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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 25 décembre 2021

Noël - Messe du jour - 25 décembre 2021

 Le Verbe s'est fait chair ! 




(Arcabas, Nativité, détail)


        Le Verbe s’est fait chair. Quand je vois le mot écrit, je comprends bien ce que veut nous dire l’évangéliste Jean. Mais quand un quidam nous entend dans la rue dire : Le Verbe s’est fait chair, qu’entend-t-il au juste ? Que comprend-t-il ? A l’audition, le son « chair » peut avoir plusieurs sens dont il nous est permis de jouer. et je ne vais pas m'en priver !  

            Le Verbe s’est fait chair (c-h-a-i-r). C’est la manière qu’à Jean de dire que Dieu, en Jésus, est devenu l’un de nous. C’est tout le mystère de Noël qu’il exprime ainsi. Dieu, celui que personne n’a vu, se rend visible à nos yeux dans un corps semblable au nôtre. C’est ce que chante la première préface de la Nativité lorsqu’elle affirme : La révélation de ta gloire s’est éclairée pour nous d’une lumière nouvelle dans le mystère du Verbe incarné. Maintenant, nous connaissons en lui Dieu qui s’est rendu visible à nos yeux. La deuxième préface va dans le même sens lorsqu’elle fait chanter au célébrant :  Dans le mystère de la Nativité, celui qui par nature est invisible s’est rendu visible en notre chair. Il nous faut donc bien admettre cette réalité : celui qui est au-delà de tout, celui qui est le tout-autre est devenu l’un de nous, il s’est fait comme nous. Et s’il s’est fait comme nous, c’est pour que nous puissions devenir comme lui. C’est ce que rappelle la troisième préface de la Nativité : lorsque ton Verbe prend sur lui la fragilité humaine, notre condition mortelle en reçoit une infinie noblesse ; il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels. Quand Dieu devient homme, l’homme retrouve en lui sa capacité à être capable de Dieu, sa capacité à être comme Dieu. L’appel de Dieu adressé à l’humanité (Soyez saint comme je suis saint) trouve ici, dans l’incarnation du Fils unique, la possibilité d’une réponse favorable de la part de l’humanité. 

            Le Verbe s’est fait chair (c-h-a-i-r). Certaines traductions bibliques se croient obligées de préciser dès le début du prologue que le Verbe, c’est la Parole de Dieu. ce qui donne dans certaines bibles : Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu. Peut-être s’agit-il là d’une habitude bien française qui découle de la difficulté pour l’homme moderne de penser autrement que paresseusement. N’est-ce pas, si vous ne lui expliquer pas tout dans le menu détail, il ne comprendra rien. Et s’il ne comprend rien, ce n’est pas sa faute, ce n’est pas parce qu’il ne cherche pas à comprendre, mais parce que vous lui parlez de manière trop compliquée. Pour certains, il faudrait changer tout le vocabulaire religieux parce qu’il ne correspond plus à l’air du temps. Donc, tout le monde aura compris ce matin que quand Jean dit : le Verbe s’est fait chair, il nous dit en fait que la Parole de Dieu s’est faite chair. C’est un gros progrès depuis les prophètes ; eux ne faisaient que redire la Parole d’un autre. Mais quand Jean dit : Le Verbe (la Parole de Dieu) s’est fait chair, il nous dit que celui qui s’incarne est en fait la Parole de Dieu ; il ne répète pas ce que dit Dieu, il parle Dieu, il est Dieu. et là, cela se complique pour l’homme. Tant que la Parole était redite, répétée par d’autres, on pouvait dire qu’on a mal compris, qu’ils ont mal transmis ce que Dieu avait dit ; mais quand Dieu lui-même parle, en face-à-face avec les hommes, quelle excuse vont-ils trouver pour ne pas le suivre ? Saint Ephrem avait raison de dire que le Verbe de Dieu s’est fait chair par l’oreille ; que Marie est tombée enceinte par l’oreille. C’est en écoutant Dieu qu’elle a mis au monde le Fils unique de Dieu, le Verbe de Dieu. Pour engendrer la Parole, elle a d’abord dû écouter cette Parole et la prendre au sérieux. En ce sens, nous pourrions dire que le verbe s’est fait chaire (c-h-a-i-r-e), lieu de la proclamation de la Parole de Dieu. Cela nous renvoie alors à tout l’enseignement de Jésus quand, devenu grand, il parcourra les routes pour enseigner les hommes qui cherchent Dieu. Le Dieu qui se fait homme (chair, c-h-a-i-r) se fait aussi enseignant (chaire, c-h-a-i-r-e). vous me suivez jusque-là ? Alors continuons encore un peu. 

            Le Verbe s’est fait chair, à l’audition, peut encore se comprendre de deux manières, comme dans ce court dialogue : « Ah, votre cher défunt, quel homme il était ! Ce à quoi l’auditeur répond : vu le prix des funérailles, vous avez raison de de dire : notre cher défunt ! Si l’orthographe n’est pas la même que dans l’affirmation de Jean, à l’audition, la méprise est doublement possible. Occupons-nous de celle qui soulignerait l’aspect économique de la chose : le Verbe s’est fait cher et depuis il est hors de prix ! Au-delà du jeu de mots, cette affirmation nous ouvre une réelle perspective théologique. Voyez-vous, le Verbe ne s’achète pas, mais il a un prix. Et ce prix, c’est l’humanité. Le Verbe ne s’achète pas ; le Verbe rachète l’humanité. Et cela lui coûtera sa vie, pour ceux qui s’interrogent sur le prix du Verbe. C’est un grand prix, la vie d’un innocent pour racheter des coupables. On peut dire que le Verbe a fixé son prix : l’humanité tout entière, au point que vous ne pouvez pas prendre le Verbe sans prendre aussi toute la tribu, toute l’humanité. Accueillir le Verbe de Dieu dans ta vie, c’est accueillir tout humain qui croisera ta route comme un frère, comme un autre Verbe de Dieu. Personne ne peut plus séparer le Verbe fait chair (c-h-a-i-r) de l’humanité qu’il est venu racheter à grand prix, chèrement. 

            Pour finir avec mes jeux de mots, permettez-moi un vœu puisqu’il reste une manière d’interpréter ce que nous dit Jean. Mon vœu, c’est que le Verbe devienne cher (c-h-e-r) à notre cœur, cher au cœur de tout homme, chaque jour.  Que nous ayons plaisir à le rencontrer, plaisir à l’écouter, plaisir à le suivre. Qu’il soit notre cher et tendre qui nous attire vers Dieu et nous garde du Mal. N’est-ce pas pour cela que le Verbe s’est fait chair (c-h-a-i-r) ? Qu’il soit toujours davantage pour nous ce qu’il est en lui-même :  notre vie et notre lumière. Amen.

vendredi 24 décembre 2021

Noël - Messe de Minuit 25 décembre 2021

 Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! 





(Arcabas, Vierge à l'Enfant, trouvé sur internet)



            L’annonce a retenti dès la lecture du prophète Isaïe : Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Dans une Eglise que certains disent remplie de pédo-criminel, il fallait oser une telle annonce ! Sans compter sur le fait que c’est cet enfant, ce fils donné qui va rétablir le droit et la justice. Nous pouvons alors vraiment nous réjouir de cette naissance, car c’est en se plaçant sous le règne de cet Enfant nouveau-né, que l’Eglise trouvera ( ou retrouvera) son salut. 

            Le gros mot est lâché : trouver notre salut. En fait, il serait plus juste de dire qu’avec cet Enfant, nous accueillons notre salut, c'est-à-dire que nous reconnaissons que nous avons besoin d’être sauvés. Il nous faut bien comprendre que toute cette histoire est d’abord un don, un don de Dieu. Hors lui, pas de salut possible ! Paul le dit bien à son ami Tite : La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Quelle que soit l’histoire de celui qui est touché par la grâce, il sera sauvé. Cela n’excuse rien, mais cela engage à vivre désormais selon ce que la même grâce propose : renoncer à l’impiété et aux convoitises du monde, vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété dans l’attente de la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. Cet enfant nouveau-né est bien celui que Dieu envoie pour le salut de tous les hommes. Cet enfant nouveau-né est celui qu’il nous faut accueillir maintenant et suivre chaque jour de notre vie. Sans doute certains l’avaient-ils oublié ! Le fait que Dieu lui-même entre dans le monde comme un humain, en se faisant enfant, le fait qu’il ne soit visité en premier que par des bergers, des marginaux, ces faits donc nous rappellent que ce sont les petits, les faibles, les exclus qui nous évangélisent et nous renvoient sans cesse à notre devoir de croyants : protéger celui qui est faible, venir en aide à celui qui est dépossédé de lui-même. Dieu qui se fait enfant, le Tout-Puissant qui se fait le tout-faible : voilà un trésor que nous devons chérir et qui doit sans cesse nous redire où est notre mission. Dieu qui se fait enfant, le Tout-Puissant qui se fait le tout-faible : voilà qui doit nous faire comprendre que l’Eglise, le peuple que Dieu rassemble autour de son Christ, ne peut être qu’un lieu de sureté pour les tout-petits, les tout-faibles. Le scandale des abus de toutes sortes qui ont eu lieu dans l’Eglise modifie notre approche de cette fête de Noël et remet de l’ordre dans nos priorités. Si Dieu se fait enfant, si le Tout-Puissant se fait le tout-faible, alors ceux qui croient en lui, quelle que soit leur place dans l’Eglise, doivent avoir à cœur le respect et la protection de tous les petits, de tous les faibles dont Dieu lui-même s’est fait proche en ce soir de Noël. 

            Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Ne boudons pas notre joie ce soir. Retrouvons le goût de la fête devant ce Dieu qui se fait tout-petit pour que nous puissions devenir tout-grand en amour, tout grand en respect, tout grand en attention donné à celui qui en a le plus besoin. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. Que ce soit là notre désir le plus grand ; que ce soit là notre unique manière de montrer que nous croyons en Christ, Dieu devenu enfant pour nous sauver. Amen.   

Noël - Messe de la veille au soir - 24 décembre 2021

 En cette nuit, Dieu épouse l'humanité.



(Arcabas, Le songe de Joseph, trouvé sur internet)



        Tout au long de l’Avent, nous avons entendu les prophètes parler aux gens de leur époque, leur annonçant une grande joie après l’épreuve de l’Exil qui avait lourdement affecté le peuple, le faisant s’interroger sur la place de Dieu dans sa vie. Devant ce qui reste une catastrophe absolue pour l’homme croyant, les prophètes annoncent la venue d’un Messie qui rendra au peuple sa liberté.  Les croyants au Christ des premières générations, juifs d’origine faut-il le rappeler encore, ont vite fait de lire dans ces annonces d’un Sauveur envoyé par Dieu, l’annonce même de la venue de Jésus en notre monde. C’est la lecture qu’en fait Paul dans l’extrait des Actes des Apôtres que nous avons entendu : De la descendance de David, Dieu, selon la promesse, a fait sortir un sauveur pour Israël : c’est Jésus, dont Jean le Baptiste a préparé l’avènement. Ce soir, c’est cette lecture que toute l’Eglise fait en célébrant la naissance de son Sauveur, Dieu fait homme en Jésus Christ. 

            Nous pouvons alors relire le prophète Isaïe à l’aune de cette même interprétation chrétienne. Le prophète annonce à son peuple que le temps de la désolation, le temps de l’Exil est terminé : On ne te dira plus : ‘Délaissée !’ A ton pays, nul ne dira plus : ‘Désolation !’ Toi, tu seras appelée ‘Ma Préférence’, cette terre se nommera ‘L’Epousée’. Le prophète reprend ici une thématique connue depuis le prophète Osée, celle des épousailles entre Dieu et l’humanité. Puisque l’homme s’était détourné de Dieu par ses trop nombreux péchés, nous apprend le prophète Osée, Dieu fera le choix de séduire à nouveau l’humanité et de la reprendre pour Epouse, quand bien même elle s’est montrée infidèle en se donnant à d’autres dieux. Si l’Eglise, en cette première messe de la fête de Noël nous fait entendre ce passage d’Isaïe, nous pouvons considérer qu’un des sens de cette fête est bien celui des noces de Dieu avec son peuple. En ce faisant homme en Jésus, Dieu vient à la rencontre de l’humanité pour une Alliance nouvelle, l’Ancienne Alliance ayant été rompue par le péché des hommes. Ce soir, Dieu épouse l’humanité : Comme un jeune homme épouse une vierge, ton Bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. Il faut remarquer ici que la joie de ce jour n’est pas d’abord la joie de l’humanité, mais bien celle de Dieu. Quand Dieu envoie son Fils dans le monde, il en est le premier heureux, parce que, par ce Fils, se réalisera son projet d’amour et de salut pour tous les hommes. Cette joie de Dieu est appelée à devenir notre joie. Comment, en effet, ne pas se réjouir devant la naissance de Celui que Dieu envoie pour nous sauver ? 

            Nous pouvons puiser notre joie dans cette longue succession de noms d’hommes et de femmes qui ont essayé, chacun à leur mesure, de vivre cette Alliance avec Dieu. La longue généalogie de Jésus, que l’on appelle Christ, nous rappelle chaque année que nous ne venons pas de nulle part et que nous n’allons pas nulle part. Nous-mêmes enfants de Dieu par le Fils unique Jésus Christ, nous venons de Dieu et nous allons vers Dieu. Nous sommes cette nouvelle génération qui a commencé avec la naissance de Jésus. Nous sommes celles et ceux qui ont à prolonger et à faire vivre ce monde nouveau inauguré par la naissance de Jésus. A l’image de Joseph, nous ne devons pas craindre de prendre chez nous Marie, la Mère de notre Sauveur, et l’enfant qui est engendré en elle et qui vient de l’Esprit Saint. L’Enfant de la crèche que nous accueillons en cette nuit ne doit pas nous rester extérieur ; cette nuit ne doit pas être juste une nuit de fête sitôt oubliée quand viendra le jour suivant. Cette nuit doit nous introduire réellement dans ce grand projet de salut de Dieu, projet qu’il a conçu pour nous. Nous sommes concernés par la naissance de cet Enfant-Dieu. Notre vie doit se laisser affecter par cette naissance, même si nous n’y comprenons pas grand-chose. Ce soir, Dieu fait le choix de se rendre présent à notre vie. Ce soir, Dieu entre à nouveau dans notre vie comme il l’a fait au jour de notre baptême. Ce soir, en nous offrant son Fils, Dieu nous fait comprendre qu’il attend de nous que nous soyons ses fils à l’image de cet Enfant nouveau-né. Quand nous contemplons une crèche, n’y voyons pas que l’illustration d’un événement merveilleux, mais aussi le signe que Dieu se donne à nous et qu’il attend que nous nous donnions à lui. 

            En contemplant le visage de l’Enfant Jésus, contemplons le visage de Dieu qui vient à nous. Contemplons aussi dans ce visage, le visage des frères qu’il met sur notre route. Puisque Dieu s’est fait humain en Jésus, chaque humain porte en lui le visage de Dieu. En servant nos frères, en particulier les plus petits, les plus faibles, c’est Dieu lui-même que nous servons. Que cette nuit, qui nous permet d’accueillir et d’épouser Dieu, nous permette aussi d’accueillir et d’épouser toute l’humanité en qui Dieu se révèle, en qui Dieu vit. Entrons dans une fidélité renouvelée à l’Alliance que Dieu nous propose en vivant une charité réelle avec tous. Amen.

samedi 18 décembre 2021

4ème dimanche de l'Avent C - 19 décembre 2021

 Avec Marie et Elisabeth, accueillir Celui qui vient.





            En ce dernier dimanche de l’Avent, nous croisons la route de Marie et de sa cousine Elisabeth, deux autres figures de ce temps de préparation à Noël. Marie, cela va de soi puisqu’elle a été appelée à être la Mère du Fils de Dieu ; que nous la rencontrions durant l’Avent n’a donc rien d’extraordinaire. Elisabeth, sa cousine, enceinte dans sa vieillesse de Jean le Baptiste, c’est déjà moins commun. Ni elle, ni le fils dont elle est enceinte, ne jouent un rôle prépondérant dans ce temps de gestation. La mission de Jean le Baptiste, personne n’y pense encore. Et pourtant… 

            Cette scène de la Visitation est comme un passage de témoin entre la vieille Elisabeth, la figure de la Première Alliance et Marie, la figure par qui la Nouvelle Alliance peut émerger. Cette rencontre pourrait s’appeler : quand l’Ancien Testament rencontre, par avance, le Nouveau Testament. Ces deux femmes, l’une jeune, l’autre vieille, toutes deux enceintes « miraculeusement », se rencontrent au moment précis où l’Histoire des hommes va basculer vers quelque chose de neuf. Luc ne s’y trompe pas quand il rapporte l’événement. Au-delà de la joie d’Elisabeth de rencontrer sa cousine, il y a une autre rencontre qui se joue déjà, celle entre les deux cousins : Jésus et Jean le Baptiste : Lorsque tes paroles de salutations sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Si les tableaux occidentaux représentent cette scène par deux femmes se saluant, les icônes de nos frères orthodoxes vont quelquefois jusqu’à représenter les deux cousins dans le sein de leur mère respective, Jean s’inclinant profondément devant le Christ. Au-delà de la visite de courtoisie, c’est une visite hautement théologique qui se déroule sous nos yeux. Le discours d’Elisabeth ne laisse aucun doute à ce sujet : D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?... Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. Rappelons ici que Marie et Elisabeth ne se sont échangées ni appel téléphonique, ni sms pour se partager la bonne nouvelle. Et pourtant Elisabeth est capable de reconnaître et de reconstituer ce qui s’est joué à l’Annonciation : un ange envoyé par Dieu annonçant à Marie sa maternité prochaine et l’acceptation par celle-ci de ce projet divin. Elle a compris « instinctivement » ce que Joseph n’avait pas su comprendre quand il avait formulé le projet de répudier sa promise en secret.

