Bienvenue sur ce blog !

Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 25 juillet 2020

17ème dimanche ordinaire A - 26 juillet 2020

Demande ce que je dois te donner.






            Demande ce que je dois te donner. Sans doute certains estiment-ils que Salomon a bien de la chance d’être ainsi interpelé par Dieu lui-même, et se disent peut-être en eux-mêmes : « ce n’est pas à moi que cela arriverait ». Au-delà de savoir si Salomon a de la chance ou non, je voudrais méditer avec vous cette demande de Dieu et comprendre ce qu’elle nous révèle de Lui et de notre rapport à Lui. Pour cela, je vous propose de voir chaque terme en lui-même. 

            Demande : c’est le premier terme de cette phrase. Et c’est un impératif. Autrement dit, une réponse est attendue. Dieu ne dit pas à Salomon : Quand tu auras le temps, tu réfléchiras à ce que tu voudrais me demander. Non, il dit : Demande. C’est-à-dire maintenant, tout de suite ! De cet impératif, je déduis que Dieu attend que jaillisse du cœur de Salomon ce qui lui est le plus utile. Il n’a pas le temps de réfléchir ; il ne lui est pas laissé de temps pour réfléchir. C’est un cri du cœur qui doit jaillir des lèvres de Salomon. Ainsi sera exprimé ce qui est vraiment essentiel pour lui. Ceci nous dit une première chose sur Dieu : il attend que nous formulions devant lui notre désir. 

            Demande : il y a là aussi comme un défi adressé par Dieu à Salomon. Une manière de dire : Ose ! Aie le courage de demander à Dieu. Et c’est peut-être cela qui nous manque le plus : le courage de nous adresser à Dieu, doublé du courage de croire que Dieu répondra. Combien de fois osons-nous vraiment crier vers Dieu ? Combien de fois osons-nous croire qu’il nous répondra vraiment ? Je pense que ce refus d’oser vient du fait que nous ne savons pas ce que nous voulons d’une part ; et d’autre part, que nous avons conscience que la demande que nous voudrions formuler est inappropriée. Quand on ne sait pas quoi demander, quand on ne sait pas si notre demande est digne d’intérêt, on s’abstient. Beaucoup pensent qu’il vaut mieux ne rien demander plutôt que d’avoir l’air ridicule devant Dieu avec notre demande. Pourtant, Dieu dit bien à Salomon : Demande, sans mettre aucune restriction au champ des possibles. Il attend que Salomon ose ; il attend que nous osions. C’est le deuxième enseignement de ce passage de l’Ecriture. 

            Ce que je dois : entendons-bien Dieu. Il ne dit pas : demande ce que je pourrais, ni demande ce que tu aimerais, mais bien Demande ce que je dois. Comme si Dieu était le débiteur de l’homme. Il devrait quelque chose à Salomon. Il nous devrait quelque chose. C’est ce qui me sidère le plus dans cette phrase. Dieu, l’infiniment grand, l’infiniment puissant, celui qui est à l’origine de ma propre vie, serait mon débiteur. Il me doit quelque chose. L’infiniment grand se met au service de l’homme ! L’infiniment puissant considère l’homme comme son égal et non comme un serviteur : un maître ne doit rien à son serviteur. Reconnaissons-nous Dieu comme un partenaire de notre vie ? Le connaissons-nous assez comme celui qui veut faire partie de notre vie ? Dieu ne peut quelque chose pour nous que si nous Le reconnaissons comme celui qui peut quelque chose pour nous, avec nous. Nous avons entendu Paul dans la seconde lecture : Quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien. Et si je croise alors mes connaissances bibliques, et que je me souviens qu’aimer, c’est aussi connaître, j’en déduis que si je ne connais pas Dieu vraiment, je ne l’aime pas vraiment ; et si je ne l’aime pas vraiment, j’annule la possibilité que Dieu a de faire quelque chose pour moi. Quand les hommes aiment Dieu (comprenons bien quand les hommes connaissent Dieu), lui-même fait tout contribuer à leur bien. En interrogeant Salomon comme il le fait (Demande ce que je dois), Dieu interroge l’amour que Salomon lui porte ; Dieu interroge la connaissance que Salomon a de ce Dieu dont il devient le représentant auprès de son peuple. Depuis que ce peuple a réclamé un roi pour être comme les autres nations, Dieu a donné un roi qui gouvernerait le peuple selon le cœur de Dieu ; en tout cas, c’est la théorie. La pratique, ce ne sera pas toujours cela ! Nous apprenons donc une troisième chose : nous devons sans cesse approfondir notre relation à Dieu et notre connaissance de Dieu ; ainsi nous l’entendrons nous dire, comme à Salomon : Demande ce que je dois

