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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







lundi 31 octobre 2022

Toussaint - 01er novembre 2022

 Bonheur d'avoir / Bonheur d'être.




(Source : https://sainteannedebonlieu.catholique.fr/)




               Heureux ! En ces temps difficiles pour notre monde, comment ne pas être sensibles au désir de Jésus de nous vouloir heureux ? Le bonheur, en temps de crise économique, politique, sociétale et environnementale est-il seulement possible ? Partout nous pouvons sentir désarroi et incertitude quant à l’avenir, au point que de nombreux couples renoncent à donner la vie. Peut-on encore être heureux aujourd’hui ?  

            Pour répondre à cette question, peut-être faut-il s’interroger sur ce qu’est le bonheur ? Être heureux finalement, c’est quoi ? Mesurons-nous notre bonheur à l’épaisseur de notre compte en banque ? Ou préférons-nous vérifier sur les réseaux sociaux le nombre de follower ou d’amis supposés qui nous suivent ? Le bonheur se niche-t-il dans une belle maison ? des vêtements de marques ? une grosse voiture ? Je ne dis pas que cela ne se peut ; je fais juste remarquer qu’à placer notre bonheur dans des objets ou des personnes virtuelles, nous risquons d’être forts dépourvus quand la crise se fera plus dure encore. Le bonheur d’avoir est un bonheur passager, furtif, vite chassé par le désir d’avoir autre chose, d’avoir toujours plus. Nous prenons le risque de courir de bonheur en bonheur plutôt que d’essayer de vivre heureux. 

            Puisqu’il semble évident que le bonheur ne peut durablement exister dans l’avoir, il nous faut chercher un autre ressort pour être heureux. Jésus nous en donne des exemples, neuf au total. Sont proclamés heureux, les pauvres de cœur, ceux qui pleurent, les doux, ceux qui ont faim et soif de la justice, les miséricordieux, les cœurs purs, les artisans de paix, ceux qui sont persécutés pour la justice, et enfin ceux qui sont persécutés à cause de leur foi en Christ. Et là, ô surprise, nous nous rendons compte que sont proclamés heureux, non des gens qui ont quelque chose, mais des gens qui sont quelque chose. Le bonheur véritable, pour Jésus, c’est d’être quelque chose pour les autres, d’être quelqu’un qui sait être attentif aux autres, et attentif particulièrement à ceux qui souffrent. Pour être reconnu heureux par Jésus, il te faut être au service de celui qui ne peut rien pour toi et pour qui tu peux tout, et à défaut au moins un peu pour qu’il se sente moins seul ! Au bonheur d’avoir, Jésus préfère le bonheur d’être ! 

            En ce jour où nous célébrons tous les saints, nous célébrons autant de chemins possibles pour être heureux à la manière des saints. Bien que différents selon les époques, ces chemins ont quelque chose en commun. Ceux qui les ont suivis possédaient une seule chose, la seule nécessaire : un amour immodéré pour le Christ et pour les frères. C’est la seule possession qui nous permet d’être véritablement ce que Dieu attend de nous. C’est la seule possession qui nous permet véritablement d’être heureux ! Creusons notre désir du Christ, pour creuser notre désir de sainteté, et parvenir avec lui et tous les frères et sœurs qu’il met sur notre route au bonheur véritable : le Royaume où Dieu nous attend avec la multitude qui nous a précédés. Ce Royaume, nous le construisons dès maintenant, en étant heureux non pas d’avoir mais d’être au Christ et aux autres. Amen.

samedi 29 octobre 2022

31ème dimanche ordinaire C - 30 octobre 2022

 Quand Zachée, celui qui voulait voir, est regardé par Jésus.




(La conversion de Zachée)



            Qu’attend-t-il, Zachée, de Jésus, du haut de son arbre ? Pourquoi veut-il voir Jésus ? Est-ce un effet de simple curiosité ? Qu’a-t-il entendu ou qu’imagine-t-il à propos de Jésus, qui le pousse à faire l’enfant et à grimper sur un sycomore ? Nous ne le saurons jamais, mais cela peut nous faire réfléchir, et constater qu’il n’est pas le seul qui se contente de voir là où il aurait fallu regarder. Car ce qui se joue là est plus qu’un simple jeu de Pas vu, pas pris