            Cette visitation achève de rappeler aux hommes que le Maître de l’Histoire, c’est Dieu. Elle rappelle aux hommes que Dieu fait comprendre son dessein de salut à qui il veut bien le révéler. Elle nous dit aussi que chacun, quel que soit son âge, peut vivre une fidélité à Dieu telle, qu’il peut sans crainte entrer dans le projet que Dieu porte pour lui. Ni Marie, ni Elisabeth n’ont sans doute saisi d’emblée la portée de ce qu’elles étaient invitées à vivre, mais toutes deux ont accepté, toutes deux ont cru. Si l’on rapproche alors leur attitude de celle des époux, Joseph, le charpentier pour Marie et Zacharie, le prêtre, pour Elisabeth, on pourrait même en déduire que les femmes ont un avantage certain. Non pas qu’elles soient plus crédules, mais certainement plus attentives à la dimension spirituelle de notre existence. Elles semblent comprendre plus vite quand Dieu fait irruption dans leur vie. Cette Visitation nous rappelle enfin que Dieu accomplit ses promesses. Il tient parole. Il ne fait pas de promesse pour nous endormir ou nous rassurer ; quand Dieu promet, il s’engage ; quand Dieu promet, il réalise. Son projet de sauver tous les hommes, le moment est venu de le réaliser, et c’est ce Fils qui grandit dans le sein de Marie qui en sera l’acteur principal. Le temps de l’accomplissement a commencé. Marie l’incarne, Elisabeth le reconnaît et le proclame. 

            Au-delà du souvenir d’une visite ancienne pour nous, ce passage d’Evangile nous interroge forcément sur notre rapport à la promesse que Dieu nous fait de nous sauver. Sommes-nous dans la confiance comme Marie et Elisabeth ou remplis de doute comme Joseph et Zacharie ? Acceptons-nous, comme ces deux femmes, d’être des acteurs de la réalisation de ce salut, ou attendons-nous que les événements se passent, sans trop nous mouiller, juste assez pour être sauvés ? De Marie et Elisabeth, nous pouvons apprendre à accueillir dans la confiance Celui qui vient. Si l’on peut considérer qu’il vient bouleverser notre vie, nous pouvons aussi considérer qu’il vient la rendre plus belle : la joie de Marie et d’Elisabeth peuvent nous en convaincre. Avec elles, entrons dans le projet de Dieu ; avec elles, réjouissons-nous de celui qui vient. Il vient faire toute chose nouvelle ; il vient inaugurer un monde nouveau. Heureux sommes-nous de croire, nous aussi, à l’accomplissement des paroles qui furent dites aux hommes de la part du Seigneur. Amen.

samedi 11 décembre 2021

3ème dimanche de l'Avent C - 12 décembre 2021

 Jean le Baptiste, l'homme des passages.






            A côté des prophètes de la Première Alliance, il y a un autre personnage qui domine le temps de l’Avent : c’est Jean le Baptiste. Deux dimanches lui sont consacrés durant ce temps de préparation à Noël au point qu’il est quelquefois difficile de faire comprendre que si Jean annonce bien la venue du Messie, il n’en annonce pas pour autant la naissance. Quand Jean paraît dans le désert, Jésus lui-même est déjà grand et en passe de commencer son ministère. C’est un personnage intéressant, parce qu’il aurait pu tirer partie de sa notoriété, du fait que les foules venaient se faire baptiser par lui. Il n’en fait rien ! Au contraire, Jean reste à la place qui est la sienne, celle à laquelle Dieu l’a appelé : il est l’homme des passages. 

            Il est l’homme des passages parce qu’il ne garde pas auprès de lui ceux qu’il baptise. Il les renvoie dans leur vie. Les foules viennent vers lui pour se faire baptiser, mais aussi pour le consulter : Que devons-nous faire ? J’aime la sobriété de la question. Ce n’est pas une question religieuse d’abord au sens où ceux qui viennent vers Jean chercheraient comment entrer dans le Royaume, par exemple. Cette question : Que devons-nous faire ? est d’abord une question existentielle : comment devons-nous vivre ? Les foules viennent à Jean comme elles iraient vers un sage. Est-ce sa peau de chameau, sa vie plutôt austère qui les attirent, qui le font reconnaître comme un sage ? Nous n’en savons rien. Ce que disent les évangélistes, c’est que des foules viennent à lui et Luc nous dit aujourd’hui qu’il les renvoie dans leur existence : Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! Ce n’est même pas une leçon de morale, mais juste des pistes pour un mieux vivre ensemble, une manière de concevoir sa vie comme étant liée à celle des autres, une manière de concevoir son bonheur comme lié au bonheur des autres. Cela se vérifie avec son adresse aux collecteurs d’impôts et aux soldats. Aux premiers, il recommande de n’exiger rien de plus que ce qui est fixé ; et aux seconds, il recommande un respect des autres (Ne faites de violence à personne, n’accusez personne à tort) et de savoir se satisfaire de ce qu’ils ont (Contentez-vous de votre solde). Là encore, ce n’est pas une leçon de morale, mais une indication pour vivre mieux avec les autres. Jean veut faire passer les hommes et les femmes de son temps dans un monde nouveau où le profit, la violence, le mensonge n’ont pas cours. 

            Jean est encore l’homme des passages lorsqu’il renvoie vers un autre. Il ne joue pas à être celui qu’il n’est pas. Il aurait pu en profiter pour jouer à la star : le peuple était en attente et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. Il lui eut été facile d’aller dans le sens de la foule ; elle l’aurait sans doute suivi s’il avait joué au Christ ! Mais quand on est l’homme des passages, on renvoie vers celui que l’on annonce : Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Il ne revendique rien pour lui ; il ne réclame même pas une reconnaissance particulière ; il pointe vers un autre. Me vient à l’esprit la belle représentation de Jean le Baptiste du retable d’Issenheim. Il est au pied de la croix, le doigt pointé vers le Crucifié. Ce n’est pas Jean qu’il faut regarder ; c’est le Christ. L’homme des passages est aussi l’homme qui s’effacera quand il aura baptisé celui qu’il a annoncé. Il nous indique ainsi le rôle du vrai disciple : faire voir le Christ, le donner à rencontrer, sans se mettre en avant. Il ne se place même pas en modèle à suivre. Il dit comment il faudrait vivre ; il dit qui il faut suivre. Là s’arrête sa mission. On pourrait appliquer à Jean la parole de Bernadette Soubirou : on m’a chargé de vous le dire, pas de vous le faire croire. Ceux qui viennent vers Jean sont libres de suivre ses conseils ou pas. Mais s’ils choisissent de les suivre, ils vivront mieux ; ils seront signe qu’un autre monde est possible et que ce monde commence maintenant, avec eux. Jean le Baptiste, celui qu’on vient voir comme on va consulter un sage, renvoie vers un autre comme l’ont fait avant lui tous les prophètes. Comme eux, il transmet fidèlement au peuple la Bonne Nouvelle. Comme eux, il renvoie vers cet Autre qui viendra de Dieu. Que les gens l’écoutent ou pas, peu importe après tout. Il annonce, il indique, il oriente ; les gens disposent. 

