Bienvenue sur ce blog !

Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







vendredi 23 novembre 2012

Christ, Roi de l'Univers B - 25 novembre 2012

Es-tu le Roi des Juifs ?


Es-tu le roi des Juifs ? Cette question simple en apparence marque le début d’un dialogue de sourds entre Jésus et Pilate. Dialogue de sourds parce que chacun des deux hommes emploie le même mot, mais ne lui donne pas la même signification.

Es-tu le roi des Juifs ? Pour bien comprendre comment on a pu en arriver là, il faut se souvenir du pourquoi de cette rencontre. Ce n’est pas une rencontre au sommet entre deux chefs d’état ; ce n’est pas davantage une discussion de philosophes (encore que la suite du dialogue pourrait y faire penser). Non, la rencontre à laquelle nous assistons est une rencontre entre un juge et un accusé, entre celui qui va prononcer une sentence de mort et celui qui va la subir.
Si ces deux hommes sont aujourd’hui face à face, ce n’est pas parce que l’un d’eux a commis un crime ; c’est d’abord parce que les hommes veulent se débarrasser de celui qui est accusé. Trop gênant, trop encombrant, ce Jésus. Les biens pensants, les chefs religieux ont estimé qu’il était préférable qu’il meurt. Ses idées pourraient être dangereuses. Et comme ils ne peuvent le mettre à mort eux-mêmes, les voilà livrant l’innocent à l’ennemi, seul capable de prononcer une peine capitale. Et pour être sûr qu’il ne s’en sortira pas, voilà Jésus accusé de vouloir prendre le pouvoir. C’est imparable ; l’issue ne peut être que fatale pour lui.

Es-tu le roi des Juifs ? Pilate aurait pu se contenter de prononcer une sentence de mort sans s’embarrasser de cette rencontre. Le seul fait que Jésus soit accusé de vouloir se faire roi est un motif suffisant pour mériter la mort. C’est un peu comme le fait d’avoir été résistant pendant la dernière guerre. Il n’en faut pas plus pour mourir vite. Mais voilà, Pilate sent bien que tout cela n’est pas très « catholique ». Il discute avec son prisonnier. Il veut en savoir plus. Il est intrigué par ce roi qu’on lui amène. Aurait-il pu penser que le peuple soumis à son autorité lui livra ainsi son propre roi ?

Es-tu le roi des Juifs ? Pour Pilate, cette question est avant tout politique. Jésus est-il un adversaire qui pourrait le chasser de son poste et vouloir mettre à mal l’autorité de Rome, et de César, seul roi acceptable ? Jésus est-il roi, chef de guerre, capable d’inverser le cours de l’histoire ? Si oui, il doit mourir. L’autorité de Rome ne saurait être remise en cause par quiconque.

Es-tu le roi des Juifs ? C’est toi qui le dis ! Jésus ne revendique pas ce titre pour lui. Il comprend bien que les mots sont tronqués ; il sent bien la distance qu’il y a entre lui et Pilate. Là où l’un parle politique, l’autre parle spirituel. Là où l’un entend pouvoir, l’autre dit service. Comment Pilate pourrait-il comprendre quelque chose à la royauté de Jésus, lui qui ne sait même pas ce qu’est la vérité ?

Es-tu le roi des Juifs ? Oui, Jésus est roi. Mais pas à la manière du monde. Il ne vient pas avec ses gardes et ses armées. Il ne vient pas imposer une loi, mais proposer un chemin de vie à tous ceux qui reconnaîtront la vérité de ses paroles. Cette vérité tient en peu de chose. Il est envoyé de Dieu pour arracher les hommes au mal et au péché qui les empêchent de vivre heureux. Il est venu ouvrir un chemin de vie et d’espérance pour celles et ceux qui croient en lui, qui croient en Dieu. Il est venu nous rappeler que l’homme n’est vraiment homme que lorsqu’il se met au service des autres et de leur bonheur. Il est venu nous redire avec force que seuls ceux qui savent prendre la tenue de service sont vraiment dignes du Royaume, de son Royaume. Oui, Jésus est roi : roi de tous ceux et celles qui acceptent de donner de leur vie, de leur temps, pour que le monde devienne plus humain, plus juste, plus fraternel. Pilate n’a rien à craindre, pas plus que César. La seule révolution qu’il risque avec un roi tel que Jésus, c’est de comprendre que la place qu’il occupe n’est pas une autorisation à faire n’importe quoi, mais qu’il y a un service à rendre lorsqu’on est responsable : celui de permettre aux autres de vivre, de vivre libre et heureux.

