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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







dimanche 27 mars 2016

Jour de Pâques - 27 mars 2016

Entrer dans le mystère de Pâques par la prière de l'Eglise.






Que peut-on dire de plus après la nuit de Pâques ? Peut-on encore approfondir le mystère de la mort et de la résurrection du Christ après avoir entendu l’annonce de la Pâque avec le chant de l’Exultet et médité tant d’extraits de la Bible ? Si l’Eglise nous propose encore une messe ce matin, c’est qu’il y a matière à approfondir ce grand mystère d’une vie plus forte que la mort. Découvrons-le à travers les prières de cette eucharistie. 
 
La prière d’ouverture introduisait d’emblée une donnée intéressante : Aujourd’hui, Dieu notre Père, tu nous ouvres la vie éternelle par la victoire de ton Fils sur la mort. A ceux qui pensaient que nous ne bénéficierions de la joie de Pâques et la grâce de la Résurrection qu’à la fin des temps, il est apporté un démenti fort. C’est dès aujourd’hui que nous possédons la vie éternelle ; c’est dès aujourd’hui que nous profitons de la puissance de vie qui est celle-là même du Ressuscité. Le Christ n’est pas ressuscité pour qu’un jour, lointain, nous vivions ; il est ressuscité pour que, dès maintenant, nous partagions cette puissance de vie et l’éternité qui la caractérise. C’est bien ce que réalise pour nous le baptême : lorsque l’eau coule sur notre front, nous sommes bien plongés dans la mort du Christ pour vivre dès ce jour de l’éternité de vie que Dieu propose à ceux qui croient en Jésus. Cette vie éternelle que nous recevons au jour de notre baptême, nous aurons toute une vie pour l’accueillir personnellement, et devenir par l’Esprit un homme nouveau afin que, comme le précise encore l’oraison, nous ressuscitions avec le Christ lorsque viendra pour nous, le moment de voir Dieu face à face. Pâques ouvre à chaque croyant cette période curieuse du déjà là et du pas encore : nous sommes déjà ressuscités, pleinement vivant avec le Christ, mais pas encore dans le Royaume avec lui, puisque nous ne le serons qu’après avoir effectivement franchi les portes de la mort. 
 
La prière sur les offrandes nous permettra de faire le lien entre la fête de Pâques et la célébration de l’Eucharistie qui l’actualise. Dans la joie de Pâques, prierons-nous tout à l’heure, nous t’offrons ce sacrifice : c’est par lui que ton Eglise, émerveillée de ta puissance, naît à la vie et reçoit sa nourriture. L’Eucharistie, mémorial de la passion et de la résurrection de Jésus nous ouvre toujours plus à cette vie que Dieu nous offre au moment de notre baptême. Elle nous offre le pain des forts, le pain de celles et ceux qui savent devoir compter encore sur le Christ pour parvenir au Royaume promis. Elle donne le pain des humbles à ceux qui savent que, par leur propre force, ils ne sauraient vivre vraiment en chrétiens, disciples du Christ qui sans cesse nous appelle à le suivre sur le chemin exigeant de l’Evangile. Elle est le pain des pauvres qui attendent tout de Dieu, qui ne comptent que sur lui pour leur faire découvrir comment devenir plus humain en suivant chaque jour Jésus sur le chemin des béatitudes. 
 
La prière après la communion, comme souvent, nous renverra à notre fin dernière. Tu ne cesses de veiller sur ton Eglise. Déjà les sacrements de la Pâques nous ont régénérés en nous obtenant ton pardon, en nous faisant communier à ta vie : donne-nous d’entrer dans la lumière de la résurrection. Reconnaissant que nous avons reçu de Dieu lui-même ce qui nous est nécessaire pour vivre, à savoir le pardon et la communion à la vie de Dieu, nous lui demandons de veiller sur nous comme il veille sur son Eglise pour qu’un jour nous puissions, à son appel et non par nos mérites, partager pleinement cette résurrection. Déjà là et pas encore ! Toute la vie chrétienne est ainsi en tension. Dieu nous fait le don de sa vie, mais nous devons l’accepter, l’accueillir dans notre propre existence de manière libre et consciente. La résurrection du Christ, nous devons y croire, pas seulement parce que c’est un article de foi, mais parce que, par notre vie, nous découvrons sans cesse cette vie éternelle à l’œuvre, en nous et autour de nous.
 
