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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 24 avril 2021

4ème dimanche de Pâques B - 25 avril 2021

 Dimanche des vocations : tout commence avec le baptême.





(Mosaïque du Bon Pasteur - Ravenne - 5ème siècle)


            Chaque année, depuis cinquante-huit années, ce quatrième dimanche de Pâques est celui consacré à la prière pour les vocations. L’évangile du Bon Pasteur, en saint Jean, dont nous entendons un extrait différent chaque année, est l’occasion de nous inviter à prier pour que Dieu donne à son Eglise les pasteurs dont elle a besoin. Certains ont fini par dire qu’il fallait demander des saints prêtres ; mais n’est-ce pas déjà douter de la bonté de Dieu que ce besoin de lui rappeler que nous voulons des saints prêtres ? Peut-il donner autre chose que des saints prêtres ? Au cas où, permettez que je nous rappelle à tous ce qu’il faudrait pour que Dieu ne nous donne que des saints prêtres. 

            Il faudrait d’abord que nous soyons tous convaincus que la question des vocations, c’est l’affaire de tous, c’est l’affaire de chaque communauté croyante. A un maire catholique qui se plaignait que sa ville n’aurait plus de prêtre résident, j’ai osé renvoyer la question de ce qu’il a fait concrètement pour que l’Eglise, et pas seulement la paroisse de sa ville, ne manque jamais de prêtres. Avait-il osé interroger ses fils sur la possibilité de donner leur vie au Christ et aux hommes ? Bien sûr que non ! Et c’est là le premier souci. Personne n’y pense ; peu de parents osent rêver pour leur fils une vocation sacerdotale ou pour leur fille une vocation religieuse. Non, vous comprenez, nos enfants feront quelque chose de sérieux de leur vie ! Une journée de prière pour les vocations, c’est bien ; mais nous pouvons mieux faire. Sans aucun doute. 

            Puisque les vocations particulières ne tombent pas du ciel, il nous faut donc plus que juste nous sentir concernés et prier une fois l’an pour les vocations. Il faut aussi des familles saintes. Des familles dans lesquelles la figure du prêtre est honorée (je n’ai pas dit ‘adorée’) pour qu’un jeune homme puisse se sentir à l’aise quand il perçoit quelque chose d’un appel à suivre le Christ, et que cet appel ne soit pas immédiatement étouffé par les réactions familiales. Mais qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu pour que cela te tombe dessus ? Regarde un peu plus les filles et cela te passera ! Dans une famille sainte, peut-être que le prêtre fait aussi partie du paysage familial. Dans mon enfance, j’en ai connu un certain nombre qui passait à la maison. Le prêtre était toujours le bienvenu. Il est certain que d’avoir vu des prêtres heureux, des prêtres acceptés dans mon entourage, a aidé à répondre à l’appel à devenir prêtre. Vous rajoutez à cela deux religieuses dans la famille, et Dieu a presque déjà gagné. 

            Des familles saintes donc ; mais comme elles non plus ne tombent pas du ciel, il nous faut à tous nous rappeler notre vocation première, commune à tous les membres de l’Eglise. Elle est à la source de toutes les autres vocations, qu’elles soient sacerdotales, religieuses, matrimoniales, ou que sais-je encore ! C’est l’appel premier qui nous est adressé à tous : celui à être nous-mêmes saints à l’image du Dieu Saint qui nous a appelés à la vie, appelés à être ses enfants. Tout part de là : de notre prise au sérieux de notre baptême, notre première vocation parce que c’est le jour premier où Dieu s’est adressé à nous. Dieu donnera toujours de saints prêtres, de saintes sœurs, des saintes familles, s’il trouve en chaque baptisé un saint.  Oui, nous devons montrer que nous sommes des baptisés heureux de croire en Dieu, heureux d’avoir Dieu dans leur vie ; des baptisés capables de reconnaître la trace de Dieu dans leur vie ; des baptisés attentifs aux appels de Dieu et du prochain. Si nous renonçons à croire que le baptême change la vie de celui ou celle qui le reçoit, nous avons déjà perdu. Si nous renonçons à croire que le baptême n’est que le premier appel que Dieu nous adresse, nous sommes déjà sourds à tous les autres appels qu’il pourra nous adresser. Si nous renonçons à croire que le baptême fait de nous des saints dès maintenant, nous avons déjà renoncé à avoir de saintes familles, desquelles pourront jaillir de saintes vocations particulières. 