            Annonçant la venue du Christ, Jean est enfin l’homme des passages en clôturant en quelque sorte le Premier Testament. Homme des passages, il est l’homme du seuil qu’il faut franchir pour entrer dans ce monde nouveau que le Christ vient inaugurer. Comme Moïse, il contemplera, de sa prison, ce monde nouveau qui germe, mais n’y entrera pas. Il ne pourra pas marcher à la suite du Christ, mais lui aura grandement préparé le chemin. Son rôle est irremplaçable dans ce grand projet de salut de Dieu pour les hommes. De Jean, apprenons à vivre mieux les uns avec les autres ; par lui, découvrons le Christ qui se tient à notre porte ; comme lui, annonçons la Bonne Nouvelle pour que le monde se convertisse et qu’il croit. Et souvenons-nous que ce monde nouveau que le Christ a inauguré se construit avec nous, dès maintenant. Amen.

samedi 4 décembre 2021

2ème dimanche de l'Avent C - 05 décembre 2021

 En ces temps troublés, recevons de Baruc une espérance renouvelée.





Lire les prophètes, pour un chrétien, est un exercice toujours difficile. Nous avons tellement l’habitude de les considérer comme des voyants annonçant le futur, plus exactement la venue de Jésus, que nous en oublions qu’ils ont été appelés par Dieu à une époque donnée pour dire sa Parole à un peuple donné. Les prophètes, au moment de leur ministère, n’annoncent pas Jésus. Même Jean le Baptiste ; il annonce la venue de quelqu’un qui viendra après lui, mais il n’identifiera ce quelqu’un avec Jésus que lorsque Jésus viendra à lui pour se faire baptiser. Ce n’est pas mal de faire une relecture chrétienne des prophètes, mais pour bien comprendre leur message, il vaut mieux d’abord nous plonger dans l’époque à laquelle ils ont vécu.

Ainsi en est-il du prophète Baruc. Secrétaire du prophète Jérémie, il écrit un livre à destination des Juifs de la Diaspora. Jérusalem, la cité de Dieu, a été détruite. Le peuple juif est dispersé. Il y a ceux qui ont fui en Egypte par exemple, et surtout l’immense majorité qui a été déportée à Babylone. C’est la catastrophe absolue, Israël n’ayant plus rien de tout ce que Dieu avait donné : plus de terre, plus de Loi, plus de roi. Ce n’est pas le grand remplacement qu’Israël a vécu mais le grand anéantissement. Quand il ne reste rien, comment espérer encore ? quand il ne reste rien, pourquoi croire encore ? Les prophètes qui vont accompagner le peuple en exil, comme ceux qui accompagnent les réfugiés dans d’autres nations, vont relire l’histoire d’Israël, rappeler la promesse de Dieu, annoncer l’espérance d’un retour. Baruc le fait dans ce magnifique passage entendu, dans lequel il s’adresse à la ville détruite de Jérusalem comme à une personne vivante : Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours, enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu, mets sur ta tête le diadème de la gloire de l’Eternel. Revêtue de Dieu, la ville retrouvera sa splendeur première. Ce qui est remarquable dans ce passage, c’est que Jérusalem n’est pour rien dans ce retour de ses enfants. Si elle fut la cause de sa chute, s’étant tournée vers d’autres dieux, son relèvement sera l’œuvre de Dieu seul. C’est la miséricorde de Dieu et sa justice qui valent à la ville sa restauration. Alors que l’on avait pu croire que Dieu s’était détourné de son peuple et qu’il l’avait abandonné, voilà qu’est réaffirmé le projet de salut, le projet de bonheur que Dieu porte pour son peuple depuis les origines. C’est Dieu qui est à la manœuvre : Tu les avais vus partir à pied, emmenés par les ennemis, et Dieu te les ramène, portés en triomphe, comme sur un trône royal. C’est bien ce qui sera réalisé avec l’avènement du roi Cyrus, le Perse, qui libèrera les peuples opprimés par Babylone. 

En relisant ainsi le prophète dans son contexte, comment ne pas y voir un signe pour notre Eglise, qui vit comme en exil d’elle-même depuis la publication du rapport de la CIASE et les nombreux soubresauts que ce rapport a entraîné. Des chrétiens ont quitté l’Eglise ; parmi ceux qui sont restés, il y a un malaise certain et normal. Pour une part, c’est le grand anéantissement de l’Eglise telle qu’elle s’était imaginée. Comme le peuple d’Israël au temps de l’Exil, elle doit retrouver sa fidélité au Dieu unique et vrai. Comme le peuple d’Israël au temps de l’Exil, elle doit remettre la Parole de Dieu et le souci des petits au cœur de sa vie. Comme Israël avant l’Exil, elle n’a pas su lire les signes avant-coureurs de la catastrophe. La relecture des prophètes nous permet alors de comprendre que ce qui était vrai jadis, reste vrai aujourd’hui encore. Si le péché du peuple de la Première Alliance, péché qui a entraîné la chute de Jérusalem, a été pardonné par Dieu, le péché de l’Eglise le sera aussi. Le temps appartient désormais à Dieu ; il décidera quand sera venu le temps de la Rédemption, quand sera venu le temps d’abaisser à nouveau les hautes montagnes et les collines éternelles que notre péché a élevé. Si nous ne savons pas quand cela arrivera, nous pouvons toutefois conserver cette espérance : Dieu n’abandonne jamais son peuple, et si la période actuelle peut nous sembler lourde et cruelle, n’oublions pas celles et ceux pour qui l’Eglise a été lourde et cruelle. La miséricorde de Dieu et sa justice doivent désormais passer. Nous devons retrouver, non pas la splendeur de l’Eglise, mais la splendeur de la Gloire de Dieu. Quand nous aurons remis Dieu et sa Parole au cœur de la vie de l’Eglise, quand le souci de Dieu passera avant le souci de l’Eglise, alors il pourra aplanir la terre pour que nous y cheminions en sécurité dans la gloire de Dieu.

En ces temps troublés, recevons de Baruc une espérance renouvelée pour notre temps. En écho, recevons de Jean le Baptiste l’appel à nous mettre au travail, à préparer le chemin du Seigneur. Car Dieu l’a promis : tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les chemins rocailleux seront aplanis ; et tout être vivant verra le salut de Dieu.  C’est une promesse éternelle de Dieu ; c’est une promesse plus que jamais d’actualité pour nous. Amen.

samedi 27 novembre 2021

01er dimanche de l'Avent C - 28 novembre 2021

 Faites donc de nouveaux progrès ! 




(Couronne d'Avent, image internet)




Avec l’hiver qui se fait sentir à notre porte, revient aussi le temps de l’Avent, ce temps qui nous prépare aux fêtes de Noël, à la venue du Messie Rédempteur, le Christ notre Seigneur. C’est le temps de l’attente qui nous rappelle que nous vivons dans l’espérance du retour dans la gloire du Christ Sauveur. 

            L’attente, nous mesurons tous depuis presque deux ans ce qu’elle peut avoir d’énervant. Depuis le début de la pandémie, on nous promet un monde d’après, sans cesse repoussé. Nous sommes pris, en ce moment-même, dans une cinquième vague épidémique, incapables de nous défaire de ce virus qui plombe nos vies et nos relations, qui entraine angoisse et violence à force d’attendre quelque chose qui ne semble pas vouloir venir. Ce n'est pas une attente de la sorte qui doit nous animer. L’attente du retour du Christ dans la gloire devrait être une attente joyeuse. Certes, pas plus que pour la fin de la pandémie, nous ne savons quand ce retour aura lieu. Mais ce retour marquera l’avènement d’un monde nouveau, d’où le Mal aura disparu. Et nous pouvons nous préparer à ce retour en commençant dès maintenant à lutter contre le Mal, d’abord dans notre vie, puis autour de nous. Il nous faut entendre le prophète Jérémie parler de ce jour comme de celui de l’accomplissement de la parole de bonheur que [le Seigneur a] adressée à la maison d’Israël. Il nous faut entendre Jésus nous dire comment nous préparer à ce jour : en restant éveillés et en priant en tout temps. A celui qui est un intime du Christ par la prière constante, rien ne peut faire peur. De celui qui est un intime du Christ, la joie sera à son comble quand ce jour viendra. 

De mon enfance, je retiens alors un double sentiment face à ce temps de l’Avent. D’abord un réel sentiment de joie, non pas enseigné par l’Eglise, mais davantage par la famille. Ce temps de l’Avent était marqué par les soirées à faire ensemble les Bredele que nous partagerions durant le temps de Noël. Cette joie est toujours mienne quand je sens l’odeur des épices de Noël dans ma cuisine en pensant déjà à ceux et celles à qui je partagerai dans quelques semaines ma production. Au-delà de la tradition locale et familiale, je ne peux concevoir vivre ce temps de l’Avent sans la joie d’avoir mis la main dans la pâte pour préparer quelques délices. Et je vis déjà dans l’anticipation de la joie du partage, de la joie que procure le visage heureux d’un ami qui goûte avec plaisir ces petits gâteaux.