La bénédiction solennelle du jour de Pâques demandera pour chacun de vous la permanence de cette grâce, offerte aujourd’hui. En accueillant la puissance de vie du Christ, vous deviendrez capables de résister au doute. Elle vous invitera à croire que la joie de ce jour est telle, qu’elle est, de fait, sans fin, puisque même la mort ne saurait y mettre un terme. Avec le Ressuscité, vous connaissez la joie parfaite. Enfin, vous serez pressés de suivre chaque jour les pas du Ressuscité pour que le « pas encore » cède la place, un jour, à la réalité du Royaume. La résurrection du Christ n’est pas pour plus tard : elle vous invite dès maintenant, à vivre comme lui ; ainsi un jour, il pourra vous accueillir chez son Père et notre Père. Puisse la grâce pascale vous inonder de sa joie ; et toute votre vie sera marquée par celui qui a tout donné par amour de vous : le Christ Sauveur. Amen.

(La résurrection du Christ, Miniature... reproduite par Nelda VETTORAZZO, Les prinicpales fêtes chrétiennes, Centro Russia Ecumenica, 2007)

vendredi 25 mars 2016

Vendredi Saint - 25 mars 2016

Du monde des hommes au monde de Dieu par une vie donnée.





Un prêtre qui avait passé toute sa vie au service des plus pauvres, se dépensant sans compter, avait été interrogé par des journalistes sur le sens de sa vie et l’intérêt de faire le bien sans avoir de retour. Ne craignait-il pas d’avoir raté sa vie s’il venait à découvrir que Dieu, finalement, n’existait pas ? Sa réponse fut la suivante : si Dieu existe, comme je le crois, je tiendrai ma récompense de lui ; s’il n’existe pas, comme vous semblez l’affirmer, je n’aurai pas à regretter d’avoir fait le bien ; j’aurai fait preuve d’humanité, et c’est déjà bien assez. N’est-ce pas cela qui est en jeu au moment où nous nous retrouvons pour célébrer la passion de notre Seigneur Jésus Christ ? Savoir ce qui permet de dire qu’une vie est réussie, intéressante à vivre ? 
 
Mon serviteur réussira, dit le Seigneur dans le livre du prophète Isaïe. Pourtant, ce qu’il décrit de son serviteur, c’est tout, sauf une réussite à vue humaine : il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme… il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance… nous l’avons méprisé, compté pour rien. Quelle est donc cette réussite qui réduit le serviteur de Dieu à néant ? 
 
Devant le Christ crucifié, la même question vaut : l’abandon, les railleries, la souffrance, la croix : sont-ce là les signes de la réussite de la mission de Jésus ? Devant la croix, devant tant de douleur, nous pouvons nous interroger : Jésus avait-il raison d’être juste, bon, miséricordieux, proche des hommes, désirant leur vie et leur liberté ? 
 
Le Vendredi Saint n’est qu’un grand paradoxe, je vous l’accorde. Mais comme souvent, pour ne pas dire toujours, les épreuves et les échecs permettent à la vie de grandir. Si nous nous plaçons à l’époque des disciples, ce vendredi est un jour sombre, la fin de l’histoire : nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël, mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé, confesserons deux disciples rentrant chez eux à Emmaüs. Comment ne pas les rejoindre dans leur sentiment d’échec, dans leur perte d’espérance en contemplant la croix dressée ? Que devient la promesse de réussite formulée par Dieu alors que tant d’hommes se sont prononcés contre lui : les chefs des prêtres, les pharisiens et les scribes, Hérode et Pilate, et même la foule : tous l’ont condamné à une mort infâmante, tous ont signé son échec. Même Dieu s’est tu !
 