            Oui, tout commence avec le baptême. Et c’est pour cela qu’il me semble particulièrement important de répondre à cette demande de l’Eglise pour le temps pascal : de préférer le rite de l’aspersion à tout autre rite pénitentiel pendant ces jours qui vont de la nuit de Pâques à la Pentecôte. Parce que notre baptême trouve sa source là, dans ce temps particulier durant lequel nous célébrons plus intensément encore la mort et la résurrection de Jésus. Si le baptême fait de nous des saints, dès que l’eau coule sur notre front, c’est parce que nous plongeons dans la mort avec Jésus pour revivre avec lui, toujours. Et un saint, ce n’est rien d’autre que cela : quelqu’un qui choisit de vivre avec le Christ, chaque jour de sa vie. Un saint n’est rien d’autre que quelqu’un qui reconnaît le Christ comme son seul vrai berger, celui qui le guide sur les chemins de la Vie éternelle. Notre vocation première, c’est d’être saint parce que Jésus est saint, parce que Dieu est saint. Tout le reste n’est qu’une mise en œuvre de cette sainteté, c'est-à-dire le chemin le meilleur que nous aurons discerné, dans la force de l’Esprit Saint, pour toujours suivre au mieux le Christ qui veut notre bien, qui veut notre vie. Soyons saints et l’Eglise ne manquera jamais de rien, en tous les cas elle ne manquera jamais d’hommes et de femmes acceptant de donner leur vie pour le Christ et pour leurs frères. Amen.

samedi 17 avril 2021

3ème dimanche de Pâques B - 18 avril 2021

 Passons de l'ignorance à l'intelligence des Ecritures.






(Tableau de Duccio di Buoninsegna, Jésus ressuscité apparaît à ses disciples, XIVè siècle, 
Détail de la Maesta, Musée dell'Opera Metropolitana, Sienne)


        Nous sommes tellement pris dans les tourments de la crise sanitaire que d’autres événements, pourtant historiques, nous échappent complètement. Ainsi cette déclaration signée par le conseil permanent de la Conférence des évêques de France, intitulée Lutter ensemble contre l’antisémitisme et l’antijudaïsme sera la pierre de touche de toute fraternité véritable.  Elle a été remise le premier février 2021 au Grand Rabbin de France, au Président du Consistoire central et au Président du CRIF. Cette déclaration rappelle notre lien spirituel unique avec le judaïsme. Plus que jamais, écrivent les évêques, il faut rappeler l’importance des racines juives du christianisme. Nous ne pouvons pas considérer le judaïsme simplement comme une autre religion : les juifs sont nos ‘frères ainés’ (saint Jean-Paul II), nos ‘pères dans la foi’ (Benoît XVI). Souvenons-nous que Jésus, le Verbe de Dieu, a lui-même prié les Psaumes, lu la Loi et les Prophètes. Au cœur même de nos actions liturgiques et de notre prière personnelle, par la réception et la proclamation des textes de l’Ancien Testament, avec l’apôtre Paul, nous nous souvenons que ‘les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables’. 

          Si je vous en parle ce matin, c’est parce que la liturgie nous invite, par deux fois, à nous souvenir de cela et à ne pas nous servir des Ecritures pour condamner les Juifs à cause de la mort de Jésus. C’est le pape saint Jean XXIII qui, en 1962, a fait disparaître avec raison la mention des juifs perfides de la grande prière du Vendredi Saint. Ecoutons le témoignage du Christ lui-même tel qu’il nous est redonné par Luc dans l’évangile entendu ce matin. Il aurait dû éviter tout antisémitisme au sein même de l’Eglise. Luc écrit ceci : Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Ecritures. Il leur dit : ‘Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, à commencer par Jérusalem’. La mort de Jésus et sa résurrection ne sont ni un accident de l’histoire, ni un simple accomplissement de la volonté meurtrière de quelques-uns à l’égard de Jésus. La mort et la résurrection de Jésus étaient des incontournables pour que se réalise le projet de salut de Dieu, projet de salut intégral au sens où l’homme devait ainsi être définitivement et totalement libéré, y compris de la Mort et du Péché. Cette libération ne pouvait se faire sans que le Messie de Dieu, le Christ, n’affronte lui-même ces deux ennemis du genre humain et de Dieu : la Mort et le Péché. Cet affrontement était inévitable pour que nous puissions dire que nous sommes vraiment libres, vraiment sauvés. L’imputer à tout un peuple, parce que certains de ses chefs ont conduit à l’accomplissement de l’inévitable, est tout simplement hors de propos. Jésus ne le fait pas ; pas plus que ses Apôtres qu’il a envoyé pour témoigner de l’œuvre de salut réalisée par Dieu à travers lui. 

