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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







dimanche 25 décembre 2022

Nativité de notre Seigneur Jésus Christ - 25 décembre 2022

 Jésus, l'un de nous, tout en étant Dieu.

Je tiens à m'excuser auprès de mes lecteurs, mais pris par une grippe qui m'affaiblit, je n'ai pas d'autres homélies que celle que j'avais prévu pour la messe de la veille au soir.



(Généalogie de Jésus, Psautier Ingeburge, 1210)




            Ce n’est certes pas la lecture la plus passionnante de l’évangile, cette généalogie de Jésus rapportée par Matthieu au tout début de son œuvre, mais elle nous enseigne beaucoup sur celui qui vient au milieu de nous, en cette nuit de Noël. En fait, elle nous dit l’essentiel pour que nous ne nous trompions pas sur l’identité de celui qui se fait petit enfant. 

          La longue succession des générations, depuis Abraham jusqu’à Jésus, nous dit clairement et sans contestation possible, que Jésus s’inscrit dans une histoire qui a commencé bien avant sa naissance terrestre. C’est une histoire d’hommes et de femmes qui répondent à un appel de Dieu à vivre une alliance avec lui. Une histoire d’hommes et de femmes appelés à se laisser mettre en route à l’image de notre père Abraham ; une histoire d’hommes et de femmes appelés à laisser Dieu gouverner leur vie, à l’exemple du roi David qui tient de lui son pouvoir royal ; une histoire d’hommes et de femmes appelés à se laisser pardonner par Dieu pour lui être à nouveau fidèle à l’exemple de ce peuple revenu d’Exil. Malgré l’adversité, malgré les doutes qui le traverse, ce peuple est le peuple que Dieu s’est choisi. En envoyant son Fils unique dans ce peuple particulier, Dieu redit sa fidélité à son Alliance, alliance de salut et de vie pour tous ceux qui choisissent Dieu. 

          La longue succession des générations, depuis Abraham jusqu’à Jésus, nous montre aussi qu’avec lui quelque chose de neuf commence. Découpée en trois partie, la liste des ancêtres de Jésus marque les grandes étapes de la vie de ce peuple. Trois fois quatorze générations accomplies, ce qui fait qu’avec Jésus, une nouvelle ère commence, un nouveau monde advient. Cette nouveauté est marquée par la formule employée pour annoncer la naissance de Jésus, différente de la formule employée pour ces ancêtres. Là où il était dit que, par exemple, Abraham engendra Isaac, il est dit non pas que Joseph engendra Jésus, mais que de Marie fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ. La formule employée est un passif divin. Le lecteur de Matthieu comprend immédiatement que l’origine de Jésus, c’est Dieu. C’est lui qui a engendré Jésus dans le sein de Marie, comme nous l’apprend si bien le récit de l’Annonciation. Joseph, en entrant dans le projet de Dieu, devient le père protecteur de l’enfant nouveau-né. Cette longue généalogie nous apprend donc qu’il est d’un peuple ancien, certes, mais qu’il est aussi de Dieu, pour commencer un nouveau cycle de vie, une nouvelle création. Le nom que Joseph donnera à l’enfant dit clairement qu’il vient de Dieu pour sauver son peuple. Ce salut ne concerne pas la délivrance du joug romain, mais bien de ce joug fondamental qui tient l’homme loin de Dieu, le joug du péché : Tu lui donneras le nom de Jésus (c'est-à-dire le Seigneur sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. 

          Ayant entendu l’histoire de ce Jésus, et compris la portée salvifique de sa naissance, il nous revient de nous déterminer. Voulons-nous entrer, à notre tour, dans ce peuple sauvé par Jésus ? Voulons-nous avec lui bâtir le monde nouveau que sa naissance inaugure ? Dans notre monde en crise, les pistes, pour que ce monde devienne réalité, ne manquent pas : avec Jésus, il nous faut devenir artisan de paix ; avec Jésus, il nous faut annoncer le Royaume ; avec Jésus, il nous faut mettre l’autre, le petit, l’étranger, au cœur de nos préoccupations. Pour construire ce monde nouveau, il nous faut devenir pleinement humain à l’exemple de Jésus, pour retrouver en nous la trace de la divinité que le péché nous a fait perdre. Laissons Dieu nous engendrer à cette vie nouvelle qu’il commence en Jésus. Que les célébrations de Noël fassent de nous des disciples missionnaires, transformant d’abord leur vie pour transformer ensuite le monde en profondeur. Dieu ne sauvera pas ce monde sans nous, ni contre nous. Et nous ne sauverons pas le monde sans la force qui nous vient de Dieu. Amen.

samedi 17 décembre 2022

4ème dimanche de l'Avent A - 18 décembre 2022

 Joseph, ne crains pas ! 



(Arcabas, L'annonce à Joseph)



 

            Beaucoup de prédicateurs s’extasient sur la discrétion de Marie dans les évangiles, sur le peu de paroles qu’elle nous laisse et sur l’exemple qu’elle nous donne. Et ils ont sans doute raison. Mais il y a quelqu’un d’encore plus discret, quelqu’un dont on parle encore moins et qui a pourtant une place tout-à-fait singulière dans l’histoire du Salut : c’est Joseph. La liturgie de notre quatrième et dernier dimanche de l’Avent nous présente aujourd’hui celui que l’on n’attendait plus et qui pourtant peut tout faire basculer. 

            Remarquez la manière avec laquelle Matthieu introduit Joseph : Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph. C’est le projet de mariage entre Marie et Joseph qui permet à Matthieu de nous parler de cet homme discret. Les plus affutés d’entre vous diront qu’il en a déjà touché un mot dans les versets qui précèdent et qui forment la longue généalogie de Jésus. Elle se termine effectivement ainsi : Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ. S’en suit alors l’évangile entendu ce dimanche, appelé communément L’annonce à Joseph. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que cette annonce n’a rien d’un beau conte : là où ceux-ci nous ont habitués à la phrase type : ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants, Matthieu commence par jeter un pavé dans la mare : avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint. L’histoire a à peine commencé qu’elle peut déjà se finir dramatiquement. Tout va dépendre maintenant de Joseph. Au regard de la Loi, il devrait dénoncer publiquement celle qui est enceinte d’un autre que lui, et renvoyer celle dont tout le monde, à la vue de son ventre arrondi, pensera qu’elle a fauté. Mais nous dit Matthieu, Joseph, son époux, était un homme juste. Sans encore rien savoir de l’histoire, il décida de la renvoyer en secret. C’est là que Dieu, par son ange, intervient… enfin aurais-je envie de dire ! 

            Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse. N’ai pas peur, il n’y à rien de scandaleux ni de scabreux dans le fait qu’elle soit enceinte, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint. Enfin, le projet de Dieu est révélé à Joseph ; enfin son cœur peut s’apaiser ; enfin il peut être encore plus juste que ce qu’il avait décidé. Il peut entrer à son tour dans l’histoire du Salut des hommes, en jouant sa part, celle de père protecteur de l’Enfant à naître. Et les évangiles de l’enfance de Jésus nous montreront très vite à quel point Joseph devra s’engager pour protéger ce fils qui lui est donné en même temps qu’il est donné au monde : elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, (c'est-à-dire le Seigneur sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. En une seule phrase, l’ange du Seigneur convainc Joseph de faire ce qui est juste, parce que c’est ce que Dieu désire. Et le désir de Dieu ne concerne pas que ce couple singulier, mais toute l’humanité. Joseph voulait sauver Marie ; Dieu veut sauver l’humanité, en voulant avoir besoin des hommes, à travers Marie et Joseph, pour réaliser son projet de salut. De même que Dieu avait formé son projet originel de Création en appelant à collaborer avec lui le couple formé par Adam et Eve, de même a-t-il formé son projet de rédemption en appelant à collaborer avec lui le couple formé par Marie et Joseph. Nous comprenons là que Dieu ne fait rien sans l’humanité qu’il a désirée et créée. Nous comprenons, pour notre propre vie spirituelle, que Dieu ne fera rien sans nous. Il ne nous obligera jamais à faire ou vivre ce que nous ne voulons pas. Comme Adam et Eve, nous avons le pouvoir de résister à Dieu et de lui dire non ; comme Marie et Joseph, nous avons le pouvoir de collaborer avec Dieu et de lui dire oui. Le Oui de Joseph n'est pas verbal, puisqu’il dort quand l’ange du Seigneur lui apparut en songe. Le oui de Joseph se traduit par un acte clair sans aucun délai : quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse. Sans un mot, sans une question, sans regret. 