            Te donner : c’est le dernier terme de l’intervention de Dieu. Là encore, il ne dit pas : demande je que je dois faire, mais bien ce que je dois te donner. Donner, cela signifie que cela est gratuit et sans retour. Ce n’est pas un prêt ; ce n’est pas une négociation : je te donne si toi tu fais ou dis ou donnes en échange. Demande ce que je dois te donner. Point. Cela signifie que Dieu a quelque chose pour nous ; il fut un temps, nous aurions dit que Dieu a des grâces qu’il veut nous donner. Et il donne selon nos besoins propres. Il ne donne pas à Thomas ce dont Jacques a besoin. Demande ce que je dois TE donner. C’est un cadeau personnel, fait sur mesure. Il nous faut donc bien savoir ce dont nous avons le plus besoin. Et nous voici donc face à Dieu, sommés de dire celui qui, parmi tous nos désirs parfois contradictoires, est le plus important pour nous, au point que Dieu n’a pas d’autre choix de que nous le donner. 

            Demande ce que je dois te donner. Voilà que ce qui pouvait nous apparaître comme une chance, nous semble soudain comme un piège dressé devant nous. Que vais-je bien pouvoir demander, sachant que ma demande révèlera à Dieu pour qui je le prends. Est-il le magicien qui rend possible mes rêves les plus fous ? Est-il le banquier qui me donnera l’argent dont j’ai besoin, sans que j’aie à me fatiguer pour l’obtenir ? Est-il le prestataire des services que je suis en droit d’attendre de la part de quelqu’un dont on m’a dit qu’il pouvait tout ? Ou est-il celui qui m’aime et me connaît mieux que moi-même et qui révèle au secret de mon cœur ce qui m’est le plus important pour que je l’exprime et le demande simplement ? Le Dieu que je prie, est-il le Dieu que j’aime ou le Dieu dont j’ai peur ? Le Dieu que je prie, est-il le Dieu avec qui je fais alliance ou le Dieu que j’utilise selon mes besoins ? Dieu est au service de l’homme, je l’ai dit plus haut ; mais au service de l’homme qui le connaît, au service de l’homme qui l’aime, au service de l’homme qui se met lui-même au service de Dieu et de ses frères. La réponse de Salomon à la demande singulière de Dieu révélait le désir de Salomon de servir correctement Dieu et ce peuple dont il est devenu roi ; c’est pour cela qu’il a été exaucé et qu’il a reçu encore plus. Que son histoire nous serve d’exemple quand nous nous présentons devant Dieu pour répondre à sa question : Demande ce que je dois te donner. Amen.


(Icône Russe, Le Roi Salomon, 17ème siècle, Monastère de Kizhi - Russie) 

 

 








samedi 18 juillet 2020

16ème dimanche ordinaire A - 19 juillet 2020

Quand les choses se compliquent ! 




          Quand les choses se compliquent ! C’est ce que nous pourrions déduire de la parabole du bon grain et de l’ivraie entendue ce dimanche. Dimanche dernier, la liturgie nous donnait à entendre la parabole du semeur qui sème à tout va le grain de la Parole de Dieu. Il ne se préoccupait pas de la terre ; il semait, tout simplement, avec largesse. Et je vous expliquais qu’il nous fallait comprendre peut-être que nous étions ces différentes terres, tour à tour, selon notre vie, selon notre désir d’entendre et de vivre la Parole. Une fois bord du chemin, une fois chemin empli de pierres, une fois envahi de ronces, une fois bonne terre. Notre vie, notre maturité aussi, nous font évoluer. On ne peut donc pas définitivement classer quelqu’un, voire nous-mêmes, une fois pour toutes. Nous pouvons prendre soin de nous, améliorer la terre que nous sommes, terre qui reçoit la Parole largement répandue. Nous pouvons décider de changer, nous pouvons porter du fruit. 