          Ecoutons bien Pierre dans son discours rapporté par le même Luc, dans son livre des Actes des Apôtres. Il commence par rappeler les faits : Hommes d’Israël, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères, a glorifié son serviteur Jésus, alors que vous, vous l’aviez livré, vous l’aviez renié en présence de Pilate qui était décidé à le relâcher. Vous avez renié le Saint et le Juste, et vous avez demandé qu’on vous accorde la grâce d’un meurtrier. Vous avez tué le Prince de la vie, lui que Dieu a ressuscité d’entre les morts, nous en sommes témoins. Et c’est ensuite que Pierre nous montre qu’il ne leur en tient aucune rigueur en deux temps : D’ailleurs, frères, je sais bien que vous avez agi dans l’ignorance, vous et vos chefs. Premier temps : appelleriez-vous ‘frères’ ceux que vous considérez comme meurtriers ? Je ne crois pas. C’est la première manière de Pierre de montrer que l’accusation faite par les générations suivantes de déicide ne tient pas. Et si certains n’en étaient pas convaincus, Pierre enchaine immédiatement avec un second temps : Mais Dieu a ainsi accompli ce qu’il avait d’avance annoncé par la bouche de tous les prophètes : que le Christ, son Messie, souffrirait. Peut-on honnêtement tenir rigueur à des hommes ignorants de l’accomplissement de la Parole de Dieu, maintes fois répétée par ses prophètes ? L’appel à la conversion qui suit : convertissez-vous donc et tournez-vous vers Dieu pour que vos péchés soient effacés, n’est pas à comprendre comme un appel à devenir chrétien au sens où nous l’entendons aujourd’hui. La séparation Juifs/Chrétiens n’est pas encore réalité à ce moment-là. C’est un appel à vivre ce que les Apôtres eux-mêmes ont vécu : un retour profond et véritable à Dieu. C’est un appel à vivre ce que Pierre a lui-même vécu, lui qui avait tout autant renié le Christ, par trois fois, au moment de son procès ! C’est un appel à comprendre ce projet d’amour de Dieu pour son peuple et à quitter les voies du péché pour une vie de justice. 

          Quand je constate qu’en 2021, il faut encore une déclaration solennelle des évêques de France pour nous inviter à lutter contre l’antisémitisme et l’antijudaïsme, je me dis que l’appel de Pierre à la conversion est toujours d’actualité… pour les disciples du Christ. Nous avons toujours à lutter contre nos vieux démons ; nous avons toujours à lutter contre notre propre ignorance du projet de Dieu ; nous avons toujours à travailler à l’œuvre de Dieu en établissant et en vivant une fraternité réelle avec tous les hommes, qu’ils soient chrétiens, croyants autrement ou non croyants. Là est la volonté de Dieu ; là sera le signe que nous avons compris que le Christ est vraiment ressuscité. A nous d’en être les témoins en nous faisant acteur intelligent de cette fraternité réelle. Amen.

samedi 10 avril 2021

2ème dimanche de Pâques B - 11 avril 2021

 Thomas, l'incrédule, vraiment ?




(L'incrédulité de saint Thomas, par un Maitre de Santo Domingo de Silas, Espagne, 12ème siècle, 
publiée par Rosa GIORGI, Saints et Symboles, Les clefs pour décrypter, éd. de La Martinière, Paris, 2011, p. 154)

          


            Nous arrivons aujourd’hui au terme de l’octave de Pâques, ce grand jour d’une semaine, qui nous a fait entendre chaque jour le mystère du Christ ressuscité, en nous rappelant que c’est aujourd’hui que cela s’accomplit pour nous. Et nous achevons ce grand jour par la lecture de l’Evangile de Jean qui nous raconte l’apparition de Jésus au soir de Pâques, d’abord puis huit jours après. C’est l’épisode bien connu où l’Apôtre Thomas fera profession de foi après avoir manifesté son doute. 