            Nous comprenons là que Joseph est un homme attaché à Dieu, comme son épouse d’ailleurs. Nous comprenons que sa justice réside dans cet attachement. Joseph devient le modèle du croyant qui fait confiance à Dieu, sans questionner le bien-fondé de sa méthode ou de son action. Dieu veut avoir besoin de lui ? Joseph se donne, dès lors qu’il a bien discerné que c’est là ce que Dieu attend de lui. Qu’il nous apprenne à entrer dans le projet que Dieu forme pour nous ; qu’il nous apprenne à agir sans délai quand Dieu a besoin de nous. Comme Joseph, ne craignons pas d’entrer dans le projet que Dieu porte pour nous : il est toujours projet de salut pour nous et pour tous les hommes. Amen.

samedi 10 décembre 2022

3ème dimanche de l'Avent A - 11 décembre 2022

 Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute !




(Jean le Baptiste s'interrogeant sur Jésus dans sa prison, Tableau de Simao Rodrigues, 1620, Portugal)




            Je ne cesse d’être surpris par la Parole de Dieu et par la manière dont elle m’accompagne et se révèle à moi. Ce qui hier était une phrase sans importance peut soudain travailler ma mémoire au point que je me demande pourquoi jamais auparavant tel verset ne m’avait interrogé. C’est comme si un verset semblait avoir été ajouté à un texte que je croyais connaître. En plus de trente années de sacerdoce, j’ai pourtant lu dix fois au moins chaque évangile de chaque dimanche. Et pourtant, je m’aperçois encore que des mots de Dieu m’étaient jusqu’à ce jour inconnus. Ainsi en est-il de ce verset de l’évangile de ce dimanche que je voudrais commenter : Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! 

            C’est la dernière parole de Jésus aux envoyés de Jean le Baptiste qui, du fond de sa prison, s’interroge : Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?  Jean le Baptiste devient ainsi un modèle pour tout croyant qui s’interroge aujourd’hui, alors que l’Eglise ne parvient pas à sortir de la crise qui l’ébranle profondément : ai-je misé sur le bon cheval ? N’ai-je pas tort de croire alors qu’il y a un tel fossé entre ce que je vois et ce que je crois ? Il faut se souvenir de la manière dont Jean le Baptiste parlait de la venue du Messie. Nous l’avons entendu dimanche dernier : Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. Reconnaissons qu’il est, dans son annonce, plus proche du grand nettoyeur que du grand guérisseur. Quand vous parcourez l’évangile de Matthieu pour contempler les débuts de la mission de Jésus, une fois passée la prédication de Jésus des chapitres cinq à sept, vous voyez Jésus guérir un lépreux, le serviteur d’un centurion romain, la belle-mère de Pierre, de nombreux malades et possédés qui viennent à lui, deux démoniaques au pays des Gadaréniens, un paralysé, une femme ayant des pertes de sang, deux aveugles, un possédé muet et je n’oublie pas qu’il a redonné vie à la fille d’un notable. Nous sommes quand même plus proche d’un hôpital de campagne que d’une société de nettoyage ! Jean le Baptiste se serait-il trompé ? 

            Dans sa réponse, Jésus, plutôt que de rappeler par le menu détail la longue liste que je viens de dresser, renvoie au prophète Isaïe qui donnait les signes concrets du salut réalisé par Dieu : les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, ls lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Jean le Baptiste ne s’est pas trompé sur la personne de Jésus : il est celui qui apporte le salut puisqu’il réalise tous les signes de la prophétie du prophète Isaïe. Jean s’est juste trompé sur la méthode. Là où il attendait un grand chambardement avec des colères et des jugements secs, il y a le chemin du salut proposé par Dieu qui consiste à accueillir sa grâce, à se laisser guérir par Dieu de ce qui fait obstacle à la vie, à reconnaître que la mort n’est pas le dernier mot de l’histoire des hommes. A la place d’un feu qui détruit, il y a une parole qui sauve, qui redonne confiance, qui oriente la vie et le regard des hommes vers Dieu. Jésus lui-même confirme aux foules que Jean le Baptiste est bien son précurseur quand il affirme : c’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi. Et Jean le Baptiste a fait le job : il a des disciples qui le suivent, il y a des gens qui se sont convertis à son appel. Reste à Jean le Baptiste à se convertir lui-aussi à la méthode de Dieu, au projet de Dieu pour les hommes : il n’est pas celui qui détruit, il est celui qui sauve ! C’est ainsi que je comprends cette béatitude que je n’avais jamais remarqué auparavant : Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! 

            Jésus affirme que c’est bien autour de sa personne que s’opèrera le jugement. Jean le Baptiste, comme tout un chacun, doit se décider pour ou contre Jésus. Je n’ai pas de doute que la réponse qu’il aura reçue de ses envoyés l’aura réconforté et qu’il aura gardé son espérance dans la venue du jour du Dieu. Ce passage nous montre que chacun peut, à un moment donné de son histoire, se trouver confronté au doute. Plutôt que d’abandonner, cherchons comme Jean une réponse à nos doutes, en nous faisant aider par d’autres quand notre doute nous retient prisonnier ; avec eux, relisons l’œuvre de Jésus et confrontons-la, non pas à nos attentes, mais aux promesses que Dieu a faites à nos Pères dans la foi. Nous trouverons en Jésus, dans son enseignement et dans ses œuvres, la lumière nouvelle qui redonnera à notre foi sa force et à notre espérance son horizon : le Seigneur vient nous sauver, il n’abandonne personne. Il n’y a pas de prison assez sombre qui ne puisse être traversée par sa lumière. Avec Jean le Baptiste, réjouissons-nous de ce Dieu qui vient prendre soin de nous ; réjouissons-nous de ce Dieu qui vient nous offrir son salut. Amen.

2ème dimanche de l'Avent A - 4 décembre 2022

 Participant au congrès de l'Office Catholique pour l'Enseignement Catholique qui se tenait à Marseille du 30 novembre au 3 décembre, je n'ai pas pris le temps de rédiger d'homélie, pris par les soucis de retrouver un train qui me ramènerait chez moi après que le mouvement de grève ait annulé celui que j'avais prévu de prendre. Je m'en excuse auprès de vous.

samedi 26 novembre 2022

1er dimanche de l'Avent A - 27 novembre 2022

 Venez ! Veillez ! Tenez-vous prêts !




(source : https://www.guyane.catholique.fr/)


        
        En ce premier dimanche de l’Avent, premier dimanche de l’année liturgique, l’Eglise, par sa liturgie, nous rappelle trois attitudes fondamentales de toute vie de foi, qui tiennent en ces mots entendus  dans nos lectures : Venez, veillez et tenez-vous prêts ! Ces trois attitudes peuvent sembler contradictoires, mais en réalité elles sont plutôt trois facettes d’un unique nécessaire : devenir disciple du Christ. 

            Venez ! Beaucoup pensent que la foi résulte d’un mouvement de Dieu qui vient vers l’humanité. Ils n’ont pas tout-à-fait tort, puisque c’est le sens du cri de l’homme vers Celui que Dieu envoie. De nombreux chants de ce temps de l’Avent en témoigne ; je ne citerai que « Viens, Emmanuel, viens nous sauver ! » par exemple. C’est aussi le cri du croyant chrétien qui attend le retour du Christ, le cri qui conclut toute la Bible : Amen ! Viens, Seigneur Jésus ! Pourtant, il ne nous faut pas oublier que la foi est aussi réponse à ce Dieu qui vient, et qu’il nous faut aller vers lui. Nous sommes en route vers lui, vers le Royaume où il nous attend. Si Dieu vient vers nous, c’est pour que nous venions à la foi. La foi passe par les pieds, par un mouvement de tout le corps. Quand Dieu vient à la rencontre des hommes, nous ne pouvons rester statiques, assis confortablement chez nous ! Souvenez-vous de Zachée dont nous avons entendus il y a quelques temps la rencontre avec Jésus : ayant appris que Jésus passait par Jéricho, il s’est mis en route pour le voir, et comme il était de petite taille, il a grimpé sur un arbre. Il ne s’attendait pas à la suite, mais c’est sa mise en route qui a provoqué sa conversion. S’il n’était pas sorti de chez lui, s’il ne s’était pas mis en route, personne sans doute n’aurait conduit Jésus à Zachée. Il suffit de voir leur réaction lorsque Jésus s’invite chez lui.  

