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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







dimanche 31 mars 2013

Jour de Pâques - 31 mars 2013

Avec les Apôtres, s'ouvrir à la nouveauté.

 



Depuis cette nuit, un cri de joyeuse espérance a mis un terme au temps du Carême. Nous avons parcouru un chemin de foi qui nous a permis d’approcher le cœur même de notre foi : Jésus, mort et ressuscité pour notre vie. Durant ce temps pascal, je voudrais vous inviter à lire et méditer particulièrement le livre des Actes des Apôtres. Nous en lirons un extrait chaque dimanche jusqu’à la Pentecôte. Il nous permettra de poursuivre notre route, forts de l’expérience des premiers croyants au Christ, mort et ressuscité. 
 
A lire l’Evangile de ce jour, nous comprenons bien que cette nouveauté de la foi (quelqu’un qui était mort est à nouveau vivant, pleinement et définitivement), cette nouveauté donc a mis un peu de temps avant de devenir une réalité. Il faut toujours un peu de temps pour s’ouvrir à la nouveauté. Le Pierre que nous croisons dans l’Evangile et le Pierre que nous rencontrons dans le passage des Actes que nous avons entendu en première lecture sont bien une seule et même personne. Mais quel changement ! Quelle modification d’attitude entre ces deux moments : le jour même de Pâques à l’annonce du tombeau vide et quelques temps après dans la maison du Centurion Corneille. 
 
Le jour de Pâques, Pierre est presque timide, s’interrogeant sur les paroles de cette femme venue annoncer la découverte du tombeau vide. Il n’ose la croire, va vérifier par lui-même et devant les signes découverts (un tombeau vide, des linges bien roulés), il semble rester perplexe. Au contraire, l’autre disciple qui l’a accompagné, voit la même chose et il croit. De suite. Pierre a toujours été ou trop rapide à parler, ou trop lent. Peut-être se souvient-il qu’il avait été repris sévèrement par Jésus lorsqu’il avait parlé trop vite ; du coup, il se retient, de peur de dire encore une bêtise. 
 
Quand, quelques temps après, il se retrouvera chez le centurion Corneille, il aura perdu cette timidité, et il annoncera avec force et clarté la Bonne Nouvelle de Jésus ressuscité. Il aura même l’audace première d’entrer chez un païen à la demande du Seigneur et le courage de reconnaître que l’Esprit Saint l’a devancé dans le cœur de cet homme. Tant qu’à accueillir la nouveauté, autant y aller à fond. Il sent bien que les anciennes catégories qui fondaient les relations entre les peuples ne valent plus depuis l’irruption dans la vie des hommes de cette Bonne Nouvelle de Jésus ressuscité. Il faudra l’intelligence d’un Paul de Tarse pour la formuler, théologiquement ; mais Pierre, en cet instant, la vit. De tous les hommes, Dieu fait un seul peuple en Jésus ressuscité. 
 
La nouveauté de la résurrection de Jésus n’est pas qu’un fait à croire ; c’est surtout une nouvelle à vivre, à vivre entre nous d’abord, croyants au Christ ; à vivre avec les autres ensuite, avec ceux qui sont à la marge de l’Eglise, voire au-dehors. Si la résurrection de Jésus bouleverse l’ordre des choses, rendant à la vie le dernier mot sur la mort, alors elle change aussi nos relations avec ceux que le Christ met sur notre route. La nouveauté de la résurrection nous oblige à une nouveauté de rapports humains : cette nouveauté se décline en respect, fraternité, solidarité, accueil de tous… En un mot, tout ce qui permet à la vie d’avoir le dernier mot ; tout ce qui permet à la vie de l’emporter sur les forces de morts qui obscurcissent notre existence et l’existence de tout homme. De la résurrection du Seigneur, nous recevons une puissance de vie capable de transformer le monde, capable de rendre les gens meilleurs. 
 
En méditant les Actes des Apôtres, vous constaterez que cette nouveauté à accueillir nécessite une bonne dose d’humilité, de simplicité. Puissent les Apôtres de la première heure être pour tous un modèle d’ouverture et d’accueil de cette nouvelle qui a éclatée en cette nuit et dont nous disons qu’elle est bonne. Bonne pour nous, bonne pour tous les hommes de bonne volonté qui veulent vivre dans un monde plus juste et plus humain. Le Christ ressuscité inaugure ce monde nouveau pour nous. Acceptons d’en être les témoins par la parole et par l’exemple. Amen.

(Chemin de croix de francis SCHNEIDER, Station 15, La résurrection, Eglise de Fort-Louis, Bas-Rhin)

samedi 30 mars 2013

Vigiles de Pâques - 30 Mars 2013

Croire au Dieu de la vie.


Revenues du tombeau elles rapportèrent tout cela aux Onze et à tous les autres… Mais ces propos leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas. En cette nuit qui nous rassemble, tout le problème est là : croire ou ne pas croire l’incroyable ! Croire que ce Jésus que les Apôtres ont vu morts, croire que ce Jésus  que certains d’entre eux ont porté au tombeau, croire que ce Jésus est vivant. Les Apôtres n’osent y croire ; c’est trop beau. Qui peut comprendre ce mystère insondable ? Qui peut croire que la mort n’a plus le dernier mot ? Suffit-il que quelques un viennent nous dire que Jésus est vivant pour qu’aussitôt nous chantions : alléluia, il est vivant ? Au terme de la Semaine Sainte, nous qui avons acclamé Jésus lors de son entrée à Jérusalem, nous qui avons partagé son dernier repas, nous qui l’avons accompagné dans sa Passion, nous qui avons levé les yeux vers celui qui était transpercé sur la croix, nous sommes invités à affronter la même question que les Apôtres : croire ou ne pas croire que le Dieu de Jésus Christ est plus fort que la mort. 
 