Pourtant, la première parole de Dieu que la liturgie nous livre, c’est cette promesse de réussite, cette certitude formulée par Dieu lui-même que l’échec n’est pas possible pour celui qu’il envoie. Une vie donnée aux autres ne peut simplement être exclue du monde des hommes. Jamais on a vu Dieu abandonner un de ses serviteurs : pourquoi commencerait-il avec Jésus ? Cette vie crucifiée n’est-elle pas le résultat du service auquel Jésus nous invitait hier soir ? La gloire du service ne s’affirme-t-elle pas justement dans une vie offerte, librement, jusqu’à l’extrême ? Le chemin qui mène du monde des hommes au monde de Dieu, s’il passe par le service de tous, ne suppose-t-il pas une vie totalement donnée, totalement livrée à ceux que l’on sert justement ? Y avait-il une autre issue possible dès lors que le service de tout homme devenait la route à suivre ? Le service des hommes par Dieu lui-même aurait-il été total s’il n’avait pas été jusqu’à la croix ? Sur la croix, Dieu prouve, si besoin était, que rien ne l’empêcherait de servir l’homme pour que celui-ci soit vraiment libre et vraiment vivant. La croix signe l’immense amour de Dieu pour chacun de nous ; elle réaffirme son engagement total en faveur de l’homme. Devant la croix, l’homme ne pourra que proclamer : il nous a servis et aimés jusque-là, jusqu’au don ultime de sa vie. 
 
Oui, cette vie offerte semble bien avoir été une nécessité pour Dieu et pour les hommes. Pour Dieu, parce qu’elle signe son engagement absolu au service des hommes, acceptant même de s’anéantir totalement. Pour les hommes, parce que ce jour ne saurait être le dernier jour de leur histoire. Leur monde ne s’arrête pas de tourner ; leur Dieu n’arrête pas de les aimer, quand même. Mais cela, il leur faudra un peu de temps pour s’en rendre compte. Pour ceux qui croient en Jésus, il n’y a que cette promesse pour ne pas désespérer : mon serviteur réussira ! Devant la croix et la contradiction qu’elle apporte à cette promesse, souvenons-nous de cette autre promesse de Dieu : s’il remet sa vie en sacrifice de réparation, il verra une descendance, il prolongera ses jours : par lui, ce qui plaît au Seigneur réussira. Par suite de ses tourments, il verra la lumière. Amen.  

(Crucifixion, Miniature...., reproduite par Nelda VETTORAZZO, Les principales fêtes chrétiennes, Centro Russia Ecumenica, 2007)

jeudi 24 mars 2016

Jeudi Saint - 24 mars 2016

Du monde des hommes au monde de Dieu : la gloire du service.





Souvenez-vous de ce que je vous disais dimanche : à la suite de Jésus, nous sommes invités à passer du monde des hommes au monde de Dieu. Toute la vie de Jésus n’a que ce seul but : nous entrainer avec lui à la rencontre de Dieu. C’est bien ce monde de Dieu qu’il a annoncé quand il parlait du Royaume. C’est bien à la hauteur de Dieu que Jésus veut élever l’homme. Ce soir, il nous indique la voie royale pour parvenir à ce monde. 
 
Le geste que Jésus pose envers ses disciples est un geste surprenant pour eux et proprement scandaleux. La réaction de Pierre est totalement justifiée. Mais pour le comprendre, il faut nous placer à cette époque et oublier un instant que nous vivons dans un monde différent aujourd’hui. Pour Pierre, Jésus, qui dépose son vêtement, prend un linge qu’il se noue à la ceinture et se met à laver les pieds des disciples, Jésus donc prend une place qui est indigne de lui, la place d’un esclave qui devait nettoyer les pieds de son maître quand il rentrait chez lui, ou des visiteurs qui arrivaient. Jésus s’abaisse bien au-dessous de sa condition. Pour Pierre, le disciple, voir son maître s’abaisser ainsi, est insupportable. C’est une humiliation qu’il ne comprend pas et n’accepte pas. Il faudra l’insistance de Jésus pour qu’il se laisse faire sans trop comprendre ce que fait Jésus : plus tard, tu comprendras. Et ce plus tard, ce n’est pas les quelques mots d’explication que Jésus livre immédiatement après ; ce plus tard, ce sera après Pâques, quand ce moment présent et surtout les moments encore à venir prendront sens. Là, immédiatement, ce n’est que le geste d’un fou qui ignore sa vraie place. S’abaisser jusqu’à prendre la dernière place, ce n’est quand même pas très glorieux. 
 