            Veillez ! Cette deuxième attitude peut sembler contradictoire avec la première. La veille, c’est ce que nous faisons chez nous. Nous attendons, nous restons éveillés pour ne pas rater celui qui doit venir. Nous retrouvons dans cette invitation l’importance de la prière qui nous met en état de veille. Scrutant les Ecritures, entrant dans un cœur à cœur avec Dieu, nous entrons dans cette veille. Mais veiller est aussi nécessaire lorsque nous décidons de venir vers Dieu. Il s’agit alors de ne pas nous tromper en chemin, de discerner ce que Dieu attend de nous, pour que nous soyons des disciples selon son cœur. Cela signifie que je ne cours pas vers Dieu les yeux fermés, mais je veille à mettre mes pas dans les pas de Dieu. Il est facile de se tromper, il est facile de tomber en chemin. Il faut une vigilance accrue lorsque l’on décide d’aller à la rencontre du Seigneur. La parabole des jeunes filles invitées à la noce et qui attendent l’époux qui tarde à venir, est riche d’enseignement. Celles qui ont manqué d’huile, ont manqué de vigilance ! Ce qui nous amène au troisième terme. 

            Tenez-vous prêts ! Que Dieu vienne à notre rencontre, c’est une certitude. Que le Christ revienne un jour, c’est tout l’horizon de notre foi. Si nous ne croyons pas qu’il reviendra dans sa gloire, nous sommes les plus à plaindre des hommes. Notre foi s’appuie sur cette espérance, fondée elle-même sur la promesse de Jésus : Je pars, mais je reviendrai vous prendre avec moi, et là où je suis, vous y serez aussi ! Nous ne pouvons pas perdre cette espérance. Nous ne pouvons pas vivre comme si Jésus ne revenait pas. Notre mise en route à la rencontre de celui qui vient, notre vigilance sur le chemin doivent se concrétiser dans cet appel de Paul aux chrétiens de Rome : Revêtez-vous du Seigneur Christ ! Voilà sans doute l’aboutissement le plus parfait de l’injonction à nous tenir prêts. Nous serons prêts à accueillir le Christ, nous serons prêts pour le Royaume, lorsque nous serons totalement configurés au Christ, mort et ressuscité pour notre vie. Jésus et nous, même combat ! 

            Venez ! Veillez ! Tenez-vous prêts ! Vous comprenez mieux pourquoi le message de ce premier dimanche de l’Avent est si riche. Nous ne pouvons pas séparer ces trois attitudes les unes des autres. C’est le mouvement qui me met en route qui me fait être vigilant et qui témoigne que je suis prêt à être disciple. Je ne suis sans doute pas parfait, mais plus je suis vigilant, plus je serai prêt à revêtir le Christ et à marcher vers lui et le Royaume où je me sais attendu et aimé. Invitons-nous les uns les autres, au cours de cet Avent ; n’hésitons pas à proclamer ce : Venez ! Veillez ! Tenez-vous prêts ! Et n’oublions pas que s’il compte pour les autres, il compte aussi et d’abord pour nous. Amen.

samedi 19 novembre 2022

Christ, Roi de l'univers - 20 novembre 2022

 Que Dieu nous révèle la royauté de son Christ !




(Fatima, Croix de la nouvelle basilique, photo prise lors d'une session du CIM)



            Observez bien la scène : au centre, Jésus crucifié, flanqué de deux autres condamnés. Au-dessus de sa tête, une inscription : Celui-ci est le roi des Juifs. Au pied de la croix, Marie et Jean ; un peu plus loin, le peuple qui restait là à observer. Ecoutez le silence de Marie et Jean entrecoupé très probablement de sanglots ; écoutez ceux qui tournent Jésus en dérision : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Elu ! » Ecoutez les soldats qui se moquaient aussi de Jésus : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » Ecoutez enfin les deux autres condamnés, l’un se joignant à ceux qui se moquent : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » ; l’autre confessant Jésus : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ». Ayant pris le temps de bien planter le tableau, dites-moi comment il a fait pour dire cela ?

            Dans aucune version de l’Evangile, que ce soit celle de Matthieu, de Marc, de Jean ou de Luc que nous venons d’entendre, il n’est dit que Jésus avait croisé la route de ces deux hommes, hormis à ce moment précis de l’exécution des sentences. Que le premier se moque avec les autres, ce n’est que logique : à entendre ce qui est dit par ceux qui ont provoqué l’exécution de Jésus, il saisit l’occasion d’un bon mot et peut-être la chance de pouvoir s’en sortir si jamais ce qu’il entend était vrai, si jamais Jésus parvenait à se détacher de sa croix. Si tu t’évades, emmène-nous ! De mémoire de condamné, personne n’a jamais vu cela ! D’où la réaction de l’autre larron : Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. Au mal de l’injustice, il ne rajoutera pas le mal de la moquerie, il n’enfoncera pas celui qui souffre injustement à ces côtés. Il va même jusqu’à confesser, c'est-à-dire à reconnaître pour vrai, ce que les chefs disaient pour se moquer de Jésus : celui qui est avec eux en croix est le Messie de Dieu.  « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ». Dites-moi comment il a fait pour dire cela ? 

            Je n’ai pas d’autre explication que celle que l’Evangile donne à un autre moment de l’histoire de Jésus, quand Pierre confesse que Jésus est le Christ, le Messie de Dieu. C’est ce fameux moment où Jésus interroge ses disciples : Aux dires des gens, qui suis-je ? Et vous que dites-vous ? Pour vous qui suis-je ? Quand Pierre affirmera : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant, Jésus lui répondra : Heureux es-tu, Simon, fils de Yonas, car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux (Mt 16,17). Nous voyons là que Dieu se révèle, et qu’il révèle son Fils Jésus, à qui il veut, quand il veut. Celui que nous ne connaissons que sous le vocable de bon larron nous fait découvrir qu’il n’est jamais trop tard pour s’ouvrir à la grâce de Dieu. Et si aucun des deux malfaiteurs ne portent de nom, c’est peut-être pour nous faire comprendre qu’ils sont les archétypes de l’humanité qui, quand vient le moment ultime de la vie, peut choisir de se moquer de Jésus ou au contraire confesser Jésus comme Sauveur. Le Christ gouverne le monde, c’est notre foi, et la croix n’est pas le signe de l’échec de cette royauté. La croix nous montre juste que la royauté du Christ ne s’exerce pas à la manière des hommes, par la force. La royauté du Christ de manifeste paradoxalement dans le retournement de ce cœur de malfaiteur qui reconnait son mal et le bien fait par autrui. La royauté du Christ se manifeste paradoxalement sur la croix, quand Jésus semble anéanti et que le bon larron dit croire à son retour. La royauté du Christ se manifeste paradoxalement au cœur de la violence des hommes dans cette affirmation du Christ : Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. La royauté du Christ se manifeste paradoxalement par le signe de la croix, instrument de sa mort devenu sceptre de sa victoire. 

            Dans la tempête sans fin que traverse l’Eglise de France en général, et l’Eglise qui est en Alsace en particulier, il nous faut, comme le bon larron, reconnaître que le Christ gouverne le monde, malgré tout, sinon comment tenir ; sinon comment croire encore ? Pour qu’il gouverne le monde, laissons-le gouverner d’abord nos cœurs, pour que nous soit révélé le mal à combattre et la sainteté à accueillir toujours plus. En cette solennité du Christ, Roi de l’univers, je forme le vœu que Dieu lui-même nous révèle la royauté de son Fils pour que nous puissions en vivre et renouveler ainsi le visage de notre Eglise. Amen.


samedi 12 novembre 2022

33ème dimanche ordinaire C - 13 novembre 2022

 Appel à la confiance.




Il y aura des signes dans le ciel.
Tableau d'Yvette METZ, collection Les enfants d'Abraham



                Nous sentons que nous approchons de la fin de l’année liturgique. Les textes se font sombres ; le jugement est annoncé. Et pourtant, il y a en même temps comme une douce musique qui nous invite à la confiance et à l’espérance. Le jour du jugement arrive, mais avec lui vient aussi le Messie, le Sauveur, celui qui a offert sa vie sur la croix pour notre salut. 