Nous pouvons, comme les femmes, éclairées par les paroles de ces inconnus qui se présentent à elles, nous rappeler les paroles de Jésus. Nous nous souviendrons alors qu’il avait, par trois fois, annoncé sa passion, sa mort… et sa résurrection ! Ce qui s’est joué jadis du côté de Jérusalem est conforme à ce qu’en avait dit Jésus lui-même. Les lectures du Premier Testament, entendues tout au long de la Semaine Sainte, nous ont démontré que tout ce qui était arrivé était conforme aussi aux promesses de Dieu faites par les prophètes. Nous avons donc tous les éléments pour accorder notre confiance à ces femmes. Alors pourquoi est-ce malgré tout si difficile ? Pourquoi sommes-nous, malgré tout, plutôt comme Pierre, tout étonné de ce qui est arrivé ? 
 
La réponse tient dans la nouveauté de l’événement. Jusqu’à présent, ceux qui étaient morts l’étaient définitivement. Leur histoire s’arrêtait avec leur vie. Pendant des siècles, les hommes sont nés, ont vécu et sont morts. Point final. Il y en a bien quelques un dont on parlerait encore longtemps après leur mort, des héros ou des personnages remarquables ; mais bon, cela ne changeait rien au fait qu’ils étaient morts, disparus pour toujours. Avec Jésus, voilà qu’il y a du neuf. Son tombeau, pourtant scellé par une pierre bien lourde, est ouvert et vide. Jésus n’y est plus. Le mort a déserté sa dernière demeure. Non seulement il n’y est plus, mais voici que deux hommes attestent qu’il est vivant. Deux, pas un ! Un témoignage unique serait douteux ; mais deux témoins qui affirment la même chose, voilà qui est à prendre au sérieux. 
 
La mort de Jésus, qui devait débarrasser le monde de ce gêneur, a quelques dommages collatéraux. Le premier, c’est que cette mort, qui devait mettre un terme à l’histoire de Jésus, c’est un coup pour rien ; cible ratée ; tout semble recommencer. Deuxième dommage collatéral, et non des moindres : la Mort est morte. C’en est fini de son règne ! En cette nuit où Dieu ressuscite son Christ, c’est la vie qui prend le dessus ; c’est la vie qui gagne. Définitivement ! Dieu s’était peut-être tu pendant le procès de Jésus, il n’a peut-être rien dit devant la mort de l’Innocent ; cela ne signifiait pas qu’il ne dirait plus rien, ni qu’il n’interviendrait plus dans l’histoire des hommes. Notre Dieu est un Dieu d’alliance. Comment aurait-il pu ne rien faire alors même que celui qui lui a été fidèle jusqu’au bout avait été éliminé de la pire des manières ? Dieu se devait d’intervenir ; Dieu se devait de tenir parole ; Dieu se devait de se manifester. Il l’a fait à bras fort, en nous redisant ce qu’il est fondamentalement : la source de toute vie. Et rien, ni personne, ne peut mettre un terme à son règne. Dieu est la vie, et il se donne à celui qui a tout donné, y compris sa vie, au nom de Dieu. 
 
Que devient l’homme dans toute cette histoire ? Cela ne dépend que de lui. En ressuscitant Jésus, Dieu ne combat pas l’homme, mais le péché qui entrave et enlaidit l’homme. La résurrection de Jésus ne signe pas la fin de l’homme, mais la fin du règne du Mal et de la Mort. Si l’homme est capable de s’ouvrir à cette nouveauté d’une vie plus forte que la mort, il vivra ! Il connaîtra la joie de son Dieu. S’il choisit de s’enfermer dans la mort, s’il choisit de ne pas s’ouvrir à cette vie qui jaillit du tombeau, c’en sera fini de lui. L’ouverture à cette vie passe par la reconnaissance de Jésus, mort et ressuscité pour que nous ayons la vie. S’ouvrir à la vie offerte par Dieu, c’est croire que cette histoire, dont nous avons fait mémoire au cours de cette semaine, est vraie et toujours actuelle. S’ouvrir à la vie offerte par Dieu, c’est croire que le Mal dont sommes capables peut ne pas être le dernier mot de notre histoire et qu’un pardon est toujours possible. S’ouvrir à la vie offerte par Dieu, c’est défendre cette vie pour tous ceux et celles que Dieu met sur notre route, créer avec tous une vraie fraternité et inaugurer ainsi un monde nouveau où règneront la justice, la paix, la vérité. Paul a raison quand il affirme : l’homme ancien qui est en nous a été fixé à la croix avec (Jésus) pour que cet être de péché soit réduit à l’impuissance, et qu’ainsi nous ne soyons plus esclaves du péché. Car celui qui est mort est affranchi du péché. Et si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui…Car lui qui est mort, c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes ; lui qui est vivant, c’est pour Dieu qu’il est vivant. De même, vous aussi, pensez que vous êtes morts au péché, et vivants pour Dieu en Jésus Christ (2ème lecture).
 
L’histoire de Jésus nous concerne donc encore ; ce qu’il a vécu, nous pouvons le vivre. Nous pouvons choisir de rejeter le Mal et de faire le choix de Dieu, le choix de la vie. Tout  à l’heure, nous serons ainsi interrogés par le célébrant. Si nous faisons le choix du Christ, le choix de partager sa vie, le choix de croire qu’en lui, la vie est plus forte, nous redirons, haut et fort, que nous rejetons le péché, tout ce qui y conduit et Satan qui est l’auteur du péché. Ainsi nous pourrons alors redire notre foi en Dieu Père, Fils et Esprit qui nous appelle à la vie qui ne finit jamais. Et nous plongerons dans cette vie en accueillant le don de l’eau vive, l’eau de notre baptême. Heureuse nuit que celle-ci ! Heureux sommes-nous de pouvoir y participer et de goûter à cette vie que Dieu nous offre en Jésus ressuscité. Amen.

(Dessin de Coolus, blog du Lapin bleu)

vendredi 29 mars 2013

Vendredi Saint - 29 mars 2013

Croire quand Dieu se fait silence.

La liturgie du Vendredi Saint a ceci de particulier qu’elle commence et s’achève sur un silence. En fait, toute la liturgie de ce jour, pour riche qu’elle soit en symboles, textes et prières, est rythmée par ce silence qui, en ce jour précis, devient le silence de Dieu. Aujourd’hui, le Dieu qui s’est fait chair et parole en Jésus, choisit de se taire. Il ne dit plus un mot ! Il n’y a que le silence. 
 
