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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 27 février 2021

2ème dimanche de Carême B - 28 février 2021

 Dieu lui-même rend la vie des hommes plus belle.


(Marc CHAGALL, Le sacrifice d'Isaac, 1960-66, Musée National Marc Chagall, Nice)


        L’invitation que je nous adresse depuis le début du Carême à rendre notre vie plus belle est renforcée aujourd’hui par l’attitude de Dieu lui-même qui, le premier, intervient pour sublimer la vie des hommes.

 

            Voyez Abraham. Avec sa femme Sarah, il avait atteint un grand âge sans avoir d’enfant. En l’appelant à marcher vers la terre qu’il lui donnerait, Dieu lui avait fait la promesse d’une descendance nombreuse. Elle a commencé avec l’enfant de la promesse, Isaac. Tout semblait donc bien parti. Mais voilà que Dieu réclame à nouveau cet enfant : Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac, va au pays de Moriah, et là tu l’offriras en holocauste sur la montagne que je t’indiquerai. Drôle de manière d’embellir la vie d’Abraham et de Sarah, me direz-vous ! Pas trop vite, l’histoire ne fait que commencer. Mais c’est le moment de nous interroger tous : qu’aurions-nous fait à la place d’Abraham ? Aurions-nous renvoyé Dieu, son appel et sa promesse, en disant : là tu vas trop loin ? Ou nous serions-nous engagés comme Abraham, sur la voie de l’obéissance, quoi qu’il en coûte ? Pour nous éviter un texte trop long, la liturgie a retranché du texte les versets 3 à 8. Et c’est bien dommage, parce que nous aurions entendu, entre autres, ceci :  Isaac dit à son père Abraham : « Mon père ! – Eh bien, mon fils ? » Isaac reprit : « Voilà le feu et le bois, mais où est l’agneau pour l’holocauste ? »  Abraham répondit : « Dieu saura bien trouver l’agneau pour l’holocauste, mon fils. » Et ils s’en allaient tous les deux, ensemble. Est-ce juste pour rassurer Isaac qu’il répond ainsi ou parce qu’il sait déjà, au fond de lui, que Dieu est fidèle à sa promesse et que cette demande est davantage un test qu’une réelle demande de la part de Dieu ? La suite lui donnera raison : L’ange lui dit : « Ne porte pas la main sur le garçon ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique. » Abraham leva les yeux et vit un bélier retenu par les cornes dans un buisson. Il alla prendre le bélier et l’offrit en holocauste à la place de son fils. Abraham donna à ce lieu le nom de « Le-Seigneur-voit ». On l’appelle aujourd’hui : « Sur-le-mont-le-Seigneur-est-vu. » Du ciel, l’ange du Seigneur appela une seconde fois Abraham. Il déclara : « Je le jure par moi-même, oracle du Seigneur : parce que tu as fait cela, parce que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, et ta descendance occupera les places fortes de ses ennemis. Abraham a donné sa confiance à Dieu, il écoute la voix de son Dieu, il obéit à sa Parole, et il s’en trouve récompensé. La vie de tous les hommes s’en trouve embellit, puisqu’il est communément admis qu’en cet épisode réside le refus, par Dieu, de tout sacrifice humain, pratique pourtant courante à l’époque, dans de nombreux peuples.

 