Or, c’est justement là que Jésus veut emmener ses disciples : à comprendre qu’il y a gloire à servir. L’homme n’est grand pour Jésus que lorsqu’il se met au service des autres, ces autres étant d’abord et avant tout les plus petits. Car comprenez bien qu’il ne s’agit pas pour Jésus de se mettre au service des puissants qui pourront le récompenser en conséquence des services rendus. Le service dont parle Jésus, c’est le service de ceux qui ne peuvent rien rendre, le service de ceux qui vous seront toujours éternellement redevables. Ce sont ceux-là que Jésus nous invite à servir. C’est bien la dernière place, la place du plus humble, la place du plus petit, qui est la nôtre, qui est celle de tout disciple du Christ. Pour Jésus, le service est le chemin vers la gloire ; le service du frère pauvre, malade, prisonnier, étranger, exclu… est le chemin vers le monde de Dieu. Gardez toujours en mémoire l’évangile de saint Matthieu : ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ! 
 
Au moment où nous accompagnons Jésus qui marche vers sa croix, laissons-nous faire par Jésus et apprenons de lui la gloire du service. Qu’à son exemple, nous ayons assez d’humilité pour passer le vêtement du service. Notre récompense, nous ne l’aurons pas des hommes, nous la tiendrons de Dieu quand il nous invitera à la joie du Royaume. Ce soir, contemplons et apprenons la gloire du service de notre Maître et Seigneur qui se fait petit pour nous attirer vers son Père. Amen.

(Le Lavement des pieds, Miniature de O. Khizanetsi - Matenadaran, Erevan - 1330, reproduite par Nelda VETTORAZZO, Les principales fêtes chrétiennes, Centro Russia Ecumenica, 2007)

samedi 19 mars 2016

Dimanche des Rameaux C - 20 mars 2016

Du monde des hommes au monde de Dieu.





Aujourd’hui commence donc la semaine qui nous mènera jusqu’à Pâques ; nous l’appelons « Semaine Sainte » parce qu’elle nous permettra de revivre, comme si nous y étions, les derniers moments de la vie de Jésus. Nous sommes invités à la vivre non pas dans le souvenir de choses passées, mais avec cette certitude que c’est dans l’aujourd’hui de notre vie que se déroulent ces événements ; c’est dans l’aujourd’hui de notre vie que Jésus se livre à nous pour nous sauver. La célébration de ce dimanche a comme particularité d’avoir deux proclamations d’évangile : il y a la proclamation de la Passion que nous venons d’entendre et la proclamation de l’Evangile rappelant l’entrée solennelle de Jésus à Jérusalem, faite au tout début de notre rassemblement. Il est celui qui donne le sens de ce jour si particulier. 
 