Que Dieu se taise, voilà qui devrait réjouir les hommes. Enfin libres, penseront certains. Si Dieu ne parle plus, c’est comme s’il n’existait plus ! Nous en sommes enfin débarrassés ! Les tenants d’une laïcité de combat qui s’apparente plus à un laïcisme étroit peuvent exulter ! Il se tait ; il n’a plus rien à dire ! C’est le triomphe de l’homme, l’homme seul maître à bord ; l’homme, seul Dieu après l’homme. Enfin l’homme est maître de son destin ; enfin l’homme se retrouve au centre de son univers. Quelle limite pourrait encore l’entraver ? Quel obstacle pourrait encore l’empêcher de se prendre pour le maître du monde ? 
 
Pour l’homme de foi, le silence de Dieu est moins réjouissant. Il aimait bien, le croyant, que Dieu s’adressât à lui, que Dieu conversât avec lui. Dieu était sa boussole, son confident, sa source d’inspiration pour toute sa vie. Si Dieu se tait, l’homme croyant a-t-il encore des raisons de croire ? Si Dieu se tait, cela ne signifie-t-il pas que le croyant s’est trompé ? Devant le silence de Dieu, le croyant s’interroge. En méditant la passion du Christ selon le témoignage de Jean, il s’apercevra alors que Dieu se tait d’abord parce qu’il n’est plus entendu. Il ne sert à rien que Dieu parle, puisque les hommes ne comprennent plus ce qu’il dit. Pilate en est l’exemple marquant. Ses repères ne sont pas ceux de Jésus : comment pourrait-il comprendre quelque chose à la royauté de Jésus ? Comment pourrait-il comprendre ce qu’est la vérité dont parle Jésus, lui qui n’entend que des mensonges au long de ce procès truqué ? En Jésus, en ce jour, Dieu se tait. Il ne parle plus avec des mots ; mais son silence n’est-il pas un cri dans la nuit des hommes ? Le silence de Dieu ne parle-t-il pas plus fort que tous les mots qu’il a pu dire ? C’est quand même curieux que l’homme se rende plus compte de l’apparente absence de Dieu à cause de son silence que de sa présence réelle lorsqu’il lui parle ! 
 
Dieu se tait, et l’homme semble abandonné à lui-même. Qui lui montrera désormais la route à suivre ? Ses sentiments ? Sa raison ? Ses humeurs ? On voit ce que cela donne lors de ce procès. Dieu se tait, et les hommes demandent la grâce d’un terroriste et la mort d’un innocent ! Ils sont beaux, les sentiments de l’homme ! Dieu se tait, et c’est le triomphe du Mal, de celui qui n’a eu de cesse de s’opposer à Dieu. Mais peut-être avait-il le droit d’avoir son jour, le Mal, ne serait-ce que pour lui donner l’illusion de la victoire en attendant qu’il soit abattu, une fois pour toute. Si Dieu se tait, c’est peut-être pour ne pas révéler sa stratégie, et remporter une victoire totale ! Car Dieu, en se faisant silence, n’abandonne pas l’homme : il accompagne l’homme dans sa souffrance ; il traverse avec lui l’épreuve, pour mieux l’en sauver. Le silence de Dieu n’est ni abandon, ni acceptation de la victoire Mal. Le silence de Dieu nous invite en fait à une foi renouvelée. 
 
Dieu se tait donc, et l’homme de foi est encore invité à croire. A croire malgré tout. Car Dieu ne peut pas se taire indéfiniment. N’est-ce pas ce que semble dire l’auteur de la lettre aux Hébreux ? Certes, Jésus, par obéissance, est allé jusqu’à la mort sur la croix. Mais cette obéissance silencieuse, en fait, était encore une parole de Dieu adressée aux hommes. A cause de cette obéissance, Jésus est devenu, pour tous ceux qui lui obéissent (ceux qui croient en lui), la cause du salut éternel. Ceux qui se réjouissaient du silence de Dieu, se sont réjouis trop vite. Ce silence, cette mort, ne sont pas le signe de la fin de l’histoire. Dieu se tait pour marquer une pause, une pause salutaire. Ce silence de Dieu doit aussi permettre à tout homme de parler, de se prononcer devant le signe de l’Innocent condamné et mis à mort. Qui est-il, pour toi, celui qui est élevé sur la croix ? Le Mal est-il l’horizon que tu te choisis ? Le silence de Dieu appelle une parole de l’homme, une parole de foi, une parole de vérité, une parole de vie. Pour que l’homme puisse dire sa foi, il faut bien que Dieu se taise un instant et entende la réponse de l’homme à toutes ces paroles prononcées, à tous ces actes posés par celui qu’il a envoyé. Dieu se tait, et l’homme peut soit rejoindre ceux qui nient jusqu’à l’évidence  - il ne fallait pas écrire : Roi des Juifs ; il fallait écrire : cet homme a dit : Je suis le roi des Juifs - ; soit accueillir en Marie, le dépôt de la foi, puisque Marie gardait tout, depuis le début, dans son cœur.
 
Dieu se tait ; mais il nous laisse sa mère en héritage. Avec elle, nous pouvons faire mémoire de tout ce que Jésus a dit et fait. Avec elle, nous pourrons refaire le chemin de Dieu vers l’homme et de l’homme vers Dieu. C’est le chemin d’une humanité libérée du Mal, le chemin d’une humanité solidaire, attentive aux besoins de tous. Dieu se tait, et avec Marie sa Mère, nous pouvons méditer tout cela dans le silence de notre cœur et le mettre en pratique dans notre quotidien. Dieu parlera à notre cœur et notre cœur connaîtra la paix et la joie. Amen.
 
(Tableau de Francis SCHNEIDER, Chemin de croix, Station 1ère, Jésus devant Pilate, Eglise de Fort-Louis, Bas-Rhin)

mercredi 27 mars 2013

Jeudi Saint - 28 mars 2013

Croire et vivre selon notre foi.