            Je n’y ai pas vraiment été attentif auparavant, mais il y a bien une différence entre l’attitude de Zachée et de la foule d’un côté et celle de Jésus de l’autre. Reprenons l’histoire pour bien comprendre. Jésus passe par Jéricho ; il n’y a là rien d’extraordinaire. Des villes et des villages, il en aura parcouru quelques-uns durant son ministère. Et souvent, comme à Jéricho, une foule se presse autour de lui. Nous pouvons comprendre que Zachée ne veuille pas rater l’événement. Jésus est connu maintenant ; ses gestes, ses paroles en ont intrigué plus d’un. Et puis après tout, ce passage de Jésus devait être un événement pour beaucoup, vue la foule qui se pressait là. Ma question tient pourtant toujours, concernant Zachée : pourquoi veut-il voir Jésus ? Jésus, il faut l’entendre pour être bouleversé par son enseignement ; Jésus, il faut l’approcher pour espérer un geste, une attention, une guérison. Mais Zachée, qu’attend-t-il à vouloir juste, mais absolument, voir Jésus ? Que peut-il espérer à se cacher ainsi ? Il me fait penser à ces enfants qui vont se cacher la nuit de Noël, espérant voir le Père Noël déposer des cadeaux, mais cependant pas assez courageux pour aller vers lui. L’homme peut-il se contenter de juste voir Dieu qui passe dans sa vie ?  Zachée serait alors l’archétype de l’humanité qui veut voir sans plus s’engager. Voir, même de loin, c’est bien assez. 

            A ce petit jeu qui ne demande aucun engagement, la foule se débrouille très bien aussi. Certes, elle approche Jésus. Elle le voit bien, mais elle ne l’entend pas, elle ne le comprend pas. Quand Jésus s’invite chez Zachée, que fait-elle ? Luc nous le rapporte sans fioriture : Voyant cela, tous récriminaient : Il est allé loger chez un homme qui est un pécheur. La foule aussi se contente de voir. Elle s’arrête aux faits, sans chercher à comprendre, sans chercher à se laisser toucher, ni impressionner. Pourquoi se presse-t-elle autour de Jésus si c'est pour récriminer dès qu’il fait quelque chose qui peut surprendre ? Elle serait donc comme Zachée, juste intéressée par l’événementiel ? La foule serait alors l’archétype de ces hommes et de ces femmes, intéressés par la figure de Jésus, un homme extraordinaire en son temps, mais qui ne sont absolument pas intéressés par son message, par le fait qu’il soit Fils de Dieu, et qu’il invite tous les hommes à la conversion. Des lecteurs de Voici, Gala ou Closer, plutôt que de La Croix ou Le Monde. Plus intéressés par l’anecdote, le sensationnel, que par la réflexion, la prise de recul et l’analyse. 

            Entre les deux, il y a Jésus, qui lève les yeux et dit : Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. Il lève les yeux : c’est plus que voir ; quand on lève les yeux sur quelqu’un ou quelque chose, c’est pour le regarder, vraiment. Cela signifie que nous allons prendre du temps. Cela est renforcé par l’auto-invitation de Jésus chez Zachée. Il ne dit pas : il faut que je passe chez toi, comme en coup de vent, mais bien demeurer dans ta maison, qui suppose qu’il veut y prendre du temps. Là où les hommes ne veulent que voir, en vitesse, Jésus veut poser son regard et demeurer. Jésus ne passe pas dans nos vies pour nous voir, mais pour nous rencontrer, pour nous bouleverser, pour nous gagner à lui. Zachée ne s'y trompe pas, lui qui descend vite et reçoit Jésus avec joie. Il voulait juste voir ; eh bien il va voir ce qu’il va voir, et les autres aussi. Le fait que Jésus veuille prendre du temps avec lui, chez lui, fait ressortir le meilleur de Zachée, ce que personne n’avait osé imaginer, ce que personne n’a jamais voulu voir. Il est un homme, pécheur sans doute, comme les autres, mais un homme chez qui Jésus se plaît à aller ; il est un homme qui change dès lors que Jésus le regarde et s’intéresse à lui. Le regard de Jésus sur lui change du regard des autres sur lui, et de ce fait change le regard que Zachée lui-même porte sur lui. Il n’est plus obligé de se cacher dans un arbre ; il peut recevoir Jésus dans sa vie et avec lui, recevoir l’enseignement de Jésus qui change une vie, qui change sa vie. Voici Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. Nous pouvons comprendre mieux alors la réponse de Jésus : Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. 