            Entendons le prophète Malachie et son annonce du jour du Seigneur. Nous comprenons, sans difficulté, qu’un tri sera (enfin) opéré entre ceux qui commettent l’impiété et ceux qui craignent le nom de Dieu, les premiers réduits à l’impuissance, les fidèles accueillant la justice de Dieu. Comprenons bien aussi la notion de crainte du nom de Dieu ; elle n’a rien avoir avec la peur maladive de Dieu, mais avec le respect qui lui est dû par amour. Ceux qui aiment Dieu n’ont rien à craindre du jugement de Dieu. C’est une certitude qui doit nous habiter et ne jamais nous quitter. 

            Entendons aussi l’enseignement de Jésus que Luc nous rapporte dans l’Evangile proclamé en ce dimanche. S’il parle de prophètes de malheur, de catastrophes à venir, de persécutions, il invite malgré tout à garder confiance. Le disciple du Christ ne se laissera pas égarer par ceux qui annoncent la fin du monde : souvenons-nous que lui-même a dit ignorer quand ce jour viendra. Seul Dieu, son Père, le sait ! Le disciple du Christ ne se laissera pas davantage effrayer par les phénomènes naturels qui pourraient survenir, pas plus que par les persécutions dont il pourrait faire l’objet à cause du nom de Jésus. Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. Le nom de Jésus, à cause duquel le disciple véritable sera persécuté voire mis à mort, est plus puissant que tout ce qui peut s’abattre sur nous. Au-delà d’un réconfort donné par avance, Jésus nous invite à la persévérance. Sachons en qui nous avons mis notre confiance ! N’oublions pas le mystère de la croix qui nous vaut notre salut. Dans les tribulations qui pourraient encore survenir, gardons les yeux fixés sur Jésus Christ, mort et ressuscité pour notre vie. Dans les tribulations qui pourraient encore survenir, gardons le cœur ancré dans sa Parole. 

Nous ne pouvons pas éviter le jugement ; il fait partie des affirmations de notre foi : il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts, et son règne n’aura pas de fin. Mais nous pouvons nous préparer à ce jugement par une vie conforme au projet de Dieu pour nous. C’est une vie façonnée par la foi, l’espérance et la charité. Puisque tout nous a été donné, usons-en, abusons-en, et le jugement sera pour nous la reconnaissance du bien que nous avons essayé de faire, de la foi que nous avons proclamée et de l’espérance qui nous a fait tenir bon. Chrétiens, nous savons en qui nous avons mis notre confiance ; de quoi, de qui aurions-nous peur ? Paul l’a écrit dans sa lettre aux Romains : J’en ai l’assurance : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur (Rm 8, 38-39). Rien, sauf nous-même. Gardons les yeux fixés sur le Christ, les pieds solidement sur terre, et vivons, avançons à la rencontre de Celui qui vient accomplir notre espérance. Amen.

samedi 5 novembre 2022

32ème dimanche ordinaire C - 06 novembre 2022

 Le Dieu de notre aujourd'hui.





            Quelques sadducéens – ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus et l’interrogèrent. Rien qu’en entendant le début de l’Evangile, nous comprenons que cette rencontre est une rencontre hostile. Et l’histoire alambiquée qu’ils présentent à Jésus confirme que ces gens-là ne viennent pas vraiment s’instruire auprès de Jésus, mais bien porter en dérision une donnée de la foi qu’ils ne partagent pas. Une femme, sept frères, qu’elle a eu successivement pour époux conformément à une prescription de Moïse, et la seule chose qui les intéresse, est de savoir de qui elle sera l’épouse à la résurrection ! Sept frères, tous passés par le même lit, tous trépassés et pas un sadducéen pour s’interroger sur la femme et son éventuelle implication dans la mort de ses époux ? Je veux bien reconnaître que je suis fan de séries policières et que cela peut altérer mon jugement, mais quand même ! Après avoir entendu cette parabole, il m’est plus facile de croire en la résurrection des morts qu’en l’innocence de cette femme ! 

            Je reconnais que nous avons, vous et moi, un avantage certain sur les sadducéens ; nous connaissons la fin de l’histoire de Jésus. Nous savons, comme le proclamait le verset de notre alléluia que Jésus Christ est le premier-né d’entre les morts. Les sadducéens ne le savent pas encore, puisqu’au moment où ils viennent vers Jésus, il n’est pas encore mort sur la croix. Il vient juste d’entrer solennellement dans Jérusalem pour y partager sa dernière Pâque avec ses Apôtres. Nous sommes dans les jours qui précèdent l’arrestation et la condamnation de Jésus. Veulent-ils s’assurer déjà, en le piégeant avec cette histoire, qu'une fois qu’il sera mort, ils seront enfin débarrassés de lui ? Peut-être ! Rien ne le dit, mais rien n’empêche de le croire. La proximité des différents événements n’est sans doute pas un hasard. Puisque l’histoire pour moi est vraiment sans intérêt, intéressons-nous plutôt à la réponse de Jésus. 

            Il nous dit d’abord que la vie après la mort n’aura rien à voir avec la vie d’avant. Plutôt que d’essayer d’imaginer ce que cela pourrait être, ce qu’il y a à gagner ou à perdre à aller au Paradis, revenons à notre foi. Et puisque les sadducéens s’appuient sur la Loi donnée par Moïse pour piéger Jésus, c’est par la foi de Moïse que Jésus leur répond : Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. La question qui se pose alors à nous est la suivante : crois-tu cela ? Crois-tu que notre Dieu est le Dieu des vivants, c'est-à-dire le Dieu pour toi aujourd’hui ? Il n’est pas comme Hadès, dans la mythologie grecque, qui garde aux enfers les âmes égarées qui ne sont pas parvenues aux champs Elysée. Il n’est pas un Dieu pour plus tard, quand nous ne serons plus de ce monde. Il est le Dieu de notre aujourd’hui, le Dieu de notre vie, le Dieu de qui nous tenons la vie et vers qui nous allons pour vivre éternellement ! 

            Et c’est la seconde affirmation de Jésus dans sa réponse à ses opposants : Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. Est-il bien celui qui anime ma vie aujourd’hui ? Ai-je, chaque jour, le désir de vivre pour Dieu ? Est-ce bien lui qui donne sens à ma vie ? Pourquoi est-ce que je me lève chaque matin ? Pourquoi est-ce j’aime mon conjoint, mes enfants ? Est-ce juste pour moi ou pour eux ? Ou est-ce que j’aime ceux et celles qui partagent ma vie comme une extension de l’amour que je porte à Dieu et que Dieu me porte ? Est-ce que les autres sont pour moi le signe que Dieu est le Dieu des vivants, qu’il veut ma vie et mon bonheur, ici et maintenant, et qu’il me les offre à travers eux ? Chaque personne que je rencontre serait donc pour moi porteur de ce Dieu des vivants qui se révèle à moi par son Fils Jésus, Premier-né d’entre les morts, c'est-à-dire Premier des vivants. Quand je sais cela, quand je sais que le Dieu auquel je crois est le Dieu des vivants, comment ne pas être heureux de la vie qui est la mienne ? Je ne suis sans doute pas le meilleur, mais Dieu m’a fait tel que je suis, pour lui, pour les autres. Et quand je traverse un temps d’épreuve, je sais que je peux encore compter sur Lui, qu’il est là, qu’il veille sur moi, et qu’il me rend plus vivant que jamais. 

            Ce que nous rappelle Jésus, au-delà de la controverse avec les sadducéens, c’est que nous sommes faits pour la vie, la vie en plénitude. Puisque nous le reconnaissons dans la foi comme le Premier-né d’entre les morts, croyons aussi qu’il n’est pas le dernier-né d’entre les morts, et puisqu’il nous fait déjà vivre ici-bas, il nous fera vivre encore lorsque notre corps mortel parviendra à sa fin. En Dieu, tout est vie, même la mort. En Dieu, tout est vie, ici, maintenant et toujours. Amen.

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Pour prolonger l’homélie, nous pouvons écouter ce chant d’un confrère prêtre du diocèse : Tu es fait pour la vie.

Tu es fait pour la vie ! - Christophe Sperissen, The City of Prague Philharmonic Orchestra, Thierry Malet - Deezer

Tu es fait pour la vie ! - YouTube

lundi 31 octobre 2022

Toussaint - 01er novembre 2022

 Bonheur d'avoir / Bonheur d'être.




(Source : https://sainteannedebonlieu.catholique.fr/)




               Heureux ! En ces temps difficiles pour notre monde, comment ne pas être sensibles au désir de Jésus de nous vouloir heureux ? Le bonheur, en temps de crise économique, politique, sociétale et environnementale est-il seulement possible ? Partout nous pouvons sentir désarroi et incertitude quant à l’avenir, au point que de nombreux couples renoncent à donner la vie. Peut-on encore être heureux aujourd’hui ?  