            Mais voilà donc que tout se complique. Aujourd’hui, Jésus semble dire qu’il y a deux sortes d’hommes, les bons et les mauvais, les fils du Royaume et les fils du Mauvais. Un monde binaire, en noir et blanc, en bien et mal. L’histoire est simple : Le fils de l’homme sème le bon grain, les fils du Royaume ; le diable sème l’ivraie, les fils du Mauvais. Faut-il les séparer pour que l’ivraie n’étouffe pas le bon grain ? Non, dit Jésus ; il y aura un temps pour cela. Pour l’instant, les deux poussent ensemble jusqu’à la moisson que réaliseront les anges. Ouf, diront ceux qui se souviendront qu’au jour de leur baptême le signe de la croix, le signe de Jésus, a été tracé sur eux. Sûrement, nous faisons partis des fils du Royaume que Jésus a semé. Les méchants, ce n’est pas nous ; ce sont les autres, forcément ! Ah, quel soulagement ! Ils pourront même se dire qu’ils ont bien fait d’aller à la messe ce matin ; ça fait toujours du bien d’entendre dire que les bons, c’est nous. Mais sommes-nous bien sûr que c’est cela que Jésus a voulu dire ? Sommes-nous bien sûrs que Jésus nous délivre un certificat de bonne conduite sous prétexte qu’un signe de croix a été tracé sur nous et qu’un peu d’eau a coulé sur nos fronts ? 

            Nous pouvons comprendre l’histoire au premier degré et entendre le monde dont parle Jésus comme notre terre. Elle a été ensemencée du bon grain des croyants, tandis que le diable a semé le mauvais grain des impies, des non-croyants, des croyants autrement. Il y a des gens qui se complaisent dans cette croyance. Pour eux, le monde se porterait mieux si tous les hommes étaient croyants, et tant qu’à faire si tous les hommes étaient chrétiens, catholiques de surcroît. C’est quand même mieux ! Mais si tel était le cas, pourquoi ne pourrions pas supprimer les mauvais, tout simplement ? Enfin, ce n’est pas bien compliqué quand même ! Il est plus facile de faire le tri entre les hommes dans une ville que de trier les herbes qui poussent dans un champ. A moins que… 

            A moins qu’il nous faille comprendre le monde dont parle Jésus comme désignant l’homme, chaque homme dans sa singularité. Ne sommes-nous pas chacun un petit monde complexe à nous tous seuls ? Et dans ce monde que je suis, Jésus a semé la trace de sa présence et le diable a semé la sienne. En nous, en chacun, pousseraient le bien et le mal ; en chacun de nous, le bon grain et l’ivraie se côtoient. En chacun de nous, un peu de blanc et un peu de noir pour beaucoup de gris. Entre gris clair et gris foncé, il devient difficile de faire le tri et de savoir ce qu’il faut supprimer et ce qu’il faut laisser. Il nous faudrait une fois de plus renoncer à vouloir classer les hommes et regarder notre ‘nous’ profond. Il faudrait regarder notre vie, nos actions, et veiller à ce que la trace de Jésus soit plus présente, plus forte en nous que la trace du diable. Il faudrait que la trace de Jésus brille davantage dans notre vie, pour qu’au moment de la moisson, le bon grain ait envahi tout le champ et étouffé la mauvaise herbe. Il faut que la conversion se fasse ; il faut que Jésus passe, que Jésus triomphe dans notre vie comme il a triomphé de la mort et du péché. La victoire de Jésus doit devenir notre victoire. Nous avons une part à jouer. Jésus a commencé le travail, nous devons l’accueillir et poursuivre son œuvre. C’est pour cela que nous sommes devenus ses disciples par le baptême. Le baptême ne nous dispense pas de vivre et de grandir ; le baptême nous pousse à vivre et à grandir, en sainteté d’abord. La vie que Jésus nous offre, nous devons la faire nôtre. Nous ne serons pas sauvés malgré nous ! Nous ne deviendrons pas bons par une volonté extérieure, fût-elle celle de Dieu. Nous deviendrons bons parce que nous aurons accueilli et fait fructifier en nous la Parole que Jésus sème en nous. Nous deviendrons grands et bons en renonçant à nos rêves de grandeur : c’est la plus petite des graines qui donne un grand arbre, nous rappelle la parabole de la graine de moutarde. Nous deviendrons grands et bons en renonçant à nous mettre en avant : c’est la levure, invisible dans la pâte qui la fait gonfler, nous dit la parabole du levain dans la pâte. 