En nous apprenant à regarder plutôt qu’à voir, Jésus nous apprend à dépasser nos jugements vite formulés. En nous apprenant à regarder plutôt qu’à voir, Jésus nous apprend à être encore mieux ses disciples. Pour regarder les autres, pour nous regarder en vérité, regardons d’abord Jésus et découvrons en lui celui qui est notre salut. Nous pourrons alors être de ceux qui révèlent ce regard de salut à celles et ceux que Dieu place sur notre route. Notre monde a plus que jamais besoin d’entendre que le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Donnons-lui à regarder des hommes et des femmes qui vivent déjà de cette espérance, et le monde se convertira. Amen.

samedi 22 octobre 2022

30ème dimanche ordinaire C - 23 octobre 2022

 De grâce, laissons le jugement à Dieu !





            Qu’est-ce qui ne va pas dans l’évangile de ce dimanche ? Qu’est-ce qui est choquant ? Est-ce la prière du pharisien qui étale ses mérites devant Dieu ? Est-ce le fait que le publicain, collecteur d’impôts, donc collaborateur de l’occupant romain, soit déclaré juste plutôt que le pharisien qui respecte pourtant scrupuleusement la Loi de Dieu ? Pour moi, rien de tout cela n’est choquant. Ce qui est choquant, c’est la raison pour laquelle Jésus raconte cette parabole. Et la raison, la voici : certains étaient convaincus d’être des justes et méprisaient les autres. Voilà ce qui est choquant selon moi. 

Comment pouvons-nous mépriser quelqu’un ? Comment pouvons-nous croire que nous vaudrions plus que les autres, ou que quelqu’un vaut moins que nous ? Ne sommes-nous pas tous égaux ? Ne sommes-nous pas tous faits de la même pâte ? Le mépris des autres, ajouté à la croyance que le groupe auquel nous appartenons vaut plus que les autres, a conduit à l’esclavage, au racisme, à la déportation de nos frères et sœurs juifs et autres (tziganes, homosexuels…) lors de la deuxième guerre mondiale ; et cela conduit aujourd’hui à une nouvelle guerre aux portes de l’Europe, pour ne prendre que notre continent. Les discussions qui vont s’ouvrir sur la fin de vie ne risquent-elles pas aussi de reproduire ce même travers, en identifiant des vies qui ne vaudraient plus d’être vécues et auxquelles nous pourrions alors mettre fin, sans nous sentir coupables, sous couvert d’un droit à mourir dans la dignité ? Le mépris de l’autre exclut ; le mépris de l’autre tue, même si ce n’est que socialement. C’est toujours dramatique. 

La réponse à cette attitude choquante est pourtant simple quand on est croyant : elle consiste à laisser Dieu, et lui seul, être l’unique juge en la matière, au moment qu’il aura fixé. N’écrivons pas l’histoire des hommes plus vite que Dieu. Le temps du jugement viendra ; mais ce temps ne nous appartient pas ; le jugement ne nous appartient pas. Voyez les deux hommes de la parabole ; à la fin de l’histoire, le juste n’est pas celui qu’on aurait cru au début. Dans la bonne société, le match pharisien contre publicain était clairement en faveur du pharisien. Ce qu'il dit des autres, il ne le fait pas, nous pouvons le croire sur parole. Il n’est ni voleur, ni injuste, ni adultère. Il jeûne bien deux fois par semaine et verse bien le dixième de tout ce qu’il gagne. Un homme parfait aux yeux de sa société. Il a tout pour lui, au contraire du publicain, dont le seul métier – collecteur d’impôts – le disqualifie aux yeux de son peuple, puisque sa fonction l’oblige à collaborer avec l’occupant romain. En d’autres temps, on en a tondu ou fusillé pour moins que ça. Et pourtant dit Jésus : Quand ce dernier (le publicain donc) redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que l’autre (le pharisien donc). Pourquoi cette différence de regard ? Parce que Dieu ne regarde pas comme nous. Il ne dit pas que ce que vit le pharisien est mauvais ; il dit que l’attitude du publicain, aux yeux de Dieu, est plus juste, plus ajusté à ce que Dieu attend des hommes. 

