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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







mercredi 25 décembre 2019

Jour de Noël - 25 décembre 2019

Quand Dieu se fait homme, il ne joue pas à l'homme !







Après le côté merveilleux de cette nuit, redevenons sérieux, voulez-vous ! Nous avons chanté et célébré Dieu qui se fait homme en Jésus Christ ; nous avons vu la crèche, nous avons entendu le message de l’ange. Et maintenant ? Maintenant, il faut nous rendre à l’évidence : quand Dieu se fait homme, il ne joue pas à l’homme, il le devient, réellement. 

Un instant, nous aurions pu croire à une mauvaise blague. Après tout, les choses se passaient dans l’Empire romain. Et tout le monde sait que les dieux romains, comme les dieux grecs qu’ils imitent, jouent avec les hommes. De temps à autre, l’un d’eux vient sur terre, plus ou moins déguisé, s’en va séduire qui une jeune fille, qui un jeune homme. Une blague céleste, vous dis-je ! Mais aucun d’eux n’est allé jusqu’à se faire homme réellement. Or le Dieu qui s’est révélé à Abraham, Moïse, David et à tous les prophètes, a choisi, pour sauver l’homme, de se faire homme réellement. Le Verbe s’est fait chair (c.h.a.i.r et non pas c.h.e.r - il serait hors de prix !), il a habité parmi nous, affirme le prologue de l’Evangile de Jean. Ce n’est pas une élucubration philosophique, c’est le mystère que Jean l’Apôtre a saisi en côtoyant Jésus jour après jour, jusqu’à la croix, et il témoigne de cela dans son Evangile. C’est tellement évident pour lui, c’est tellement important pour lui, qu’il va transmettre ce qu’il a vu, ce qu’il a compris. Ce n’est pas de la théologie de salon ; c’est du vécu : Nous avons vu sa gloire. Ce prologue vient comme résumer et annoncer tout ce qui est contenu dans son Evangile. Et cette affirmation de l’incarnation de Dieu en Jésus est centrale, fondamentale pour Jean. Il va nous montrer que Dieu ne joue pas l’homme, Dieu ne joue pas avec les hommes ; Dieu vient à leur rencontre, Dieu vient assumer tout ce qui fait leur vie, de la naissance à la mort, pour donner à ces vies humaines leur pleine stature. Quand Dieu se fait homme, l’homme lui-même ne peut plus jouer à être homme ; l’homme lui-même doit être homme, pleinement. Il doit assumer la grandeur de son existence puisque Dieu la lui a rendue en se faisant tout petit. Il doit assumer la sainteté de son existence, puisque Dieu lui-même a embrassé l’humanité, faisant d’elle sa promise, son épouse. Voilà l’humanité qui retrouve la sainteté qui fut sienne, au commencement. 

Si Dieu ne joue pas avec les hommes, les hommes ne doivent pas jouer avec Dieu. Cela ne peut pas être un coup je t’aime, un coup je ne t’aime plus ; un coup je te suis, un coup je te laisse ; un coup je crois en toi, un coup je te tourne le dos. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Entendez bien ce qui est dit : il est venu chez lui. Dieu n’est pas un étranger en terre humaine ; les hommes ne peuvent pas lui être hostiles à moins d’être ingrats. Dieu est chez lui chez les hommes puisque le monde était venu par lui à l’existence. Sans Dieu, pas de monde ; sans Dieu, pas d’hommes ! Quand les hommes jouent avec Dieu, Dieu n’a plus de place reconnue dans ce monde qu’il a créé pour les hommes. Quand les hommes jouent avec Dieu, Dieu devient un étranger sur sa propre terre, et n’y est pas le bienvenu. Quand les hommes jouent avec Dieu, quand ils jouent à se prendre pour Dieu, tout va mal, non pour Dieu, mais pour les hommes eux-mêmes. C’est pour cela d’ailleurs que Dieu se fait homme, pour redonner de la grandeur à la vie des hommes, pour que leurs vies étriquées, abîmées, noyées dans les ténèbres, retrouvent leur splendeur première. A ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Dieu est tellement sérieux quand il se fait homme qu’il permet aux hommes qui l’accueillent de devenir comme Lui, de devenir ses fils. C’est dire si Dieu ne joue pas avec les hommes ; c’est dire que Dieu ne joue pas à être homme. 

Quand Dieu vient chez les hommes, il ne joue pas à l’homme, il ne joue pas avec les hommes. Ce mystère que nous avons célébré cette nuit est un fait et il nous faudra faire avec. Nous ne sommes pas obligés d’y croire ; mais n’y croyant pas, n’accusons pas Dieu de tous nos maux, de tous nos travers, de toutes nos lâchetés, de toutes nos turpitudes. Dieu est venu chez les siens ; Dieu ne cesse de venir chez lui. Continuerons de jouer avec lui, continuerons de nous jouer de Lui, de faire comme si cela ne changeait rien, de faire comme si cela ne nous concernait pas ? Dieu est venu chez lui ; et toi, où viens-tu ? Où vas-tu ? Permettras-tu à la rencontre de se faire et au monde à devenir meilleur ? Permettras-tu à Dieu d’être Dieu-fait-homme, Dieu qui s’invite dans ta vie ? La réponse est tienne, la réponse est nôtre. Dieu vient à nous, sérieusement. Qu’en faisons-nous ? Personne ne peut accueillir Dieu dans ta vie à ta place. A toi d’être sérieux avec Dieu comme il l’est avec toi. A toi de dire à Dieu qu’il compte pour toi comme toi tu comptes pour lui. Amen.




mardi 24 décembre 2019

Nuit de Noël 2019 - 24 décembre 2019

Le signe de la crèche.






            Nous voici donc arrivés près de ce signe particulier de la crèche où naît en cette nuit l’Enfant-Dieu, promis par les prophètes. Nous voici à contempler une grotte, une mangeoire, un lieu pauvre, dénué de toute splendeur extérieure. Ce n’est pas le lieu vers lequel l’homme court pour passer ses vacances d’hiver. Ici, rien n’est luxe, calme ou volupté. Ici, tout n’est que rejet, pauvreté, et pourtant grande joie. 

            Dans une lettre apostolique signée à Greccio, le premier décembre de cette année, le Pape François nous invite à méditer ce signe de la crèche, lieu où Dieu non seulement rencontre l’homme, mais se fait homme. Nous découvrons [là], écrit le Pape, qu’Il nous aime jusqu’au point de s’unir à nous, pour que nous aussi nous puissions nous unir à Lui. C’est ce mystère-là qu’il nous faut sans cesse approfondir : Dieu qui se fait homme pour que l’homme puisse devenir Dieu ; Dieu qui se fait tout petit pour que l’homme puisse devenir, par Lui, tout grand. Pour entrer dans ce mystère, il faut donc que l’homme reconnaisse qu’il vit sa vie en petit, quand il la vit sans Dieu. Seul Dieu peut faire parvenir l’homme à sa pleine stature ; seul Dieu peut faire vivre l’homme debout ; seul Dieu peut rendre l’homme vraiment libre. 

            Méditer le mystère de la crèche, c’est aussi déjà méditer le mystère de l’Eucharistie. Se situant pleinement dans la Tradition de l’Eglise, le Pape François nous rappelle que le Christ s’est incarné pour devenir notre nourriture. En entrant dans le monde, écrit-il, le Fils de Dieu est déposé à l’endroit où les animaux vont manger. La paille devient le premier berceau pour Celui qui se révèle comme le « pain descendu du ciel » (Jn 6, 41). Il nous faudrait donc consentir à plier le genou devant la crèche comme nous le faisons devant le Saint Sacrement exposé. Ici, dès le commencement de sa vie, Jésus se donne, se livre entièrement. Toute sa vie est déjà là, dans cette pauvre mangeoire. Du bois de la crèche au bois de la croix : il semblerait que le seul élément qui accueille toujours le Christ, au début comme à la fin de sa vie, soit bien le bois. Seul avec Marie et Joseph pour entrer dans le monde, seul avec Marie et Jean pour quitter ce monde : la vie de Jésus n’est qu’abandon. Seul Dieu le Père veille sur ce Fils qui s’abandonne d’abord à Lui et à sa volonté. A la crèche, nous touchons du doigt la pauvreté du Fils de Dieu, venu humblement dans le monde. 