Je ne sais pas si vous y avez été sensible, mais Luc n’a pas tout à fait le même récit que Matthieu et Marc. Chez Luc, à mesure que Jésus avançait, les gens étendaient leurs manteaux sur le chemin… et toute la foule des disciples, remplie de joie, se mit à louer Dieu à pleine voix. Chez Luc, les disciples seulement chantent la gloire de Dieu et de Jésus. Ils savent maintenant qui il est ; ils ont vu les miracles, ils ont entendu l’enseignement de Jésus. Pour eux, plus de doute : Jésus est celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur. Ceci explique l’injonction faite à Jésus par quelques pharisiens : Réprimande tes disciples !  Expriment-ils ainsi leur crainte de voir la foule convertie à ce que les disciples ont déjà compris de Jésus ? Peut-être ! Nul ne sait ce qui se passe dans le cœur d’un homme quand il rencontre Dieu ! Nul ne peut maîtriser un cœur touché par la grâce ! Nul ne pourra donc faire taire les disciples : si eux se taisent, les pierres crieront. Il y a des évidences qu’on ne peut cacher plus longtemps aux hommes. Le temps de Dieu est arrivé. Heureux ceux qui passeront du monde des hommes au monde de Dieu à la suite de Jésus. 
 
L’acte premier de ce passage, c’est donc cette gloire proclamée par les hommes. Jésus n’est sans doute pas dupe, lui qui avertissait déjà du danger à tenir sa gloire des hommes. La vraie récompense de Jésus n’est pas dans ces acclamations. La proclamation de la Passion en ce même jour nous rappelle la fragilité et la versatilité d’une foule : aujourd’hui, elle étend ses manteaux et écoute la foule des disciples acclamer Jésus ; demain cette foule criera : Mort à cet homme, laissant Jésus en croix entre deux criminels, tandis que la foule des disciples se tiendra plus loin, pour regarder. S’il nous est bon d’entendre la foule des disciples acclamer Jésus, cela ne doit pas nous induire en erreur pour autant : ce n’est pas cette gloire que Jésus recherche, il n’attend rien d’elle. A nous qui cheminons dans la foi, les acclamations de la foule des disciples nous rappellent ce que nous pouvons croire au sujet de Jésus : il est celui qui vient au nom du Seigneur. Mais elles nous renvoient aussi à notre propre rapport à Jésus, tantôt le cœur tout brûlant pour lui, tantôt plutôt tiède, quelquefois même froid selon ce que nous vivons au quotidien. 
 
Ne crions-nous pas : Mort à cet homme, lorsque nous refusons de faire miséricorde, lorsque nous demandons la fermeture de nos frontières au prétexte que nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde, lorsque nous voulons inscrire dans la loi la déchéance de nationalité au risque de créer des apatrides ? Ne crions-nous pas : Mort à cet homme, lorsque nous nous enfermons dans nos petites vies tranquilles, ne faisant de mal à personne, certes, mais oubliant de faire un peu plus de bien ? Ne crions-nous pas : Mort à cet homme, lorsque nous n’avons qu’indifférence pour les autres et pour le monde dans lequel nous vivons ? Il est si facile de passer de la foule des disciples qui acclame à la foule qui vocifère contre Jésus ! Il est si difficile de rester un authentique disciple quand surgit l’adversité. 
 
Dans ce drame qui se joue, deux hommes pourtant sont porteurs d’espérance ; deux hommes reconnaissent, au-delà de la personne de Jésus, quelque chose de plus grand ; deux hommes ont déjà fait ce passage du monde des hommes vers le monde de Dieu. Le premier, c’est l’un des criminels condamnés et crucifiés en même temps que Jésus. Cloué sur une croix, il a cependant conscience que Jésus peut encore quelque chose pour lui, qu’un salut est toujours possible : Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. Le second, c’est un étranger, un ennemi de surcroît : le centurion qui, par nécessité de service, a assisté à tout cela. A la vue de ce qui s’était passé, le centurion rendit gloire à Dieu : Celui-ci était réellement un homme juste. Et voilà qu’il devient impossible de cataloguer les gens, de les ranger soigneusement en les classant en bons et méchants. Le passage du monde des hommes au monde de Dieu oblige à une vérité du regard. Rien n’est comme avant ; toute chose est nouvelle. 
 
Dès le premier jour de cette semaine sainte, nous pouvons mesurer ainsi le chemin qu’il nous reste à parcourir pour quitter ce monde des hommes et entrer dans le monde de Dieu. Nous n’en sommes qu’au premier jour, à la première étape. Chaque jour à venir nous dira comment, à la suite de Jésus, nous pouvons faire ce chemin. A chacun de faire en sorte de n’en manquer aucun. Amen.
 