Là il me faut alors préciser, sans tarder, que Dieu n’attend pas de nous du misérabilisme (oh Seigneur, vois comme je ne suis pas bien du tout ; ce n’est d’ailleurs pas ce que fait le publicain), ni que nous n’étalions devant lui que nos défauts. Ce qu’il attend de nous, c’est que nous soyons vrais devant lui, sans nous comparer aux autres. Ecoutez ce que disait Ben Sirac le Sage : Le Seigneur est un juge qui se montre impartial envers les personnes. Il ne défavorise pas le pauvre. Il ne méprise pas la supplication de l’orphelin. Le publicain, dans son attitude toute faite de contrition, sera écouté, parce qu’il a besoin du regard favorable de Dieu sur sa vie pour sortir de sa condition de pécheur : Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis ! Ecoutons encore Ben Sirac : Celui dont le service est agréable à Dieu est bien accueilli, sa supplication parviendra jusqu’au ciel. C’est le pharisien qui aurait dû se souvenir de ce passage de l’Ecriture. Car nul doute que son service (son jeûne et son partage) est agréable à Dieu ; mais il a du mépris pour les autres hommes qui ne sont pas aussi bien que lui, qui sont comme ce publicain. Et surtout, il n’attend rien de Dieu ; il ne fait aucune demande ! Comme les hommes de son temps, Dieu voit et apprécie ce que ce pharisien fait de positif (jeûne et partage) ; mais il entend aussi le mépris affiché envers ceux qui ne sont pas et ne font pas comme le pharisien. Celui qui se place au-dessus des autres devant Dieu ne peut pas être reconnu comme un homme juste. 

Ecoutez Paul, pharisien, fils de pharisien, dans sa lettre à Timothée. On pourrait croire qu’il se vante en disant tout ce qu’il a bien fait : J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de justice. Il ne fait que dire ce qui est vrai, comme le pharisien de la parabole. Mais, à sa différence, il ne méprise personne, il ne dit pas qu’il est le seul à avoir fait ainsi. Ecoutez-le bien : Le Seigneur, le juste juge, me la remettra (la couronne de justice) en ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront désiré avec amour sa Manifestation glorieuse. Et concernant ses adversaires, il ne demande ni leur défaite, ni leur anéantissement : La première fois que j’ai présenté ma défense, personne ne m’a soutenu : tous m’ont abandonné. Que cela ne soit pas retenu contre eux. Une demande adressée à Dieu qui sera entendue et exaucée. Bien que pharisien, vivant sa foi avec ardeur et sérieux, Paul sera reconnu comme un homme juste. Sa prière est ajustée à sa vie ; sa prière est ajustée à sa foi en Dieu qui a envoyé son Fils pour sauver les pécheurs : d’où sa demande envers ceux qui l’ont abandonné. 

Le pharisien de la parabole n’a pas vu son attitude ne pas être reconnu juste parce qu’il est pharisien, mais parce que ni son regard, ni sa prière ne sont ajustées au Dieu qu’il sert ; il n’a pas besoin de Dieu ; son refuge, ce sont ses actes de piété. Le publicain n’est pas reconnu juste parce qu’il est publicain, il est reconnu juste parce que sa prière est ajustée au Dieu auquel il s’adresse ; c’est le Dieu qui prend pitié, le Dieu qui invite à la conversion, le Dieu juste qui juge avec justice. Comme le psalmiste, il a su reconnaitre en Dieu le Seigneur qui rachètera ses serviteurs ; il se souvient qu’il n’y a pas de châtiment pour qui trouve en Dieu son refuge. Faisons de même, ajustons-nous à la justice et à la bonté de Dieu ; plaçons notre confiance en lui sans renoncer à vivre conformément à notre foi, sans orgueil et sans mépris pour ceux qui ont plus de difficulté. Et surtout, de grâce, laissons Dieu, et lui seul, être notre juge et celui de toute l’humanité. Nous nous en sortirons tous bien mieux. Amen.

samedi 15 octobre 2022

29ème dimanche ordinaire C - 16 octobre 2022

 Demeure ferme dans ce que tu as appris.