             C’est cette pauvreté que l’autre François, le pauvre d’Assise, voulu ressentir. C’est là l’origine de nos crèches que le Pape nous encourage à installer dans nos maisons, dans nos écoles, sur nos places. François d’Assise voulait, selon les Sources franciscaines, représenter l’Enfant né à Bethléem, et voir avec les yeux du corps, les souffrances dans lesquelles il s’est trouvé par manque du nécessaire pour un nouveau-né, lorsqu’il était couché dans un berceau sur la paille, entre le bœuf et l’âne. C’est un homme du lieu qui a tout préparé selon le vœu de saint François. Le 25 décembre, quand François arriva, il trouva la mangeoire avec la paille, le bœuf et l’âne. Les gens qui étaient accourus manifestèrent une joie indicible jamais éprouvée auparavant devant la scène de Noël. Puis le prêtre, sur la mangeoire, célébra solennellement l’Eucharistie, montrant le lien entre l’Incarnation du Fils de Dieu et l’Eucharistie. A cette occasion, à Greccio, il n’y a pas eu de santons : la crèche a été réalisée et vécue par les personnes présentes. Nous sommes, ce soir, les santons de notre crèche. Nous sommes venus avec ce qui fait nos vies ; nous pouvons déposer tout cela devant l’Enfant nouveau-né ; nous pouvons lui offrir nos vies, qu’elles soient bien droites ou toutes abimées, lumineuses ou plongées dans les ténèbres. La seule chose qui importe au Christ, c’est que nous lui fassions l’offrande de notre vie. Quand il offrira la sienne sur la croix, il prendra avec lui toutes nos vies offertes ; quand il entrera dans sa gloire, il emportera toutes nos vies offertes. 

            Nous pouvons, devant la crèche, mesurer pleinement l’amour et la tendresse de Dieu pour nous. Comme nous le rappelle le Pape dans sa Lettre, en Jésus, le Père nous a donné un frère qui vient nous chercher quand nous sommes désorientés et que nous perdons notre direction ; un ami fidèle qui est toujours près de nous. Il nous a donné son Fils qui nous pardonne et nous relève du péché. Ne cherchez rien d’autre à la crèche que cet amour et cette tendresse de Dieu pour vous. Vous ne trouverez pas la gloire ici ; vous ne trouverez pas la richesse ici. Mais à la crèche, vous trouverez celui qui veut devenir votre gloire ; à la crèche, vous trouverez celui qui veut être votre unique richesse. Dès à présent, il vous invite à le suivre sur le chemin de la simplicité et de l’humilité ; dès à présent, il vous invite à le suivre sur le chemin de l’amour donné et du service à accomplir. La crèche, on y vient pour trouver du courage ; on en repart missionnaire, joyeux d’avoir rencontré le visage véritable de Dieu qui prend soin de tous les hommes. 

            Aujourd’hui vous est né un Sauveur. Ce message de l’ange aux bergers est pour nous, ce soir. C’est Noël, Dieu qui vient chez nous. Nous ne célébrons pas l’anniversaire de sa venue, mais bien cet aujourd’hui de Dieu qui fait irruption dans notre vie. Venons à la crèche pour voir le Roi du monde. Venons à la crèche trouvons-y notre vie, notre paix, notre joie. Amen. 

(Photo prise à Greccio, Exposition de crèches venues du monde entier).






dimanche 22 décembre 2019

4ème dimanche de Carême A - 22 décembre 2019

Marie n'est pas là, et pourtant !







            Elle n’est pas là physiquement, mais la première lecture et l’Evangile ne parlent que d’elle dans cette liturgie du quatrième dimanche de l’Avent. Pas étonnant donc qu’une des propositions de décor pour notre communauté ait été de ne mettre aujourd’hui que Marie seule dans la crèche. Elle n’est pas là, mais elle est incontournable, même dans cette rencontre entre Joseph, son époux promis et l’ange du Seigneur qui lui apparaît. Elle n’est pas là, elle ne parle pas, mais jamais son Oui à Dieu n’aura retenti aussi fort dans la tête de Joseph. Elle n’est pas là, et pourtant sa vie reste un modèle pour tout croyant. 

            En écoutant le prophète Isaïe, qui annonce la naissance d’un fils dans la maison du roi Acaz, comment ne pas, avec l’Eglise tout entière, reconnaître la figure de Marie ? Ce n’est pas d’elle que parle Isaïe, mais la Tradition chrétienne a vu une préfiguration de Marie dans cette vierge enceinte dont parle le prophète, et une annonce de la naissance du Christ. De fait, tout chrétien qui accepte que l’Ancien Testament nous parle des promesses de Dieu à son peuple, ne pourra s’empêcher de faire ce rapprochement et reconnaître ce qui est révélé à Joseph dans l’évangile de Matthieu. Ce qui est annoncé (Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel) correspond à ce qui est annoncé à Joseph, un peu déboussolé de constater que sa promise est déjà enceinte alors qu’ils n’ont pas encore habité ensemble. Si aujourd’hui, cela ne semble pas plus dramatique que cela, puisqu’une femme peut même faire un bébé toute seule, à l’époque de Joseph, c’était le drame absolu. La Loi exigeait de lui qu’il dénonça sa femme publiquement, et celle-ci n’aurait pas manqué d’être lapidée. Mais comme Dieu fait toujours bien les choses, Joseph, qui était un homme juste, décida de faire autrement. Ce qui laisse à Dieu un temps pour révéler son projet au grand oublié de l’histoire : celui qui serait le père terrestre de Jésus. 

            Ce projet de Dieu, c’est celui que Marie avait accepté à l’Annonciation : être la mère du Sauveur que Dieu enverrait à son peuple. Ce qui est extraordinaire, ce n’est pas l’annonce d’un enfant à une fille d’Israël ; le Premier Testament regorge d’histoires d’enfants offert par Dieu à des femmes stériles ou âgées. Il y a eu, entre autres, Isaac l’enfant de la promesse, Samson, Samuel, Jean le Baptiste... Ce qui change avec celui-là, c’est qu’il vient de Dieu lui-même : l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint. Et là nous touchons à l’essentiel pour nous aujourd’hui. Comme Marie avait accepté le projet de Dieu à l’Annonciation, Joseph doit faire sien le projet de Dieu. Et, à la suite de Joseph, nous devons faire nôtre le projet de Dieu. Il tient en deux noms : Jésus – Emmanuel. Nous découvrons qu’à travers cet enfant, Le-Seigneur-sauve son peuple et qu’il est Dieu-avec-nous. D’aucun autre enfant donné par Dieu, une telle chose est dite, même s’ils ont eu des destins extraordinaires. 

            Le-Seigneur-sauve, Dieu-avec-nous : voilà que tout nous est dit sur celui dont nous préparons la venue. Voilà que nous est annoncé notre avenir. Quand nous irons à la crèche, y verrons-nous ce Dieu-avec-nous ? Reconnaîtrons-nous le Seigneur qui nous sauve ou ne verrons-nous qu’un enfant comme tous les autres enfants ? Accepterons-nous, dans notre propre vie, le projet de Dieu pour tous les hommes, donc pour nous aussi ? Avons-nous seulement le sentiment de devoir être sauvé par Dieu ? Devant cette annonce, Joseph, réveillé, n’hésite pas : il prit chez lui son épouse et avec elle, il accepte le projet de salut de Dieu. Ce qui aurait pu être une source de conflit devient source d’avenir, pour Joseph, pour Marie, pour vous, pour moi, pour tous les hommes. Et l’histoire de Joseph devient votre histoire, mon histoire, l’histoire de tous les hommes. C’est à nous qu’il est dit : ne crains pas de prendre chez toi Marie et l’enfant qui grandit en elle. Ne crains pas d’entrer dans le projet de salut de Dieu. Accueille celle qui s’est montré capable de Dieu et deviens, toi-aussi, capable de Dieu, capable de t’ouvrir à l’avenir. Accueille celle qui m’a accueilli ; accueille-moi dans ta vie. 

            Marie n’est pas là, mais tout nous parle d’elle, à commencer par cette crèche qui se construit depuis le premier dimanche de l’Avent. Sans Marie, ce ne serait qu’une cabane en bois, pas différente des cabanes de notre enfance. Mais grâce à elle, cette cabane devient le lieu de la rencontre entre Dieu et les hommes. Grâce à elle, le monde devient le lieu de la rencontre entre Dieu et les hommes. Grâce à elle, tout homme devient le lieu de la rencontre entre Dieu et les hommes. La décision est nôtre aujourd’hui : accueillerons-nous Marie et son enfant ? Accueillerons-nous Dieu dans notre vie ?



(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année A, éd. Les Presses d'Ile de France).


samedi 14 décembre 2019

3ème dimanche de l'Avent A - 15 décembre 2019

Jésus et Jean le Baptiste : deux styles, une même urgence ! 






            Quiconque a en tête l’évangile de dimanche dernier et entend celui de ce jour avec attention n’aura pas manqué de remarquer une légère différence de style entre Jésus et Jean le Baptiste. Pour ceux qui auraient eu leur mémoire balayée par le vent fort de ces derniers jours, un petit rappel : dimanche dernier, Jean le Baptiste s’exprimait ainsi : Celui qui vient derrière moi est plus fort que moi… Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. C’était plutôt revigorant et clair : tu te convertis ou t’es perdu, car celui que j’annonce ne fera pas dans le détail ! 