 Mais je retiens aussi de ce temps de l’Avent une crainte certaine enseignée par l’Eglise, crainte qui se traduisait par la peur de n’avoir pas fait assez d’efforts pour mériter de partager la joie du retour du Christ. L’Avent, comme le Carême, devenait un temps ingrat d’efforts toujours insuffisants à faire. De quoi gâcher par avance la joie de Noël ! A tous les traumatisés de ces discours sur les efforts à faire, je voudrais relire ce que Paul a dit aux chrétiens de Thessalonique dans sa première lettre. Il ne parle pas d’effort à faire, mais de progrès à réaliser. Et cela change tout ! Ecoutons-le une nouvelle fois : après avoir formulé le vœu que le Christ lui-même affermisse [leurs] cœurs, les rendant irréprochables en sainteté, il rappelle à ses lecteurs qu’ils savent déjà comment [ils doivent] se conduire pour plaire à Dieu ; et puisque c’est ainsi [qu’ils se] conduisent déjà, il les invite à [faire] de nouveaux progrès. Il leur dit qu’ils font bien déjà, mais ils peuvent progresser encore. Il ne faut pas se relâcher. Une fois qu’on a compris que le Mal existe et qu’il faut le combattre ; une fois qu’on a commencé, par notre baptême, à prendre notre part dans cette lutte, il nous faut rester forts, vigilants. La lutte contre le Mal ne sera terminée que lorsque le Christ reviendra dans sa gloire. Poursuivre la lutte n’est pas un effort à faire qui conditionnerait le retour du Christ, ce que semblait être les efforts demandés dans mon enfance ; poursuivre la lutte contre le Mal est un art dans lequel il nous faut progresser, parce que les grands maîtres spirituels nous l’ont appris : plus nous luttons contre le Mal, plus le Mal se fait insidieux, cherchant toujours plus comment détruire notre œuvre. Ce n’est pas une question d’effort, donc de sueur ; c’est une question de persévérance et de confiance. De confiance en nous, de confiance en Christ qui se bat avec nous pour nous aider à vaincre le Mal dans notre vie.           

            Alors qu’avec les efforts demandés dans mon enfance, il me semblait qu’il fallait chaque nouvelle année liturgique tout recommencer à zéro, voici que la parole de Paul sur les progrès à faire encore, nous permet de mesurer le chemin parcouru, de constater combien le Christ, année après année, nous a aidé à vaincre nos démons et à grandir dans l’amour de Dieu. Ces progrès alimentent notre joie de préparer encore le retour du Christ et de célébrer dans la joie la mémoire de sa venue première pour notre salut. Que ce temps de l’Avent nous ouvre à cette joie ; que nous progressions dans la foi et dans l’amour, avec l’aide du Christ dont nous attendons le retour dernier. Amen.

samedi 20 novembre 2021

Christ, Roi de l'univers B - 21 novembre 2021

 Le Christ, Roi de l'univers : prétention ou réalité ?





(Source internet)




            Le prophète Daniel a annoncé la couleur dans le Premier Testament : la gloire sera donnée à un Fils d’homme… Il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent… sa royauté ne passera pas. A la fin du Nouveau Testament, le Livre de l’Apocalypse de Jean chante le Christ à qui appartiennent la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. Il n’en faut pas plus pour fonder cette célébration du Christ, Roi de l’univers qui termine notre année liturgique. Une ultime solennité pour nous rappeler que tout ce que nous avons vécu va vers son achèvement. Et cet achèvement, ce n’est pas la gloire de l’Eglise ; elle n’a plus rien de très glorieux depuis le 5 octobre de cette année. Notre histoire est tendue vers la Gloire du Christ, son retour triomphal quand le Mal sera définitivement vaincu. L’horizon de l’histoire des hommes, c’est la souveraineté du Christ reconnue sur tous les peuples de la terre. 

            J’entends la critique : quelle prétention est ainsi exprimée ! Mais ce n’est pas une prétention. Le Dieu qui est à l’origine de toute vie porte le désir que toute vie soit en communion avec lui ; et pour que son dessein de salut se réalise pour tous, il a livré son Fils. Il n’est que justice que la Royauté soit au Christ, qui par amour a livré sa vie sur la croix. Il est préférable pour tous que règne sur le monde, quand l’histoire des hommes sera récapitulée, Celui qui a tant aimé le monde, celui qui a livré sa vie pour la vie du monde. Sa royauté sera une royauté d’amour. Celui qui aime comme le Christ aime, n’abuse jamais de son pouvoir. Celui qui aime comme le Christ aime, ne recherche pas son intérêt, mais le bien, la vie pour tous. Ayant vaincu le Mal et la Mort, il est digne de régner sur les hommes qu’il sauve par son sacrifice. Avec son règne commence une ère nouvelle, un monde enfin libéré de la corruption, où les hommes vivront en paix. Ce n’est pas une utopie, c’est notre espérance. Notre foi ne vaut rien sans cette espérance fondée sur la charité du Christ pour tout homme. Confesser le Christ, Roi de l’univers, c’est reconnaître qu’il est le seul à pouvoir apporter au monde paix et unité. Il n’est pas venu pour lui ; il n’est pas venu pour le pouvoir ; il est venu pour gagner tous les hommes à la vraie vie. 

            Quand nous parlons du Christ, Roi de l’univers, prenons garde à ne pas le comparer aux rois et aux puissants qui dirigent notre monde. En nous faisant entendre l’échange entre Jésus et Pilate au moment de la Passion du Christ, la liturgie nous rappelle fort justement que la royauté du Christ n’est pas de ce monde. Elle ne ressemble en rien à ce que les hommes ont pu connaître par le passé ; elle ne ressemble en rien à ce qu’ils peuvent connaître aujourd’hui. Ce n’est pas un pouvoir qui se défend par les armes ; ce n’est pas une royauté qui fait s’affronter des hommes. Comme le chantera si bien la préface de cette solennité, le règne du Christ est un règne de vie et de vérité, un règne de grâce et de sainteté, un règne de justice, d’amour et de paix. Qui ne désirerait aujourd’hui vivre sous un tel règne ? Qui pourrait préférer aujourd’hui la mort et le mensonge, la force brutale et la vilénie, l’injustice, la haine et la guerre ? A ceux qui malheureusement pas d’autre choix que de vivre ainsi en ce moment, la solennité du Christ, Roi de l’univers vient rappeler qu’un monde meilleur est possible, que le Mal n’aura jamais le dernier mot. Nous savons que l’entretien entre Jésus et Pilate n’a pas permis le triomphe de la vérité, et que Jésus a dû porter sa croix jusqu’au Calvaire. Mais nous savons aussi, par la foi, que sa mort n’a pas été la fin de son histoire ; nous savons que sa mort n’a pas sonné la fin de l’espérance des hommes en un monde plus juste. Celui qui a aimé le monde jusqu’à donner sa vie pour lui, Dieu lui a rendu la vie, Dieu l’a ressuscité pour qu’il règne sur le monde, pour que le rêve des Béatitudes devienne réalité, pour que les hommes se reconnaissent frères en celui qu’ils ont conduit à la croix. Seule la puissance de l’amour du Christ peut sauver notre monde. Seule la puissance de l’amour du Christ peut nous libérer du Mal qui ronge notre cœur. Seule la puissance de l’amour du Christ peut nous conduire vers Dieu et nous permettre de connaître enfin la joie parfaite.

            Depuis une année, nous avons suivi Jésus grâce à Marc et à Jean qui nous ont fait découvrir Celui qu’ils ont eux-mêmes servi. A notre tour, devenons ses témoins ; racontons au monde les merveilles qu’il a réalisé pour tout homme. Travaillons à l’édification de son règne, dès maintenant, pour que tous les hommes puissent le reconnaître quand il viendra dans sa Gloire. Que ce titre attribué au Christ ne soit plus compris comme une prétention, mais comme la seule réalité possible. Amen.

samedi 13 novembre 2021

33ème dimanche ordinaire B - 14 novembre 2021

 Vivre, en confiance, selon l'Evangile.


(Icône grecque du retour du Christ, vers 1700, source Wikimedia Commons)


Ils ne manquent pas, sur les réseaux sociaux, ceux qui annoncent la fin des temps depuis le début de la pandémie, ceux pour qui l’épisode COVID 19 est le signe avant-coureur du retour du Christ. Faut-il s’en inquiéter ? L’évangile de ce dimanche, pour effrayant qu’il puisse paraître à certains, apporte la seule réponse possible : Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. Cela ne signifie pas que cela n’arrivera pas un jour. C’est même une donnée sûre de notre espérance : l’histoire des hommes connaîtra sa récapitulation, son accomplissement ultime qui est la vie en Dieu et avec Dieu pour toujours. La foi chrétienne nous tend vers ce jour. Mais ce n’est pas une raison pour faire peur à tout le monde en attendant, en insistant particulièrement sur le peu d’élus. Nous n’en savons rien ! Nous ne mesurons que très mal l’immense étendue de l’amour de Dieu pour nous.