(Rouleau de la Torah, source internet)


            Bien-aimé, demeure ferme dans ce que tu as appris. Cette interpellation de Paul adressée à son ami Timothée, comment ne pas l’entendre ? Comment surtout ne pas la recevoir pour nous, personnellement ? Dans un monde qui vit dans un changement perpétuel d’opinion, où les influenceurs se succèdent à une vitesse vertigineuse, un appel à un peu de stabilité semble bienvenu. Cette stabilité ne concerne pas une opinion, ni un régime alimentaire, ni un régime politique : non, il parle de la stabilité de la foi. 

            Pour appuyer sa demande, Paul indique une chose qui ne change pas et sur laquelle Timothée, mais aussi chaque croyant, peut se reposer : la Parole de Dieu, les Saintes Ecritures. Elles ne changent pas au gré des révélations dont bénéficierait tel ou tel voyant ou voyante. Les Saintes Ecritures ne changent pas davantage parce que notre monde aurait changé d’époque ou de civilisation. Elles ne sont pas sujettes à ajustement parce que le monde ne pourrait plus les comprendre, voire pire parce que le monde voudrait entendre une autre parole, une parole qui justifierait ses orientations et ses errements. La Parole de Dieu accompagne l’homme, tout homme, non pour justifier ses nouveaux choix mais pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice. Les Saintes Ecritures dérangeront donc toujours celles et ceux qui ne veulent pas que le peuple soit enseigné, éclairé sur le projet de Dieu pour toute l’humanité et qui préfèrent le laisser dans l’ignorance ou le taxer d’affreux conservateur quand il se réfère à la Parole de Dieu. Les Saintes Ecritures dérangeront toujours celles et ceux qui s’enfoncent dans le mal. Les Saintes Ecritures dérangeront toujours celles et ceux qui veulent tordre la vérité sur Dieu et sur l’humain. Les Saintes Ecritures dérangeront toujours ceux qui refusent la justice à celles et à ceux qui sont maltraités et opprimés. Nous entendons là un appel puissant à garder ce trésor de la foi et à conformer notre vie à cette Parole. 

            Cette Parole de Dieu est une parole vivante. Elle ne peut être enfermée dans des livres si beaux soient-ils ! D’où la seconde invitation de Paul à Timothée : Proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. C’est donc une Parole à dire, toujours, à discuter toujours. Si la Parole de Dieu cessait d’être dite et discutée, elle serait une lettre morte écrite dans une langue morte. Proclamée, discutée, travaillée, elle devient une Parole vivante, écrite dans une langue vivante, celles des hommes et des femmes qui justement s’en saisissent pour mieux la comprendre et mieux la vivre. Nous devons nous encourager les uns les autres à écouter cette Parole, à la partager, à la travailler. Dans un monde en perpétuel changement, nous ne saurons être stables dans notre foi sans faire l’effort de ce travail sur la Parole de Dieu. Il ne s’agit pas de réécrire ce que Dieu a dit. Dieu a parlé à nos pères par les prophètes, comme le dit si bien l’auteur de la lettre aux Hébreux. Mais dit-il encore, à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils qu’il a établi héritier de toutes choses. La longue Tradition de l’Eglise nous enseigne que Dieu a ainsi tout dit en Jésus, le Christ. Il nous faut maintenant et sans cesse, nous saisir de cette Parole et la faire retentir encore et toujours, pour que le monde puisse croire et s’ajuster à cette Parole. 

            Quand nous regardons vers l’orient de notre Europe, comment ne pas croire que la Parole de Dieu, Parole de Paix entre les peuples, doit encore retentir aujourd’hui, alors que la guerre fait rage là-bas ? Quand nous regardons notre monde, où tant d’hommes, de femmes et d’enfants souffrent de la faim alors que d’autres gaspillent plus qu’il n’en faut, comment ne pas croire que la Parole de Dieu, Parole qui invite au partage équitable, doit encore retentir sur notre vieux continent qui jette plus de nourriture qu’il n’en consomme ? Quand nous regardons notre monde où les droits humains sont encore trop bafoués en de nombreux lieux, comment ne pas croire que la Parole de Dieu, Parole qui appelle à la fraternité véritable, doit encore retentir aux oreilles de ceux qui nous gouvernent pour que le respect absolu de tous devienne une réalité ? Quand nous regardons notre monde devenir hostile à l’homme parce qu’il ne respecte plus la nature, comment ne pas croire que la Parole de Dieu, Parole qui fait l’humanité co-responsable de la création de Dieu, doit encore être proclamée à temps et à contretemps pour que l’humanité comprenne enfin l’urgence de modifier notre rapport à la nature et à l’usage que nous en faisons ? 