            Nous retrouvons Jean le Baptiste aujourd’hui, en fâcheuse posture, puisqu’il est au fond d’une cellule : il ne fait pas bon déplaire au pouvoir en place à son époque. Une phrase de trop, et le voici embastillé. Il est en proie au doute, on peut le comprendre. Ce qu’il entend de Jésus est loin de la pelle à vanner, du grand nettoyage promis ; pas même un bon bûcher à l’horizon pour brûler toute la paille qu’il aurait dû séparer du bon grain. Se serait-il trompé, Jean le Baptiste ? Trompé non pas dans ce qu’il a dit, mais quant à celui qui le suivrait. Il envoie donc des disciples s’enquérir de la réalité. Et la réalité est celle que Jésus décrit dans la réponse à transmettre à Jean : les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. A celui qui connaît un peu les prophètes et leur message, ces paroles sont familières ; le fait que Jésus annonce cela non plus comme un futur, mais comme la réalité présente signifie que le temps de Dieu est venu, que le temps de la réalisation des promesses faites aux prophètes est là. Dieu est à l’œuvre en ce monde, en ce temps ; les signes sont on ne peut plus clair. Voilà de quoi rassurer Jean le Baptiste ; voilà de quoi inquiéter ses contemporains. 

            S’il y a bien un style différent entre Jésus et Jean le Baptiste, la même urgence les habite : celle de la conversion des hommes. La différence de style vient de la différence qui existe entre les deux cousins. Bien que donné par Dieu à sa mère Elisabeth dans sa vieillesse, Jean n’en est pas moins juste un homme. Il utilise les moyens qui sont à sa disposition comme homme. Il avertit, il témoigne, il appelle à la conversion en brandissant la menace d’un pire. Jésus, bien que donné par Dieu à sa mère Marie dans sa jeunesse, n’en est pas moins Dieu. Et c’est toute la puissance de Dieu qui se déploie en lui et à travers lui : Dieu qui guérit, Dieu qui purifie, Dieu qui redonne vie. Les hommes auraient tort, tout comme nous aurions tort, de s’arrêter à la différence de style. L’hommage que Jésus rend à Jean le Baptiste en témoigne : C’est de lui [de Jean le Baptiste] qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi. Il y a un lien fort entre ces deux hommes ; ce lien, c’est le service du projet de salut de Dieu pour les hommes. Celui qui prépare la route, et celui qui accomplit la route. L’un ne va pas sans l’autre. Si personne n’annonce, qui sera capable de reconnaître le jour du salut ? Si personne ne met en œuvre les promesses de Dieu, pourquoi quelqu’un devrait se fatiguer à préparer le chemin ? 

            Ce qui compte donc, c’est que nous comprenions bien ce qui se joue quand Jésus est là, présent au milieu de son peuple. Ce qui compte, c’est que nous reconnaissions les œuvres de Jésus comme étant les œuvres de son Père, les œuvres de Dieu lui-même. Ce qui compte, c’est que nous nous interrogions et écoutions la réponse portée à Jean. Elle doit nous faire comprendre qu’il n’est plus temps de tergiverser ; il n’est plus temps de faire comme si nous ne savions pas. Les signes sont clairs ; ils parlent d’eux-mêmes à ceux qui scrutent les Ecritures. Ce qui compte, c’est que l’homme ne s’éloigne pas de Dieu en voyant Jésus faire : Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute !  Admirable béatitude qui ne condamne pas le doute de Jean le Baptiste ! Admirable béatitude qui invite l’homme à reconnaître en Jésus celui qui sauve, celui qui relève, et non celui qui fait tomber. Admirable béatitude qui nous redit que Jésus, le Messie, est bien venu au milieu de nous et que nous pouvons le choisir et l’accueillir dans notre vie. 

            Nous pouvons reprendre les mots de la prière qui nous invitait à entrer en célébration en ce troisième dimanche de l’Avent : Aujourd’hui tu viens. Et « venir » est bien plus « qu’être là » ! Ne sois plus cette vieille connaissance dont l’on croit tout savoir. Viens chez nous et surprends-nous encore ! (Prière de Jean Lievens, prêtre du diocèse de Liège). Laissons-nous surprendre par Jésus, étonnons-nous de lui et de ses œuvres, comme Jean le Baptiste s’en est étonné. Et, plutôt que de nous inquiéter, réjouissons-nous de sa présence au milieu de nous.  Il est venu nous sauver, et il le fait, car tel est le projet de Dieu pour nous. Puisque, en Jésus, Dieu est bien venu chez nous, faisons en sorte qu’il soit le bienvenu dans notre vie. Amen.



(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année A, éd. Les Presses d'Ile de France)

2ème dimanche de l'Avent A - 8 décembre 2019

La prédication de Jean le Baptiste nous concerne.

(en vous priant de m'excuser pour cette publication tardive)




Il y a toujours un risque avec les textes bibliques, surtout lorsqu’ils sont sévères ; et ce risque, c’est de croire qu’ils ne sont écrits que pour les autres. Ainsi, cette invective de Jean le Baptiste à l’adresse des pharisiens (Engeance de vipères !) ou encore ces images du Messie qui vient nettoyer son aire à battre le blé et [amasser] son grain dans le grenier. Il y aurait les autres (ceux qui seront nettoyés, autrement dit dégagés, mis dehors) et il y a nous, les bons, les croyants, le grain que le Messie rassemblera dans son grenier. Comme si, depuis toujours et pour toujours, le monde se divisait en deux : les bons et les méchants, et que toute l’œuvre de Dieu consistait à séparer, définir une fois pour toutes qui est bon et qui est méchant.

Les choses ne sont heureusement pas si simples. Il nous faut entendre Jean le Baptiste s’adresser à nous tous et à chacun de nous en particulier. Il nous faut l’entendre nous dire que le Messie vient nettoyer son aire à battre le blé, c’est-à-dire notre vie, puisque nous sommes à lui. Il vient faire de l’ordre dans notre vie, il vient lui donner du sens et de l’unité, en en chassant ce qui est mauvais et en donnant de la valeur à ce qui est bon. Le bon grain et la paille, ce ne sont pas deux sortes d’hommes, mais c’est ce qui cohabite dans chaque existence humaine. Une seule, selon notre foi, n’était que bon grain, et c’est Marie ; la fête de l’Immaculée conception que nous célébrerons lundi, le redira avec force. Si donc le bon grain et la paille cohabitent en notre vie, il nous faut entendre Jean le Baptiste et le prendre au sérieux. C’est nous tous qu’il vient secouer avec son discours pour que nous soyons prêts à accueillir Celui qu’il annonce. C’est nous tous qu’il vient bousculer avec son style de vie radical pour que nous « radicalisions » notre foi, non pas au sens de la durcir ou de la fanatiser, mais de la faire revenir à ses racines, que nous comprenions qu’elle fait partie de nous, de notre nature profonde. Nous pourrions aussi comprendre cette radicalité au sens chimique du terme, ce qu’on appelle un radical organique, c'est-à-dire une partie d’un composé moléculaire qui reste inchangée dans une réaction (définition du Larousse, éd. 1993). Notre foi ne se laisserait pas influencer par l’air du temps, ne changerait pas au gré des modes. Attachés au Christ, nous le sommes ; attachés au Christ, nous le resterons, quand bien même le monde se détournerait massivement de Lui. 

Pour Jean le Baptiste, il semble clair que l’homme ne peut pas jouer au culbuto, vous savez, ce petit jouet d’enfant qui n’a pas de base fixe et qui se balance sur lui-même dès qu’on le pousse un peu. Il penche tantôt à droite, tantôt à gauche, tantôt en avant et tantôt en arrière, ne semblant jamais se décider où aller et se tenir. A la moindre agitation, le voilà qui culbute. C’est l’image de l’homme qui, à l’intérieur de lui-même, n’est pas unifié. Le Messie vient pour lui ; il n’aura plus à pencher tantôt vers le Mal, tantôt vers le Bien ; il n’aura plus à hésiter : le Messie vient brûler en lui, au feu de son Esprit, la paille de son inconsistance, de son péché. Ce que l’homme doit faire, c’est choisir Celui qui vient ; ce que l’homme doit faire, c’est accueillir Celui qui vient. C’est ce que nous demandions dans la prière d’ouverture de cette messe : Seigneur tout-puissant et miséricordieux, ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils ; mais éveille en nous cette intelligence du cœur qui nous prépare à l’accueillir et nous fait entrer dans sa propre vie. Une autre belle image pour dire que nous devons être unis à lui, amassés dans son grenier, parce que nous sommes faits pour vivre avec Dieu et en Dieu, pour toujours. 