En cette année de la foi, la Semaine Sainte que nous avons inaugurée ce dimanche et que nous prolongeons en ce soir, prend une coloration toute particulière. Comme chaque année, elle nous plonge au cœur même de notre foi ; mais plus que les autres années, elle nous invite à une cohérence de vie, à une unification de notre être chrétien. En effet, comment tirer tous les fruits de cette année de la foi si elle ne nous permet pas d’entrer dans cette cohérence nécessaire entre ce que nous disons et ce que nous faisons. Toute la liturgie de ce Jeudi Saint nous invite à entrer dans cette cohérence en tenant ensemble notre vie de tous les jours et notre vie de foi.

La première lecture, qui nous rappelle fort justement l’institution de la première Pâque et les rites qui y sont liés, s’achève par ces mots : Ce jour-là sera pour vous un mémorial. Vous en ferez pour le Seigneur une fête de pèlerinage. C’est une loi perpétuelle : d’âge en âge vous la fêterez. Celui qui croit au Dieu de l’Alliance, au Dieu qui a sauvé son peuple de l’esclavage en Egypte, celui-là tiendra pour acquis la célébration de cette fête. C’est un mémorial, pas un souvenir ; ce qui veut bien dire qu’en célébrant cette fête année après année, selon la loi du Seigneur lui-même, le fidèle rendra présent ce salut et y participera pour sa part, quel que soit le temps qui le sépare de cette première Pâque. En la célébrant en mémorial, il se rend participant de cette première Pâque et il rend ce salut, jadis offert par Dieu à un peuple particulier à une époque particulière, il rend ce salut donc actuel, toujours efficace. Le croyant qui veut se sentir pleinement sauvé par Dieu célèbrera cette Pâque, quoi qu’il arrive ! S’il se dit croyant, s’il se reconnaît devant être sauvé par Dieu, il n’oubliera pas cette fête et il y participera pour bénéficier pleinement de l’œuvre du salut que Dieu réalise, toujours et encore, pour son peuple.

Lorsque Jésus célèbre cette Pâque pour la dernière fois avec ses disciples, il les invite à la même cohérence. Nous avons entendu Paul redire aux chrétiens de Corinthe le testament qu’il a reçu : la nuit même où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance établie par mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi. » Faites cela en mémoire de moi ! A nouveau, une invitation à vivre ce même rite pour participer, à travers le temps et l’histoire, à ce même repas que Jésus a pris avec les Douze. Une invitation à vivre de ce rite, car chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, dans l’espérance de sa venue. Participer à l’eucharistie n’est donc pas quelque chose de facultatif ; c’est l’expression même de notre foi la plus profonde en ce Jésus qui s’est donné, qui a souffert la passion, qui est ressuscité, et dont nous attendons la venue. Comme nos frères Juifs célèbrent en mémorial, chaque année, la libération d’Egypte, nous célébrons, en mémorial, la mort et la résurrection de Jésus, pour y avoir part, définitivement, et vivre avec lui toujours. Un chrétien ne peut se soustraire à cette obligation sans courir le risque de voir sa foi se vider de sa substance même ; un chrétien ne peut se soustraire à cette obligation sans courir le risque d’y perdre sa foi ! Participer à la prière de l’Eglise, célébrer les sacrements que Dieu lui-même nous donne comme des signes efficaces de sa présence, voilà la première cohérence à vivre. Pour être très clair, si tu es croyant, tu pratiques ! Mais cela ne suffit pas ! 
 
La seconde cohérence à vivre, et à tenir avec la première, c’est la cohérence de la vie quotidienne. Au cours de ce dernier repas, Jésus n’a pas seulement rompu le pain et partagé la coupe ; il a aussi lavé les pieds de ses disciples. Il est vraiment dommage et dommageable que ce rite ne soit plus systématiquement pratiqué en cette nuit. Parce qu’il nous rappelle très concrètement que la vie avec le Seigneur n’est pas que la vie de prière et de célébration ; elle aussi vie de service, d’attention à l’autre, en particulier l’autre souffrant, l’autre rejeté, l’autre exploité. De même qu’une vie chrétienne qui ne serait pas rythmée par la célébration des sacrements serait une vie chrétienne affadie et en danger, de même une vie chrétienne sans attention élémentaire aux autres, sans service de tout homme et de tous les hommes, serait pareillement, une vie chrétienne affadie et en danger. Comprenez-vous ce que je viens de faire ? Vous m’appelez « Maître » et «Seigneur », et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns les autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. Le service des frères devient le sacrement de l’amour et de la présence de Dieu au quotidien ; il puise sa force et sa grandeur dans le sacrement de la présence réelle du Christ au monde dans le pain et le vin partagé. Les deux sont donc indissociables, comme sont indissociables l’amour de Dieu et l’amour du frère. Pour être très clair, si tu es croyant, tu vis concrètement la charité avec celles et ceux que le Seigneur place sur ta route. 
 
C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. Croire au Dieu de Jésus Christ, c’est nous unir à lui pour lui ressembler chaque jour davantage. Etre disciple de Jésus Christ, c’est imiter sa vie en toute chose et vivre la totalité de son enseignement. Fils de Dieu, il a vécu en fils des hommes, au milieu d’eux ; puisque notre baptême nous configure à lui, nous devons, fils des hommes, vivre comme le Fils de Dieu afin d’être en tout conforme à ce qu’il attend de nous. En cette nuit où Jésus se donne à nous sous le double signe du pain partagé et du service accompli, engageons-nous à le suivre et à vivre nous aussi d’un double signe : le signe d’une vie reçue de Dieu, vie pour laquelle nous le remercions par la prière et la célébration des sacrements et le signe d’une vie donnée aux autres, vie pour laquelle nous nous battons avec les armes de la charité. Ainsi nous deviendrons toujours plus ce que nous sommes et que nous recevrons ce soir : le corps du Christ, offert pour la vie du monde. Amen.  
 
(Dessin de Coolus, Blog du Lapin bleu)

dimanche 24 mars 2013

Dimanche des Rameaux C - 24 mars 2013

Croire en un Dieu qui se livre.