            Croyants, chrétiens, catholiques, nous ne sommes pas meilleurs que les autres ; mais nous pouvons devenir ce que Jésus attend de nous, ce qu’il a enfoui en nous. Laisserons-nous le grain du diable étouffer ce grain de lumière semé par Jésus ? Ou resplendirons-nous de la présence du Ressuscité ? Il n’est pas de réponse toute faite à cette question. Il n’y aura que la réponse que chacun apportera, dans le secret de son cœur, dans le témoignage de sa vie. Tout est semé : que ferons-nous lever ? Le choix est nôtre. Amen.

 

 (Image trouvé sur Wikipédia [https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Bon_Grain_et_l%27Ivraie] Tableau de Heinrich Füllmaurer, L'ennemi semant l'ivraie, panneau tiré du Mömpelgarder Altar, peint vers 1540, Kunsthistorisches Museum, Wien, Autriche)

 

samedi 11 juillet 2020

15ème dimanche ordinaire A - 12 juillet 2020

Une parabole pour nous encourager.





            Nous aurions tort de faire de cette parabole une leçon de morale. Nous aurions tort d’utiliser cette parabole pour essayer de classer les gens en différents groupes, selon qu’ils écoutent un peu, beaucoup ou pas du tout la Parole de Dieu. Cette parabole, comme toute la Parole de Dieu au demeurant, ne veut pas dispenser un cours, mais une invitation ; une invitation à vivre mieux notre propre rapport à Dieu. 

            Si l'on retire d'emblée le bord du chemin qui ne produit rien, il reste trois types de terres qui ne sont pas trois catégories de personnes. Ces trois types de terre (sol pierreux, plein de ronces et bonne terre), c’est chacun de nous, selon les jours, selon les moments vécus. Il y a des jours où la détresse l’emporte, nous rendant sourds à la Parole que Dieu nous adresse. L’épreuve que nous traversons est tellement grande que même Dieu nous a abandonnés, nous semble-t-il ! C’est la situation que nous pouvons connaître aujourd’hui encore, lorsque nous avons mal vécu la crise sanitaire dont nous ne sommes pas encore débarrassés. Les invitations à l’espérance n’ont aucune prise sur nous, nous nous enfermons, nous nous replions et les allègements de mesures, au lieu de nous réjouir, ne font que renforcer notre détresse, notre peur. Quand bien même nous relirions tous les prophètes qui invitent à l’espérance au plus fort de la détresse, rien ne changerait. La Parole ne serait plus que des mots, vides et sans saveur. Je prends l’exemple de la crise Covid parce qu’elle nous a tous touchés ; mais n’importe quelle crise personnelle spirituelle peut avoir le même effet. La Parole de Dieu, si belle et puissante soit-elle, ne nous touche plus ; elle n’atteint plus notre cœur. Nous sommes dévorés par l’angoisse. 