(L'entrée à Jérusalem, Miniature de O. Khizanetsi, Matenadaran, Erevan, 1307, reproduite par Nelda VETTORAZZO, Les principales fêtes chrétiennes, centro Russia Ecumenica, 2007)

samedi 12 mars 2016

05ème dimanche de Carême C - 13 mars 2016

Acte 5 de la miséricorde : laisser une chance à un avenir !




Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? Nous sentons bien, en entendant cette interpellation de Jésus que l’histoire doit mal finir. Jean a-t-il vraiment besoin de préciser que les scribes et les pharisiens parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser ? Le seul fait qu’ils n’amènent auprès de Jésus que la seule femme montre bien leurs intentions hostiles. Ils ne veulent pas engager le procès de l’adultère mais bien celui de Jésus. Comment va-t-il s’en sortir ? En faisant œuvre de miséricorde à plus d’un titre ! 
 
Curieusement, il me semble que les premiers bénéficiaires de la miséricorde de Jésus soient justement et paradoxalement… les scribes et les pharisiens ! En les renvoyant à leur propre condition [Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre], il éclaire ceux qui sont dans le doute et qui sont venus chercher conseil auprès de lui. Il leur évite surtout d’être accusé d’avoir manipulé la justice, ce qu’ils ont fait de toute manière en oubliant la moitié du crime d’adultère ! Jamais, avant ce jour, nous aurions imaginé qu’un adultère se commette tout seul ; il faut nécessairement être au moins deux ! Jésus ne les dénonce pas publiquement ; il ne les place pas devant leurs contradictions ; il les invite à s’examiner. Sans avoir besoin de dire grand-chose, il a instruit ces ignorants qui, lorsqu’ils comprennent enfin, se sont en allés un par un, en commençant par les plus âgés. Deux œuvres de miséricorde spirituelles en leur faveur ! J’espère qu’ils auront été reconnaissants pour ce bénéfice. 
 
Venons-en à la femme accusée d’adultère. Vous remarquerez d’abord que Jésus ne semble pas tellement s’intéresser à elle : il ne lui demande pas d’explication ; il semble même ailleurs au départ, s’abaissant pour écrire, Dieu sait quoi, sur le sol. Vous remarquerez aussi qu’elle ne se défend pas. Elle n’a pas le réflexe si courant de dire : ce n’est pas moi ; c’est la faute de l’autre. Elle est consciente de son péché, elle reste silencieuse. Veut-elle éviter d’aggraver son cas ? Son silence manifeste-t-il son regret ? Sans doute. Quand enfin il ne reste plus qu’elle et Jésus, celui-ci ne l’interroge pas sur son crime, mais sur ses accusateurs : Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? Le motif de sa présence importe peu ; Jésus n’est pas curieux de savoir ce qu’elle a fait, avec qui elle l’a fait et comment elle l’a fait. Ce qui excite la curiosité de Jésus, ce sont les autres, les accusateurs soudain évanouis. Après tout, ce sont eux qui sont venus vers Jésus avec une demande, pas cette femme. Mais, à cette femme qui ne demandait rien, va être fait une grande grâce : la grâce du pardon. Personne ne t’a condamnée ? Moi non plus je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. Jésus est-il trop cool avec cette femme ? Veut-il nous dire que l’adultère, après tout, ce n’est pas si grave ? Ceux qui attendaient un grand traité sur le lien conjugal et son caractère sacré en sont pour leur frais. Mais n’allez pas croire pour autant que Jésus favorise le péché. Il ne condamne pas la femme, mais il ne l’autorise pas davantage à poursuivre : désormais ne pèche plus. Saint Augustin a écrit dans son traité sur saint Jean : Le Seigneur a porté condamnation, mais il a condamné le péché et non pas le pécheur. En invitant la femme à ne plus pécher, c’est bien l’adultère qu’il condamne ; ne recommence pas ! La femme, elle, il la libère, il lui rend sa dignité. Les scribes et les pharisiens voulaient exercer la justice ; Jésus exerce la miséricorde. Il va au-delà de la justice en laissant une chance à un avenir pour cette femme. Il nous rappelle ainsi que personne n’est à identifier à son péché, et s’il faut condamner le péché, il faut faire miséricorde à celui qui le commet. Au péché, la fin ; aux hommes, un avenir nouveau, libéré du péché, du mal et de la mort. Voici que je fais une chose nouvelle, dit Dieu par son prophète Isaïe. Cette nouveauté absolue, c’est bien l’exercice de la miséricorde par Dieu lui-même. Il n’est pas celui qui punit, il n’est pas celui qui condamne ; Dieu est celui qui nous sauve ; Dieu est celui qui nous libère ; Dieu est celui qui nous ouvre un avenir : si Dieu n’est pas ainsi, alors changez-en, trouvez-en un autre. Pour reprendre saint Paul entendu dans la seconde lecture, une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière [le péché, la vie sans Dieu], et lancé vers l’avant [une connaissance toujours plus grande de Jésus Christ], je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus. Ce but, c’est bien notre avenir, à savoir une vie libérée, une vie tout entière sous le signe du Christ. Au péché, la condamnation ; au pécheur, la liberté et la vie. Nous retrouvons ce que le pape François ne cesse de demander aux prêtres confesseurs : détester le péché mais aimer le pécheur pour qu’il découvre la tendresse et la miséricorde de Dieu et qu’il comprenne enfin à quel point il est aimé. 
 