Nous voici donc au début de cette semaine sainte, semaine cruciale entre toutes puisqu’elle nous permettra de revivre, jour après jour les derniers moments de la vie du Christ. Oui, cette semaine est sainte parce qu’elle nous ramène au cœur de notre foi. Tout au long du Carême, j’ai invité nos assemblées à découvrir ce que cela signifiait que de croire, avec le témoignage de nos ancêtres dans la foi. Voici venu le temps où nous sommes rendus à nous-mêmes : désormais, c’est à chacun de prendre position, à chacun d’exprimer sa foi au moment où le Christ lui-même fait le choix de se livrer par amour pour nous. Au début de cette semaine sainte, nous sommes invités à croire en un Dieu qui se livre !

Un Dieu qui se livre : voilà qui peut paraître surprenant voire choquant pour certains. Dieu peut-il se livrer aux mains des hommes ? Ne perd-t-il pas son statut de Dieu en se rendant faible ? Pour Paul, dans la seconde lecture, le Christ Jésus, tout en restant l’image même de Dieu, n’a pas voulu revendiquer d’être pareil à Dieu. Il reste égal à lui-même, mais il s’abaisse, volontairement jusqu’à devenir l’un de nous. En se livrant, il va accentuer encore cette identité avec notre humanité, puisqu’il va aller jusqu’à la mort, et la mort sur une croix. Non seulement, en Jésus, Dieu se livre, mais il se livre jusqu’à l’extrême. Il se livre comme un criminel alors qu’il n’a cessé de faire le bien. Il se laisse faire, comme le serviteur de Dieu dont nous parle le prophète Isaïe. Il se livre aux hommes, dans une confiance renouvelée à Dieu. Pour dire les choses autrement, il se livre, mais en sachant bien ce qu’il fait, en sachant bien ce que sont les hommes, en sachant bien surtout qui est son Père, ce Dieu qui l’envoie sauver le monde. Pour sauver le monde, il doit d’abord s’abandonner et sembler se perdre aux yeux des hommes. Pour être tout pour les croyants, il doit d’abord n’être plus rien aux yeux des hommes. Seuls ceux qui l’auront suivi jusqu’au bout, seuls ceux qui auront mis leur espoir en lui, ne seront pas déçus.

En suivant Jésus sur le chemin de sa croix, nous le suivons sur le chemin de notre foi : il nous a tout dit, il nous a tout confié ; il ne nous reste qu’à le suivre, avec confiance, avec espérance. Ce qui se joue, c’est notre vie, même s’il le paie de sa vie. Ce qui compte, c’est que nous lui restions fidèles au moment même où il est le plus fidèle à son Père et à sa mission. Peut-être ne le reconnaîtrons-nous pas tout à fait, lorsqu’il aura été défiguré par la souffrance et la méchanceté des hommes ; mais, livré sur la croix, c’est encore lui qui nous invitera à espérer et à croire.

Dieu se livre et notre foi peut grandir. Dieu se livre ; et notre vie peut commencer. Dieu se livre ; et c’est toute notre humanité qui en est transformée. Dieu se livre ; oseras-tu encore croire en lui ?

(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)

samedi 16 mars 2013

05ème dimanche de Carême C - 17 mars 2013

Croire, avec la femme adultère, c'est faire confiance à Jésus.



Est-ce qu’ils se connaissaient, ces deux là, qui sont mis en présence l’un de l’autre au hasard d’un énième piège pour faire tomber Jésus ? Ils se retrouvent face à face, avec chacun, une épée de Damoclès au-dessus d’eux. Ces deux là ? Ce sont la femme adultère bien sûr et Jésus. Ils se retrouvent tous deux coincés dans une histoire qui semble n’avoir aucune autre issue que la mort. La mort pour la femme surprise en état d’adultère (c’est la Loi qui le dit) ; la mort de Jésus, parce que toute cette mise en scène, c’est bien, in fine, pour le faire tomber lui, pour le mettre à l’épreuve afin de pouvoir l’accuser. Ils sont malins, les opposants de Jésus : d’une pierre, ils feraient deux coups ! Mais c’était sans compter sur Jésus ! Il ne faut jamais sous-estimer Jésus et sa justice ; ils vont l’apprendre à leur dépend.

La justice, ce n’est certainement pas ce qui anime les sentiments des scribes et des pharisiens. Ils amènent à Jésus une femme qu’on avait surprise en train de commettre l’adultère. Certes, mais où est l’autre ? Il faut être deux, me semble-t-il, pour commettre un adultère. Si elle est coupable, l’autre ne l’est-il pas tout autant ? Pourquoi cette femme est-elle seule à comparaître ? Jésus n’exprime aucune de ces objections, mais je sens bien, dans son attitude qu’il n’en pense pas moins. Le piège est grossier ; la réponse sera fine ! Pour prendre de la hauteur, Jésus s’abaisse pour dessiner sur le sol. Sa justice ne sera pas celle des scribes et des pharisiens. Sa réponse, aux questions pressantes des accusateurs, est sans appel : Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. Jésus jette un pavé dans la marre et s’en retourne près du sol pour dessiner à nouveau.

J’ai longtemps été surpris par cette attitude. Jésus ne mène pas l’instruction ; il n’interroge même pas la femme, ne cherche pas à comprendre. Il ne renvoie pas la femme à son péché ou à son inconduite ; il renvoie les accusateurs à la leur. Si vous pensez qu’elle mérite la mort, et bien soit ! Mais que ce soit celui d’entre vous qui n’a jamais rien fait de mal qui commence la lapidation. Il n’excuse pas la femme, il n’objecte pas sur les failles du procès ; il renvoie les accusateurs à leur propre vie. Pour condamner quelqu’un, il faut être soi-même irréprochable ! Le piège qui devait se refermer sur Jésus et sur la femme, voilà qu’il se referme sur cette foule vociférante. Jésus semble dire que nous sommes tous complices du péché ; si quelqu’un lui jetait la pierre alors que lui-même aurait péché, il pourrait bien être destinataire de la prochaine pierre. Ils s’en allaient, l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés. Jésus est sauvé pour l’instant, mais la femme, que devient-elle ? Jésus lancera-t-il la première pierre, lui qui est sans péché ?