Plutôt donc que de calculer ou de spéculer sur la fin des temps, je vous propose d’investir dans le présent. Non pas d’investir de l’argent, mais d’investir notre vie. Vivons pleinement notre existence, vivons pleinement notre foi dans toutes ses dimensions. Comment oublier, aujourd’hui particulièrement, que nous avons une responsabilité dans la bonne marche du monde ? Le pape François, en faisant de cet avant-dernier dimanche de l’année liturgique le dimanche des pauvres, nous rappelle que nous devons constamment avoir une attention pour les plus faibles, les plus petits. L’Evangile, qui est notre guide, rappelle que ce sont les pauvres qui nous accueilleront dans le Royaume. Plutôt que de prévoir des catastrophes, cherchons à endiguer le scandale de la pauvreté, le scandale du rejet des petits, des étrangers, et nous n’aurons pas à craindre une colère de Dieu. Les temps derniers, s’ils sont souvent décrits comme terrifiants, n’en sont pas moins présentés comme le temps du salut pour ceux qui auront vécu selon la Loi de Dieu. Le psaume 15, par lequel nous répondions au Livre de Daniel, est le chant de celui qui reconnaît en Dieu son Sauveur et son soutien. Il est un psaume de confiance et d’allégresse pour celui qui sait que Dieu est avec lui, pour celui qui se laisse enseigner par Dieu : Tu m’apprends le chemin de la vie : devant ta face, débordement de joie ! A ta droite, éternité de délices ! 

N'oublions pas la lettre aux Hébreux qui nous rappelle aujourd’hui le sacrifice du Christ que nous célébrons en chaque eucharistie. Jésus Christ, après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu. Il attend désormais que ses ennemis soient mis sous ses pieds. Faut-il rappeler que les ennemis du Christ, ce ne sont pas les humains ? Il est venu les sauver, tous. Les ennemis, c’est la Mort, le Péché, tout ce qui s’oppose au projet de Dieu, qui est, rappelons-le, projet de vie et de salut pour tous. L’auteur de la Lettre aux Hébreux poursuit : Par son unique offrande, il a mené pour toujours à sa perfection ceux qu’il sanctifie. C’est de nous qu’il parle. Nous avons été menés à notre perfection par l’offrande du Christ sur la croix. L’humanité est entré dans une Nouvelle Alliance scellée dans le sang versé du Christ. Pour reprendre encore les mots de l’auteur de cette lettre, le pardon nous a été accordé, non pas parce que nous l’aurions mérité, mais parce que Jésus a livré sa vie sur la Croix. Il est celui qui nous sauve ; il est celui qui nous a gagnés à la Vie éternelle. Il s’agit donc bien d’investir notre vie dans ce pardon accordé, en refusant le Mal, en ne participant pas à des œuvres de Mort, mais au contraire en veillant à toujours faire triompher la Vie, à toujours faire triompher le Bien. Là doit être notre investissement, car là est la garantie de notre Salut. 

Quand viendra le jour définitif de notre Salut, le vieux monde encore dominé par le Mal et le Péché disparaîtra. Pour ceux qui se complaisent dans des œuvres de mort, ce sera une catastrophe, sans doute. Mais pour ceux qui auront fait le choix de la Vie, ce sera le Jour glorieux où leur investissement en faveur de la Vie sera reconnu et grandement récompensé. Un bienfait n’est jamais perdu devant Dieu. Maintenant que la liturgie elle-même nous rappelle ces évidences, il nous reste à faire notre choix. Voulons-nous capitaliser sur le Bien, pour nous et pour tout homme ? Si vous hésitez encore, je vous laisse pour conclure les mots du prophète Daniel : Ceux qui ont l’intelligence resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui sont des maîtres de justice pour la multitude brilleront comme les étoiles pour toujours et à jamais. Amen.

samedi 6 novembre 2021

32ème dimanche ordinaire B - 07 novembre 2021

 Leçon de morale ou leçon de vie ?


(Icône de l'obole de la veuve, source internet, Site http://dominicainsmontpellier.fr/)


            Grâce à Jésus, l’histoire de cette femme, veuve, qui mit deux petites pièces de monnaie dans la salle du trésor du Temple, est connue de tous. Elle tranche radicalement avec celle du jeune homme riche, entendue il y a quatre semaines. Souvenez-vous : il était venu vers Jésus pour savoir ce qu’il lui faudrait faire pour être sûr d’avoir en héritage la vie éternelle. Jésus l’avait invité à vendre ce qu’il avait et à le donner aux pauvres, puis à le suivre. Mais il n’a pas pu ; au contraire, il s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. Cette pauvre veuve ne vend rien, elle ne veut s’assurer de rien, elle ne suit pas davantage Jésus, mais elle donne tout, tout ce qu’elle avait pour vivre. Est-ce une leçon de morale grandeur nature donnée à tous ? Je ne le crois pas, parce que Jésus a mieux à faire que de nous donner des leçons de morale. Jésus est venu nous parler de Dieu ; Jésus est venu nous parler de notre salut.

            Combien de personnes ont vu cette femme, ce jour-là ? Combien ont remarqué son geste ? A part Jésus, sans doute personne. Elle n’a rien fait non plus pour être remarquée. Elle n’a pas de vêtements d’apparat, elle n’a pas droit aux salutations sur les places publiques, ni aux sièges d’honneur dans les synagogues, ni aux places d’honneur dans les dîners. Elle est pauvre, veuve, et n’a que deux petites pièces de monnaie. Elle n’est rien aux yeux de beaucoup parce qu’elle n’a rien. Elle n’a même pas de nom qui permettrait de perpétuer sa mémoire dans l’histoire. Existe-t-elle seulement ? Jusqu’à ce que Jésus en parle et la cite en exemple, sans doute personne n’avait-il vraiment fait attention à elle. Et sans doute aurait-elle été gênée si elle avait entendu Jésus parler d’elle et de son offrande ! Elle ne demande rien, ne cherche rien, si ce n’est à vivre sa vie, simplement, selon la Loi du Dieu auquel elle croit. Cela lui suffit ! 

            Cette histoire pourtant, nous enseigne beaucoup, et beaucoup plus que ce que Jésus lui-même tire de ce qu’il a observé. Ce que dit Jésus de cette femme et de son offrande est important ; cela nous rappelle que nous ne serons jamais assez pauvre pour nous dispenser d’aider les autres à notre mesure. Si nous avons quelquefois l’impression de n’avoir pas assez, d’être le pauvre de ceux à qui nous nous comparons, Jésus vient nous dire que nous sommes aussi le riche d’un autre, qui a encore moins que nous. La charité n’est pas une question de moyens, c’est une question de cœur. Et cette femme, dans sa pauvreté, a un grand cœur au point que Dieu la voit. Si les hommes ignorent cette femme qui n’a rien pour se faire remarquer, Dieu la voit. Avec Dieu, un bienfait ne passe jamais inaperçu, même si ce bienfait est invisible aux yeux des hommes. C’est cela aussi l’enseignement de cette rencontre. Nous devons apprendre à voir comme Dieu voit, à accorder de l’importance à ce qui est essentiel. Le partage, la solidarité, ce ne sont pas des trucs en plus pour les gens qui en ont les moyens ; le partage et la solidarité sont des marqueurs d’humanité, et pour le croyant que je suis, des marqueurs de cette sainteté de Dieu que je me dois d’accueillir dans ma vie. Il y a quelque chose de l’esprit des béatitudes dans l’attitude de cette pauvre veuve. 

            Ce n’est pas une leçon de morale que nous livre Jésus en nous rendant attentifs au geste de cette femme. Il ne dit pas que ce qu’elle fait est bien et qu’est mal ce que font les autres. Non, mais il nous dit de bien regarder et d’estimer à sa juste valeur chaque acte, même le plus petit, même le plus insignifiant. En fait, c’est une leçon de vie divine qu’il nous donne en nous invitant à voir comme lui voit. Car au terme de notre vie, seul comptera le regard de Dieu sur notre vie. Ne négligeons pas les petites choses que nous pouvons faire pour le bien de tous ; ce n’est pas parce que personne ne les voit qu’elles ne valent rien. Ce sont peut-être elles qui nous vaudront notre salut. Amen.


lundi 1 novembre 2021

TOUSSAINT - 01er novembre 2021

 Parler de sainteté après le rapport Sauvé ?