            Pour répondre à cette question, peut-être faut-il s’interroger sur ce qu’est le bonheur ? Être heureux finalement, c’est quoi ? Mesurons-nous notre bonheur à l’épaisseur de notre compte en banque ? Ou préférons-nous vérifier sur les réseaux sociaux le nombre de follower ou d’amis supposés qui nous suivent ? Le bonheur se niche-t-il dans une belle maison ? des vêtements de marques ? une grosse voiture ? Je ne dis pas que cela ne se peut ; je fais juste remarquer qu’à placer notre bonheur dans des objets ou des personnes virtuelles, nous risquons d’être forts dépourvus quand la crise se fera plus dure encore. Le bonheur d’avoir est un bonheur passager, furtif, vite chassé par le désir d’avoir autre chose, d’avoir toujours plus. Nous prenons le risque de courir de bonheur en bonheur plutôt que d’essayer de vivre heureux. 

            Puisqu’il semble évident que le bonheur ne peut durablement exister dans l’avoir, il nous faut chercher un autre ressort pour être heureux. Jésus nous en donne des exemples, neuf au total. Sont proclamés heureux, les pauvres de cœur, ceux qui pleurent, les doux, ceux qui ont faim et soif de la justice, les miséricordieux, les cœurs purs, les artisans de paix, ceux qui sont persécutés pour la justice, et enfin ceux qui sont persécutés à cause de leur foi en Christ. Et là, ô surprise, nous nous rendons compte que sont proclamés heureux, non des gens qui ont quelque chose, mais des gens qui sont quelque chose. Le bonheur véritable, pour Jésus, c’est d’être quelque chose pour les autres, d’être quelqu’un qui sait être attentif aux autres, et attentif particulièrement à ceux qui souffrent. Pour être reconnu heureux par Jésus, il te faut être au service de celui qui ne peut rien pour toi et pour qui tu peux tout, et à défaut au moins un peu pour qu’il se sente moins seul ! Au bonheur d’avoir, Jésus préfère le bonheur d’être ! 

            En ce jour où nous célébrons tous les saints, nous célébrons autant de chemins possibles pour être heureux à la manière des saints. Bien que différents selon les époques, ces chemins ont quelque chose en commun. Ceux qui les ont suivis possédaient une seule chose, la seule nécessaire : un amour immodéré pour le Christ et pour les frères. C’est la seule possession qui nous permet d’être véritablement ce que Dieu attend de nous. C’est la seule possession qui nous permet véritablement d’être heureux ! Creusons notre désir du Christ, pour creuser notre désir de sainteté, et parvenir avec lui et tous les frères et sœurs qu’il met sur notre route au bonheur véritable : le Royaume où Dieu nous attend avec la multitude qui nous a précédés. Ce Royaume, nous le construisons dès maintenant, en étant heureux non pas d’avoir mais d’être au Christ et aux autres. Amen.

samedi 29 octobre 2022

31ème dimanche ordinaire C - 30 octobre 2022

 Quand Zachée, celui qui voulait voir, est regardé par Jésus.




(La conversion de Zachée)



            Qu’attend-t-il, Zachée, de Jésus, du haut de son arbre ? Pourquoi veut-il voir Jésus ? Est-ce un effet de simple curiosité ? Qu’a-t-il entendu ou qu’imagine-t-il à propos de Jésus, qui le pousse à faire l’enfant et à grimper sur un sycomore ? Nous ne le saurons jamais, mais cela peut nous faire réfléchir, et constater qu’il n’est pas le seul qui se contente de voir là où il aurait fallu regarder. Car ce qui se joue là est plus qu’un simple jeu de Pas vu, pas pris

            Je n’y ai pas vraiment été attentif auparavant, mais il y a bien une différence entre l’attitude de Zachée et de la foule d’un côté et celle de Jésus de l’autre. Reprenons l’histoire pour bien comprendre. Jésus passe par Jéricho ; il n’y a là rien d’extraordinaire. Des villes et des villages, il en aura parcouru quelques-uns durant son ministère. Et souvent, comme à Jéricho, une foule se presse autour de lui. Nous pouvons comprendre que Zachée ne veuille pas rater l’événement. Jésus est connu maintenant ; ses gestes, ses paroles en ont intrigué plus d’un. Et puis après tout, ce passage de Jésus devait être un événement pour beaucoup, vue la foule qui se pressait là. Ma question tient pourtant toujours, concernant Zachée : pourquoi veut-il voir Jésus ? Jésus, il faut l’entendre pour être bouleversé par son enseignement ; Jésus, il faut l’approcher pour espérer un geste, une attention, une guérison. Mais Zachée, qu’attend-t-il à vouloir juste, mais absolument, voir Jésus ? Que peut-il espérer à se cacher ainsi ? Il me fait penser à ces enfants qui vont se cacher la nuit de Noël, espérant voir le Père Noël déposer des cadeaux, mais cependant pas assez courageux pour aller vers lui. L’homme peut-il se contenter de juste voir Dieu qui passe dans sa vie ?  Zachée serait alors l’archétype de l’humanité qui veut voir sans plus s’engager. Voir, même de loin, c’est bien assez. 

            A ce petit jeu qui ne demande aucun engagement, la foule se débrouille très bien aussi. Certes, elle approche Jésus. Elle le voit bien, mais elle ne l’entend pas, elle ne le comprend pas. Quand Jésus s’invite chez Zachée, que fait-elle ? Luc nous le rapporte sans fioriture : Voyant cela, tous récriminaient : Il est allé loger chez un homme qui est un pécheur. La foule aussi se contente de voir. Elle s’arrête aux faits, sans chercher à comprendre, sans chercher à se laisser toucher, ni impressionner. Pourquoi se presse-t-elle autour de Jésus si c'est pour récriminer dès qu’il fait quelque chose qui peut surprendre ? Elle serait donc comme Zachée, juste intéressée par l’événementiel ? La foule serait alors l’archétype de ces hommes et de ces femmes, intéressés par la figure de Jésus, un homme extraordinaire en son temps, mais qui ne sont absolument pas intéressés par son message, par le fait qu’il soit Fils de Dieu, et qu’il invite tous les hommes à la conversion. Des lecteurs de Voici, Gala ou Closer, plutôt que de La Croix ou Le Monde. Plus intéressés par l’anecdote, le sensationnel, que par la réflexion, la prise de recul et l’analyse. 

            Entre les deux, il y a Jésus, qui lève les yeux et dit : Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. Il lève les yeux : c’est plus que voir ; quand on lève les yeux sur quelqu’un ou quelque chose, c’est pour le regarder, vraiment. Cela signifie que nous allons prendre du temps. Cela est renforcé par l’auto-invitation de Jésus chez Zachée. Il ne dit pas : il faut que je passe chez toi, comme en coup de vent, mais bien demeurer dans ta maison, qui suppose qu’il veut y prendre du temps. Là où les hommes ne veulent que voir, en vitesse, Jésus veut poser son regard et demeurer. Jésus ne passe pas dans nos vies pour nous voir, mais pour nous rencontrer, pour nous bouleverser, pour nous gagner à lui. Zachée ne s'y trompe pas, lui qui descend vite et reçoit Jésus avec joie. Il voulait juste voir ; eh bien il va voir ce qu’il va voir, et les autres aussi. Le fait que Jésus veuille prendre du temps avec lui, chez lui, fait ressortir le meilleur de Zachée, ce que personne n’avait osé imaginer, ce que personne n’a jamais voulu voir. Il est un homme, pécheur sans doute, comme les autres, mais un homme chez qui Jésus se plaît à aller ; il est un homme qui change dès lors que Jésus le regarde et s’intéresse à lui. Le regard de Jésus sur lui change du regard des autres sur lui, et de ce fait change le regard que Zachée lui-même porte sur lui. Il n’est plus obligé de se cacher dans un arbre ; il peut recevoir Jésus dans sa vie et avec lui, recevoir l’enseignement de Jésus qui change une vie, qui change sa vie. Voici Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. Nous pouvons comprendre mieux alors la réponse de Jésus : Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. 