La femme justement, pendant tout ce temps, ne dit rien, ne se défend pas. Elle sait ce qu’elle a fait ; elle ne se cherche pas d’excuse ; elle ne supplie même pas. Connaît-elle Jésus ? A-t-elle entendue parler de lui, de sa bonté, de sa miséricorde, de son message de salut ? Je ne sais pas. En tout les cas, elle est bien calme, pour une femme qui risque la mort. A moins que ce ne soit le remord qui la fige et mure dans ce silence ! Elle attend, simplement. Elle connaît les hommes et ce dont ils sont capables ; mais voilà qu’ils sont tous partis. Il ne reste plus que celui-là. Il ne l’a pas encore accusé, il ne l’a pas regardé avec envie, il ne l’a pas rabaissé. Au contraire, il va la redresser, la remettre en route, pour un avenir meilleur : Personne ne t’a condamnée ? Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. Il ne la renvoie pas seulement chez elle ; il ne la renvoie pas davantage à son passé. Il lui ouvre un avenir. Il n’accepte pas ce qu’elle a fait, mais voit en elle plus qu’une femme adultère. Il voit en elle quelqu’un qui est capable de mieux, capable d’une autre vie, capable de vivre libérée du Mal. N’est-ce pas pour cela qu’il est venu, lui, Jésus ? Pour apprendre aux hommes qu’ils sont libérés du péché et de la mort ? Cette femme, risquant la mort à cause de ses actions, trouve la vie, en Jésus ; elle devient le témoin de ce que nous pouvons vivre à notre tour, malgré notre péché, si nous venons vers Jésus, et si nous mettons notre confiance en lui. Grâce à la femme adultère, nous découvrons que croire, c’est faire confiance à Jésus. Si elle n’avait pas eu un peu confiance, elle se serait débattue et justifiée ; elle aurait aussi pu s’enfuir après le départ de la foule. Mais elle est restée auprès de Jésus, sans rien dire ; elle a attendu que Jésus se lève. N’est-ce pas ainsi qu’elle manifeste sa confiance, sa foi en cet homme si différent de ceux qu’elle a rencontré jusqu’ici ?

Faire confiance à Jésus : tout est là. Lui faire confiance au point de le suivre là où lui veut nous emmener. N’est-ce pas ce qu’a fait Benoît XVI, lorsqu’il a accepté son élection il y a 8 ans ? N’est-ce pas ce qu’il a encore fait lorsqu’il a renoncé à sa charge pour servir l’Eglise dans le silence et la prière ? Faire confiance à Jésus, n’est-ce pas ce qu’a fait François en acceptant à son tour d’être évêque de Rome et d’assurer à ce titre la communion de toutes les églises particulières ? N’est-ce pas ce qu’il nous demande déjà lorsqu’il nous dit, dans sa première homélie, que sans Jésus, nous ne sommes qu’une ONG pitoyable ? Oui, tout est là, dans la confiance que nous faisons à Jésus. Cette confiance nous sauvera ; cette confiance nous fera grandir ; cette confiance nous fera accueillir la sainteté que Dieu nous offre. C’est ce que vous avez pu vivre vendredi soir et que vous pourrez encore vivre ce vendredi dans le sacrement du pardon, le sacrement de la confiance exprimée envers ce Dieu qui veut votre salut et votre vie. Grandissez encore et toujours dans cette confiance au Christ afin que vous puissiez le suivre aussi quand viendra le temps de la passion, quand viendront les jours plus sombres de votre vie. Faites confiance au Christ, et croyez qu’il peut tout pour vous. Amen.

(Dessin de Gustave DORE, La Femme adultère)

samedi 9 mars 2013

04ème dimanche de Carême C - 10 mars 2013

Croire, avec Paul, c'est s'ouvrir à la miséricorde de Dieu.




Depuis le début du Carême, je vous invite, chaque dimanche, à cheminer avec un témoin différent de la foi. Quelqu’un qui, avant nous, a pris la route à la rencontre de Dieu et que nous pouvons prendre en exemple. Ainsi, nous avons pu découvrir, depuis le Mercredi des Cendres, que croire, c’est se convertir, faire le choix de Dieu, croire en une parole donnée et jamais reprise pour mieux entrer dans le projet de Dieu. Ayant effectué la moitié du chemin vers Pâques, il nous faut maintenant nous interroger : que devient notre foi lorsque nous tombons, lorsque le Mal reprend pied dans notre vie ? Car enfin, depuis le Mercredi des Cendres, nous avons pu perdre courage, nous avons pu laisser sur le bord du chemin notre résolution de marcher avec Dieu. Aurions-nous fait tout ce chemin pour rien ? Oui, que devient notre parcours de foi lorsque nous nous éloignons à nouveau de Dieu ?

Jésus répond dans la parable de l’enfant prodigue que rien n’est jamais perdu. Dieu est comme ce père qui attend l’un de ses fils, parti vivre sa vie, sans trop de considération pour son père ou son frère ainé. Il a pris ses affaires un jour, a même osé réclamer sa part d’héritage à son père encore bien vivant, et s’est mis en route. Et depuis, pas une lettre, pas un mot, semble-t-il ! On peut croire, en lisant la parabole, que le père a guetté chaque jour le retour de ce fils ; de nombreuses œuvres d’art le représentent, sur la terrasse, le regard creusé par l’attente, par des jours de veille et des moments passés à guetter ce fils qui s’est éloigné, alors qu’il ne manquait de rien, alors qu’il avait tout. Et quand il l’aperçoit, sa joie est si grande qu’il organise une fête, tue le veau gras et refuse même d’écouter les excuses que ce fils indigne s’était mis en tête de bredouiller, histoire de faire fléchir le cœur de son père. Il s’attendait à croiser le regard d’un juge ; il retrouve le regard et le cœur d’un père, ce père qu’il n’aurait jamais dû quitter.