(Source internet : sagesse-orthodoxe.fr)




            N’aurions-nous pas dû annuler la fête de la Toussaint en France cette année ? Comment croire en une quelconque sainteté chez les hommes, chez les catholiques, après la publication du rapport Sauvé ? Ces questions me semblent légitimes et pourtant, quand nous sommes confrontés au mystère du Mal dans toute son horreur, sans doute est-ce là l’unique porte de sortie pour l’Eglise : réaffirmer avec force à tous ses membres à quoi nous sommes appelés. Pour combattre le Mal absolu, il faut une sainteté absolue. 

            Cette sainteté absolue ne se trouve pas naturellement chez les hommes. Nous pouvons le regretter, nous pouvons estimer que le meilleur devrait toujours ressortir chez l’homme, et particulièrement chez celui qui se dit croyant en Dieu. Mais nous savons tous, par expérience personnelle, que cela n’est pas vrai. Même saint Paul a écrit dans sa lettre aux Romains (7, 19) : Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas. Le Mal est tapi dans notre cœur, et nous cédons, avec plus ou moins de gravité, à sa présence. Mais le Mal reste le Mal, qu’il soit grand ou petit ; le péché reste le péché, qu’il soit mignon ou mortel. Nous avons redécouvert, avec horreur, cette réalité ! Le Mal existe, même en ceux qui sont censés le combattre avec le plus de fougue, avec le plus de zèle : les personnes engagées en Eglise. 

            Si la sainteté absolue n’existe pas en l’homme, serait-elle alors un mythe ? Non, la sainteté absolue existe bien, en Dieu. Dieu est saint, Dieu est bon, Dieu est toujours du côté de la vie, Dieu est toujours du côté du faible à protéger. Les Béatitudes que nous lisons chaque année en cette solennité de la Toussaint sont peut-être d’abord le rappel de la manière d’être de Dieu avec nous ; et puisque Dieu est ainsi avec nous, nous pouvons, avec sa grâce, avec son aide, vivre cela avec les autres. Il est le premier qui pleure avec ceux qui pleurent ; il est le premier parmi les doux ; il est le premier assoiffé et affamé de justice ; il est le Miséricordieux ; il est le premier cœur pur parce qu’il n’y a pas même l’ombre du Mal en lui ; il est l’artisan de paix par excellence invitant sans cesse l’homme à vivre en alliance avec lui et avec les autres ; il est le premier persécuté à cause de la justice, à cause de sa justice au sens où l’homme le supprime facilement dès lors que l’art de vivre voulu par Dieu dérange les hommes ; il est le premier insulté chaque fois qu’un humain est insulté, persécuté à cause de sa foi. 

            Si la sainteté absolue n’existe qu’en Dieu, pouvons-nous seulement espérer l’approcher puisqu’elle ne nous est pas naturelle ? La réponse nous a été donnée par Jean, dans sa première lettre : Voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. Notre sainteté est un don que Dieu nous fait. Par le baptême, nous accueillons cette sainteté de Dieu en nous. Le premier nom que se donnaient les chrétiens, au commencement de l’Eglise, c’était ‘les Saints’. Et c’est peut-être justement parce que la sainteté est un cadeau de Dieu pour nous que nous pouvons comprendre pourquoi nous ne l’utilisons pas en permanence, pourquoi nous n’en vivons pas tout le temps. Réfléchissez un instant : combien de cadeaux avez-vous reçu durant votre vie ? Les avez-vous tous conservés ? Les utilisez-vous tous encore quotidiennement ? Je crains qu’il en soit de même pour les dons que Dieu nous fait. Il nous arrive de les oublier ; il nous arrive de les rejeter plus ou moins intentionnellement. Quand je cède au Mal, j’étouffe cette sainteté, je l’ignore, me rendant moi-même impuissant à lutter contre le Mal. Pour sortir de la crise que traverse l’Eglise de France, il nous faut à tous, retrouver cette sainteté que Dieu nous donne ; il nous faut retrouver cette amitié fondamentale avec Dieu pour faire triompher le bien en nous d’abord pour qu’il puisse triompher enfin dans le monde. Ce n’est pas parce que nous avons approché le Mal absolu que tout est fini de l’homme. La miséricorde de Dieu est plus grande que le Mal le plus grand. Dieu ne cesse pas de nous aimer parce que nous avons cédé au Mal ; il déploie davantage d’amour pour nous, pour que nous ressentions les bienfaits de cet amour et que nous renoncions au Mal, définitivement. 

            Il nous faut donc, plus que jamais, célébrer cette Toussaint. Il nous faut, plus que jamais, retrouver le projet d’amour de Dieu pour chacun. Ce projet, c’est que nous soyons vraiment des hommes et des femmes libérés du Mal. C’est le Christ qui nous obtient cette libération par le don de sa vie sur la croix et par sa Résurrection. Parce qu’il nous aime, parce qu’il nous veut libre, il a affronté le Mal absolu ; en lui, nous avons la certitude de notre victoire sur le Mal, si nous nous attachons à lui d’un cœur résolu. Ils sont nombreux, depuis ce jour, les hommes, les femmes et les enfants qui ont démontré la beauté d’une vie entièrement donnée au Christ et aux hommes : ils sont les saints que nous célébrons aujourd’hui. Ils sont nombreux, les chemins qu’ils nous indiquent pour vivre libres de tout Mal. Relire leur vie nous donnera le courage d’ajuster la nôtre à la Parole du Dieu saint ; ainsi nous vivrons toujours plus cette sainteté qu’il nous offre. Ainsi nous combattrons le Mal avec efficacité. C’est une certitude. Amen.

samedi 30 octobre 2021

31ème dimanche ordinaire B - 31 octobre 2021

 Deux pour le prix d'un, vraiment ?




                
                S’il est une page d’évangile connue par la plupart, pour ne pas dire par tous les chrétiens, c’est bien celle que nous venons d’entendre ce matin en réponse à la question posée par un scribe : Quel est le premier de tous les commandements ? Et parce que cette page est très connue, nous prenons chaque fois le risque de ne pas vraiment l’écouter, et le risque plus grand encore de n’en pas écouter le commentaire. Je connais, je n’ai rien à apprendre de plus ! C’est aussi ce que je pensais en préparant cette homélie. Mais quelle erreur de ma part ! 

            La version que nous avons entendue est celle de Marc. Et elle possède une différence essentielle à mes yeux des versions de Matthieu et de Luc. Cette différence réside dans l’intention du scribe. Chez Matthieu et Luc, l’intention de celui (ou ceux) qui pose la question à Jésus est clairement d’embarrasser Jésus. Autrement dit, ce serait là une question piège. Parmi les six-cent-treize commandements de la Loi, quel est celui qui a la primauté sur les autres ? Quand l’homme réduit la foi à un ensemble de règles, il est presque normal qu’il s’interroge sur celui qu’il faut absolument respecter. Et selon votre sensibilité, la réponse diffèrera d’un homme à un autre. L’embarras recherché de la part des adversaires de Jésus devient évident : selon la réponse apportée, ils pourraient facilement lui dire qu’il a tout faux ! Chez Marc, il n’est pas question d’embarrasser le Maître. Au contraire, le scribe, ayant entendu la conversation de Jésus avec les Sadducéens, voyant que Jésus avait bien répondu, s’avança vers lui pour lui demander : Quel est le premier de tous les commandements ? Voilà un homme qui reconnaît la sagesse de Jésus et qui ose poser une question qui sans doute le travaille depuis un moment. Il s’adresse à Jésus, non pour l’embarrasser, mais pour trouver une réponse à son propre questionnement. Puisqu’il a bien répondu à ses interlocuteurs précédents, sans doute pourra-t-il lui répondre aussi bien. Il nous faut oser pareillement interroger Jésus sur ce qui est essentiel, ne serait-ce que pour ne pas le perdre de vue. Nous avons pu constater, en ce mois d’octobre, ce que cela donne quand on perd de vue l’essentiel. C’est toujours catastrophique ! Cela signifie aussi que c’est cet essentiel qu’il nous faut toujours retrouver en cas de crise, car là se trouve notre salut. 