Es-tu le roi des Juifs ? Pour nous croyants, Jésus est notre roi, et nous attendons le jour où il sera reconnu comme tel par tous les hommes. Nous attendons ce jour non comme une revanche sur un monde qui préfère vivre sans Dieu, mais comme l’aube du jour où enfin tous les hommes seront égaux et libres, le jour où enfin le monde connaîtra la paix. En mettant nos pas dans les siens, en acceptant d’être à notre tour serviteurs de tous, nous hâterons sa venue, nous construirons son Royaume, et nous vivrons avec lui, éternellement. AMEN.

(Photo de l'auteur. Jésus devant Pilate, Chemin de croix de Francis Schneider, avec l'aimable autorisation de son épouse).

samedi 17 novembre 2012

33ème dimanche ordinaire B - 18 novembre 2012

Avec Marc, nous ouvrir à l'espérance.


Avec ce trente-troisième dimanche du temps ordinaire, nous refermons l’Evangile de Marc pour ne l’ouvrir à nouveau que dans trois ans. Nous achevons ainsi une année de compagnonnage avec ce témoin de Jésus Christ. La page d’Evangile qui nous est proposée peut nous paraître bien sombre : on y parle de chute des astres, de grande détresse. Et pourtant, loin d’être entraînés à la désespérance, nous sommes invités à la joie et à la confiance. Nous terminons ainsi cette année comme nous l’avions commencée : dans la joie de l’attente de celui qui doit venir : Jésus, le Ressuscité, victorieux de la mort et des ténèbres. Tout au long de cette année, Marc nous a livré des motifs d’espérance. Avec vous, je voudrais parcourir une dernière fois son Evangile pour les y retrouver.

Le premier motif d’espérance, c’est l’annonce de la venue d’un Sauveur. Aux hommes qui doutent, aux hommes qui sont emportés par le tourbillon de l’histoire, il est annoncé qu’il vient, le Messager de Dieu. Nous devons nous préparer à sa venue, pour pouvoir le reconnaître lorsqu’il viendra. De faux prophètes se lèveront, mais celui qui est fidèle à la parole du Christ saura discerner les signes de son retour. Il ne vient pas juger le monde ; il vient annoncer une Bonne Nouvelle : l’homme est fait pour vivre !

Deuxième motif d’espérance. L’homme pécheur n’est pas perdu ; il lui est possible encore de se convertir. Marc ne cesse d’appeler ses lecteurs à la conversion, au changement radical de vie. Il nous invite à porter sur notre vie, sur notre monde, sur les autres, le regard même de Dieu. Non, l’homme n’est pas enfermé dans son mal : il a cette merveilleuse possibilité de changer de vie s’il reconnaît en Jésus son Sauveur. Il n’est pas trop tard pour que nous réorientions nos choix, il n’est pas trop tard pour renouer des amitiés humaines, pour renouer notre amitié avec Dieu. Nous pouvons être délivrés du mal en prenant la route de la liberté que le Christ a inauguré dans l’acte même de sa passion. Dans sa mort/résurrection, il ouvre en effet à tout homme un chemin de vie.

C’est là le troisième motif d’espérance : ce Jésus qui vient et qui invite à la conversion est plus fort que le Mal. Il commande aux esprits mauvais et ils lui obéissent. Il marche sur la mer, montrant ainsi qu’il ne se laisse pas submerger par les forces obscures. Par sa mort et sa résurrection, il a définitivement mis un terme au règne de la mort même. L’ultime adversaire, l’ultime obstacle à la vie est vaincu par la croix, arbre de vie éternelle. Le Christ inaugure le Royaume qu’il annonce !