En nous apprenant à regarder plutôt qu’à voir, Jésus nous apprend à dépasser nos jugements vite formulés. En nous apprenant à regarder plutôt qu’à voir, Jésus nous apprend à être encore mieux ses disciples. Pour regarder les autres, pour nous regarder en vérité, regardons d’abord Jésus et découvrons en lui celui qui est notre salut. Nous pourrons alors être de ceux qui révèlent ce regard de salut à celles et ceux que Dieu place sur notre route. Notre monde a plus que jamais besoin d’entendre que le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Donnons-lui à regarder des hommes et des femmes qui vivent déjà de cette espérance, et le monde se convertira. Amen.

samedi 22 octobre 2022

30ème dimanche ordinaire C - 23 octobre 2022

 De grâce, laissons le jugement à Dieu !





            Qu’est-ce qui ne va pas dans l’évangile de ce dimanche ? Qu’est-ce qui est choquant ? Est-ce la prière du pharisien qui étale ses mérites devant Dieu ? Est-ce le fait que le publicain, collecteur d’impôts, donc collaborateur de l’occupant romain, soit déclaré juste plutôt que le pharisien qui respecte pourtant scrupuleusement la Loi de Dieu ? Pour moi, rien de tout cela n’est choquant. Ce qui est choquant, c’est la raison pour laquelle Jésus raconte cette parabole. Et la raison, la voici : certains étaient convaincus d’être des justes et méprisaient les autres. Voilà ce qui est choquant selon moi. 

Comment pouvons-nous mépriser quelqu’un ? Comment pouvons-nous croire que nous vaudrions plus que les autres, ou que quelqu’un vaut moins que nous ? Ne sommes-nous pas tous égaux ? Ne sommes-nous pas tous faits de la même pâte ? Le mépris des autres, ajouté à la croyance que le groupe auquel nous appartenons vaut plus que les autres, a conduit à l’esclavage, au racisme, à la déportation de nos frères et sœurs juifs et autres (tziganes, homosexuels…) lors de la deuxième guerre mondiale ; et cela conduit aujourd’hui à une nouvelle guerre aux portes de l’Europe, pour ne prendre que notre continent. Les discussions qui vont s’ouvrir sur la fin de vie ne risquent-elles pas aussi de reproduire ce même travers, en identifiant des vies qui ne vaudraient plus d’être vécues et auxquelles nous pourrions alors mettre fin, sans nous sentir coupables, sous couvert d’un droit à mourir dans la dignité ? Le mépris de l’autre exclut ; le mépris de l’autre tue, même si ce n’est que socialement. C’est toujours dramatique. 

La réponse à cette attitude choquante est pourtant simple quand on est croyant : elle consiste à laisser Dieu, et lui seul, être l’unique juge en la matière, au moment qu’il aura fixé. N’écrivons pas l’histoire des hommes plus vite que Dieu. Le temps du jugement viendra ; mais ce temps ne nous appartient pas ; le jugement ne nous appartient pas. Voyez les deux hommes de la parabole ; à la fin de l’histoire, le juste n’est pas celui qu’on aurait cru au début. Dans la bonne société, le match pharisien contre publicain était clairement en faveur du pharisien. Ce qu'il dit des autres, il ne le fait pas, nous pouvons le croire sur parole. Il n’est ni voleur, ni injuste, ni adultère. Il jeûne bien deux fois par semaine et verse bien le dixième de tout ce qu’il gagne. Un homme parfait aux yeux de sa société. Il a tout pour lui, au contraire du publicain, dont le seul métier – collecteur d’impôts – le disqualifie aux yeux de son peuple, puisque sa fonction l’oblige à collaborer avec l’occupant romain. En d’autres temps, on en a tondu ou fusillé pour moins que ça. Et pourtant dit Jésus : Quand ce dernier (le publicain donc) redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que l’autre (le pharisien donc). Pourquoi cette différence de regard ? Parce que Dieu ne regarde pas comme nous. Il ne dit pas que ce que vit le pharisien est mauvais ; il dit que l’attitude du publicain, aux yeux de Dieu, est plus juste, plus ajusté à ce que Dieu attend des hommes. 

Là il me faut alors préciser, sans tarder, que Dieu n’attend pas de nous du misérabilisme (oh Seigneur, vois comme je ne suis pas bien du tout ; ce n’est d’ailleurs pas ce que fait le publicain), ni que nous n’étalions devant lui que nos défauts. Ce qu’il attend de nous, c’est que nous soyons vrais devant lui, sans nous comparer aux autres. Ecoutez ce que disait Ben Sirac le Sage : Le Seigneur est un juge qui se montre impartial envers les personnes. Il ne défavorise pas le pauvre. Il ne méprise pas la supplication de l’orphelin. Le publicain, dans son attitude toute faite de contrition, sera écouté, parce qu’il a besoin du regard favorable de Dieu sur sa vie pour sortir de sa condition de pécheur : Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis ! Ecoutons encore Ben Sirac : Celui dont le service est agréable à Dieu est bien accueilli, sa supplication parviendra jusqu’au ciel. C’est le pharisien qui aurait dû se souvenir de ce passage de l’Ecriture. Car nul doute que son service (son jeûne et son partage) est agréable à Dieu ; mais il a du mépris pour les autres hommes qui ne sont pas aussi bien que lui, qui sont comme ce publicain. Et surtout, il n’attend rien de Dieu ; il ne fait aucune demande ! Comme les hommes de son temps, Dieu voit et apprécie ce que ce pharisien fait de positif (jeûne et partage) ; mais il entend aussi le mépris affiché envers ceux qui ne sont pas et ne font pas comme le pharisien. Celui qui se place au-dessus des autres devant Dieu ne peut pas être reconnu comme un homme juste. 

Ecoutez Paul, pharisien, fils de pharisien, dans sa lettre à Timothée. On pourrait croire qu’il se vante en disant tout ce qu’il a bien fait : J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de justice. Il ne fait que dire ce qui est vrai, comme le pharisien de la parabole. Mais, à sa différence, il ne méprise personne, il ne dit pas qu’il est le seul à avoir fait ainsi. Ecoutez-le bien : Le Seigneur, le juste juge, me la remettra (la couronne de justice) en ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront désiré avec amour sa Manifestation glorieuse. Et concernant ses adversaires, il ne demande ni leur défaite, ni leur anéantissement : La première fois que j’ai présenté ma défense, personne ne m’a soutenu : tous m’ont abandonné. Que cela ne soit pas retenu contre eux. Une demande adressée à Dieu qui sera entendue et exaucée. Bien que pharisien, vivant sa foi avec ardeur et sérieux, Paul sera reconnu comme un homme juste. Sa prière est ajustée à sa vie ; sa prière est ajustée à sa foi en Dieu qui a envoyé son Fils pour sauver les pécheurs : d’où sa demande envers ceux qui l’ont abandonné. 

Le pharisien de la parabole n’a pas vu son attitude ne pas être reconnu juste parce qu’il est pharisien, mais parce que ni son regard, ni sa prière ne sont ajustées au Dieu qu’il sert ; il n’a pas besoin de Dieu ; son refuge, ce sont ses actes de piété. Le publicain n’est pas reconnu juste parce qu’il est publicain, il est reconnu juste parce que sa prière est ajustée au Dieu auquel il s’adresse ; c’est le Dieu qui prend pitié, le Dieu qui invite à la conversion, le Dieu juste qui juge avec justice. Comme le psalmiste, il a su reconnaitre en Dieu le Seigneur qui rachètera ses serviteurs ; il se souvient qu’il n’y a pas de châtiment pour qui trouve en Dieu son refuge. Faisons de même, ajustons-nous à la justice et à la bonté de Dieu ; plaçons notre confiance en lui sans renoncer à vivre conformément à notre foi, sans orgueil et sans mépris pour ceux qui ont plus de difficulté. Et surtout, de grâce, laissons Dieu, et lui seul, être notre juge et celui de toute l’humanité. Nous nous en sortirons tous bien mieux. Amen.

samedi 15 octobre 2022

29ème dimanche ordinaire C - 16 octobre 2022

 Demeure ferme dans ce que tu as appris.



(Rouleau de la Torah, source internet)


            Bien-aimé, demeure ferme dans ce que tu as appris. Cette interpellation de Paul adressée à son ami Timothée, comment ne pas l’entendre ? Comment surtout ne pas la recevoir pour nous, personnellement ? Dans un monde qui vit dans un changement perpétuel d’opinion, où les influenceurs se succèdent à une vitesse vertigineuse, un appel à un peu de stabilité semble bienvenu. Cette stabilité ne concerne pas une opinion, ni un régime alimentaire, ni un régime politique : non, il parle de la stabilité de la foi. 