            Je n’aime pas que l’on se moque de Thomas, ni qu’il soit présenté comme l’incroyant. Parce que Thomas, dont le nom signifie Jumeau, c’est nous, c’est vous et moi. Il est notre Jumeau, il est le Jumeau de l’homme rationnel, qui veut bien croire, mais qui a besoin de l’expérience : Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas ma main dans son côté, non, je ne croirai pas ! Que n’avait-il dit là pour des générations de prédicateurs ! Comprenez, le pauvre n’a pas vraiment la foi puisqu’il veut voir pour croire ; ce qui est tout le contraire de la foi ! Peut-être… mais avouez que lorsque l’impossible (un homme qui était mort revient à la vie) devient possible, lorsque l’impensable (la mort n’est pas la fin de l’histoire d’un homme) devient réalité, il y a de quoi en perdre son araméen ! Thomas veut faire l’expérience du Ressuscité ; pourquoi n’y aurait-il pas droit après tout ? N’est-ce pas ce qu’on fait tous les autres huit jours avant lui ? 

            C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Si cette scène, rapportée par Jean, n’est pas une expérience de Jésus ressuscité, je ne sais pas ce que c’est ! Ecoutez encore : Il leur dit : ‘ La paix soit avec vous !’ Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Qu’est-ce qu’ils ont fait, les Dix qui étaient là, en l’absence de Thomas, si ce n’est exactement ce que Thomas demande pour lui : voir ses mains et son côté. Juste parce qu’il est absent à ce moment-là, il n’y aurait pas droit ? Mais écoutez encore : Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : ‘ Recevez l’Esprit Saint. A qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus’. Le premier geste que pose Jésus ressuscité, c’est de donner l’Esprit Saint à ses disciples. Cela simplifie quand même grandement les choses pour croire réellement que Jésus, celui qui était mort, est maintenant vivant ! l’Esprit Saint, c’est quand même Dieu présent dans notre vie. plutôt que de reprendre le pauvre Thomas et son incapacité à croire, nous pourrions regarder les autres d’un peu plus près. 

            Gardez en mémoire qu’ils ont vu Jésus ressuscité et ils ont reçu de lui la force de l’Esprit Saint. Or que se passe-t-il dans la semaine ? Ils disent à Thomas : Nous avons vu le Seigneur, sans toutefois réussir à le convaincre, alors qu’ils ont reçu la force de l’Esprit Saint. Et que se passe-t-il huit jours après ? Les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, encore. De quoi ont-ils peur puisqu’ils ont reçu la force de l’Esprit Saint ? Je veux bien que les hommes, nous, vous et moi, soyons appelés à croire sans voir, sur la foi du témoignage des Apôtres et de l’Eglise. Mais quand cette foi est encore mal assurée (je rappelle à toutes fins utiles qu’il faudra le souffle de l’Esprit au matin de la Pentecôte pour que les Apôtres sortent enfin), quand cette foi est mal assurée donc chez ceux qui doivent la transmettre, peut-on honnêtement reprocher au pauvre Thomas d’avoir du mal à croire ? 

            Saint Jean ne s’y trompe pas dans son évangile. Ecoutez bien la fin de notre passage de ce dimanche : Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence de ses disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous [qui n’étiez pas là et pour qui j’écris] croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom. Le signe de la profession de foi de Thomas qui s’écrie : ‘ Mon Seigneur et mon Dieu !’ fait partie de ces signes qui doivent éveiller en nous la foi. Des autres disciples, Jean rapporte seulement la joie qui fut la leur en voyant Jésus. De Thomas seul, il est dit qu’il posa une parole de foi : Mon Seigneur et mon Dieu ! 

            Cette belle page de l’Ecriture nous dit qu’il ne suffit pas de voir pour croire. Elle nous dit aussi qu’il ne suffit pas de dire que Jésus est ressuscité pour que les autres croient. Il faut plus que cela. Il faut la puissance de l’Esprit Saint, et peut-être surtout la conscience de la puissance de cet Esprit dans notre vie. Quand cette conscience est réelle, alors la mission devient possible ; quand cette conscience est réelle, alors la foi devient possible chez celui qui nous entend. Quand cette conscience de la puissance de l’Esprit Saint est réelle, alors tout devient amour et miséricorde. Alors les péchés peuvent être remis et le pardon devenir léger parce qu’il est donné dans la puissance du Ressuscité qui nous a tout pardonné en se livrant sur la croix. A la suite de Thomas, témoin du Ressuscité, croyons au Maître de la Vie plus fort que la Mort ; à la suite de Thomas, témoin du Ressuscité, rendons compte de l’espérance qui est nous. Toujours. Et le monde croira. Amen. 

samedi 3 avril 2021

Saint Jour de Pâques - 04 avril 2021

 Du cauchemar à la réalité : Jésus, celui qui était mort, est ressuscité ! 