            L’intervention de Dieu en faveur de la vie des hommes, en faveur d’une vie plus belle pour tous les hommes, ne s’arrête pas là. Il nous faut entendre Paul qui affirme : Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ? Pour que la vie de l’homme soit une vie libre, une vie belle, il ne réclame rien aux hommes, il donne ! Il donne son Fils unique, qui ira à la mort pour nous ouvrir à la vie de Dieu. En Jésus, il ne donne pas un peu, il ne donne pas qu’à quelques-uns : en Jésus, il donne tout à tous. Tous ceux qui l’accueillent, tous ceux qui écoutent son Evangile et en vivent, se voient offrir une vie à la dimension de la vie de Dieu ; une vie libre de tout mal, une vie libérée du Péché et de la Mort. Cette vie, Jésus l’avait révélée, avant sa mort, à Pierre, Jacques et Jean, lorsqu’il les a emmenés, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne il fut transfiguré devant eux. L’apparition de Elie et Moïse avec qui Jésus s’entretenait renvoie à deux réalités, me semble-t-il. D’une part, il y a un renvoi à la fidélité de Dieu à son Alliance, Jésus s’inscrivant dans une continuité de la Loi (représentée par Moïse) et des Prophètes (représentés par Elie) ; d’autre part, il y a un renvoi à la nécessité de l’obéissance à cette Parole de Dieu livrée aux hommes jusqu’à maintenant dans la Loi et les Prophètes, et désormais aussi livrée en Jésus lui-même, Verbe fait chair. La voix dans la nuée confirme le rôle irremplaçable de Jésus : Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! A qui veut une vie plus belle sont indiquées la voie (v.o.i.e) et la voix (v.o.i.x) à suivre et à écouter. Ceux qui suivent et écoutent, partageront cette vie transfigurée que Jésus révèle à Pierre, Jacques et Jean, parce que c’est bien à une vie de ressuscité (une vie debout, une vie relevée) que nous sommes appelés. La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ; la vie de l’homme, c’est de contempler Dieu, disait Saint Irénée de Lyon.

 

            Cette contemplation de la gloire de Dieu, c’est notre plus belle récompense ; c’est ce qui comble tous les manques de notre vie. C’est cette contemplation de Dieu qui nous permet, dès maintenant, d’écouter le Christ et de le suivre sur ce chemin d’une vie plus belle que Dieu nous offre, en attendant de pouvoir le regarder face-à-face, quand cette gloire promise sera notre réalité. Rendons grâce à Dieu qui nous appelle à une vie toujours plus belle en Jésus, mort et ressuscité. Il est la meilleure assurance que cette vie est possible. Amen.

samedi 20 février 2021

1er dimanche de Carême B - 21 février 2021

 Ne pas renoncer mais sublimer : quand Dieu s'y met en premier ! 



(©️ Fresque de Aurelio LUINI, Les animaux entrant dans l'arche, vers 1555, 
Monastère Maggiore, église San Mauricio, Milan)



            Ne pas renoncer, mais sublimer ! Telle était l’invitation qui nous était adressée au Mercredi des Cendres, à notre entrée en Carême. En ces temps difficiles, où nous subissons renoncement après renoncement depuis un an, je proposais de ne pas en rajouter, mais de considérer un changement de perspective. Regardons ce carême non comme un temps pendant lequel nous perdons quelque chose, mais comme un temps pour gagner, pour regagner la ressemblance avec Dieu que le péché nous a fait perdre. En ce premier dimanche de Carême, l’histoire de Noé, dont nous avons entendu un extrait de sa conclusion, nous montre que Dieu lui-même se met à sublimer son existence. 

            L’histoire de Noé, vous la connaissez sans doute. Le monde, créé bon par Dieu, s’est corrompu au point que Dieu s’est fâché comme jamais. Du mal, il y en eut déjà : la chute d’Adam, qui avait contrarié Dieu et qui aboutit à l’expulsion de nos premiers parents du Jardin d’Eden ; il y eut ensuite, plus grave, le meurtre d’Abel par Caïn. Dieu n’était pas content, content, mais il a quand même protégé Caïn, en interdisant que l’on portât la main sur lui. Partant de là, j’essaie d’imaginer alors ce qu’ont bien pu faire les hommes et les bêtes pour que Dieu soit fâché, fâché, fâché au point de décider de tout casser ce qu’il avait fait ! Bon, pas vraiment tout puisqu’il aura trouvé Noé, seul homme juste au milieu de toute cette corruption. Il va le charger de construire une arche et de préserver sept couples de toutes les bêtes pures, et un couple de toutes les bêtes impures. Et quand l’arche est construite et bien remplie, c’est la grande lessive : la terre est lavée par les eaux du déluge pendant quarante jours.  A la sortie de l’arche, Dieu établit une alliance avec Noé et sa descendance. Et c’est par cette alliance que Dieu sublime sa divinité en s’engageant à ne plus se venger de la sorte. Lorsque je rassemblerai les nuages au-dessus de la terre, et que l’arc apparaîtra au milieu des nuages, je me souviendrai de mon alliance qui est entre moi et vous, et tous les êtres vivants : les eaux ne se changeront plus en déluge pour détruire toute chair. L’engagement de Dieu est ferme ; il ne se laissera plus aller à une colère telle que tout serait à nouveau détruit. Et pour être bien sûr de se souvenir de cette alliance, il place un signe, l’arc dans le ciel. Chaque fois que je vois un arc-en-ciel, je ne peux m’empêcher d’être heureux pour nous et fier du Dieu que je sers ; nous avons échappé à sa colère, il s’est montré fidèle à son alliance. 