            Pour appuyer sa demande, Paul indique une chose qui ne change pas et sur laquelle Timothée, mais aussi chaque croyant, peut se reposer : la Parole de Dieu, les Saintes Ecritures. Elles ne changent pas au gré des révélations dont bénéficierait tel ou tel voyant ou voyante. Les Saintes Ecritures ne changent pas davantage parce que notre monde aurait changé d’époque ou de civilisation. Elles ne sont pas sujettes à ajustement parce que le monde ne pourrait plus les comprendre, voire pire parce que le monde voudrait entendre une autre parole, une parole qui justifierait ses orientations et ses errements. La Parole de Dieu accompagne l’homme, tout homme, non pour justifier ses nouveaux choix mais pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice. Les Saintes Ecritures dérangeront donc toujours celles et ceux qui ne veulent pas que le peuple soit enseigné, éclairé sur le projet de Dieu pour toute l’humanité et qui préfèrent le laisser dans l’ignorance ou le taxer d’affreux conservateur quand il se réfère à la Parole de Dieu. Les Saintes Ecritures dérangeront toujours celles et ceux qui s’enfoncent dans le mal. Les Saintes Ecritures dérangeront toujours celles et ceux qui veulent tordre la vérité sur Dieu et sur l’humain. Les Saintes Ecritures dérangeront toujours ceux qui refusent la justice à celles et à ceux qui sont maltraités et opprimés. Nous entendons là un appel puissant à garder ce trésor de la foi et à conformer notre vie à cette Parole. 

            Cette Parole de Dieu est une parole vivante. Elle ne peut être enfermée dans des livres si beaux soient-ils ! D’où la seconde invitation de Paul à Timothée : Proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. C’est donc une Parole à dire, toujours, à discuter toujours. Si la Parole de Dieu cessait d’être dite et discutée, elle serait une lettre morte écrite dans une langue morte. Proclamée, discutée, travaillée, elle devient une Parole vivante, écrite dans une langue vivante, celles des hommes et des femmes qui justement s’en saisissent pour mieux la comprendre et mieux la vivre. Nous devons nous encourager les uns les autres à écouter cette Parole, à la partager, à la travailler. Dans un monde en perpétuel changement, nous ne saurons être stables dans notre foi sans faire l’effort de ce travail sur la Parole de Dieu. Il ne s’agit pas de réécrire ce que Dieu a dit. Dieu a parlé à nos pères par les prophètes, comme le dit si bien l’auteur de la lettre aux Hébreux. Mais dit-il encore, à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils qu’il a établi héritier de toutes choses. La longue Tradition de l’Eglise nous enseigne que Dieu a ainsi tout dit en Jésus, le Christ. Il nous faut maintenant et sans cesse, nous saisir de cette Parole et la faire retentir encore et toujours, pour que le monde puisse croire et s’ajuster à cette Parole. 

            Quand nous regardons vers l’orient de notre Europe, comment ne pas croire que la Parole de Dieu, Parole de Paix entre les peuples, doit encore retentir aujourd’hui, alors que la guerre fait rage là-bas ? Quand nous regardons notre monde, où tant d’hommes, de femmes et d’enfants souffrent de la faim alors que d’autres gaspillent plus qu’il n’en faut, comment ne pas croire que la Parole de Dieu, Parole qui invite au partage équitable, doit encore retentir sur notre vieux continent qui jette plus de nourriture qu’il n’en consomme ? Quand nous regardons notre monde où les droits humains sont encore trop bafoués en de nombreux lieux, comment ne pas croire que la Parole de Dieu, Parole qui appelle à la fraternité véritable, doit encore retentir aux oreilles de ceux qui nous gouvernent pour que le respect absolu de tous devienne une réalité ? Quand nous regardons notre monde devenir hostile à l’homme parce qu’il ne respecte plus la nature, comment ne pas croire que la Parole de Dieu, Parole qui fait l’humanité co-responsable de la création de Dieu, doit encore être proclamée à temps et à contretemps pour que l’humanité comprenne enfin l’urgence de modifier notre rapport à la nature et à l’usage que nous en faisons ? 

            En ces domaines et en bien d’autres encore, il nous faut demeurer fermes dans ce que nous avons appris. Les Saintes Ecritures, bien qu’anciennes en leur rédaction, conservent leur éternelle jeunesse puisqu’elles nous redisent le projet toujours actuel de Dieu pour nous : c’est un projet de vie, de bonheur et de salut pour toute l’humanité. Ne faisons pas taire la Parole de Dieu, ni dans notre vie, ni dans notre monde : nous avons besoin d’entendre Dieu nous redire qu’il nous aime, qu’il nous a fait pour la vie et qu’il veut notre bonheur, ici, maintenant et toujours. Amen.

samedi 8 octobre 2022

28ème dimanche ordinaire C - 09 octobre 2022

 Rendez grâce en toute circonstance.




(La guérison des dix lépreux, Codex Aureus d'Echternach, 
Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum)




        Rendez grâce en toute circonstance : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus. Cette phrase, nous l’avons entendu juste avant la proclamation de l’Evangile. C’est le verset qu’encadrait notre Alléluia. Il y en a un avant chaque évangile ; il nous donne une indication sur la manière de comprendre le texte proclamé par le diacre ou le prêtre. Aujourd’hui, il est une invitation à l’action de grâce permanente. Nous le comprenons bien lorsque nous voyons revenir vers Jésus un des dix lépreux guéris. Un sur dix seulement qui vient rendre grâce à Dieu ! Est-ce à dire que les autres sont ingrats, incapables de dire merci, de rendre grâce à celui qui a rendu la guérison possible ? 

Je n’irai pas jusque-là, parce qu’il me faudrait alors vous rendre attentifs au fait que celui qui revient vers Jésus est aussi celui qui désobéit à l’ordre donné par Jésus et par la Loi. A leurs cris de détresse : Jésus, maître, prends pitié de nous, Jésus répond par un ordre clair : Allez vous montrer aux prêtres. Ce que les neuf autres auront fait, je n’ai pas le moindre doute à ce sujet. Ils auront respecté en tout ce que la Loi prescrivait en cas de guérison de la lèpre. Puisque la maladie était considérée comme une « punition » venant de Dieu pour un péché personnel ou un péché des ancêtres, et de ce fait excluait de la communauté croyante, alors la guérison se devait d’être « validée » par les autorités religieuses pour que le guéri soit réintroduit dans la communauté croyante. Le chapitre 14 du livre du Lévitique donne toutes les étapes de cette purification à faire. Le dixième lépreux ne l’aura pas fait ; ou plutôt, il aura reconnu par avance en Jésus, le Prêtre parfait qui par son sacrifice purifie l’humanité et la sauve, en la réintroduisant dans une Alliance nouvelle et éternelle avec Dieu. N’est-ce pas très concrètement ce que nous vivons en chaque eucharistie ? Action de grâce par excellence du peuple des baptisés, l’eucharistie est pour chacun de nous l’occasion de rendre grâce à Dieu pour tout ce qu’il accomplit pour nous, en Jésus. Le chant de la préface, qui ouvre la grande prière eucharistique, souligne les nombreuses raisons que nous avons de rendre grâce à Dieu pour ce qu’il fait pour nous, par Jésus, son Fils. La structure même de l’eucharistie peut ainsi nous apprendre à rendre grâce en toute circonstance, de la manière la plus juste possible. Mais il y a, me semble-t-il, une étape à ne pas rater avant. 