(Tableau de Sieger Köder, Marie Madeleine au tombeau, 
publié dans Die Bilder der Bibel von Sieger KÖDER, éd. Schwabenverlag)


          Quelle belle page d’évangile que celle de ce matin de Pâques. Non pas seulement parce qu’elle annonce la résurrection de Jésus, mais parce qu’elle nous donne à contempler et à méditer le cheminement des disciples qui vont passer du cauchemar à la réalité : celui qui était mort est bien vivant ! Et tout cela, sans l’avoir vu, Jésus, le Ressuscité !           

Reconnaissons-le d’emblée : nous n’aurions pas fait mieux que Marie-Madeleine, ce fameux matin, si nous avions été à sa place et que nous avions encore en tête les événements qui se sont déroulés deux jours avant, à savoir la mort en croix de Jésus. Lorsque nous la rencontrons, Marie-Madeleine se rend au tombeau de grand matin : c’était encore les ténèbres, souligne Jean, sur la ville mais aussi dans le cœur de Marie-Madeleine. Jésus, ce n’était pas n’importe qui pour elle ; il avait changé sa vie. Sa tristesse est réelle, comme est réel le fait qu’elle soit inconsolable. Elle ne peut donc que mal voir et mal comprendre ce qu’elle va constater. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau, rapporte Jean. A l’horreur de la mort de Jésus, quelqu’un aura ajouté l’abject : le corps a été enlevé du tombeau, pense-t-elle et dit-elle aux disciples qu’elle est allée prévenir. Mais vous aurez noté que jamais il n’est dit par l’évangéliste qu’elle s’est penchée à l’intérieur du tombeau ou qu’elle y est entrée. Elle voit une pierre roulée, et cela lui suffit pour conclure que le corps de Jésus a été déplacé. Elle pensait sans doute avoir tout vu au moment de la crucifixion. Ben non, le cauchemar continue ! 

            Reconnaissons-le encore : nous n’aurions pas fait mieux que les disciples lorsque Marie-Madeleine les avertit de ce qu’elle a vu. D’ailleurs, les disciples eux-mêmes, à l’annonce de la nouvelle, ne font pas mieux que Marie-Madeleine. C’est la stupéfaction au point que deux d’entre eux, celui qui a renié et celui qui se tenait au pied de la croix, vont courir au tombeau. Pas un ne semble croire ce qu’elle dit. Surtout, pas un ne semble se souvenir des trois fois où Jésus a annoncé à ses disciples sa mort et sa résurrection. Pierre, Jacques et Jean ne semblent pas se souvenir, à ce moment précis, de l’événement de la transfiguration de Jésus qui était pourtant une annonce de la gloire de Dieu partagée par Jésus. Quand les ténèbres remplissent votre esprit et votre cœur, ces lumières lointaines autrefois révélées, ne semblent pas assez puissantes pour percer déjà la nuit. 

            Nous voici donc au tombeau avec Pierre et Jean. Aurions-nous fait mieux que Pierre, qui entre dans le tombeau ? Il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus. Mais c’est tout ce qu’il fait. Il voit, il constate, mais ne comprend pas. Si, comme le prétend Marie-Madeleine, le corps avait été enlevé, croyez-vous qu’un voleur aurait pris le temps de sortir le corps de ses linges et de bien plier ces derniers ? La conclusion tirée par Marie-Madeleine ne résiste pas aux constatations de Pierre. Mais Pierre ne sait que faire de ce qu’il voit à son tour. Aurions-nous compris, nous ? Et surtout aurions-nous fait aussi bien que Jean qui, entrant dans le tombeau à son tour, vit et crut ? Pour être clair, il ne croit pas ce qu’a dit Marie-Madeleine au sujet d’un enlèvement du corps ; non, il croit la réalité de ce qui s’est passé : Jésus, celui qui était mort, est vivant ! Il n’a pourtant pas vu autre chose que Marie-Madeleine (une pierre roulée) ; il n’a pourtant pas vu autre chose que Pierre (des linges bien pliés) ; mais ce qu’il voit, lui fait l’effet de la dernière pièce de puzzle qui manquait et qui permet de comprendre l’image dans son entier. Tout est remis à sa place dans son esprit. Tout ce qu’il a vu et entendu durant son temps de compagnonnage avec Jésus, s’éclaire d’un jour nouveau. En entrant dans le tombeau, il est sorti des ténèbres. En entrant dans le tombeau, toute la lumière s’est faite dans son esprit. Mais oui, c’est ça, bien sûr ! Comment n’y avions-nous pas pensé avant ? 