            Certains penseront peut-être que Dieu avait bien raison de se fâcher ainsi et de tout détruire en préservant le seul juste qu’il ait trouvé. Il est vrai que ceux-là voudraient quelquefois faire comme Dieu avant le déluge : remettre un peu d’ordre, que diable ! Ne voyez-vous pas que tout va à vau-l’eau ; il serait temps que quelqu’un y remettre bon ordre ! Ce sont souvent les mêmes qui punissent leurs enfants d’avoir détruit leurs jeux parce que rien ne se passe comme prévu. Vous savez, ce gamin en colère qui renverse le plateau de jeu parce qu’il perd, ou qui détruit ses belles constructions en lego parce que vous lui avez demandé de partager avec son frère ou sa sœur ! Quand on est petit, ce n’est pas bien et mérite punition ; mais quand on est grand ou qu’on est Dieu, ce serait acceptable !? La colère n’est jamais acceptable ; c’est sans doute pour cela qu’elle a rang de péché capital. Pour sublimer notre humanité, pour la rendre belle à la ressemblance de Dieu, il nous faut, comme lui, laisser là notre colère, avoir notre petit arc-en-ciel pour ne pas entrer dans une fureur meurtrière. Si vous voulons retrouver la ressemblance avec Dieu que nous avons perdu, il nous faut laisser toute idée de colère, toute idée de vengeance. Il nous faut entrer dans un processus de recréation permanente qui permette à la vie de triompher toujours. 

            L’Apôtre Pierre, dans sa première lettre, explique le déluge comme une préfiguration du baptême. C’est toujours de l’eau qui coule, mais elle ne détruit plus celui sur qui elle coule ; elle le sauve par Jésus, mort et ressuscité. Quel beau renversement ! Quelle belle sublimation ! Ce qui a servi jadis à détruire, à ôter la vie, cela maintenant donne la vie. Ce Jésus, mort et ressuscité pour notre vie, est celui par qui nous pouvons retrouver la ressemblance avec Dieu, celui qui nous entraîne à sa suite sur les chemins de la vie véritable. Il est celui qui nous ouvre à la vie même de Dieu. Oui, avec Jésus, nous ne perdons rien ; avec Jésus, nous gagnons, nous gagnons tout, nous gagnons la vie, et la vie éternelle. Avec Jésus, mort et ressuscité, nous pouvons résister à l’Adversaire qui veut nous entraîner au Mal, comme il avait jadis tenté, sans succès, Jésus au désert. Avec Jésus, mort et ressuscité, à qui nous sommes configurés par le baptême, nous sommes vainqueurs du Mal et de la Mort. Avec Jésus, mort et ressuscité, nous n’avons plus à craindre.  N’est-ce pas une bonne nouvelle ? 

            Mercredi dernier, Jésus nous donnait le nécessaire pour la route du Carême qui nous mène à Pâques : aumône, prière et jeûne. Aujourd’hui, il nous dit que le Mal peut être vaincu dès lors que lui, Jésus, est présent dans notre vie. Il accomplit ainsi la promesse de Dieu de se souvenir toujours de son Alliance avec Noé : la vie ne sera plus détruite, elle sera toujours sublimée, toujours rendue plus belle et plus forte. Le baptême est le sacrement de cette vie plus belle et plus forte, de cette vie avec Dieu pour que le Mal recule, pour que le Mal perde et que les hommes gagnent. A l’appel de Jésus, croyons à l’Evangile et convertissons-nous. Amen.

mardi 16 février 2021

Mercredi des Cendres - 17 février 2021

 Non pas renoncer mais sublimer ! 