A ceux qui ne savent toujours pas choisir, à ceux chez qui le réflexe du culbuto est le plus fort, Paul rappelle alors dans sa lettre aux Romains, qu’il existe une méthode sûre pour apprendre à accueillir celui qui est venu et qui ne cesse de venir dans nos vies : cette méthode, c’est la Lectio Divina, la lecture des Ecritures Saintes. Tout ce qui a été écrit à l’avance dans les livres saints l’a été pour nous instruire. Là nous pouvons lire comment Dieu fait tout pour notre salut. Là nous pouvons trouver notre équilibre, l’équilibre de notre vie intérieure, le sens profond des choses. Là nous comprenons que Dieu nous appelle à la vie ; que Dieu nous donne sa Parole pour nous instruire ; que Dieu envoie son Fils pour nous sauver. Que pourrait-il faire de plus pour nous dire son amour ? Que devrait-il faire de plus pour nous convaincre de l’accueillir ? Par le réconfort des Ecritures, il nous donne l’espérance que ses promesses seront notre réalité. Dieu ne parle pas dans le désert pour le plaisir de parler dans le désert. Quand Dieu parle dans le désert, le désert refleurit, la vie reprend. 

En ce deuxième dimanche de l’Avent, permettons à Jean le Baptiste d’être la voix qui crie dans le désert de notre vie ; mais permettons-lui surtout d’être la voix qui, portant la voix de Dieu, fécondera notre désert et le rendra propre à accueillir celui qui vient. Si le salut vient de Dieu – il n’y a pas à en douter –, sa réalisation dépend en partie de nous, de l’accueil que nous lui réservons. Avec Jean le Baptiste pour nous réveiller, nous devrions y parvenir. A son invitation, préparons le chemin du Seigneur, rendons droits ses sentiers. Il pourra habiter nos cœurs et établir sa demeure en nous. Amen. 



(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année A, éd. Les Presses d'ile de France)




samedi 30 novembre 2019

1er dimanche de l'Avent A - 1er décembre 2019

Utopie ou réalité, la vision d'Isaïe ?






            Utopie ou réalité, la vision du prophète Isaïe entendue en première lecture ? Utopie ou réalité, le désir de paix qui habite de nombreux hommes, femmes et enfants à travers le monde en ce premier jour du mois de décembre ? Il faut relire cette belle page du prophète pour comprendre, qu’avec Dieu, nos utopies peuvent devenir réalité. 

            Ce qu’Isaïe annonce, c’est une vision qu’il a eue. Mais attention, lorsque l’on dit que les prophètes (parce qu’Isaïe n’est pas le seul) ont des visions, nous ne sommes pas chez Madame Irma. Isaïe, pas plus que les autres prophètes d’ailleurs, n’est un devin ; il est un visionnaire. Dieu lui fait entrevoir le monde tel que Lui le voit. En cela, notre lecture du jour est surprenante parce qu’elle montre qu’un jour, le désir de Dieu et le désir des hommes ne feront plus qu’un. Dieu élèvera Jérusalem au plus haut, faisant d’elle la lumière pour les nations. Les nations, pour leur part, iront volontairement et joyeusement à la rencontre du Seigneur sur sa montagne. Le désir de Dieu, qui est de sauver tous les hommes, trouvera un écho favorable dans le désir des hommes d’être sauvés. C’est un monde nouveau qu’il est donné de contempler à Isaïe. Un monde où la paix sera réalité parce que les hommes n’apprendront plus la guerre. Ils transformeront toutes leurs armes de destruction en outils utiles aux hommes : de leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Ils n’apprendront plus la guerre. Est-il plus belle manière, et plus forte manière de dire que la guerre n’est pas une nécessité inévitable ? La guerre ne serait donc pas quelque chose qui nous tombe dessus, mais quelque chose que nous avons cherché, que nous avons appris. Pour vivre en paix, il suffirait donc de désapprendre la guerre, de désapprendre les conflits toujours inutiles, basés sur des motifs futiles. Au lieu d’apprendre la guerre, nous pourrions apprendre la paix, la paix que Dieu nous offre, la paix qui rassemble les nations, la paix qui construit un monde plus juste et plus fraternel. Ce qu’Isaïe annonce parce qu’il l’entrevoit de Dieu lui-même, les hommes peuvent le réaliser s’ils [marchent] à la lumière du Seigneur. 

            Nous comprenons alors pourquoi l’Eglise nous fait relire les prophètes, et Isaïe en particulier, durant le temps de l’Avent. Ce qu’ils ont annoncé aux hommes de leurs temps, reste vrai pour nous aujourd’hui. Ce qu’ils ont annoncé aux hommes de leur temps, nous croyons que Dieu l’a réalisé – et le réalise toujours – par le don de son Fils Jésus, venu dans notre monde. Puisque l’Avent que nous inaugurons aujourd’hui, nous prépare aux fêtes de Noël, comprenons que cette fête, ce n’est pas seulement accueillir l’Enfant Dieu, mais accueillir le monde tel que Dieu le voit, tel que Dieu le veut. Si les hommes ne veulent pas du monde tel que Dieu le voit, il pourra bien s’incarner mille fois, s’abaisser à notre taille dix mille fois, nous n’arriverons jamais à sa taille à lui. Si nous ne désapprenons pas la guerre, si nous n’apprenons pas la paix, jamais Dieu, quand bien même il deviendra l’un de nous, ne pourra sauver le monde. Si nous tenons à nos conflits, si nous tenons à nos mesquineries, si nous tenons à nos armes, la terre ne pourra pas être labourée par les socs de la Parole de Dieu. Si nous tenons à nos langues mauvaises, à nos insinuations perfides, à nos jugements péremptoires, jamais la lumière du Seigneur ne pourra nous éclairer et nous attirer. Puisque nous marchons vers Noël, nous devons entrer dans ce mouvement qui transforme tout ce qui détruit en source de construction. Le monde nouveau, le monde de paix ne se fera pas malgré nous ; mais il viendra plus vite grâce à nous. Chacun est important dans cette réalisation. Chaque petit effort individuel vers plus de paix rejoindra le désir de Dieu de sauver les hommes. Chaque petit effort individuel vers la paix aidera Dieu dans la réalisation de son projet d’amour pour tous. Il n’y a pas un peuple qui ne soit pas concerné ; il n’y a pas un homme qui ne soit pas concerné. 

            L’utopie d’Isaïe, l’utopie de tant d’hommes et de femmes qui désirent ardemment vivre en paix, deviendra réalité, si nous commençons, ici et maintenant à la construire. Peut-être faut-il commencer par rêver davantage cette paix possible entre tous les peuples du monde. Peut-être faut-il rêver davantage ce monde nouveau pour désirer le réaliser et s’y mettre concrètement. Comme le dit si souvent le pape François, en cette matière aussi, la politique des petits pas est efficace. Un pas l’un après l’autre, un nouveau petit pas chaque jour, et notre utopie sera notre réalité, parce que nous l’aurons construite, pas à pas. Marchons à la lumière du Seigneur, contemplons le monde qu’il voit et désire, pour le désirer à notre tour et déjà le construire. Amen.





(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année A, Les Presses d'Ile de France) 

samedi 23 novembre 2019

Christ Roi de l'univers - 24 novembre 2019

Roi sur la croix, Roi pour la Vie.






En ce dernier dimanche de l’année liturgique, l’Eglise récapitule toute l’histoire de Jésus dans cette belle solennité du Christ Roi de l’univers. Elle nous permet de reprendre tout ce que nous avons vécu durant cette année de compagnonnage avec Jésus. Des quatre textes entendus, deux sont particulièrement significatifs de cette récapitulation de l’histoire : la deuxième lecture et l’Evangile. En cette année, nous clôturons ainsi les dimanches avec la relecture d’un extrait de la Passion selon Luc (Jésus en croix entouré des deux larrons) et ce bel hymne de l’épître aux Colossiens. 