            Nous ne connaîtrons jamais l’intensité des émotions qui ont traversé Jean quand il a réalisé que Jésus était vraiment ressuscité. Mais nous pouvons, comme lui, nous faire disciples du Christ, c'est-à-dire relire tous les événements de sa vie terrestre, pour les comprendre dans leur sens profond, ce sens qui nous fait croire, sur le témoignage de ses premiers Apôtres, que Jésus, celui qui était mort, est bien vivant. Nous pouvons passer de la sidération du Vendredi Saint devant la mort de l’Innocent à la foi de Jean dans ce tombeau, et croire que Jésus est plus fort que la mort, croire que la vie belle qu’il nous avait promise, se réalise bien là, dans ce tombeau vide. Nous pouvons relire les Ecritures à l’aune de ce jour nouveau et comprendre, de la première à la dernière page qu’il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. Le projet de Dieu, ce n’était pas que Jésus meurt, mais qu’il donne sa vie librement pour la retrouver en Dieu et nous attirer vers lui. La résurrection de Jésus n’est pas un coup médiatique ; elle est la réalisation des promesses de Dieu à son peuple. Elle est l’annonce de notre propre destinée : nous sommes faits pour vivre avec Dieu, pour partager sa vie. La joie de la résurrection de Jésus est la joie de notre propre résurrection à venir. Nous pouvons désormais vivre avec cette certitude que la mort n’aura jamais plus le dernier mot. Nous pouvons désormais vivre avec cette certitude que le Mal est vaincu, définitivement, et que nous pouvons le vaincre, dans la puissance du Ressuscité. 

            Nous sommes ce matin, comme Marie-Madeleine, comme Pierre, comme Jean. Une merveilleuse nouvelle nous est parvenue : Jésus est ressuscité. Nous avons toute l’histoire de l’Eglise, toute l’histoire des Saints pour nous convaincre de cette réalité. Ferons-nous comme Marie-Madeleine qui, voyant les choses, en tire une conclusion erronée ?  Serons-nous comme Pierre, qui ne sait que faire de ce qu’il voit ? Serons-nous comme Jean qui se laisse saisir par ce qu’il voit et qui croit, sans plus de preuve, juste à la vue de ces signes ? Depuis le commencement de l’histoire de l’Eglise jusqu’à aujourd’hui, les signes sont nombreux que Jésus est ressuscité. Savons-nous les voir ? Savons-nous les interpréter de manière juste ? Ou nous faudra-t-il encore plus pour considérer comme véridique ce que certains, même parmi les croyants, ne considèrent que comme une belle histoire ? Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité pour que notre vie, ta vie, resplendisse de la gloire de Dieu. Quitte les ténèbres, viens à la lumière. Passe du cauchemar à la réalité : Jésus, celui qui était mort, est ressuscité. Alléluia. Amen.

vendredi 2 avril 2021

Vendredi Saint - 02 avril 2021

 Pour rendre notre vie plus belle, le Christ s'offre en sacrifice.



(Chemin de croix de Francis Schneider, 12ème station, église de Fort-Louis (67), 
photo de Bernard Wittmann et Jean-Michel Duband)



        C’est un paradoxe que nous célébrons aujourd’hui. Ce Jésus, qui voulait rendre la vie des hommes plus belle, s’offre en sacrifice sur la croix. Comment des hommes peuvent-ils se réjouir de la mort d’un innocent ? Comment des hommes peuvent-ils obtenir une vie plus belle en se livrant à l’abject ? Et pourtant… 

            Pourtant, le prophète Isaïe l’avait annoncé : Par suite de ses tourments, il verra la lumière, la connaissance le comblera. Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes. Caïphe avait donc raison lorsqu’il prophétisait avant la Passion : Vous n’y comprenez rien, vous ne voyez pas quel est votre intérêt :il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas ? Pourquoi faut-il toujours que quelqu’un meurt pour que les hommes comprennent ? Pourquoi faut-il toujours que quelqu’un meurt, pour que les hommes changent ? Pourquoi faut-il toujours que quelqu’un meurt ? 