Cette parabole, que nous connaissons bien, est intéressante, parce qu’elle montre bien que le fils n’est pour rien dans l’accueil que lui réserve son père. On ne peut pas vraiment dire que le père a été touché, voire convaincu, par les explications de son plus jeune : il ne le laisse même pas finir sa phrase ; il ne le laisse pas s’humilier davantage devant lui. Un nouveau vêtement, de nouvelles sandales, la bague de la famille au doigt, et tout le monde passe à table. Le fils n’a certainement pas le temps de réaliser ce qui lui arrive, ni même le temps de respirer, tellement tout va vite. Tout vient de son père, et de la joie qu’il a eu à revoir ce fils. Le temps des explications viendra peut-être, plus tard. Pour l’heure, c’est le temps de la joie, le temps de la fête.

Nous sommes, en général, très heureux de cette parabole, parce qu’elle nous parle lorsque justement nous sommes comme ce fils qui est parti, sans rien dire, mener sa vie de bohème, sans une pensée pour les siens jusqu’à ce que tout aille mal. Mais nous en sommes, reconnaissons-le, moins heureux, lorsque nous nous trouvons dans la situation du fils ainé, qui entre en colère devant ce qu’il ressent comme une injustice faite à sa fidélité, à son travail pour son père. Ah, ça, il l’a mauvaise, l’aîné ! Rentrera-t-il ou pas faire la fête après que son père lui ait expliqué le pourquoi du comment ? Nul ne le sait ! Peut-être parce que Jésus veut que nous nous identifiions d’abord à celui-là qui se croit juste ! N’avons-nous pas tendance à être sans pitié pour les péchés des autres et bien aveugles en ce qui nous concerne ? Jésus ne veut-il pas que nous terminions cette parabole nous-mêmes ? Entrerions-nous ou pas ? Nous réjouirions-nous de retrouver ce frère qui n’avait aucune considération pour nous au moment de son départ ?

La réponse qu’apporte Paul nous concerne alors tous, que nous soyons comme le plus jeune fils ou plutôt comme l’ainé. Il nous dit que la réponse vient d’abord de Dieu, et que c’est bien vers lui qu’il nous faut nous tourner. Le plus jeune l’a fait en rentrant chez lui ; le fils ainé le ferait s’il entrait dans la salle du festin ! Paul nous dit : Tout vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ. Dieu l’a fait, pas les hommes. La réconciliation, Dieu seul peut l’opérer ; mais l’homme peut choisir de revenir à Dieu. Au nom du Christ, nous vous le demandons, laissez-vous réconcilier avec Dieu, insiste l’Apôtre. Ouvrez-vous à la miséricorde de Dieu ! Vous vous êtes éloignés de Dieu ? Et alors ? Vous pouvez revenir ! Dieu n’attend que cela ! Déjà, il vous offre son pardon ; revenez vers lui et accueillez la grâce qu’il vous offre. Les vieilles manières de voir Dieu sont dépassées : le monde ancien s’en est allé, un nouveau monde est déjà né. Dieu n’est pas ce juge qui punit et qui y prend plaisir. Il est comme ce père à qui son fils manque terriblement, et qu’il espère revoir dans sa vieillesse. Il est comme ce père qui veille et qui souffre de l’absence de ce fils ; d’où cette joie démesurée lorsqu’il l’aperçoit au loin. Paul a raison de nous inviter à nous recentrer sur Dieu et à nous ouvrir à sa miséricorde lorsque le Mal a pris le pas dans notre vie, lorsque nous avons tourné le dos à Dieu. Notre chemin de foi ne s’arrête pas lorsque nous vivons loin de Dieu ; il est comme en attente, en attente d’un peu de lucidité, d’un peu de regret, d’un désir renouvelé d’être avec Dieu. Paul nous apprend que croire, c’est aussi s’ouvrir à la miséricorde de Dieu ; croire que tout est toujours à nouveau possible ; croire que rien n’est perdu, que nous ne sommes pas perdu, si nous faisons à nouveau le choix de Dieu après une vie agitée. Si nous nous condamnons, si nous nous jugeons indignes de Dieu, lui au contraire nous attend, lui au contraire nous offre son pardon. Il nous l’a chèrement acquis, en Jésus, mort et ressuscité pour nous.

N’est-ce pas un beau cadeau que Dieu nous fait ? N’est-ce pas une belle démarche de foi que de revenir vers Dieu et nous entendre dire : tu es mon fils, toujours, et malgré tout ; je ne saurais cesser de t’aimer ! Dans quelques jours, la possibilité de vivre cette expérience du fils prodigue vous sera proposée : accueillez-là comme un don de Dieu et répondez avec ferveur et joie à l’invitation de Paul : Laissez-vous réconcilier avec Dieu. Dieu vous attend déjà. Qu’attendez-vous pour vous mettre en route ? Amen.

(Dessin de Coolus, Blog du Lapin bleu)

vendredi 1 mars 2013

03ème dimanche de Carême C - 03 mars 2013

Croire avec Moïse, c'est entrer dans le projet de Dieu.


Nouveau dimanche, nouvelle étape dans notre marche vers Pâques, nouveau témoin pour nous accompagner au cœur de notre foi et découvrir avec lui l’acte de croire. Après Abraham, un autre personnage de la Première Alliance nous précise ce que c’est que croire. Mettons-nous donc à l’école de Moïse en ce troisième dimanche.

Moïse, c’est d’abord celui qui aurait pu ne pas être. En effet, Pharaon, jaloux et obsédé par ce peuple qui grandissait au sein de l’Egypte et qu’il voyait comme un danger pour son peuple, Pharaon donc, ordonne la mise à mort des enfants mâles des Hébreux. Moïse ne doit la vie qu’au courage et à la confiance de sa mère : elle le met dans une corbeille qu’elle laisse voguer sur les eaux du Nil, le confiant ainsi à la bonté de Dieu. La suite de l’histoire, vous la connaissez.

Moïse, c’est aussi celui qui aurait pu être quelqu’un à la cour de Pharaon. Elevé par la sœur de celui-ci, il devenait prince d’Egypte. Mais Dieu avait d’autres projets pour lui. Il avait mis son serviteur à part jusqu’au moment favorable où il aurait besoin de lui. A lire le chapitre 2 de l’Exode, on sent aussi très vite que Moïse n’est pas fait pour la vie de cour, il s’émeut devant le dur labeur que les hébreux doivent accomplir au service de Pharaon. Après avoir tué un égyptien qui maltraitait un hébreu, le voilà obligé de fuir. Celui qui aurait pu être un grand d’Egypte, n’est plus qu’un meurtrier fugitif. Il n’est plus rien. Et c’est parce qu’il n’est plus rien que Dieu peut le prendre en main, l’élever, le former à la mission qu’il a pour lui.