Il peut sembler surprenant de finir l’année liturgique par un épisode de la Passion. Certains peuvent penser que, célébrant le Christ Roi, la puissance de la résurrection eut mieux convenu. Un roi ne se doit-il pas d’être puissant, majestueux, imposant respect et crainte à ses sujets ? Jésus en croix n’est ni majestueux, ni puissant (il va mourir), ni sujet d’un grand respect de la part de ceux qui sont au Calvaire, à regarder l’événement. Cloué en croix, Jésus ne fait plus peur à personne ; il suffit d’observer les réactions de tous ceux qui ont contribué à ce moment de l’histoire de Jésus : Les chefs tournaient Jésus en dérision… les soldats aussi se moquaient de lui… un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le respect dû à un roi en prend un coup ! Et j’ose à peine mentionner le fait que Jésus est suspendu en croix, nu comme un ver ! Le déshonneur est total, l’abaissement à son comble ! En matière d’irrespect, l’homme ne peut tomber plus bas. Pourtant, nous dit la liturgie, c’est là sur la croix, que Jésus se révèle le mieux le roi de l’univers. Si pour ces adversaires, sur la croix, Jésus meurt, pour nous qui avons une vue plus globale de l’histoire, sur la croix, Jésus combat le Mal ; sur la croix, Jésus se bat pour les hommes ; sur la croix, se dessine déjà le royaume à venir. Le second larron semble l’avoir saisi mystérieusement, lui qui reprend son complice dans le crime : Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste ; après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. Et s’adressant à Jésus, il ajoute : Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. Ça ne s’invente pas ! Soit vous avez la révélation de Dieu du mystère qui se joue, et avec celui que la tradition appelle désormais le bon larron, vous reconnaissez sur la croix déjà la gloire à venir de Jésus ; soit vous n’avez pas de révélation, et avec les chefs, les soldats et l’autre larron, vous vous moquez de Jésus. Il n’y a pas d’autre voie possible. 

Si vous appartenez à ceux qui reconnaissent déjà la gloire du Christ lorsqu’il est en croix, alors vous rejoignez tous ceux qui, depuis Paul, chantent l’hymne de l’épître aux Colossiens. Elle récapitule la foi chrétienne qui est louange au Père et au Fils sous la conduite de l’Esprit Saint qui a fait comprendre à Paul le mystère de la rédemption. Paul reconnaît l’œuvre du Père, qui par son Fils, offre le salut à tous les hommes. Notre rédemption renvoie à la coutume du rachat qui, dans la tradition juive, oblige un homme, au nom des liens du sang, à se porter garant de la liberté d’un membre de sa famille, qui se trouve dans une situation d’endettement ou d’esclavage. C’est bien la situation des hommes lorsqu’ils vivent sans Dieu. Ils sont endettés par le péché, réduit par lui en un esclavage dont ils ne peuvent se sortir eux-mêmes. Jésus, par sa croix, nous rachète à grand prix. Il se porte garant de nous, affirmant ainsi que nous sommes de son sang, de sa famille. Il se fait notre frère en humanité, lui qui est l’image du Dieu invisible. L’hymne s’achève par le rappel de la grandeur de Jésus, sa royauté, puisque toute la création trouve en lui son origine : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre… en lui tout est réconcilié… en lui, par le sang de sa croix, la paix est faite, sur la terre et dans le ciel. N’est-ce pas là ce que devrait être l’œuvre d’un roi : assurer la vie et la paix de ses sujets ? Tout cela Jésus le fait par l’offrande de sa vie. La préface de ce jour le chante admirablement : Tu as consacré Prêtre éternel et Roi de l’univers ton Fils unique, Jésus Christ, notre Seigneur, afin qu’il s’offre lui-même sur l’autel de la croix en victime pure et pacifique pour accomplir les mystères de notre rédemption. Il n’y a pas, pour Jésus, d’autre manière d’être roi que de se faire le serviteur du salut de tous par la croix. Celui qui, avant sa mort, invitait ses disciples au service par le signe du lavement des pieds, leur donne, sur la croix, l’exemple du service parfait, le service qui sauve le monde, l’amour donné jusqu’au bout. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Là est la vraie royauté, la vraie dignité d’un homme. 

Toute notre année liturgique nous aura conduit là, à la découverte que Jésus veut régner sur nos vies, non à la manière d’un tyran, mais à la manière d’un serviteur qui veut le meilleur pour nous : il devient ainsi notre vie, notre sainteté, notre paix, et nous pouvons vivre dans sa grâce, dans sa vérité, dans sa justice et dans son amour largement répandu. Après tant d’amour manifesté pour nous, nous aurions mauvaise grâce à ne pas le célébrer aujourd’hui comme Roi de l’univers. Réjouissons-nous d’être de la famille d’un tel roi et proclamons au monde les merveilles qu’il a faites pour le salut de tous les hommes. Amen.




samedi 16 novembre 2019

33ème dimanche ordinaire C - 17 novembre 2019

Ah ! La fin des temps ! 






Ah, la fin des temps ! Voilà une question ancienne, toujours actuelle, qui inquiète quelquefois, interroge souvent. Quand aura-t-elle lieu ? Qui sera sauvé ? Comment cela se passera-t-il ? Quels signes que c’est le moment ? J’en passe et des meilleurs ! Même la fin du siècle dernier, pour déchristianisée que fut notre société, n’a pas échappé à ses prédictions, à ses prophètes de malheurs… Il ne suffit pas de ne plus croire en Dieu pour ne pas être affecté par la question. Est-ce qu’être croyant alors apporte un plus quant à cette question ? J’aime à le croire ! 

Précisons tout de suite que cela n’apporte pas quelques connaissances secrètes qui nous prémuniraient contre l’événement ; avoir foi en Dieu ne vaccine pas contre la fin des temps. Mais peut-être contre les angoisses liées à ce moment de l’Histoire des hommes. Car la première chose que notre foi nous apprend sur le sujet, c’est que ce moment aura lieu. Quand ? Il n’appartient à personne de le dire ou de le savoir avant les autres, si ce n’est à Dieu. Mais notre foi nous indique que ce moment n’est pas si catastrophique que cela, au sens où il n’est pas une malédiction. Bien au contraire, notre foi nous apprend que toute l’Histoire des hommes est une histoire orientée vers ce moment qui, loin d’être la fin de l’Histoire, est plutôt à comprendre comme l’accomplissement de l’Histoire des hommes ; cette histoire qui, selon notre foi, est d’abord une histoire d’amour entre Dieu, le Créateur, et les Hommes, sa création. Ce que certains appellent la fin des temps n’est autre que le jour tant attendu du retour définitif du Christ dans sa gloire. Pourquoi le craindrions-nous ? 

Parce que nous aurions beaucoup péché avant ? Mais, si nous savons que ce jour doit arriver sans en connaître l’échéance, si nous savons que le péché déplait fortement à Dieu, pourquoi ne pas nous convertir alors ? La conversion n’est-elle pas le meilleur moyen d’entrer dans la grâce de Dieu ? Si la prophétie entendue du prophète Malachie nous inquiète et noue effraie, convertissons-nous ! Toute la Bible nous apprend que cela est toujours possible, que Dieu ne veut pas la mort du pécheur mais sa conversion et sa vie ! Serait-ce que nous aimions le péché plus que Dieu en attendant ce jour glorieux du retour de son Christ ? Serions-nous comme ces enfants qui, les parents s’étant absentés pendant quelques jours, font une grande fête à la maison, ne respectant plus rien, et se disant qu’il sera bien temps de tout remettre en ordre quand ils entendront le bruit de la voiture parentale ? Imaginons-nous toujours Dieu comme l’éternel rabat-joie qui nous empêcherait de vivre, et qui serait terrible au moment de son retour ? 

Ce même Dieu pourtant, par sa Parole incarnée en Jésus, ne cesse de nous dire qu’il nous aime, qu’il veut notre bonheur et notre vie, ici-bas comme au-delà ! Pourquoi avons-nous tant de mal à le croire ? Pourquoi avoir tant de peur en nous encore ? Ce à quoi la liturgie de ce dimanche nous invite, c’est à la persévérance dans la foi, vécue non comme un étouffoir, mais comme une libération réelle de toutes les forces qui nous empêchent justement de vivre libres et heureux. Ne vous précipitez pas derrière le premier venu qui criera : c’est moi le Messie ; ou c’est maintenant le jour du salut. Pour le croyant, chaque jour n’est-il pas un jour de salut ? Il n’y a pas à redouter davantage le dernier jour que le jour présent ou le jour suivant ce jour. Nous n’avons pas à vivre dans la crainte de ce qui pourrait arriver, quand bien même des événements terribles auraient lieu. Des guerres, des tremblements de terre, des famines, des épidémies, des phénomènes inquiétants, l’humanité en a connu et en connaîtra sans doute encore. Ce ne sont là que des résultats de phénomènes naturels pour les uns ou de la méchanceté des hommes pour les autres. Qu’ils nous inquiètent ou nous effraient est une chose ; mais ils ne sauraient nous détourner de Dieu. Dans tout cela, nous avons la certitude que Dieu est avec nous, qu’il nous accompagne et même qu’il nous inspirera un langage et une sagesse à laquelle tous [nos] adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer. Qu’en tant que croyants nous puissions être poursuivis, persécutés ne doit pas davantage nous effrayer ; même si la perspective ne semble guère réjouissante, nous avons cette assurance : pas un cheveu de [notre] tête ne sera perdu ; c’est par notre persévérance que [nous gagnerons] notre vie. 