(Julian FALAT, Le Mercredi des Cendres, Peinture polonaise, 1881, Source internet)



            S’il y a bien un mot que je ne peux plus entendre, parmi tous ceux qui sont régulièrement mis en avant pendant le carême, c’est le mot renoncer et tous ceux de sa famille. Il y a tellement de choses auxquelles nous avons dû renoncer depuis un an qu’il me semble que nous vivons un carême perpétuel, vidé de son sens parce que l’horizon pascal n’en semble plus la promesse. Nous avons renoncé à notre liberté, sacrifiée sur l’autel de la répression sous couvert de protéger notre santé à tous ; nous avons renoncé à l’égalité, sacrifiée sur l’autel du « Faites ce que je vous dis et laissez-moi faire comme je veux » ; nous avons renoncé à la fraternité, sacrifiée sur l’autel du profit de quelques-uns au détriment du plus grand nombre. Nous avons renoncé à notre humanité sacrifiée sur l’autel d’un hygiénisme exacerbé, nous privant ainsi de gestes élémentaires de tendresse, de relations vraies et de vie sociale pourtant indispensable à un bon équilibre de vie. Et il faudrait en ajouter encore, des renoncements, sous prétexte que le vrai carême, celui des chrétiens, commence aujourd’hui ? Et quoi encore ?

            Pour vous inviter à vivre notre carême, sans en rajouter dans le renoncement, je vous proposer de sublimer plutôt que de renoncer. Et de sublimer particulièrement notre humanité, la rendre magnifique, puisque c’est elle qu’on nous refuse et que les politiques sanitaires nous rognent pour ne pas dire qu’elles nous la nient. Car j’ai la conviction que plus nous serons humains, plus nous serons saints. Voyez-vous, le Christ que nous allons écouter et accompagner au long de ces quarante jours, est celui qui nous invite justement à cette opération. Fils de Dieu venu dans le monde, il a pris notre chair, il est devenu l’un de nous, pour nous faire comprendre la beauté de notre humanité quand elle accueille en elle la présence de Dieu. Grâce à lui, nous retrouvons notre ressemblance avec Dieu, que le péché nous a fait perdre. Il n’y a pas d’autre chemin pour nous vers la sainteté que celle de vivre intensément et complètement la richesse de notre humanité, telle que Jésus nous l’a révélée. L’humain véritable porte le souci du petit et du faible, l’humain véritable chasse le Mal de sa vie d’abord, l’humain véritable vit de Dieu et avec Dieu. d’où les trois embellisseurs d’humanité que le Christ nous propose dans son Evangile. 

            D’abord, et c’est important, me semble-t-il, que cela soit placé en premier, l’aumône, ou le partage. L’aumône embellit l’humanité et de celui qui donne et de celui qui reçoit. De celui qui donne, parce qu’il réalise qu’il y a un lien entre lui et les pauvres qu’il aide, qu’il les connaisse ou pas. L’aumône est un débordement de charité : non seulement celui qui donne, partage ce qu’il a, mais il le fait par amour, parce qu’il reconnaît dans l’autre à qui il donne un frère que Dieu met sur sa route. Le partage sans amour, ce n’est pas de l’aumône, c’est du rangement de printemps, faire un peu de place pour les nouveautés de la saison à venir. L’aumône embellit l’humanité de celui qui reçoit parce qu’il se sent aimé, soutenu dans son épreuve et peut trouver là, dans ce geste, la force de se relever.

            Ensuite, la prière. Elle embellit notre humanité parce qu’elle nous met en relation intime avec Dieu. elle nous fait réaliser à quel point nous sommes aimés, à quel point Dieu a besoin de nous pour dire au monde les merveilles qu’il accomplit pour tous les hommes. La prière embellit notre vie parce qu’elle nous permet, dans cette intimité avec Dieu, de toujours mieux connaître sa volonté pour nous et de puiser là, dans ce face-à-face avec Dieu, la force d’accomplir cette volonté. Elle est une réponse à l’amour que Dieu nous manifeste ; elle est signe de notre amour pour Dieu, et pour nos frères quand elle nous fait rejoindre la communauté croyante pour la célébration des sacrements.

            Enfin, le jeûne. Il embellit notre humanité en ce qu’il nous rappelle ce qui est essentiel en nous libérant de ce que nous jeûnons justement. Il nous rappelle à une vie plus simple, plus saine aussi, et peut nous aider à nous libérer de certaines addictions. Le jeûne fait partie de cette notion très contemporaine du « prendre soin de soi ». C’est une manière de redécouvrir notre humanité, une manière de comprendre aussi que moins n’est pas ennemi de mieux. Le pape François nous rappelle souvent que nous pourrions tous vivre mieux, si certains acceptaient de vivre de moins. 