Le passage du livre de l’Exode que nous avons entendu, nous raconte justement la première rencontre entre Dieu et Moïse. Une rencontre bien étrange d’ailleurs puisque Dieu ne se montre que dans un signe, le signe d’un buisson qui brûle mais ne se consume pas. Peut-être déjà le signe de l’amour que Dieu porte aux hommes, un amour brûlant, mais qui jamais ne se consume, qui jamais ne s’éteint. Quand Dieu aime, il aime totalement, il aime toujours.

Mais revenons à cette rencontre étrange. Moïse voit ce signe du buisson ardent ; il est intrigué : Pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ? Et soudain, une voix qui l’appelle : Moïse ! Moïse ! Et voilà le contact établi, la rencontre peut avoir lieu. Dieu a l’attention de Moïse et cette attention ne le quittera jamais. Dieu révèle son projet de libération en faveur de son peuple ; il connaît la souffrance de son peuple et elle lui est insupportable. Cela n’a que trop duré : Dieu a décidé d’intervenir en faveur de son peuple et c’est Moïse qui aura la joie d’être son intermédiaire pour faire connaître son projet à tous ! Le moins qu’on puisse dire, c’est que Moïse ne se sent pas flatté d’avoir été choisi : la liturgie n’a retenu qu’une partie du dialogue entre Dieu et Moïse, mais nous sentons bien que le pauvre Moïse serait mieux ailleurs qu’ici, devant le buisson ardent. Il va même chercher à se défiler, mais quand Dieu a choisi et appelé, l’homme peut-il trouver sa vie et son épanouissement ailleurs que dans la réalisation du projet que Dieu porte pour lui ? Pour l’inciter à réaliser sa mission, Dieu lui révèle son nom : Je suis celui qui suis ! Un nom bien étrange, mais qui assure la présence perpétuelle de Dieu à celui qui croit en lui. Je suis celui qui suis, c’est-à-dire je suis celui qui est avec toi, maintenant et toujours. C’est peut-être aussi une manière de dire que l’on n’a jamais fini de découvrir qui est Dieu : tu verras bien qui je suis en fonction de ce que tu vivras.

Moïse ne pourra pas lutter longtemps avec Dieu. Les objections qu’il a, sont balayées les unes après les autres. Qui suis-je pour aller trouver Pharaon et faire sortir d’Egypte  les Israélites ? Je serai avec toi, lui répond Dieu. S’ils me disent : Quel est son nom ?, que leur dirai-je ? Je suis qui je suis, répond Dieu. Et s’ils ne me croient pas ?, interroge encore Moïse. Et Dieu lui donne des signes. Moïse poursuit encore : Je ne suis pas doué pour parler ni d’hier, ni d’avant-hier, ni même depuis que tu m’adresses la parole. Et Dieu de répondre : je serai avec ta bouche et je t’indiquerai ce que tu dois dire. Moïse tente une dernière esquive : Envoie qui tu veux, mais pas moi !  Et Dieu se met en colère et adjoint une aide en la personne d’Aaron. Moïse est vaincu par Dieu, Moïse va entrer dans le projet de Dieu pour n’en plus ressortir. Celui qui est ainsi saisi par Dieu, ne peut que mettre Dieu au centre de sa vie et le servir. Peut-être cette longue joute verbale avec Dieu annonce-t-elle déjà les difficultés que le peuple a rencontré durant sa longue marche, les difficultés que nous rencontrons tous lorsqu’il s’agit de nous mettre au service de Dieu et de son désir de salut. Si c’était simple d’être croyant, cela se saurait et tout le monde le serait.

 Dans la longue liste des témoins que Dieu a appelés, Moïse est celui qui nous apprend à entrer dans le projet de Dieu. Nous avons le droit, comme lui, d’émettre nos objections ; mais nous avons aussi le devoir d’écouter Dieu les lever les unes après les autres. Son nom (je suis qui je suis) est le même, aujourd’hui encore. Sa parole nous accompagne toujours ; il la met sur nos lèvres. Entrer dans le projet de Dieu, c’est lui servir d’intermédiaire, c’est finalement rendre les armes et laisser Dieu vivre et agir en nous. C’est ainsi que Moïse est devenu le guide qui a permis au peuple de découvrir ce Dieu qui l’a libéré d’Egypte à bras fort. C’est en se mettant du côté de Dieu que Moïse a pu livrer au peuple la Loi de Dieu. C’est en se mettant du côté de Dieu qu’il a pu conduire ce peuple à la nuque raide jusqu’en terre promise.

Ce temps du carême est une invitation renouvelée à entrer à notre tour dans le projet que Dieu porte pour nous. Il est toujours projet de salut, projet de vie, projet de bonheur. Peut-être ne le voyons-nous pas de prime abord ; mais Moïse et le peuple qu’il a conduit devraient suffire à nous le faire comprendre. A notre tour, entrons dans cette manière de croire qui nous fait vouloir ce que Dieu veut. Et nous connaîtrons la joie véritable. Et nous connaîtrons la vie qui ne finit jamais.

Disciples de Jésus, qui a donné sa vie par amour des hommes, nous pouvons entrer dans le projet de Dieu en réalisant ce que demandait Benoît XVI  dans son dernier tweet jeudi soir : c’est notre manière d’entrer dans ce que Dieu nous demande. Au moment où il se retirait, sûr d’avoir réalisé en tout le projet de Dieu, Benoît XVI nous disait une dernière fois : Mettez le Christ au cœur de votre vie ! Il n’y a pas de meilleur conseil à donner, si ce n’est de le vivre : Mettez le Christ au cœur de votre vie. Amen.
(Dessin de Sieger Köder, Moïse au buisson ardent, Kinderbibel, éd. Herder)