            En ces domaines et en bien d’autres encore, il nous faut demeurer fermes dans ce que nous avons appris. Les Saintes Ecritures, bien qu’anciennes en leur rédaction, conservent leur éternelle jeunesse puisqu’elles nous redisent le projet toujours actuel de Dieu pour nous : c’est un projet de vie, de bonheur et de salut pour toute l’humanité. Ne faisons pas taire la Parole de Dieu, ni dans notre vie, ni dans notre monde : nous avons besoin d’entendre Dieu nous redire qu’il nous aime, qu’il nous a fait pour la vie et qu’il veut notre bonheur, ici, maintenant et toujours. Amen.

samedi 8 octobre 2022

28ème dimanche ordinaire C - 09 octobre 2022

 Rendez grâce en toute circonstance.




(La guérison des dix lépreux, Codex Aureus d'Echternach, 
Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum)




        Rendez grâce en toute circonstance : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus. Cette phrase, nous l’avons entendu juste avant la proclamation de l’Evangile. C’est le verset qu’encadrait notre Alléluia. Il y en a un avant chaque évangile ; il nous donne une indication sur la manière de comprendre le texte proclamé par le diacre ou le prêtre. Aujourd’hui, il est une invitation à l’action de grâce permanente. Nous le comprenons bien lorsque nous voyons revenir vers Jésus un des dix lépreux guéris. Un sur dix seulement qui vient rendre grâce à Dieu ! Est-ce à dire que les autres sont ingrats, incapables de dire merci, de rendre grâce à celui qui a rendu la guérison possible ? 

Je n’irai pas jusque-là, parce qu’il me faudrait alors vous rendre attentifs au fait que celui qui revient vers Jésus est aussi celui qui désobéit à l’ordre donné par Jésus et par la Loi. A leurs cris de détresse : Jésus, maître, prends pitié de nous, Jésus répond par un ordre clair : Allez vous montrer aux prêtres. Ce que les neuf autres auront fait, je n’ai pas le moindre doute à ce sujet. Ils auront respecté en tout ce que la Loi prescrivait en cas de guérison de la lèpre. Puisque la maladie était considérée comme une « punition » venant de Dieu pour un péché personnel ou un péché des ancêtres, et de ce fait excluait de la communauté croyante, alors la guérison se devait d’être « validée » par les autorités religieuses pour que le guéri soit réintroduit dans la communauté croyante. Le chapitre 14 du livre du Lévitique donne toutes les étapes de cette purification à faire. Le dixième lépreux ne l’aura pas fait ; ou plutôt, il aura reconnu par avance en Jésus, le Prêtre parfait qui par son sacrifice purifie l’humanité et la sauve, en la réintroduisant dans une Alliance nouvelle et éternelle avec Dieu. N’est-ce pas très concrètement ce que nous vivons en chaque eucharistie ? Action de grâce par excellence du peuple des baptisés, l’eucharistie est pour chacun de nous l’occasion de rendre grâce à Dieu pour tout ce qu’il accomplit pour nous, en Jésus. Le chant de la préface, qui ouvre la grande prière eucharistique, souligne les nombreuses raisons que nous avons de rendre grâce à Dieu pour ce qu’il fait pour nous, par Jésus, son Fils. La structure même de l’eucharistie peut ainsi nous apprendre à rendre grâce en toute circonstance, de la manière la plus juste possible. Mais il y a, me semble-t-il, une étape à ne pas rater avant. 