            Le partage, la prière et le jeûne : trois ‘sublimateurs’ d’humanité qui nous permettront de traverser ce carême et de parvenir à la lumière du matin de Pâques, resplendissant de la ressemblance de Dieu. C’est bien ainsi qu’il nous faut considérer ces outils que le Christ nous recommande. Ils ne sont pas faits pour nous priver, mais pour nous augmenter, pour nous aider à nous réaliser, et à réaliser en nos vies et en celles de nos frères la volonté de Dieu. Nous pouvons alors vivre ce carême comme une transfiguration de notre vie qui la fera ressembler davantage à ce que Dieu veut pour nous.  Bon carême, bonne recherche de ce mieux auquel Dieu nous appelle, parce qu’il nous aime. Amen. 

samedi 13 février 2021

6ème dimanche ordinaire B - 14 février 2021

 Je le veux, sois purifié.



(Jésus guérit un lépreux, Mosaïque XII-XIIIème siècle, Cathédrale de Monreale, Sicile)




            A trois jours de l’entrée en Carême, il est heureux que la liturgie nous fasse entendre ce récit de la guérison d’un lépreux. Maladie terrible entre toutes à une époque où n’existait aucun traitement, elle était excluante, la communauté devant se protéger de toute contagion. Nous comprenons donc les recommandations faites par le Seigneur à Moïse au sujet de ceux qui sont touchés par cette maladie : ils vivront à l’écart, ils seront impurs. Plus surprenante cependant la réaction de Jésus. Regardons de plus près. 

            Alors qu’il aurait fallu tenir le lépreux à distance, Jésus se laisse approcher. Lépreux ou pas, voilà quelqu’un qui a besoin de lui, quelqu’un qui a une demande à formuler. Remarquer l’humilité de cet homme : il sait que Jésus peut quelque chose pour lui ; il sait que, grâce à Jésus, il peut être réintégré dans la communauté. Mais il n’exige rien. Il ne vient pas dire : je veux être guéri. Non, il se fait humble, et tombant à ses genoux, dit à Jésus : : Si tu le veux, tu peux me purifier. Non pas je veux, mais si tu le veux. Face à Jésus, son désir de guérison est moins important pour lui que le désir de Jésus. S’il a bien compris qui est Jésus, il sait que Jésus peut réaliser cette merveille pour lui ; il n’a, je crois, aucun doute à ce sujet. Mais il est conscient aussi, me semble-t-il, que Jésus ne fait rien par hasard. Je ne sais comment, mais il me semble que ce lépreux a compris que la mission de Jésus s’inscrit dans quelque chose de plus grand, dans ce que nous appelons le projet de salut de Dieu. Si tu le veux, c’est comme pour dire si j’entre dans ce grand projet, je sais que tu me guériras. Et peut-être qu’il a même accepté qu’il puisse ne pas entrer dans ce projet. Si tu le veux : c’est toi qui décides, je suis prêt à me laisser faire, je m’abandonne à toi.

            Comment Jésus aurait-il pu ne pas être saisi de compassion ? Bien sûr qu’il va faire quelque chose. Il étendit la main, le toucha et lui dit : Je le veux, sois purifié. Remarquez la tendresse de Jésus qui n’hésite pas à toucher celui qui se prosterne devant lui. Il ne se contente pas d’une parole, il ose un geste tendre, alors qu’il n’a aucun gel hydroalcoolique. Quelle leçon pour notre époque qui ne parle plus que de gestes barrières, qui abolit toute tendresse, qui anéantit toute humanité ! Jésus vient nous redire que l’autre, quelle que soit sa maladie, est toujours un humain et que tout doit être fait pour le garder dans la communauté humaine. Le projet de Dieu pour l’homme, c’est un homme debout, un homme vivant, un homme en relation. Le Je le veux de Jésus n’est en rien une parole d’enfant gâté qui exige tout et n’importe quoi ; il est la manifestation claire et sans ambiguïté de la volonté de Dieu pour chaque homme. Et puisque, à l’époque de Jésus, une maladie grave est souvent identifiée comme le résultat d’un péché, Jésus vient bien dire que Dieu veut l’homme libre même du péché, c'est-à-dire libre de la source même du Mal. D’où l’injonction de Jésus : Va te montrer au prêtre et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi : ce sera pour eux un témoignage. Témoignage de quoi ? Témoignage de l’intervention de Dieu en faveur d’un de ces petits qui sont ses préférés ; témoignage que Dieu vient à la rencontre de l’homme quand celui-ci exprime son désir de Dieu ; témoignage que le Règne de Dieu est à l’œuvre, qu’un temps nouveau est ouvert ; témoignage que le Mal peut être vaincu.  