Quatrième motif d’espérance : ce Royaume est déjà à l’œuvre dans le cœur des hommes qui écoutent la parole du Christ. Si nous laissons cette parole grandir en nous, si nous la laissons réaliser son œuvre de conversion en nous, nous deviendrons des témoins et des bâtisseurs de ce Royaume. De pardons donnés en pardons reçus, nous progressons – et le monde progresse avec nous – dans la construction et la venue définitive du Règne de Dieu.

Cinquième motif d’espérance : Jésus vient pour tous les hommes. Pour preuve, son alternance à réaliser sa mission aussi bien à Jérusalem que dans la Galilée des nations. Jérusalem est cette ville fermée sur elle-même, refuge des bien-pensants, sûrs de leur vérité et n’acceptant pas qu’on la conteste. La Galilée des nations est au contraire un lieu d’ouverture. Certains pensaient qu’il n’en sortirait jamais rien de bon : Isaïe pourtant avait annoncé que Dieu s’y manifesterait aux païens. Et c’est bien là que Jésus passe son enfance, qu’il vit, prêche et que les foules l’accueillent avec enthousiasme. Cette région est ouverte et c’est de là que Jésus se rendra à Tyr et à Sidon. L’Evangile parvient ainsi à tous les hommes, quelle que soit leur culture.

Sixième motif d’espérance : Jésus se révèle Pasteur de son peuple. C’est lui qui est chargé par Dieu de rassembler, d’instruire et de nourrir son peuple. Par deux fois, il nourrit une foule considérable. A ce peuple sans espoir et sans repère, il redonne courage et indique la route à suivre pour vivre pleinement heureux. Il réoriente le regard vers les autres, vers le Tout-Autre.

Septième motif d’espérance : Jésus redonne à l’homme – et à Dieu – leur dignité. En guérissant de nombreux malades, Jésus vient réaffirmer le droit de chacun à être considéré tel qu’il est ; il vient redire que la souffrance n’est pas une punition divine et que Dieu ne se venge pas de l’homme. Le Dieu de Jésus Christ est Dieu pour la vie. En guérissant les malades, Jésus réaffirme que tout homme, même malade, estropié, aveugle, muet…a sa dignité et qu’il n’y a pas là motif à rejet. Il vient redire avec force que les petits sont les préférés de Dieu et que l’amour pour Dieu se traduit dans l’amour du prochain, du petit.

Le huitième motif d’espérance se trouve justement dans ses signes apocalyptiques dont parle l’Evangile de ce jour. La chute des astres annonce la fin du règne des divinités et la venue ultime du Fils de l’Homme. Pour celui qui a essayé de vivre fidèlement selon la parole du Christ, il n’y a pas à s’inquiéter : au contraire ! Lorsque tous les faux dieux disparaîtront, le Fils de l’Homme pourra enfin être reconnu par tous et notre espérance trouvera en lui sa récompense. Alors nous verrons de nos yeux celui dont nous attendons la venue dans la gloire : Jésus, le Ressuscité, Dieu vivant à jamais, celui dont Marc justement témoigne.

Aujourd’hui, nous refermons l’Evangile de Marc. Mais ne fermons pas notre espérance. Soyons témoins, à notre tour, de ce Christ qui vient sans cesse frapper à notre porte. Approfondissons notre foi en lui et nous pourrons proclamer avec le centurion romain : vraiment, cet homme est Fils de Dieu. AMEN.

(Photo de l'auteur : Saint Marc, Détail de stalles de la catédrale de Zagreb)

dimanche 11 novembre 2012

32ème dimanche ordinaire B - 11 novembre 2012

Quand les pauvres nous évangélisent !



Deux pauvres veuves ; deux époques différentes et pourtant une même histoire. L’histoire d’une femme pauvre qui partage ce qu’elle a de plus essentiel pour sa propre survie. Voilà posé le tableau de l’enseignement de ce dimanche. Nous pourrions l’intituler : Quand les pauvres nous évangélisent !