Faire miséricorde, ce n’est pas être laxiste ; faire miséricorde, ce n’est pas autoriser tout et n’importe quoi. Faire miséricorde, c’est aller au-delà de la justice et laisser un avenir ouvert à l’autre, à celui qui m’a blessé, à celui qui a mal agit envers moi. Nous saisissons alors mieux l’importance de la miséricorde ; sans elle, sans l’avenir qu’elle ouvre, la vie n’est pas possible. Sans miséricorde, il n’y a plus d’humanité ; sans miséricorde, il n’y a plus que des règles à respecter impérativement sous peine de mort. Sans miséricorde, l’homme perd l’image et la ressemblance avec Dieu voulu par celui-ci depuis les origines. La miséricorde que nous exerçons est bien le signe que Dieu vit en nous et que nous vivons de Dieu.
 
Il nous faut remercier la femme adultère : grâce à elle, Jésus a pu nous dire qu’au-delà de la justice, il y a la miséricorde ; au-delà du péché, il y a un avenir toujours possible ; au-delà du pécheur, il y a l’humanité que Dieu veut réconciliée avec lui. Que ces dernières semaines de carême soient pour nous celles d’un pardon accueilli, d’une liberté renouvelée, d’un avenir retrouvé. Amen.
 
(Dessin de la revue L'image de notre paroisse, n° 207, mars 2004, éd. Marguerite)

samedi 5 mars 2016

04ème dimanche de Carême C - 06 mars 2016

Acte 4 de la miséricorde : s'ouvrir à la miséricorde de Dieu.




Laissez-vous réconcilier avec Dieu ! Cette invitation résonne comme un cri du cœur dans la deuxième lettre aux Corinthiens. On sent, dans ces mots, toute la tendresse paternelle d’un Paul à l’encontre de ses fils qu’il a engendré à la foi chrétienne. C’est parce qu’il les aime qu’il pousse les Corinthiens à cette acceptation d’une miséricorde offerte par Dieu en Jésus. Et qu’importe si ce cri semble en contradiction avec ce qu’il leur écrit quelques lignes avant, lorsqu’il précise : Dieu nous a réconcilié avec lui par le Christ. En plaçant côte à côte cette affirmation de notre foi et son cri du cœur, Paul souligne toute la tension de la foi chrétienne entre ce qui est déjà donné et ce qui est à accueillir encore. Cette juxtaposition entre ce qui est et ce qui est encore à venir est le signe même de la liberté absolue que Dieu laisse à l’homme. 
 