            Dans trois jours, nous ouvrirons le temps du Carême. C’est justement un temps de purification, un temps de retour vers Dieu, un temps pour accueillir dans notre vie le désir de Dieu de nous sauver. Nous pourrons être ce lépreux qui se prosterne devant Jésus et lui exprimer notre attente : Si tu le veux… Et nous l’entendrons nous répondre : Je le veux !  C’est une certitude, ce doit être notre certitude. Dieu ne reste pas sourd à nos appels ; il veut notre salut. N’ayons pas peur de l’approcher, n’ayons pas honte d’exprimer humblement notre demande. Jésus veut toujours nous sauver ; il est venu pour nous sauver. Amen.

samedi 6 février 2021

5ème dimanche ordinaire B - 07 février 2021

 Tout le monde te cherche.



(Source internet, IPAC.ICP, Exposition virtuelle, Evangéliaire copte-arabe de la Bibliothèque de Fels)



           Ce dimanche, qui nous fait entendre le ministère de guérison de Jésus à Capharnaüm, est celui que l’Eglise a choisi pour inviter les communautés croyantes à porter dans leur prière le monde de la santé. Alors que depuis plus d’une année maintenant le monde est affecté par une pandémie qui nous fait toucher du doigt la fragilité inhérente à notre nature humaine, prendre un dimanche de prière pour la santé de tous et le monde de la santé en particulier peut paraître bien dérisoire. Et pourtant, nous tourner vers Dieu n’est-ce pas ce que l’Eglise nous a proposé depuis le début de cette crise en créant même un formulaire de « messe en temps de pandémie » ? Elle nous rappelle ainsi que Dieu ne cesse pas de nous accompagner quand vient le temps de la souffrance ; bien mieux, il partage ce temps avec nous. Le verset choisi pour ce dimanche par la Pastorale de la Santé nous invite justement à redécouvrir cela en retenant de cette page d’Evangile la phrase que voici : Tout le monde te cherche. 

            On pourrait y voir un reproche, comme celui adressé par Job à Dieu, cet homme bien né, pratiquant excellent, à qui la vie sourit et qui perd tout sur un coup du sort, un coup du diable. Soudainement, dans une vie sans trouble, Job connaît la surprise d’un orage qui détruit tout. Il ne lui reste rien, sa vie est devenue une corvée. Je vous laisse le soin de relire ce beau livre et ce combat mené par Job contre Dieu, jusqu’à ce qu’il découvre enfin que Dieu n’est pas une assurance-vie, mais un compagnon de route qui partage toute notre existence. Il découvrira Dieu comme un Père qui se réjouit de nos réussites, mais un Père aussi qui souffre nos souffrances avec nous. Il n’est pas le Dieu qui nous évite les soucis, mais celui qui les vit avec nous pour que nous puissions les surmonter avec lui. C’est un réel chemin spirituel qu’il nous offre, un chemin que nous aurons tous à faire un jour. Si vous fréquentez les réseaux sociaux, vous aurez vu fleurir des sites de soi-disant religieux qui analysent la pandémie que nous vivons comme un avant-goût de l’Apocalypse, un signe avant-coureur du retour du Christ. Dieu punirait enfin les mécréants, l’aspect mondial de la crise en étant la preuve. Comment peut-on ainsi défigurer le visage de Dieu qui aime l’homme, qui fait alliance avec lui, qui a donné sa vie pour lui ? Comment peut-on croire et laisser croire que, soudainement, Dieu ne vivrait plus avec nous nos souffrances ? Comment peut-on croire et laisser croire que les 2,2 millions de morts COVID dans le monde au 01er février sont les premiers mécréants d’une longue liste encore à venir ? A moins qu’ils ne soient ceux que Dieu appelle à lui pour les sauver définitivement avant de détruire le monde et les mécréants que nous sommes puisque nous n’avons pas eu la chance de mourir déjà ? 