La première veuve est celle de Sarepta, au temps du prophète Elie. Il y avait alors, sur l’ordre de Dieu, une grande sècheresse dans le pays, à cause des nombreuses offenses faites à Dieu par les rois successifs. Qui dit sècheresse, dit famine si celle-ci dure de trop. Plus d’eau, donc plus de récolte, donc plus rien à manger. Le prophète est envoyé par Dieu à Sarepta, chez cette veuve. Mais elle n’a plus rien : juste de quoi faire un dernier pain et attendre la mort, avec son fils. Elle s’est résignée à cette éventualité. Va-t-elle partager le peu qui lui reste ? Elle choisit de faire confiance à la parole du prophète et la jarre de farine ne s’épuisa pas et le vase d’huile ne se vida pas. Est-ce le miracle du prophète ? Est-ce un miracle de Dieu ? C’est d’abord le miracle de cette femme qui choisit de faire confiance à Dieu à travers son prophète, alors que dans le pays, depuis longtemps, les hommes s’étaient détournés de lui. Elle a cru à l’impossible ; elle a cru qu’en donnant tout, elle recevrait tout. Et c’est ce qui fut. Dieu n’abandonne pas ceux qui lui font confiance ; la fidélité à sa Parole est récompensée.

La deuxième veuve ne fait pas de miracle ; elle se présente juste à la salle du trésor, comme tant d’autres, et va mettre son offrande dans le tronc. Ce n’est pas grand choses : deux piécettes, autant dire trois fois rien. Trois fois rien qui ont dû être remarqués par certains qui donnaient plus ; sans doute même, certains se moquèrent-ils en leur for intérieur : si c’est pour mettre si peu, elle aurait pu le garder. J’imagine la discrétion de cette femme, ainsi que sa gêne à passer après que des riches aient déposé de grosses sommes. Elle ne doit avoir qu’une hâte : rentrer chez elle. Mais voilà, son geste n’est pas passé inaperçu. Jésus était assis là, à regarder. Et il fait l’éloge de cette femme à ses disciples. Pour lui, ce ne sont pas les grosses offrandes des riches qui sont impressionnantes, mais bien les deux piécettes de cette femme, veuve et pauvre. Parce que cette femme, comme jadis la veuve de Sarepta, a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre, précise Jésus. Elle n’a pas fait de miracle, mais elle a posé un geste qui est d’abord geste d’amour, geste de partage, malgré son indigence. Ceux qui ont donné de grosses sommes, ont donné de leur surplus : cet argent ne leur manquera pas. Mais elle, elle n’avait que cela, et même cela elle l’a donné. D’où le constat de Jésus : elle a mis dans le tronc plus que tout le monde. Elle y a mis sa vie. Il n’est pas dit qu’elle a eu la même chance que la veuve de Sarepta ; mais il est certain qu’elle a gagné ainsi sa place dans le Royaume que Jésus annonce. N’a-t-elle pas, avant l’heure, imité Jésus qui donnera sa vie pour le salut du monde ?

J’aime beaucoup la gravure que Gustave Doré a faite de cette page d’Evangile parce qu’il nous montre déjà la femme dans la lumière de Jésus. Elle est comme prise dans une auréole qui répond à l’auréole du Christ. En donnant tout, elle est comme entré dans le cœur de Jésus, prise dans sa sainteté. Elle a la même attitude que lui. Elle pose un acte d’amour comme Jésus seul sait le faire : elle donne sans rien attendre en retour. Dans sa pauvreté, elle pense à plus pauvre qu’elle et donne encore. Ce qu’elle donne, ce n’est pas grand-chose, mais cela peut faire la différence pour celui qui n’a même pas deux piécettes à lui.