Si notre Histoire a un sens (elle est orientée vers le retour du Christ), les événements qui la composent peuvent ne pas en avoir, de sens, et nous dérouter. Mais notre foi nous offre une espérance plus grande et plus forte que toutes ces tribulations. Vivons notre vie, vivons notre foi avec la certitude de n’être pas seuls, avec la certitude d’être accompagnés par Dieu lui-même. Nous lui avons confié notre vie ; il nous a confié le secret pour la vivre réellement, sans crainte des hommes, sans crainte du jugement. Ce secret, c’est le Christ Sauveur. Vivons de lui, sereinement ici-bas ; et nous vivrons avec lui sereinement ce moment heureux de son retour. Tout le reste n’est que littérature. Pourquoi nous effrayer de ce que nous espérons ? Aurions-nous si peu confiance en l’amour de Dieu pour sa création ? Devant l’adversité, reprenons courage et, avec le psalmiste, [acclamons] le Seigneur, car il vient pour gouverner la terre, pour gouverner le monde avec justice et les peuples avec droiture. Il n’y a rien à craindre du seul Juste qui s’est livré pour notre salut, si ce n’est qu’il réalise vraiment ce pourquoi il s’est livré. Partager sa vie pour toute éternité est une chose à laquelle je survivrai ! Amen.



(Tableau En route vers l'union de Yvette METZ, Série Les enfants d'Abraham)




samedi 9 novembre 2019

32ème dimanche ordinaire C - 10 novembre 2019

Je crois à la vie éternelle. 





Que nous proclamions notre foi avec le texte de Nicée-Constantinople ou avec le symbole des Apôtres, nous terminerons toujours par la même affirmation : nous attendons la vie du monde à venir pour le premier texte ; nous croyons à la vie éternelle pour le second.  Des mots différents, mais une même réalité qui est proclamée : nous sommes faits pour vivre avec Dieu et en Dieu pour toute éternité. 

La foi de l’Eglise s’appuie ainsi sur l’expérience faite par les premiers Apôtres au matin de Pâques. Celui qu’ils ont vu en croix, celui qu’ils ont mis au tombeau, celui-là, trois jours après, se montre vivant. Que la foi en la résurrection de Jésus ait été instantanée, et qu’elle ait transformée immédiatement la vie des Apôtres, serait difficile à soutenir. La multiplicité des récits d’apparition nous le prouve, si besoin était. La peur qui retient ces mêmes Apôtres enfermés jusqu’au jour de la Pentecôte dit bien leur difficulté à saisir les implications pour tous les hommes de cette résurrection de Jésus, bien que cette espérance en la vie après la mort ne fût pas neuve pour autant. Nous l’avons entendu dans la première lecture, tirée du deuxième livre des Martyrs d’Israël. Au long des siècles, à force de réfléchir et d’approfondir la foi en Dieu, se fait jour, au sein du peuple de Dieu, que la mort ne saurait être le dernier mot de l’histoire humaine ; que l’alliance conclue entre Dieu et les hommes ne s’entendait pas seulement pour la vie terrestre, mais qu’elle était une alliance pour toute la vie. Rappelons ici que ce n’est pas la vie qui s’oppose à la mort, mais bien la naissance. C’est par la naissance que je viens sur terre ; c’est par la mort que je quitte cette terre. La vie, c’est ce qui existe dès lors que je suis façonné dans le sein de ma mère ; la vie, c’est mon quotidien sur cette terre ; la vie, c’est ce qui se poursuit au-delà de ma présence sur terre. Nous faisons nôtre l’espérance manifestée dans les textes les plus récents de la Première Alliance et qui s’exprime ainsi dans la première lecture : le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle. 

Nous comprenons, de la proclamation de l’Evangile, que cette foi en une vie éternelle n’a jamais été simple. A l’époque de Jésus lui-même, les pharisiens y croient, sur le mode de la reprise de la vie telle que nous l’avons connue sur terre, alors que les sadducéens n’y croient absolument pas. C’est pour cela qu’ils attaquent Jésus avec cette histoire qui confine à l’absurde : une femme a épousé un homme qui avait six frères. Celui-ci étant mort sans laisser d’enfant, elle épouse, par respect pour la loi, le suivant, qui meurt à son tour sans descendance… et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elle ait épousé les sept. La ficelle est grosse, la question à peine téléguidée : de qui sera-t-elle la femme à la résurrection ? Jésus répond, sans toucher à la question initiale. Car ce qui importe pour lui, ce qui devrait importer pour nous tous, ce n’est pas tant comment cela se passera, mais plutôt que cette résurrection soit bien notre réalité future. Ce qui importe, c’est que nous soyons convaincus que l’amour que Dieu nous porte ne saurait nous laisser aller à la mort sans intervenir encore en notre faveur. Ce qui compte, c’est que nous croyions au vrai Dieu, au Dieu des vivants, au Dieu qui fait jaillir la vie malgré la pierre fermant l’entrée du tombeau. Ce que nous croyons de Jésus (Dieu l’a ressuscité des morts), nous pouvons le croire pour nous (Dieu nous ressuscitera) à cause de Jésus. Jésus ne s’est pas livré à la mort pour le plaisir de monter sur une croix. Il s’est livré à la mort pour que nous partagions sa victoire, pour que nous partagions sa vie. 

Si c’est bien l’amour de Dieu offert en Jésus Christ qui nous vaut la vie éternelle, nous comprenons que cet amour ne fondra pas sur nous magiquement à la fin de notre vie, si nous nous obstinons à le refuser. Il nous faut croire que Dieu nous aime, dès ici-bas ; il nous faut croire que Dieu veut notre vie, qu’il en est la source depuis le premier jour de notre conception, qu’il en est la permanence au-delà de notre vie sur terre. L’alliance que Dieu contracte avec nous par notre baptême est une alliance pour la vie, une alliance pour plus de vie, une alliance pour la vie éternelle. Il nous faut vivre dès maintenant comme des ressuscités, pour que notre foi en Jésus mort et ressuscité, et notre art de vivre, conforme à son enseignement, nous fassent passer la mort pour nous conduire à la joie éternelle. A ceux qui comme les sadducéens s’interrogent sur le comment, il n’est laissé que le choix de croire. A ceux qui croient est donnée l’espérance de cette vie éternelle, espérance fondée sur l’amour inextinguible de Dieu pour chacune de ces créatures. Croyons en cet amour de Dieu pour nous ; vivons de cet amour dès maintenant, et toute notre vie sera plongée dans cet amour divin, dès maintenant et pour toujours. Amen.






dimanche 3 novembre 2019

31ème dimanche ordinaire C - 03 novembre 2019

Zachée, Jésus et les autres ! 






Il a un côté attachant, Zachée, à vouloir faire à tout prix ce que les autres lui refusent, voir Jésus. On ne sait rien de sa motivation profonde ; est-ce juste un peu de curiosité ? L’envie de ne pas être, encore une fois, à l’écart des autres au moment où est annoncée la venue de Jésus ? La réputation de ce prédicateur de Galilée le précède, si bien que, ne pas être sur le bord du chemin qu’il doit emprunter, ce serait être has been ! C’est l’événement mondain qu’on ne saurait manquer, Zachée encore moins que les autres. Après tout, il n’est pas n’importe qui ; il est le chef des collecteurs d’impôts, pas très aimé, pas fréquentable mais important !  S’il lui faut faire l’enfant et grimper dans un arbre, qu’à cela ne tienne. Il verra Jésus, et mieux que les autres ! 

Il a un côté surprenant Jésus, à être toujours là où on ne l’attend pas, à faire ce que les autres jugent scandaleux et à enrober le tout d’une leçon théologique pour débutants. Il est celui que Zachée voulait voir ; il est celui qui voit Zachée. Personne ne lui demandait rien, à Jésus ; il devait juste passer là, et voilà qu’il s’arrête et parle à un arbre ! Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. On dirait qu’il s’adresse à un vieux copain qu’il n’a pas vu depuis longtemps et avec qui il a hâte de prendre un repas. Comme des retrouvailles après une trop longue absence. On dirait que Jésus avait prévu tout cela : aujourd’hui il faut que… Rien d’autre à l’agenda que cette rencontre. C’est dire l’urgence et l’importance de la rencontre ; si Zachée, perché dans son sycomore, n’était pas invité à en descendre, on aurait pu parler de rencontre au sommet. Descends vite marque bien l’urgence qui est celle de Jésus. C’est l’urgence du salut de Zachée qui est ainsi exprimée par Jésus. Un peu comme s’il disait : c’est aujourd’hui ou jamais ! Quand Dieu passe dans ta vie, tu ne peux pas toujours te cacher comme jadis Adam et Eve au Paradis, après avoir transgressé l’ordre de Dieu ! Ce qui se joue ici avec Zachée, c’est le grand drame de Dieu qui passe dans la vie des hommes, et qui quelquefois échoue à les rencontrer, à les approcher, parce qu’ils sont trop bien cachés, parce qu’ils sont trop sourds à ses appels. Notre salut passera par nos oreilles et notre capacité à entendre la voix du Seigneur. Zachée en est la preuve ! 