            L’auteur de la Lettre aux Hébreux tente une réponse : Le Christ, pendant les jours de sa vie dans la chair, offrit, avec un grand cri et des larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect. Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. Mais cette réponse est-elle satisfaisante pour Marie et Jean qui se tiennent au pied de la croix ? Est-elle satisfaisante pour celles et ceux qui ont cru en lui ? Il faudra du temps pour qu’une telle réponse jaillisse et soit audible. Ce n’est pas le jour même de la mort que vous pouvez proclamer cela aux proches de l’innocent mis à mort. Non, en ce jour difficile, où l’homme ne comprend plus rien à l’homme, la seule attitude qui vaille est de se tenir là, devant la croix, aux côtés de Marie et de Jean. En ce jour difficile, où l’homme ne comprend plus rien à Dieu, la seule attitude qui vaille, c’est le silence, pour espérer entendre encore, entendre à nouveau la voix de Dieu qui parle dans le silence de notre cœur. 

            Il nous faut accepter, humblement, que Jésus se livre en sacrifice pour que notre vie devienne plus belle, sans chercher à comprendre tout de suite comment cela est possible. Il faut méditer ces événements, comme Marie l’a toujours fait pour tous ces événements qui concernaient son fils Jésus. Il nous faut accepter, comme Jésus lui-même avait accepté au moment de son arrestation : La coupe que m’a donnée le Père, vais-je refuser de la boire ? Nous pouvons faire comme Pilate qui, bien que dépassé par les événements et manipulé par la foule, proclame malgré tout, la vérité qu’il aura saisi de ce procès, en faisant placer cet écriteau au sommet de la croix : Jésus le Nazaréen, roi des Juifs. Cela ne change peut-être rien aux faits qui viennent de se dérouler, mais la vérité est toujours bonne à prendre ; elle permettra de réfléchir, quand les cœurs seront apaisés, et que d’autres événements, tout aussi incompréhensibles, auront lieu. 

            Il nous faut accepter, humblement, et croire que Jésus se livre en sacrifice pour que notre vie devienne plus belle. Il nous faut accepter humblement, et vivre de telle sorte que ce sacrifice ne fut pas vain. Ce que Jésus nous offre dans sa mort, il faut une vie pour le comprendre. Ce que Jésus nous offre dans sa mort, il faut une vie pour l’accepter toujours mieux. Levons les yeux vers celui que nous avons livré à la mort ; gardons le silence ; et demandons à Dieu de mieux saisir encore son projet de salut pour nous. Il veut notre vie plus belle ; la croix dressée nous en montre désormais le chemin. Amen.

jeudi 1 avril 2021

Jeudi Saint - 01er avril 2021

Pour rendre notre vie plus belle, Dieu se fait serviteur.




(Le Lavement des pieds, Miniature de O. Khizanetsi - Matenadaran, Erevan - 1330,
reproduite par Nelda VETTORAZZO, Les principales fêtes chrétiennes, Centro Russia Ecumenica, 2007)




             Nous y voilà donc rendus, à ces fêtes pascales que nous avons préparé durant quarante jours. Nous y voilà donc rendus, à ce temps où Dieu lui-même vient rendre notre vie plus belle. Et reconnaissons que cela commence plutôt bien, puisque, ce soir, Dieu nous invite à son repas.

            C’est une vieille habitude de Dieu que d’inviter les hommes à manger ! Qu’y a-t-il de plus réjouissant que de se retrouver autour d’une même table pour un temps de partage, de fraternité ? Nous le sentons bien depuis plus d’un an maintenant, alors que les lieux de restauration, lieux de rencontres et de partage, nous sont interdits. Nous le sentons bien depuis plus d’un an maintenant, alors que, même en famille, les rassemblements festifs sont limités. Les repas de fête font partie intégrante de la vie des hommes, de leur bonne santé psychologique, et pour les croyants, de leur bonne santé spirituelle. Quand Dieu invite les hommes à table, c’est pour leur redonner la liberté ! Quand Dieu invite les hommes à table, c’est pour célébrer le bonheur retrouvé ! Quand Dieu invite les hommes à table, c’est pour rendre leur vie plus belle ! 