Sur la gravure de Gustave Doré, la lumière qui l’enveloppe éclaire aussi, à la marge, les riches, drapés dans leur contentement, et qui semblent prendre la pauvre femme de haut. Mais on comprend bien, à regarder l’œuvre, qui doit être imité, qui est digne d’éloge. Et si vous faites le rapprochement avec l’Evangile de dimanche dernier, alors vous comprendrez aussi pourquoi elle est digne d’éloge. Pas seulement parce qu’elle a partagé, mais parce que, à travers cet acte, elle montre qu’elle aime comme Dieu seul aime, comme Dieu nous demande d’aimer.

Ainsi, l’histoire de cette femme interroge notre propre histoire, notre propre pratique, notre propre amour. Si, comme Jésus nous le demandait dimanche dernier, nous savons accueillir l’amour de Dieu dans notre vie, alors notre vie en sera bouleversée, transformée de l’intérieur. Nous deviendrons toujours plus capables d’être et d’aimer comme Dieu. Cette femme n’avait rien, si ce n’est Dieu ! Dans ce don qu’elle fait de ce qui est nécessaire pour elle, elle donne plus que deux piécettes : elle donne tout l’amour dont elle est encore aimée de Dieu alors que les hommes l’avaient mise de côté. Sa pauvreté aurait pu la refermer sur elle-même : personne ne m’aide, pourquoi est-ce que j’aiderais les autres ? Mais elle a choisi d’aimer, encore et toujours, comme Dieu seul sait aimer. Nous aussi, nous pouvons faire ce choix, quelles que soient les difficultés et les épreuves de la vie. L’amour que nous donnons nous sera toujours rendu et notre vie en sera plus belle ! C’est pour cela que Jésus est venu chez nous ; c’est pour cela que nous le célébrons dimanche après dimanche : parce que nous voulons le remercier de tout ce qu’il fait pour nous. Et s’il est important de le remercier ici, il est aussi important de le remercier en poursuivant son œuvre d’amour, en aimant toujours plus et toujours mieux.

Pour y parvenir, n’hésitons pas à reprendre la prière qui ouvrait notre eucharistie : Dieu qui est bon et tout-puissant, éloigne de nous tout ce qui nous arrête, afin que sans aucune entrave, ni d’esprit ni de corps, nous soyons libres pour accomplir ta volonté. C’est ainsi, en accomplissant ce que Dieu veut, que nous parviendrons au Royaume où Dieu lui-même nous attend. Amen.

(Gravure de Gustave DORE, L'obole de la veuve)

vendredi 2 novembre 2012

31ème dimanche ordinaire B - 04 novembre 2012

Qu'est-ce qui te fait vivre ?



Que veut savoir le scribe qui s’adresse à Jésus dans l’Evangile que nous venons d’entendre ? Qu’est-ce qui justifie la question : Quel est le premier de tous les commandements ? Est-ce qu’il veut juste s’en sortir dans la jungle des 613 prescriptions de la loi juive ou cherche-t-il plus ? Il vaut la peine de bien comprendre le sens de sa question pour ne pas se méprendre sur la réponse apportée.

En effet, si sa question est juste informative, elle laisserait entendre qu’il y a une hiérarchie dans la loi, un commandement qui vaut plus que les autres d’être observé. Et il faudrait alors préciser la réponse de Jésus en s’attaquant aux autres articles de la loi qu’il ne cite pas, mais qu’il faudrait quand même classifier jusqu’à parvenir au dernier, au plus petit des commandements. Je ne suis pas sûr du tout que tel est bien le sens de la question du scribe. Et d’ailleurs, Jésus lui-même dira que pas un iota de la loi ne sera changé par lui : il n’est pas venu abolir la loi, mais l’accomplir, lui donner toute sa force. C’est bien en ce sens que j’entends la question du scribe.

Nous pourrions alors la retraduire ainsi : « Maître, qu’est-ce qui te fait vivre ? Quel est le moteur de ta mission ? » Une question portant plus sur le sens de ce que fait et dit Jésus, que sur la Loi elle-même. Autrement dit : dans la foi de nos pères, qu’est-ce qui te motive le plus ? Qu’est-ce qui te pousse à agir et à parler comme tu le fais ? Et là, la réponse de Jésus devient libératrice, parce que deux choses le motivent.