Cette étape est celle qui pose le plus de question à l’homme contemporain. Pour beaucoup, elle est une énigme dans le déroulement de nos célébrations, pour ne pas dire un scandale pour certains qui la voit trop souvent répétée durant l’action eucharistique. L’étape précédent l’action de grâce est celle exprimée par le cri des dix lépreux : Jésus, maître, prends pitié de nous. La publication de la nouvelle traduction du Missel Romain n’a pas manqué de faire réagir, une fois de plus, ceux qui trouvaient qu’on demandait quand même beaucoup pardon. Les mots Prends pitié de nous reviennent, selon eux, trop souvent. Ils sont dans le rite pénitentiel, dans le Gloire à Dieu, dans le chant de l’Agneau de Dieu. Pourquoi tant insister, interrogent-ils ! Je vous apporte ma réponse toute personnelle à leur question : nous insistons autant non pas pour demander pardon (il y a un sacrement spécial pour cela), mais parce que nous ne reconnaitrons jamais assez que Jésus peut tout pour nous ; et c’est parce qu’il peut tout pour nous que nous lui disons : Prends pitié de nous ! Ce qui peut s’entendre de différentes manières d’ailleurs. Prends pitié de nous, cela veut dire : Viens à notre aide ; mais aussi veille sur nous, ou encore protège-nous. Et cette demande n’est pas faite à quelqu’un qui voudrait nous humilier, nous maltraiter, comme c’est le cas dans le langage courant quand on implore la pitié de quelqu’un ; non, cette demande est faite au Ressuscité, à celui qui a vaincu la Croix, celui dont nous sommes sûrs qu’il ne nous abandonnera jamais, celui dont nous sommes sûrs qu’il a souci de nous et de ce que nous devenons. Si nous ne comprenons pas bien cette répétition, c’est peut-être parce que nous ne comprenons pas bien le sens des rites d’ouverture de nos célébrations eucharistiques. Nous confondons trop souvent le rite pénitentiel qui est un rite de confiance en Jésus qui a donné sa vie pour nous, avec une confession publique de nos péchés : nous n’avons pas assez fait ceci ou cela, nous avons trop fait, nous n’avons pas su…, nous avons oublié de … et que sais-je encore ! Quand nous aurons appris, comme les lépreux, à nous tourner vers Jésus parce que nous savons qu’il peut tout pour nous, alors nous serons en mesure aussi de rendre grâce véritablement à celui qui non seulement peut tout pour nous, mais qui aussi fait tout pour nous. Jésus n’a jamais rien fait pour lui ; il a toujours tout fait pour nous. De là, nous pouvons lui demander de nous aider, de nous protéger, de veiller sur nous, et surtout nous pouvons en toute circonstance, lui rendre grâce. Nous ne rendrons véritablement grâce à Dieu que lorsque nous reconnaîtrons tout ce que le Christ, le Seigneur, celui qui est vivant pour toujours, a fait et continue de faire pour nous. Si nous ne savons pas dire en vérité : Seigneur, prends pitié de nous, nous ne saurons pas véritablement rendre grâce à Dieu en toute circonstance. 

Comme les dix lépreux, sachons crier vers Jésus : prends pitié de nous, que notre vie soit belle ou qu’elle soit plus compliquée, avec cette certitude qu’il peut tout et fait tout pour nous, pour notre vie, pour notre salut. Comme le lépreux revenu sur ses pas, nous saurons alors trouver les mots et les attitudes pour rendre grâce à Dieu, quand notre vie qui allait de travers aura retrouvé le sens d’une plus grande proximité avec Dieu. Amen.

samedi 1 octobre 2022

27ème dimanche ordinaire C - 02 octobre 2022

N'aie donc pas honte de rendre témoignage.


 (Coolus, Le lapin bleu, Blog de la communauté de la Croix glorieuse)





            Avez-vous bien écouté Paul dans sa deuxième lettre à Timothée ? Il dit quelque chose d’intéressant pour nous tous. En fait, c’est une invitation qu’il nous fait. Certains penseront spontanément à ce passage : Ravive le don gratuit de Dieu. Et je peux les comprendre, tant il est important de garder agissant en nous l’esprit de notre baptême. Mais ce n’est pas cette invitation-là qui m’a le plus marqué. Je pense plutôt à celle-ci : N’aie donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur. Je trouve, qu’en ces temps que nous vivons, elle est plutôt bienvenue. 

            La première raison qui me rend cette invitation importante, vient du fait que certains pensent que ce n’est pas pour eux, le témoignage. Le témoignage, c’est réservé à une caste composée des ministres du culte de quelque ordre ils soient : diacres, prêtres, évêques, auxquels les mêmes rajoutent souvent les catéchistes. En gros, disent-ils, c’est leur métier de rendre témoignage ; moi, mon métier, c’est carreleur, médecin, enseignant, que sais-je encore… A chacun son job, le témoignage, ce n’est pas le mien. Si vous pensez ainsi, je veux ici vous détromper. Chaque baptisé participe, à sa manière, à la triple mission du Christ, Prêtre, Prophète et Roi. Le témoignage s’inscrit clairement dans la mission prophétique de l’Eglise, donc de chaque baptisé, au sens où chacun doit annoncer le Christ. Mais le témoignage s’inscrit aussi dans la mission royale de l’Eglise, donc de chaque baptisé, au sens où chaque baptisé doit vivre, gouverner sa vie selon l’Evangile. C’est même là le premier témoignage que nous avons tous à rendre. Ceux qui ont oublié le Christ, ou ceux qui n’ont jamais entendu parler de lui, doivent pouvoir le découvrir à travers notre art de vivre, je le redis assez souvent pour que nous en soyons tous maintenant convaincus. Dans les relations œcuméniques ou interreligieuses, c’est même la première marche à franchir. Vivre au milieu des autres dans le respect de notre foi. Ce n’est pas parce que nous devenons minoritaires qu’il nous faut renoncer à vivre en chrétien. Ce n’est pas davantage parce que notre pays se définit comme laïque, ne promouvant aucune religion, que nous devons renoncer à vivre en chrétien, bien au contraire. La laïcité bien comprise est même le cadre idéal qui nous permet de vivre notre foi librement et publiquement. Nous n’avons pas à nous cacher parce que chrétien ; nous n’avons pas à cacher que nous sommes chrétiens sous prétexte que certains pensent que la laïcité équivaut à la suppression de toutes les religions de l’espace public. Il n’y a rien de plus faux que de croire cela. 

            Il y a une seconde raison qui me rend sympathique l’invitation de Paul à ne pas avoir honte de témoigner de notre foi. Elle se situe dans la ligne de la première. Si le témoignage n’est pas réservé à une caste de professionnels, il n’est pas davantage réservé à une caste de purs. Entendons bien le N’aie pas honte de rendre témoignage comme un rappel qu’aucun baptisé n’est indigne de le faire. S’il fallait attendre, pour témoigner, que notre vie chrétienne soit parfaite, je crains fort que très peu de témoignages seraient entendus. Ce n’est pas parce que nous ne vivons pas totalement comme il le faudrait, que notre témoignage rendu au Christ serait caduc. J’ai même appris, en 31 de métier et de prédication, que lorsque je rends témoignage au Christ, je le fais d’abord aussi pour moi. Je me rappelle à moi-même à quoi je suis appelé, et je mesure combien j’ai encore à progresser, combien il me faut encore travailler ma fidélité au Christ. Nous ne sommes pas parfaits, c’est un fait ; mais cela ne nous empêche pas de tendre vers cette perfection dans la foi et la charité. Et cela ne nous empêche donc pas davantage de témoigner de ce à quoi nous sommes appelés par le Christ. En rendant témoignage à notre Seigneur, nous mesurons le chemin déjà parcouru et nous pouvons en rendre grâce ; et nous mesurons le chemin qui reste à parcourir et nous pouvons demander à l’Esprit, qui n’est pas un esprit de peur mais un esprit de force, d’amour et de pondération, de nous aider à progresser encore et à avancer à la suite du Christ vers le Royaume où nous sommes attendus. N’ayons donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur. Il ne faut pas attendre d’avoir une foi parfaite ou une foi plus grande pour témoigner : nous recevons de Dieu la foi que nous pouvons porter et dont nous pouvons témoigner, j’en suis convaincu. 

            Quel que soit notre état de vie, quel que soit notre avancement sur le chemin de la sainteté, nous pouvons et nous devons rendre témoignage au Christ, sans honte. Rendre témoignage au Christ, ce n’est pas fanfaronner devant les autres : voyez comme je suis bien et bon ! Non, rendre témoignage au Christ, c’est lui rendre grâce de sa présence à notre vie, lui rendre grâce pour son amour pour nous, amour qui l’a conduit à la croix pour notre vie. C’est être remplis d’amour et de reconnaissance pour cet amour qui nous vaut la vie. Ne soyons pas des sœurs et des frères ingrats du Christ : reconnaissons l’œuvre d’amour qu’il a entreprise pour nous et sachons en témoigner devant les hommes, par notre vie et par nos mots : nous sommes faits pour vivre. Soyons pleinement vivants et fiers de ce Christ qui nous a rachetés et sauvés. Gardons le dépôt de la foi dans toute sa beauté, avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en nous. Il saura nous donner les mots et les attitudes qui rendront notre témoignage véridique. Amen.