Nous constatons ceci dans la parabole du fils prodigue que nous a livré l’évangéliste Luc. Voici encore une histoire bien connue de tous. Un père, deux fils, un héritage à partager. Le fils le plus jeune, impatient de vivre sa vie, librement, demande une avance sur héritage. Le père ne semble pas hésiter : le plus jeune dit à son père : ‘Père, donne-moi la part de fortune qui me revient’. Et le père leur partagea ses biens. A peine demandé, sitôt reçu. A peine reçu son bien, le plus jeune s’en va. Il s’en va vivre sa conception de la liberté et de la vie. Et c’est forcément loin de chez son père. C’est bien connu : un homme n’est vraiment libre que s’il se coupe de ceux qui l’aiment. En tout cas, c’est ce qui semble être vrai pour le plus jeune… et pour le plus âgé des fils aussi. Il suffit de relire ce qu’il dit à son père, quand le plus jeune est revenu et que la fête bat son plein. Il y a tant d’année que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres. Paroles terribles dans la bouche d’un fils. Elles soulignent combien il se sent esclave de ce père, donc pas libre, pas vraiment fils. Peut-être a-t-il tout auprès de son père, mais ce tout lui semble soudain bien lourd, aussi lourd qu’une chaine au cou. Il ne s’est jamais senti libre, ne serait-ce que libre de faire la fête avec ses amis ! Le fils ainé ne se reconnaît pas fils, mais serviteur d’un père qui lui semble soudain indigne. Ce père accueille en fanfare le rejeton qui a dilapidé une part de la fortune, mais lui, l’aîné, le fidèle, qu’a-t-il en retour ? 
 
Nous retrouvons la tension que Paul a déjà souligné aux chrétiens de Corinthe. Cette tension nécessaire entre le déjà là et le pas encore est fondatrice de notre liberté, fondatrice de notre foi. Dieu offre tout à l’homme, y compris une miséricorde infinie, signée par le baiser accueillant le fils prodigue et pécheur. Mais l’homme doit s’ouvrir aux dons que Dieu lui fait. Sinon, ces dons ne sont que des cadeaux même pas déballés, jamais utilisés. Or les dons de Dieu sont des dons pour la vie et le bonheur de l’homme. Le jeune fils doit s’ouvrir à cette miséricorde en laissant son beau discours de côté, en se laissant revêtir du vêtement de la fête, en se laissant redevenir fils par le don de l’anneau familial, en se laissant libérer par le don des sandales, marque de l’homme libre. L’aîné doit accueillir cette miséricorde faite à son jeune frère en se laissant entraîner dans cette fête que, pour l’instant, il refuse. S’il ne franchit pas la porte avec son père, il se fermera à la miséricorde, il se coupera de la famille, il restera esclave de ses mauvais sentiments. La miséricorde du père s’adresse bien à ses deux fils ; elle n’a d’autre but que de montrer à chaque fils combien il est aimé de son père, combien cet amour est plus grand que les frasques du plus jeune et plus grand que la mauvaise compréhension que l’ainé a de sa relation à son père ; il n’est pas un serviteur, mais un fils. Et la miséricorde accordée au plus jeune après une vie de patachon doit lui permettre de se sentir vraiment fils après une vie comprise comme celle d’un serviteur. 
 
S’ouvrir à la miséricorde de Dieu est un défi pour tous : pour ceux qui se reconnaissent grand pécheur devant l’Eternel, et pour ceux qui se croient parfaits devant Dieu et devant les hommes. Il ne suffit pas que Dieu soit miséricordieux envers nous ; il faut encore que nous acceptions cette miséricorde, que nous l’accueillions dans notre vie, et que nous en témoignions auprès de tous. Il nous faut laisser, dans notre vie, un espace à la miséricorde de Dieu pour qu’elle puisse s’exercer et que nous puissions en vivre. Amen.
 
(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)