Ils ont un côté énervant, ces éternels râleurs, jamais satisfaits de ce que fait Jésus. Voyant ce qui se joue sous leurs yeux ébahis, tous récriminaient. Pas quelques-uns, pas uniquement des scribes et des pharisiens, ses éternels contradicteurs ; non, souligne Luc : tous. Tout une ville contre un seul homme ! Et on mesure soudain la solitude qui doit être celle de Zachée à Jéricho. Pas un pour se réjouir de ce qui se passe pour lui ! Pas un pour se réjouir de voir Zachée appelé à faire partie à nouveau de la communauté humaine, de la communauté croyante. Pas un pour se dire : il en a de la chance, Zachée. Non, tous récriminent ! L’homme sait le faire, et bien le faire. C’est toujours l’autre qui a de la chance ; c’est toujours l’autre qui profite de tout ; c’est toujours l’autre qui … Ils ne se rendent même plus compte qu’ils sont avec Jésus, eux-aussi. Ils ne se rendent pas compte de ce que cela signifie pour eux le fait que Zachée, sans doute le plus grand pécheur reconnu de Jéricho, s’entende ainsi appelé par Jésus. Si Jésus appelle le plus grand des pécheurs et se réjouit d’être avec lui, ne se réjouit-il pas aussi de la présence de tous les autres ? Ils ne veulent voir que le scandale là où il n’y a que grâce ! Ils ne veulent voir que le scandale là où il n’y a qu’amour gratuit. C’est sûr, ce n’est pas la charité qui les étouffe ! 

Elle a un côté rassurant, cette rencontre entre le pécheur Zachée et le Juste Jésus. Elle nous redit que nous pouvons compter toujours sur la miséricorde de Dieu. Elle nous dit que le désir de voir Jésus qui nous anime rencontrera toujours le désir de nous sauver qui anime Jésus. Là, sur un chemin poussiéreux, sous un arbre, se joue la rencontre entre l’humanité en manque d’amour et Jésus, signe de l’immense amour de Dieu pour nous. Cette rencontre a lieu alors que Jésus se rend à Jérusalem pour y être livré, condamné et crucifié. Jéricho ne serait donc pas qu’une étape sur la route, mais un signe donné aux hommes qu’ils peuvent toujours et encore se convertir ; ils peuvent toujours et encore se réjouir avec Jésus. Le temps approche où il sera enlevé ; le temps approche où il sera trop tard. Zachée l’a compris ; les autres récriminent encore ! Pourtant, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Réjouissons-nous pour Zachée, réjouissons-nous pour nous. Ce qui est advenu pour lui peut devenir notre réalité si nous savons entendre la voix de Jésus qui nous appelle : eh toi, descends vite ; aujourd’hui, il me faut demeurer chez toi ! Amen.






jeudi 31 octobre 2019

Toussaint - 01er novembre 2019

Le chemin vers la sainteté, c'est notre humanité.





Permettez-moi de commencer par une histoire vraie. C’est l’histoire de l’enterrement de la dernière impératrice d’Autriche, la très catholique Zita. Les images d’archives de la télévision vous montrent le cortège, d’une richesse somptueuse, d’une pompe exceptionnelle arrivant devant l’église du couvent des capucins où reposent les membres de la famille impériale. Les portes de celle-ci sont fermées. Un homme frappe plusieurs coups du pommeau de sa canne. De l’intérieur, une voix lui demande : « Qui demande à entrer ? » Il répond : « Sa majesté Zita, impératrice d’Autriche et Reine de Hongrie… » Et il décline pendant deux minutes tous les titres nobiliaires de la défunte. La voix – celle d’un moine capucin– lui répond : « Nous ne la connaissons pas… » Une deuxième fois, l’homme frappe à la porte. La même question vient de l’intérieur : « Qui demande à entrer ? » Il répond plus simplement : « Sa majesté Zita, impératrice et reine ».  A nouveau, la voix répond : « Nous ne la connaissons pas ». Une troisième fois, il frappe à la porte. A la question : « Qui demande à entrer ? », il répond : « Zita, une personne mortelle et pécheresse. » Alors, de l’intérieur la réponse jaillit : « Qu’elle entre. » Et les portes s’ouvrent. 

Ce que le rite de l’église d’Autriche a compris, c’est bien ce que les béatitudes proclament dans l’Evangile de cette fête de la Toussaint. Ce qui compte pour Dieu, ce ne sont pas nos mérites, nos titres de gloire, nos exploits : ce qui compte, ce que Dieu regarde, c’est le cœur, l’humilité, le désir qui anime notre cœur. Heureux, dit Jésus de celles et ceux qui savent ainsi, avant eux, faire passer les autres. Heureux ceux qui ne se gonflent pas d’orgueil, ceux qui savent que tout est don. C’est la grande leçon de nos amis les saints que nous célébrons aujourd’hui. En effet, la sainteté à laquelle nous aspirons, nous ne la construisons pas à coup d’exploits, ni à coup de jeûnes ou de privations, même s’ils sont un bon moyen de progresser dans l’amour. La sainteté à laquelle nous aspirons, est un don, un don que nous possédons déjà et que nous devons trouver en nous. 

Souvent nous l’oublions, mais nous sommes saints par notre baptême. C’est le grand enseignement du Nouveau Testament. Ceux qui reçoivent le baptême et rejoignent les premiers Apôtres s’appellent les saints, ceux que Dieu a choisis et appelés à marcher à la suite du Christ. Notre baptême fait de nous des fils et des filles de Dieu, des frères et des sœurs de Jésus Christ. Et nous le sommes vraiment, comme le souligne encore aujourd’hui le rituel du baptême. Si nous sommes fils et filles de Dieu, faits à son image et à sa ressemblance, rachetés à grand prix par la mort et la résurrection du Christ, alors nous sommes saints comme Dieu lui-même est saint. Notre vie spirituelle devient dès lors la mise en œuvre de cette sainteté que Dieu nous offre sans que nous n’ayons rien fait pour la mériter ; et les béatitudes deviennent le chemin le plus sûr pour y parvenir. En chacune des affirmations de Jésus, est rappelé le bonheur que Dieu veut et promet à celles et à ceux qui ne vivent pas repliés sur eux-mêmes, mais restent ouverts aux autres. Le saint, le chrétien est d’abord quelqu’un qui s’ouvre aux autres, et veille à construire avec eux, pour eux, un monde plus juste, plus fraternel, plus humain. Plus nous grandirons en humanité, plus nous grandirons en sainteté. Il n’y a pas d’autre chemin possible que celui de notre humanité. Les béatitudes ne sont pas fondamentalement chrétiennes. Elles ne sont religieuses que dans quelques-unes de leurs conséquences : « ils verront Dieu, ils seront appelés fils de Dieu… » Mais les chemins qu’elles proposent sont avant tout des chemins d’humanité, ouverts à tous. Il n’est pas besoin d’être chrétien, ni croyant pour être pauvre de cœur, doux, capable de compassion, de miséricorde ; pas besoin d’être chrétien ou croyant pour être un cœur pur, artisan de paix, avoir faim et soif de justice ou être persécuté pour la justice ! Ce que le Christ propose dans les béatitudes est donc bien d’abord un chemin de plus grande humanité pour parvenir au bonheur que seul Dieu peut proposer. Oui, encore une fois, plus nous serons humains, plus nous deviendrons saints. Il n’y a donc pas lieu de chercher hors de nous-mêmes ce que nous deviendrons un jour. Il faut juste retrouver le chemin de notre humanité pour parvenir à Dieu. Et c’est bien normal finalement, puisque nous célébrons un Dieu qui a pris, en Jésus, le chemin de notre humanité, pour que nous parvenions au salut. Nous serons de cette grande foule, cette foule innombrable dont parle l’Apocalypse lorsque nous aurons lavé le côté sombre de notre humanité dans le sang de l’Agneau, lorsque nous laisserons le Christ, vrai Dieu mais aussi pleinement homme, nous purifier vraiment de tout ce qui nous éloigne des autres et de Dieu. 