            De même, nous connaissons tous des jours où tout va bien. Pas de crise à l’horizon, pas même un petit nuage. La Parole de Dieu peut retentir en nous, nous aimons la fréquenter. Mais il y a cette petite musique qui interfère avec elle. Un petit souci, souvent pas grand-chose, mais qui nous tient en alerte. La Parole de Dieu devient secondaire ; il y a tant de choses plus importantes qu’elle, nous semble-t-il. Ainsi, pendant le confinement, quand il n’y avait rien d’autre à faire, nous avons été nombreux à avoir une attention renouvelée pour la Parole de Dieu. Il n’y avait que cela à faire. Mais maintenant que la vie reprend son cours, la Bible est rangée, elle reprend la poussière. Ce n’est pas que nous ne l’aimons plus, mais nous avons d’autres priorités. La relance économique ne souffre pas de délais ; c’est notre objectif numéro 1. Dommage pour la Parole qui pourrait donner sens à tout cela. Nous le reprendrons à la prochaine crise ; on ne sait jamais… 

            Enfin, nous connaissons tous des périodes où la Parole est le tout de notre vie ; elle oriente nos choix, guide nos décisions, donne sens à notre action. Nous sommes heureux dans ces moments-là. La Parole entendue, méditée et mise en œuvre porte du fruit, à raison de cent ou soixante, ou trente pour un. Qu’importe le rapport ; ce qui compte, c’est ce qu’elle produit en nous, car elle ne produit toujours que du bien, du mieux. Même les épreuves que nous pouvons traverser ne nous font pas lâcher la Parole. C’est ainsi que devrait être notre vie, chaque jour. C’est ainsi qu’elle peut être chaque jour. Cela ne tient qu’à nous. Car enfin, ce n’est jamais la Parole qui nous quitte, mais bien nous qui la rangeons soigneusement. Cette parabole de Jésus est là pour nous rappeler que le grain de la Parole est toujours semé ; elle nous encourage à rendre la Parole première. Elle est efficace, elle agit, elle ne revient pas [à Dieu] sans avoir fait ce qui [Lui] plaît, sans avoir accompli sa mission. L’assurance du prophète doit devenir nôtre, pour que nous restions bonne terre même lors des plus grandes tribulations. 

            Que ce temps de vacances, ce temps de changement de rythme, soit un temps favorable, non seulement pour reprendre la Parole, mais pour nous attacher à elle plus fortement encore. Et lorsque viendront épreuves et découragements, demandons la grâce de tenir bon pour que la Parole puisse encore produire en nous de bons fruits. Amen.

 

 (Hortus deliciarum, Le semeur est sorti pour semer)

samedi 4 juillet 2020

14ème dimanche ordinaire A - 05 juillet 2020

Fais-moi confiance !







            Il est de coutume pour le prédicateur, alors que les vacances viennent à peine de commencer, de s’arrêter sur le verset suivant de l’évangile entendu : Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. L’occasion rêvée de dire combien ce temps qui s’ouvre ne peut se vivre sans Jésus, et que les vraies vacances sont auprès de lui, ou à tout le moins, à vivre aussi avec lui. Pourtant, ce n’est pas ce verset qui a retenu mon attention au moment de préparer la célébration de ce dimanche, mais bien la finale de celui qui le précède : Personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler.

            Les deux premiers termes du verset ne posent pas de problème. Ils redisent le lien particulier qui unit tout père à son fils. Quelles personnes connaissent le mieux un fils, sinon celles qui l’ont engendré ? Et qui peut dire Père à quelqu’un si ce n’est celui qui a été engendré par lui ? Il n’y a là rien d’extraordinaire, ni de bien difficile à comprendre. Nous sommes dans le factuel. Qu’il s’agisse de vous ou de moi ou qu’il s’agisse de Jésus et de Dieu son Père, cela ne change rien à l’histoire. Dans l’Evangile, c’est bien cette relation particulière entre Jésus et Dieu qui est visée, Fils et Père s’écrivant avec une majuscule. Mais alors, pourquoi rajouter la fin : celui à qui le Fils veut bien le révéler ? Tout le monde n’aurait-il pas le droit de connaître le Père ? 