            La réponse de Jésus sonne alors comme un deux en un : l’interlocuteur voulait un commandement, Jésus lui en donne deux. Mais peut-on vraiment réduire la réponse de Jésus à une offre commerciale : parce que c’est toi, parce que ta recherche est sincère, je t’en offre un deuxième, en cadeau ? Deux pour le prix d’un ou un avec deux faces ? Il faut nous plonger dans la Première lettre de Jean pour trouver la seule interprétation possible de la réponse de Jésus. C’est bien un seul commandement qui possède deux faces, deux mouvements. Les versets vingt et vingt-et-un du chapitre quatre de cette première lettre de l’Apôtre que Jésus aimait dit ceci : Si quelqu’un dit : ‘J’aime Dieu’ et qu’il déteste son frère, c’est un menteur ; celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne saurait aimer Dieu qu’il ne voit pas. Oui, voilà le commandement que nous avons reçu de Lui : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère. Nous ne pouvons pas séparer ce double mouvement de l’unique obligation d’aimer. Pour un chrétien qui croit que Dieu s’est fait homme en Jésus, et que Jésus est vrai Dieu et vrai homme, cela est encore plus impossible que pour tout autre homme, croyant en Dieu ou non. Nul ne saurait dire : J’aime Jésus, vrai Dieu, parce qu’il nous sauve par sa mort et sa résurrection ; mais Jésus vrai homme, cela m’est impossible ! Son habitude de s’adresser à tous les hommes, même aux étrangers, même aux pires pécheurs, ses discours par lesquels il nous demande d’aimer nos ennemis, de tendre l’autre joue à celui qui nous frappe… cela est inaudible, cela est impossible à vivre ! Laissons tomber l’homme, ne prenons que le Dieu ! Ben non, pas possible. De même que tu ne peux pas séparer Dieu et l’homme en Jésus, de même tu ne peux pas séparer l’Amour que tu portes à Dieu de l’Amour que tu dois porter aussi aux hommes, à tout homme que Dieu met sur ta route. Le scribe qui interrogeait ne s’y trompe pas : Fort bien Maître, tu as dit vrai ! Comme le souligne Matthieu dans sa version, toute la Loi et les prophètes sont contenus dans ce double mouvement d’un unique Amour. Ce n’est même pas une invention de Jésus ; c’est juste la répétition du catéchisme en une réponse bien concentrée, bien calibrée. Vous pouvez relire, durant les longues soirées d’hiver qui s’installent, tout le Premier Testament pour vous en rendre compte. 

            En redisant à ce scribe ce qui est fondamental et incontournable, Jésus s’adresse aussi à chacun de ces disciples ; il nous adresse cette réponse aujourd’hui. A chacun de décider ce qu’il en fait ; mais pour être disciple du Christ, même et surtout en ce temps de crise à l’intérieur de l’Eglise, c’est à ce commandement à double mouvement qu’il nous faut revenir. Nous ne pourrons jamais en faire l’économie ; nous ne pourrons jamais nous en affranchir. Dieu est l’Unique et il n’y en a pas d’autre que lui. L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. Si nous nous en tenons à cela, plus aucun abus, d’aucune sorte, ne devient possible. A ceux qui croient cela et qui cherchent à le vivre sincèrement, il est donné à entendre la parole dernière de Jésus à ce scribe : Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu. Amen. 

samedi 23 octobre 2021

30ème dimanche ordinaire B - 24 octobre 2021

 Avec Bartimée, trouver un chemin de sortie de crise.



(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, Mille dimanches et fêtes, Année B, éd. Les Presses l'Ile de France)




            S’il y a une chose que je crois par-dessus tout, c’est que Dieu parle aux hommes de notre temps comme il a parlé jadis par ses prophètes et par son Fils Jésus. Dieu n’a jamais cessé et ne peut cesser de nous parler. Lorsque je regarde ce mois d’octobre qui lentement va vers sa fin, je me rends compte qu’il nous a parlé fortement ces derniers jours. Relisons ces quelques semaines, voulez-vous ? 

Le premier dimanche du mois, il nous a rappelé le projet de Dieu sur le couple (que l’homme et la femme s’attachent l’un à l’autre et ne soient plus qu’une seule chair) ainsi le projet de Jésus concernant les enfants : il les embrassait (montrant ainsi la tendresse de Dieu à leur égard) et les bénissait en leur imposant les mains. Suite à ce dimanche, il y a eu ce terrible rapport de la CIASE qui, n’en doutons pas, est bien une parole de Dieu sur l’Eglise et ses limites. Nous avons tous été choqués de constater à quel point le projet de Jésus pour les enfants avait été bafoué et nié : des enfants n’ont pu faire ni l’expérience de la tendresse de Dieu, ni celle de sa bénédiction sur eux à cause d’un système qui a rendu l’Eglise complaisante et complice, empêchant le Mal qui la rongeait de l’intérieur d’être dénoncé. Le dimanche suivant, nous avons entendu le psalmiste nous inviter à l’espérance : rassasie-nous de ton amour au matin, nous rappelant qu’au plus profond de nos ténèbres, Dieu refait toute chose nouvelle. Dimanche dernier, nous avions une belle leçon de choses concernant l’exercice du pouvoir, qui ne peut être, entre les disciples de Jésus, à l’image de ce qui se fait parmi les grands de ce monde. Il ne saurait être question de pouvoir entre les disciples du Christ, il n’y a que des services à rendre. Les voies d’une sortie de crise étaient lentement tracées par Dieu lui-même dans ces extraits. Aujourd’hui, il nous parle encore et ouvre grand la porte vers un au-delà, vers quelque chose de neuf. Il nous faut l’entendre. Ce que certains ont vécu hier, ce que nous vivons aujourd’hui, Bartimée l’a vécu. Et son histoire nous indique la voie vers cet au-delà, vers ce mieux qui est possible, si nous le voulons. 

Nous retrouvons, dans cette page d’évangile, tous les ingrédients de cette crise que nous traversons depuis le cinq octobre. Il y a là un homme qui souffre et qui crie sa détresse, Bartimée ; il y a ceux qui veulent le faire taire, comme s’il y avait une sorte d’indécence à crier sa souffrance vers Dieu. Et il y a Jésus, l’homme de la compassion, l’homme de la miséricorde, l’homme qui entend celui qu’on veut faire taire, malgré une foule nombreuse autour de lui. Ceux qui pensaient qu’il ne fallait pas déranger le Maître pour si peu sont court-circuités par Jésus lui-même : Appelez-le ! La souffrance doit être dite, la parole doit être entendue. Et Jésus vient libérer la parole de Bartimée : Que veux-tu que je fasse pour toi ? Il pourrait bien se douter de ce que Bartimée, l’aveugle qui mendiait, désirait plus que tout : Que je retrouve la vue. Cette expression est nécessaire et pour Bartimée et pour la foule et pour Jésus, parce que au-delà de la guérison physique, il y a aussi la guérison sociale et la guérison religieuse : voyant, il ne sera plus obligé de mendier ; voyant, il fera partie pleinement du monde des vivants ; voyant, il sera réintégré à la communauté croyante. Il ne sera plus mis de côté, sommé de se taire et de souffrir en silence ! Dans la version johannique de cette rencontre entre Bartimée et Jésus, l’auteur va même jusqu’à faire comprendre que sont aveugles ceux qui refusent de constater le signe posé. 

Ils ont été nombreux, trop nombreux, les Bartimée que nous avons voulu faire taire au cours des années. Ils sont nombreux, les Bartimée qui ont exprimé leur souffrance et il nous faut les entendre encore. Elle était aveugle à son tour, l’Eglise qui n’avait pas voulu voir, qui n’avait pas voulu entendre, qui n’a pas su défendre. Mais en demandant ce rapport, elle a aussi montré qu’elle pouvait se mettre à nouveau à l’écoute du Christ, à l’écoute de ces petits qui sont les frères du Christ. Elle a commencé à ouvrir les yeux, mais elle doit encore crier vers Jésus : Fils de David, prends pitié de moi. L’Eglise sera guérie, non parce qu’elle le décidera, mais parce que le Christ répondra à sa prière insistante, parce que le Christ indiquera la voie meilleure. A nouveau, elle pourra suivre le Christ qu’elle avait perdu de vue en ne voyant pas cette souffrance, en taisant ce scandale. 

Le cri des victimes est parvenu jusqu’à Dieu ; la honte de l’Eglise a été exposée. Nous sommes tous invités maintenant à la confiance ; l’Esprit de Dieu saura inventer les chemins de réparation ; l’Esprit Saint fera retrouver le chemin de sainteté. Il nous faut l’écouter ; il nous faut le suivre là où il veut nous emmener. Ce ne sera peut-être pas aussi simple que pour Bartimée, mais au bout, il y aura la même joie, la joie de pouvoir suivre à nouveau le Christ vivant. Amen.