S’il n’est pas besoin d’être chrétien pour vivre les béatitudes, alors combien plus un chrétien se doit-il de les mettre au cœur de sa vie et de son action. Il y a urgence pour chaque croyant à vivre comme le Christ nous le propose, comme le Christ nous le montre par sa propre vie. Tous les saints que nous célébrons aujourd’hui ont vécu, d’une manière ou d’une autre, comme le Christ, entièrement donné aux hommes et à Dieu. Tous les saints, de leur vivant, ont permis à l’humanité de grandir. Tous les saints, depuis leur élévation sur les autels, permettent aux croyants de progresser dans l’accueil des dons que Dieu leur fait. Ils sont la richesse de l’Eglise parce qu’ils sont autant de chemin pour parvenir au bonheur que Dieu nous propose. Il y a autant de chemin vers Dieu qu’il y a de saints. Chacun peut nous apprendre une manière originale de construire notre bonheur. En nous mettant à leur école, nous pourrons toujours plus nous approcher du Christ, à la rencontre du Père dans la puissance de l’Esprit Saint. Choisissons d’être tel que Dieu nous fait : saints pour la gloire de Dieu et le bonheur de tous les hommes. Amen.






samedi 26 octobre 2019

30ème dimanche ordinaire C - 27 octobre 2019

Vraiment, Dieu est impartial envers les personnes !






            Ben Sirac le Sage l’affirme : Le Seigneur est un juge qui se montre impartial envers les personnes. Mais alors pourquoi ce sentiment bizarre que certains peuvent ressentir en entendant l’Evangile du pharisien et du publicain qui vont au Temple pour prier ? Pourquoi, avant même la fin de l’histoire, avons-nous l’impression que cela finira mal pour le pharisien et bien pour le publicain ? Jésus n’aime-t-il pas les pharisiens dont le seul but est de vouloir vivre leur foi complètement ? N’aime-t-il pas les croyants, pratiquants, Jésus ? 

            Autant le dire tout de suite, il ne rejette pas le pharisien parce qu’il est pharisien. Il ne les évite pas, et va même manger chez l’un d’entre eux. Certains historiens pensent même que Jésus était proche d’eux ; son insistance sur la Loi qu’il ne vient pas abolir mais accomplir, ses invitations à revenir à la foi et à la vivre authentiquement, sont autant de marqueurs qui auraient dû rapprocher Jésus de ce groupe nommé pharisien. Certains commentateurs pensent même que c’est parce qu’il les aime bien qu’il dénonce les travers de certains. Ce n’est pas ce qu’est cet homme (un pharisien) que Jésus dénonce, c’est ce qu’il dit. 

            De même pour le publicain. Il ne le loue pas parce qu’il est publicain. Je crois que nous pouvons nous entendre sur le fait que Jésus n’aime pas le péché, mais alors pas du tout. Il offre sa vie sur la croix pour combattre le péché, pour le vaincre définitivement, de sorte que tout homme qui se fie à Jésus puisse profiter de cette victoire obtenue à grand prix. Mais s’il n’aime pas le péché, il faut reconnaître qu’il a un faible pour les pécheurs. Là encore, ce n’est pas ce qu’est cet homme (un publicain) que Jésus loue, c’est ce qu’il dit. Nous pouvons encore nous entendre sur le fait que Jésus aime, sans doute aucun, les deux hommes. Aucun ne part avec un avantage sur l’autre ; aucun ne part avec un handicap sur l’autre. Jésus raconte une parabole qui met en scène deux hommes ; l’un est pharisien, l’autre publicain. C’est tout. Et ce que dit chacun, l’autre aurait pu le dire. 

          Il existe des pharisiens, des croyants, pratiquants, qui savent parler à Dieu d’autre chose que des nombreuses bonnes actions qu’ils font à longueur de journée. Il y a des pharisiens, des croyants pratiquants, qui savent louer Dieu pour la foi qu’il leur donne de vivre, pour le chemin de salut qu’il leur permet de suivre. Il y a des pharisiens, des croyants pratiquants, qui savent se tenir devant Dieu avec humilité et sincérité, reconnaissant leur manque et combien ils ont encore besoin de Dieu. Il se trouve juste que celui dont Jésus parle n’est pas de ceux-là ! 

De même, il y a des publicains, des pécheurs, qui ne craignent pas Dieu, qui se plaisent dans leur péché, qui se moquent de tout et de tout le monde. Il y a des publicains, des pécheurs, qui sont fiers de la vie qu’ils mènent et pour qui Dieu n’est guère plus important que le premier péché qu’ils ont commis avec délectation. Il y a des publicains, des pécheurs, qui ont perdus le sens du bien et qui vivent bien avec. Il se trouve juste que celui dont parle Jésus n’est pas de ceux-là ! 

Je suis convaincu que si ces personnages n’étaient pas les héros malgré eux de la parabole, mais existaient vraiment, je suis convaincu donc que Jésus, les rencontrant, les aimerait pareillement au départ. Il porterait sur eux le même regard, celui de Dieu qui aime chacun du même amour. Il ne dirait pas : ce n’est qu’un pharisien, qui fait déjà tout bien : sans intérêt pour moi ! Il ne dirait pas : chouette, un publicain qui fait tout de travers : voilà quelqu’un que je peux sauver. Jésus regarde et écoute, chacun de nous, pareillement. Si nous pouvons avoir l’impression qu’il en préfère certains à d’autres, ce n’est pas pour ce qu’ils sont, mais pour ce qu’ils font, ou pas. Souvenons-nous toujours de cette phrase de l’Evangile de Matthieu : Ce que vous avez fait (ou pas) à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait (ou pas). Il n’est pas dit que le petit, c’est nécessairement le publicain ; il n’est pas dit davantage que le petit, ce ne peut pas être le pharisien ! Le petit, c’est celui qui a besoin de nous ! 

            Face à Dieu, nous devons nous faire petit, c’est-à-dire reconnaître que nous avons besoin de lui pour être réellement et totalement sauvés. C’est ce que ce pharisien de la parabole n’arrive pas à faire ; c’est ce en quoi excelle le publicain de la parabole. Tous deux sont face à Dieu, au Temple. Tous deux viennent là pour prier, c’est-à-dire s’adresser à Dieu. L’un ne parle que de lui et de tout ce qu’il fait, sans rien attendre de Dieu. Il se trouve que c’est le pharisien ; mais cela aurait pu être le publicain ! L’autre parle de ce que Dieu pourrait faire pour lui. Il se trouve que c’est le publicain ; mais cela aurait pu être le pharisien ! Certes, cela n’aurait pas eu le même impact, l’histoire de Jésus étant à l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être des justes et qui méprisaient les autres ce qui est justement le cas de certains pharisiens, mais pas tous. Ne généralisons pas sur la duplicité des pharisiens ; ne généralisons pas sur l’humilité de tous les pécheurs. Les livres des prophètes sont pleins de paroles de condamnations visant les pécheurs qui réussissent au-delà de toute mesure alors que les justes, ceux qui sont fidèles à la foi, sont persécutés et mis à morts. 

            Peut-être que Jésus veut juste nous dire que ce n’est pas à nous de juger les personnes, pas même nous, ni de sonder les reins et les cœurs. Cela revient à Dieu, en vérité ! Nous ne pouvons que nous tenir devant Dieu, tel que nous sommes, conscients de nos richesses et de nos limites, et implorer Dieu de nous maintenir dans les premières et de nous corriger dans les secondes. Ni fausse modestie, ni excès d’humilité. Nous ne sommes ni tout blanc, ni tout noir. Nous sommes comme la vie nous a fait, par ses joies et par ses épreuves. Et c’est tout cela qu’il faut présenter à Dieu. Lui rendre grâce pour le meilleur en nous, sans nous comparer aux autres ; lui demander de guérir en nous ce qui n’est pas à la hauteur de sa sainteté. Saint Paul, qui était pharisien, formé auprès des plus grands, dira lui-même : Le bien que je veux faire, je n’y réussi pas toujours ; et le mal que je voudrais éviter, je le commets quelquefois. Peut-être est-ce là la juste attitude, celle qui nous fait nous tenir devant Dieu en vérité. 

            Vous avez le droit de chercher à vivre honnêtement votre foi et d’y réussir ; mais n’en faites pas étalage pour enfoncer ceux qui n’y arrivent pas ! Vous êtes, comme tout homme, comme moi, marqués par le péché ; mais ne désespérez pas et confiez-vous à Dieu. Dieu aime ceux qui vivent leur foi sans étalage ; Dieu aime les pécheurs qui crient vers lui et attendent de lui un geste de salut. Dieu est un juge qui se montre impartial envers les personnes. Il ne défavorise personne. Celui dont le service est agréable à Dieu sera bien accueilli, sa supplication parviendra jusqu’au ciel. La prière du pauvre traverse les nuées. Pharisien et publicain, traité pareillement, du moment que c’est Dieu, et non pas eux, qui est au centre de leur vie. Quand on vous dit que Dieu est impartial, croyez-le ! Amen.