La première, c’est l’écoute de Dieu même. A la question posée, la réponse de Jésus commence par ces mots : Voici le premier : Ecoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur ! Il reprend ainsi la formulation donnée par Moïse lui-même au moment du don de la Loi. Ce commencement, définitivement lié au commandement de l’amour de Dieu qui le suit, marque bien que, avant le respect de la loi, ce qui est fondamental, c’est l’écoute du Dieu vivant et vrai ; et par-delà, la rencontre avec lui, la connaissance de lui. Car comment écouter quelqu’un que je n’ai pas rencontré ? Comment écouter quelqu’un que je ne connais pas ? Ce qui pousse Jésus à agir et à parler comme il le fait, c’est avant tout cette relation particulière qu’il entretient avec Dieu, qu’il nomme Père et qu’il nous enjoint de prier ainsi : Lorsque vous priez, dites : Notre Père… Vous connaissez la suite. Avant même le respect de la Loi, il y a donc la relation à Dieu, qui n’est pas bavardage sacré, mais écoute de ce que Dieu attend de nous. J’envie quelquefois le peuple juif qui, aujourd’hui encore, commence sa journée par ces mots qui sont devenus sa prière quotidienne : Ecoute Israël, tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur. Comme j’aimerais que chacune de nos journées commence ainsi par l’écoute du Dieu unique, vivant et vrai. Il nous apprendrait, dans nos cœurs à cœur, le vrai sens de la vie, le vrai sens de ce que nous avons à faire pour construire un monde plus juste et fraternel.

La deuxième chose qui motive Jésus, après l’écoute de Dieu, c’est l’amour de Dieu pour son peuple. Irait-il vers sa mort si celle-ci n’était pas l’acte d’amour suprême de Dieu pour nous ? Lui écoute Dieu parce qu’il se sait aimé et qu’il aime comme Dieu seul aime. Et cet amour, il nous le transmet dans ses actes et ses paroles. Ce n’est donc pas en vain qu’il nous invite sur la même voie : Aime Dieu, aime ton prochain comme toi-même. Ce comme toi-même, nous pouvons l’entendre « comme tu t’aimes toi », puisque celui qui ne s’aime pas, ne saurait pas vraiment aimer quelqu’un d’autre. Mais nous pouvons aussi l’entendre comme toi-même tu es aimé de Dieu. Et ainsi, ce double commandement n’est plus un ordre d’aimer, mais bien une invitation à faire vivre l’amour que Dieu lui-même nous porte. Ce que nous recevons de Dieu, donnons-le largement autour de nous !

En cela, la réponse de Jésus est libératrice. Elle ne m’enferme pas dans mes manques d’amour, dans mon incapacité à aimer untel ou une telle ; mais elle m’offre une porte de sortie en m’offrant l’amour de Dieu à partager. Si je ne peux pas mettre mon amour humain dans une relation, au moins puis-je donner un peu de l’amour dont Dieu m’aime. L’amour que je porte aux autres n’est plus lié à mes émotions ; il me vient d’un autre. Je suis comme le porte-amour de Dieu. Sans doute est-ce là le secret d’une vie réussie : arriver à dépasser nos sentiments pour faire grandir en nous les sentiments de Dieu qui aime chacun de nous de manière unique, totalement, tel que nous sommes.

Quel est le premier commandement ? Cette question nous pouvons donc l’entendre pour nous aussi : qu’est-ce qui nous motive dans nos actes, dans nos paroles, dans nos œuvres de charité ? Qu’est-ce qui nous fait vivre ? Est-ce le besoin d’être vu, le besoin de parader, le besoin d’être reconnu ou est-ce l’humble service que nous pouvons apporter, parce que nous avons écouté Dieu et que nous nous sommes laissé aimer de lui au point de devoir partager cet amour ? La question mérite que nous prenions un instant de silence pour y réfléchir. Amen.

(Dessin de Coolus, Blog du Lapin Bleu)