin d’être sauvés ? Avons-nous conscience que notre vie tout entière repose entre les mains de Dieu ? Sommes-nous capables, comme Paul d’exprimer ainsi notre reconnaissance pour l’œuvre de Dieu en nous ? Sommes-nous capables, comme Pierre, de reconnaître en Jésus plus qu’un homme, de reconnaître en Jésus celui qui nous offre ce salut, parce qu’il vient de Dieu ? Sommes-nous capables, comme ces deux colonnes de l’Eglise, de nous ouvrir à l’inattendu de Dieu, à revoir nos jugements, nos convictions les plus intimes pour que la grâce de Dieu puisse agir en nous ?

Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu ! Lorsque nous sommes rassemblés comme aujourd’hui pour célébrer l’Eucharistie, nous sommes invités à reconnaître cette grandeur de Dieu. Par le rite pénitentiel, nous reconnaissons que, sans le sacrifice du Fils unique sur la croix, nous ne pourrions être relevés de notre mal. Par le chant du « Gloria », nous reprenons les mots de l’Eglise pour faire nôtre l’exclamation de Paul : à Dieu seul la gloire ! Dans la préface, nous chantons chaque dimanche un motif d’action de grâce, nous proclamons chaque dimanche une merveille que Dieu fait pour nous en Jésus Christ. Chaque préface est la proclamation d’un aspect de cette immense œuvre de salut récapitulée dans le mystère de la croix. Saurions-nous en énumérer cinq, nous qui participons à l’eucharistie chaque dimanche ? Serons-nous capable, au terme de notre eucharistie de ce dimanche, de reprendre dans la prière l’œuvre chantée tout à l’heure dans la préface ?

Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu ! Pour ne pas nous perdre dans cette œuvre de salut, pour n’en négliger aucun aspect, il est bon de reprendre ces cantiques d’action de grâce et d’approfondir ainsi, avec les mots que nous donne l’Eglise, tout ce que Dieu a fait et continue de faire pour nous. Sans doute, une vie ne suffit-elle pas pour nous rendre compte de la profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu ! Mais une vie suffit pour choisir d’y faire écho ; une vie suffit pour accueillir le salut que Dieu nous offre et reconnaître humblement que tout est de lui, et par lui, et pour lui. Avec Paul, avec Pierre, avec l’Eglise tout entière, nous pouvons dire : A lui la gloire pour l’éternité ! Amen.


(Photo : détail d'une icône, Monastère de Toplou, Crête)