        Quand Jésus prononce ces paroles, nous sommes, dans l’Evangile de Matthieu, à un moment précis qui donne sans doute tout son sens à cette affirmation. Jésus a posé dix signes, dix miracles, avant de choisir et d’appeler les Douze Apôtres. Puis Jésus a prononcé un long discours sur la mission apostolique (nous en avons eu un extrait dimanche dernier) avant de repartir prêcher dans les villes. Certaines villes, qui avaient vu ses plus nombreux miracles et n’avaient pas fait pénitence, se verront invectiver par Jésus : il s’agit de Chorazine, Bethsaïde et Capharnaüm. Puis vient le passage entendu en ce dimanche, qui commence par l’action de grâce de Jésus pour les tout-petits qui ont compris alors que les sages et les savants restent dans l’inconnaissance. Ce passage sur la connaissance mutuelle du Père et du Fils est un avertissement pour le lecteur de l’Evangile afin qu’il ne se retrouve pas dans la même position que les trois villes citées. Il a lu l’enseignement de Jésus, il a lu les dix signes que Jésus a posé. A-t-il bien compris ce qu’il a lu ? A-t-il bien reconnu, dans le discours et dans l’agir de Jésus, le Père qui a engendré et envoyé Jésus dans le monde ? Fait-il parti de ces tout-petits qui spontanément comprennent, ou cherche-t-il, comme les sages et les savants, à comprendre rationnellement tout ce qui s’est passé ? Non pas que cela soit mauvais, mais cela peut éloigner de la révélation que le Fils fait de son Père. A trop vouloir comprendre, l’homme perd le sens profond et premier : Dieu s’est manifesté, Dieu parle et agit par Jésus, le Fils qu’il a engendré. Il ne faut pas se convertir à cause des signes eux-mêmes, mais à cause de ce que les signes donnent à comprendre, à savoir que le Royaume des cieux est là, à l’œuvre en Jésus. L’œuvre de Jésus parle de Dieu ; l’œuvre de Jésus donne à voir Dieu à l’œuvre. Les tout-petits le comprennent ; les sages et les savants se font des nœuds au cerveau pour comprendre le pourquoi du comment. 

Comprenons bien : le Fils veut révéler son Père à tous les hommes puisqu’il a été envoyé pour les sauver tous. Mais pour cela, il faut que les hommes acceptent de venir à Jésus, de bien voir et de comprendre ce qu’il dit et ce qu’il fait, comme un tout-petit. Le tout-petit voit l’amour de son père à travers ses paroles et ses actes ; il ne se demande pas si son père est bien son père, et s’il l’aime vraiment. Avec Dieu, il faut se situer de cette manière-là, sans se poser trop de questions. L’amour de Dieu pour nous n’est pas un théorème à démontrer, c’est une expérience à vivre. Elle suppose de s’abandonner entre les bras de Dieu, comme un tout-petit s’abandonne entre les bras de son père. Les questions métaphysiques sont secondes. Ce qui prime, c’est l’expérience que nous faisons de l’amour de Dieu dans notre vie quotidienne. Celui qui accepte de vivre avec Dieu comprendra mieux que celui qui s’interroge toujours et encore. A force de te questionner, n’oublie pas de vivre, n’oublie pas de lâcher prise, n’oublie pas de te convertir. Tu pourras toujours réfléchir et approfondir après. Mais si tu veux tout comprendre avant de te convertir, tu risques bien de ne pas comprendre ce que Jésus te révèle par ses signes. Même Jésus ne peut convertir celui qui ne veut pas comprendre ; même Jésus ne peut pas enseigner davantage celui qui n’entre pas dans la révélation qu’il fait de son Père. Jésus ne cache pas son Père ; c’est le Père qui se cache derrière les signes que pose Jésus. Jésus le révèle à celui qui entre en confiance avec lui, c’est-à-dire à celui qui pose un acte de foi. Jésus révèle son Père à ceux qui croient en lui, tout simplement. 

A ceux qui croient en lui, Jésus dit : viens et repose-toi ; pose le fardeau de ta vie, le fardeau de tes questions trop grandes pour toi. Fais-moi confiance et tu trouveras le repos. Fais-moi confiance et tu connaîtras mon Père. Fais-moi confiance, tout simplement. Amen.   

(Dessin de Deligne)