            Lorsque nous voyons la compassion de Jésus pour les nombreux malades et possédés de toutes sortes qui se pressent à Capharnaüm jusque tard dans la nuit, nous avons du mal à croire que cette compassion s’est évanouie avec la survenue de ce virus qui détruit l’art de vivre de tous les peuples de la terre, quelles que soient leurs richesses ou leurs cultures. Quand les disciples rendent Jésus attentif au fait que tout le monde le cherche, ce n’est certes pas pour lui faire un reproche, mais pour indiquer plutôt la soif de ces gens qui se pressent là et l’étendue de la mission de Jésus. Aujourd’hui, alors qu’à nouveau des hommes et des femmes cherchent Dieu pour trouver un sens à cette crise, la même urgence nous est rappelée : cette urgence, c’est l’annonce de l’Evangile, qui n’est jamais une annonce de malheur, mais une Bonne Nouvelle à partager. Depuis le début de cette crise, le Pape François nous invite à nous tourner vers le monde d’après, c'est-à-dire à voir au-delà déjà de cette crise. Une fois l’épreuve passée, voulons-nous reprendre notre vie comme avant ou voulons-nous vivre dans un monde transformé ? Quand je vois avec quelle rapidité nous passons à autre chose dès qu’un léger mieux se fait sentir, j’ai des doutes. En mars, durant le confinement, nous applaudissions tous les soignants qui ne comptaient pas leurs heures au chevet de nos malades ; mais dès le confinement levé, chacun s’en est retourné à sa petite vie d’avant. Les vaccins, nous savons tous qu’ils sont une part importante d’un retour à quelque chose de plus normal, pour tous ; mais voilà que certains menacent les médecins chargés de vacciner et que d’autres essaient de se les accaparer au détriment des pays les plus pauvres. Comme si toute cette crise, qui un temps semblait nous avoir unis, révélait encore davantage nos égoïsmes, nos divisions, nos mesquineries. Ce n’est pas ainsi que nous sortirons grandis de cette crise ; ce n’est pas ainsi que nous trouverons le véritable visage de Dieu. Nous risquons même de devoir le chercher encore longtemps ! 

Tout le monde te cherche. Je comprends ces gens qui se pressent à Capharnaüm, ayant entendu les nombreuses guérisons et libérations qui y avaient eu lieu. Personne ne veut être malade longtemps ; tous veulent être guéris, relevés, libérés. Mais je comprends aussi Jésus qui ne se laisse pas enfermer à Capharnaüm. Déjà, il veut aller ailleurs, dans les villages voisins. Il n’attend pas que la misère du monde se presse vers lui ; il va au-delà de la misère du monde, il va à sa rencontre annoncer la Bonne Nouvelle du Salut. Il ira tellement au-devant de la misère du monde qu’il finira sur une croix, la portant tout entière avec lui, la faisant mourir avec lui. Il nous signifie ainsi qu’il est le grand vainqueur, le seul vainqueur, et que notre confiance ne peut être qu’en lui. Si tout le monde cherche Jésus, c’est pour des raisons différentes, pour qu’il aide chacun avec son petit problème particulier. Alors que quand Jésus va à la rencontre des hommes, c’est toujours dans le même but : proclamer l’Evangile. C’est pour cela qu’il est venu. Quel que soit le Mal qui ronge l’homme, il y a un remède unique : le Christ qui sauve. 

L’Evangile de cette journée à Capharnaüm nous montre largement que Dieu est aux côtés de ceux et celles qui souffrent l’épreuve, les relevant, les libérant, leur rendant une vie pleine et entière. Sa mission est universelle et infinie. Toujours, il y aura des hommes et des femmes à relever, à libérer. Toujours il y aura une Bonne Nouvelle à annoncer pour que les hommes et les femmes ne désespèrent pas, ne s’enferment pas dans leurs souffrances et ne les affrontent pas seuls. Puisque nous sommes les témoins du Christ ressuscité, manifestons par notre empathie et par notre compassion, la puissance de vie qui nous vient de lui, et proclamons à sa suite l’Evangile, Bonne nouvelle du Salut pour tous les hommes. Ainsi ceux qui le cherchent pourront le trouver et vivre une vie nouvelle avec Lui. Amen.