            C’était vrai au temps de Moïse avec ce repas pris à la hâte, la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main, prêts à partir sur un ordre de Dieu. Tout, dans l’ordonnancement de ce repas, indique son caractère particulier et festif. Car même s’il est pris en toute hâte, il reste le signe du passage de Dieu dans la vie des hommes. Ce n’est pas un repas égoïste, mais un repas partagé ! Ce n’est pas un repas fait juste pour nous rassasier, mais un repas plein de signes et de symboles, à revivre annuellement, pour ne jamais oublier que Dieu sert le bonheur et la vie de son peuple. Vous mangerez en toute hâte : c’est la Pâque du Seigneur. Je traverserai le pays d’Egypte, cette nuit-là… contre tous les dieux de l’Egypte j’exercerai mes jugements : je suis le Seigneur. Le sang sera pour vous un signe, sur les maisons où vous serez. Je verrai le sang, et je passerai : vous ne serez pas atteints par le fléau dont je frapperai le pays d’Egypte.  A ceux qui trouveraient que ce repas est quand même un peu sanguinaire (Je frapperai tout premier-né au pays d’Egypte, depuis les hommes jusqu’au bétail), nous rappellerons que Dieu avait envoyé son serviteur Moïse pour négocier la libération pacifique de son peuple, mais que le cœur endurci de Pharaon n’avait pas fait réussir ce projet. Quand Dieu se met au service du bonheur et de la vie de son peuple, rien ne peut se mettre en travers de sa route, surtout pas le mal. 

            C’est à un repas toujours que Jésus invite ses disciples, la veille de sa mort, pour sceller une nouvelle Alliance. Un repas au cours duquel il se livre lui-même, il se fait lui-même nourriture pour son peuple. Ceci est mon corps, qui est pour vous… Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Faites cela en mémoire de moi. Un repas que les disciples du Christ ont célébré fidèlement chaque dimanche depuis ce soir-là ; un repas qui nous fait participer aux noces de l’Agneau ; un repas qui est un avant-goût du bonheur que nous connaîtrons lorsque nous vivrons totalement en Dieu ; un repas qui nous donne la vie ; un repas au goût de liberté ; un repas qui célèbre le cœur de notre foi : chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne. 

            Ce repas que Jésus offre à ses disciples est aussi le repas du service. Nous l’avons entendu dans l’Evangile de Jean. Et même si ce soir, nous ne pouvons pas, à cause des normes sanitaires, vivre ce moment intense du lavement des pieds, le signe du service reste une exigence de ce repas. En Jésus, Dieu sert son peuple ; en Jésus, Dieu fait de son peuple un peuple de serviteurs. Notre rôle est de servir Dieu et les hommes. De servir le bonheur et la vie des hommes. Dieu sert la vie de son peuple en s’abaissant jusqu’à prendre la place du dernier des serviteurs. Même Dieu ne peut servir la vie de son peuple et se plaçant au-dessus de celui-ci. Pour notre vie, pour notre bonheur, Dieu s’anéantit. Et Jésus l’affirme : c’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. Nous ne pouvons pas, si nous voulons avoir part à la vie du Christ, nous affranchir de cet impératif du service, de cet impératif de l’anéantissement de nos sentiments de puissance et de domination. Nous ne pouvons servir la vie et le bonheur des hommes que dans l’humilité et dans l’abaissement. A ceux qui servent ainsi Dieu et leurs frères est promis le partage de la gloire de Dieu. 

            Quand Dieu nous invite à son repas, c’est toujours pour nous permettre de nous rapprocher de lui. Ce repas n’est pas une récompense ; il est le moyen sûr de rencontrer Dieu. Dans ce repas, Dieu se livre dans la Parole et le Pain, tous deux partagés largement pour le salut du monde. Soyons fidèles à ce rendez-vous ; soyons fidèles à suivre l’exemple du Christ ; servons Dieu et nos frères, pour leur vie et leur bonheur, comme Dieu lui-même nous sert, pour notre vie et notre bonheur. Amen.