Cette étape est celle qui pose le plus de question à l’homme contemporain. Pour beaucoup, elle est une énigme dans le déroulement de nos célébrations, pour ne pas dire un scandale pour certains qui la voit trop souvent répétée durant l’action eucharistique. L’étape précédent l’action de grâce est celle exprimée par le cri des dix lépreux : Jésus, maître, prends pitié de nous. La publication de la nouvelle traduction du Missel Romain n’a pas manqué de faire réagir, une fois de plus, ceux qui trouvaient qu’on demandait quand même beaucoup pardon. Les mots Prends pitié de nous reviennent, selon eux, trop souvent. Ils sont dans le rite pénitentiel, dans le Gloire à Dieu, dans le chant de l’Agneau de Dieu. Pourquoi tant insister, interrogent-ils ! Je vous apporte ma réponse toute personnelle à leur question : nous insistons autant non pas pour demander pardon (il y a un sacrement spécial pour cela), mais parce que nous ne reconnaitrons jamais assez que Jésus peut tout pour nous ; et c’est parce qu’il peut tout pour nous que nous lui disons : Prends pitié de nous ! Ce qui peut s’entendre de différentes manières d’ailleurs. Prends pitié de nous, cela veut dire : Viens à notre aide ; mais aussi veille sur nous, ou encore protège-nous. Et cette demande n’est pas faite à quelqu’un qui voudrait nous humilier, nous maltraiter, comme c’est le cas dans le langage courant quand on implore la pitié de quelqu’un ; non, cette demande est faite au Ressuscité, à celui qui a vaincu la Croix, celui dont nous sommes sûrs qu’il ne nous abandonnera jamais, celui dont nous sommes sûrs qu’il a souci de nous et de ce que nous devenons. Si nous ne comprenons pas bien cette répétition, c’est peut-être parce que nous ne comprenons pas bien le sens des rites d’ouverture de nos célébrations eucharistiques. Nous confondons trop souvent le rite pénitentiel qui est un rite de confiance en Jésus qui a donné sa vie pour nous, avec une confession publique de nos péchés : nous n’avons pas assez fait ceci ou cela, nous avons trop fait, nous n’avons pas su…, nous avons oublié de … et que sais-je encore ! Quand nous aurons appris, comme les lépreux, à nous tourner vers Jésus parce que nous savons qu’il peut tout pour nous, alors nous serons en mesure aussi de rendre grâce véritablement à celui qui non seulement peut tout pour nous, mais qui aussi fait tout pour nous. Jésus n’a jamais rien fait pour lui ; il a toujours tout fait pour nous. De là, nous pouvons lui demander de nous aider, de nous protéger, de veiller sur nous, et surtout nous pouvons en toute circonstance, lui rendre grâce. Nous ne rendrons véritablement grâce à Dieu que lorsque nous reconnaîtrons tout ce que le Christ, le Seigneur, celui qui est vivant pour toujours, a fait et continue de faire pour nous. Si nous ne savons pas dire en vérité : Seigneur, prends pitié de nous, nous ne saurons pas véritablement rendre grâce à Dieu en toute circonstance. 

Comme les dix lépreux, sachons crier vers Jésus : prends pitié de nous, que notre vie soit belle ou qu’elle soit plus compliquée, avec cette certitude qu’il peut tout et fait tout pour nous, pour notre vie, pour notre salut. Comme le lépreux revenu sur ses pas, nous saurons alors trouver les mots et les attitudes pour rendre grâce à Dieu, quand notre vie qui allait de travers aura retrouvé le sens d’une plus grande proximité avec Dieu. Amen.

samedi 1 octobre 2022

27ème dimanche ordinaire C - 02 octobre 2022

N'aie donc pas honte de rendre témoignage.


 (Coolus, Le lapin bleu, Blog de la communauté de la Croix glorieuse)





            Avez-vous bien écouté Paul dans sa deuxième lettre à Timothée ? Il dit quelque chose d’intéressant pour nous tous. En fait, c’est une invitation qu’il nous fait. Certains penseront spontanément à ce passage : Ravive le don gratuit de Dieu. Et je peux les comprendre, tant il est important de garder agissant en nous l’esprit de notre baptême. Mais ce n’est pas cette invitation-là qui m’a le plus marqué. Je pense plutôt à celle-ci : N’aie donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur. Je trouve, qu’en ces temps que nous vivons, elle est plutôt bienvenue. 

            La première raison qui me rend cette invitation importante, vient du fait que certains pensent que ce n’est pas pour eux, le témoignage. Le témoignage, c’est réservé à une caste composée des ministres du culte de quelque ordre ils soient : diacres, prêtres, évêques, auxquels les mêmes rajoutent souvent les catéchistes. En gros, disent-ils, c’est leur métier de rendre témoignage ; moi, mon métier, c’est carreleur, médecin, enseignant, que sais-je encore… A chacun son job, le témoignage, ce n’est pas le mien. Si vous pensez ainsi, je veux ici vous détromper. Chaque baptisé participe, à sa manière, à la triple mission du Christ, Prêtre, Prophète et Roi. Le témoignage s’inscrit clairement dans la mission prophétique de l’Eglise, donc de chaque baptisé, au sens où chacun doit annoncer le Christ. Mais le témoignage s’inscrit aussi dans la mission royale de l’Eglise, donc de chaque baptisé, au sens où chaque baptisé doit vivre, gouverner sa vie selon l’Evangile. C’est même là le premier témoignage que nous avons tous à rendre. Ceux qui ont oublié le Christ, ou ceux qui n’ont jamais entendu parler de lui, doivent pouvoir le découvrir à travers notre art de vivre, je le redis assez souvent pour que nous en soyons tous maintenant convaincus. Dans les relations œcuméniques ou interreligieuses, c’est même la première marche à franchir. Vivre au milieu des autres dans le respect de notre foi. Ce n’est pas parce que nous devenons minoritaires qu’il nous faut renoncer à vivre en chrétien. Ce n’est pas davantage parce que notre pays se définit comme laïque, ne promouvant aucune religion, que nous devons renoncer à vivre en chrétien, bien au contraire. La laïcité bien comprise est même le cadre idéal qui nous permet de vivre notre foi librement et publiquement. Nous n’avons pas à nous cacher parce que chrétien ; nous n’avons pas à cacher que nous sommes chrétiens sous prétexte que certains pensent que la laïcité équivaut à la suppression de toutes les religions de l’espace public. Il n’y a rien de plus faux que de croire cela. 

            Il y a une seconde raison qui me rend sympathique l’invitation de Paul à ne pas avoir honte de témoigner de notre foi. Elle se situe dans la ligne de la première. Si le témoignage n’est pas réservé à une caste de professionnels, il n’est pas davantage réservé à une caste de purs. Entendons bien le N’aie pas honte de rendre témoignage comme un rappel qu’aucun baptisé n’est indigne de le faire. S’il fallait attendre, pour témoigner, que notre vie chrétienne soit parfaite, je crains fort que très peu de témoignages seraient entendus. Ce n’est pas parce que nous ne vivons pas totalement comme il le faudrait, que notre témoignage rendu au Christ serait caduc. J’ai même appris, en 31 de métier et de prédication, que lorsque je rends témoignage au Christ, je le fais d’abord aussi pour moi. Je me rappelle à moi-même à quoi je suis appelé, et je mesure combien j’ai encore à progresser, combien il me faut encore travailler ma fidélité au Christ. Nous ne sommes pas parfaits, c’est un fait ; mais cela ne nous empêche pas de tendre vers cette perfection dans la foi et la charité. Et cela ne nous empêche donc pas davantage de témoigner de ce à quoi nous sommes appelés par le Christ. En rendant témoignage à notre Seigneur, nous mesurons le chemin déjà parcouru et nous pouvons en rendre grâce ; et nous mesurons le chemin qui reste à parcourir et nous pouvons demander à l’Esprit, qui n’est pas un esprit de peur mais un esprit de force, d’amour et de pondération, de nous aider à progresser encore et à avancer à la suite du Christ vers le Royaume où nous sommes attendus. N’ayons donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur. Il ne faut pas attendre d’avoir une foi parfaite ou une foi plus grande pour témoigner : nous recevons de Dieu la foi que nous pouvons porter et dont nous pouvons témoigner, j’en suis convaincu. 

            Quel que soit notre état de vie, quel que soit notre avancement sur le chemin de la sainteté, nous pouvons et nous devons rendre témoignage au Christ, sans honte. Rendre témoignage au Christ, ce n’est pas fanfaronner devant les autres : voyez comme je suis bien et bon ! Non, rendre témoignage au Christ, c’est lui rendre grâce de sa présence à notre vie, lui rendre grâce pour son amour pour nous, amour qui l’a conduit à la croix pour notre vie. C’est être remplis d’amour et de reconnaissance pour cet amour qui nous vaut la vie. Ne soyons pas des sœurs et des frères ingrats du Christ : reconnaissons l’œuvre d’amour qu’il a entreprise pour nous et sachons en témoigner devant les hommes, par notre vie et par nos mots : nous sommes faits pour vivre. Soyons pleinement vivants et fiers de ce Christ qui nous a rachetés et sauvés. Gardons le dépôt de la foi dans toute sa beauté, avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en nous. Il saura nous donner les mots et les attitudes qui rendront notre témoignage véridique. Amen.