Bienvenue sur ce blog !

Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







mercredi 31 octobre 2018

Toussaint - 01er novembre 2018

Un jour particulier.






Comme chaque année, avec le premier novembre, revient la fête de la Toussaint, où nous célébrons le jour consacré à la mémoire de tous les saints : ils ont imité le Christ pendant leur vie et, à leur mort, ils ont reçu de lui la couronne de gloire (PE 1). C’est avec ces mots que la liturgie de l’Eglise parle de ce jour si particulier de l’année. 

C’est un jour particulier parce que nous pourrions croire que ce jour ne parle pas de Dieu. Et dans nos rapports avec d’autres Eglises chrétiennes, une telle fête peut être un obstacle si notre manière d’envisager les saints nous faisait perdre de vue que Dieu est le seul saint. Dans notre vie spirituelle, les saints ne nous sont pas donnés par l’Eglise pour nous détourner de Dieu, mais bien pour nous rapprocher davantage de lui. J’aime me souvenir de mes saints patrons lorsque, dans ma vie spirituelle, les choses vont moins bien, lorsque je me sens incapable de me rapprocher encore de Dieu. Parce qu’à ces moments-là, j’ai besoin de ces figures toutes humaines pour me souvenir que leur chemin de sainteté n’était pas différent du mien. Les saints dont nous portons le nom sont autant de chemin vers Dieu qu’il existe d’hommes et de femmes différents, autant de chemins vers Dieu qu’il existe de caractères différents. Tous les saints n’ont pas la même histoire et il n’existe pas de stéréotype de saints. Il n’existe que des hommes et des femmes qui ont vécu leur foi, à une époque donnée, affrontant les difficultés d’une vie, mais les affrontant avec Dieu. C’est la seule chose qui caractérise tous les saints : leur désir de Dieu. Et ne croyez pas qu’ils soient tombés dedans quand ils étaient petits. Il n’y a que peu d’Obélix de la sainteté ! 

C’est encore un jour particulier parce qu’il ne nous parle que de Dieu ! Une des préfaces possible de la fête nous fera dire que lorsque [Dieu] couronne leurs mérites, [il] couronne ses propres dons. Ce qu’ont vécu les saints leur a été donné par Dieu. Cette fête nous rappelle alors que, pour nous aussi, pour chacun de nous, Dieu a un projet, Dieu a quelque chose à nous offrir. Une vie faite de bonheur comme décrit dans les béatitudes, une vie pleine, c’est-à-dire bien menée, bien remplie, une vie dont nous pouvons être fiers. Le bonheur que Dieu veut pour nous n’est pas que pour plus tard, lorsque nous serons invité au banquet préparé dans la maison de Dieu (post communion); c’est un bonheur pour aujourd’hui et maintenant, même si la route à suivre n’est pas celle que nous emprunterions humainement. Reconnaissons-le : le chemin des béatitudes n’est pas une partie de plaisir, mais nous savons bien que c’est le seul chemin vers un monde plus juste et plus humain. Tous les saints nous le rappellent, qu’ils aient eu une vie simple ou marquée par les épreuves et le martyr. 

C’est enfin un jour particulier parce qu’il nous rappelle qu’une vie n’est signée qu’à l’heure de la mort. Il y a, chez les saints officiels, des hommes et des femmes dont la vie n’a pas été marquée dès son origine par cette sainteté. Chez certains, il y a clairement une vie d’avant, avant la rencontre de Dieu. Et donc une vraie conversion, c’est-à-dire un moment où Dieu s’est imposé à eux comme une évidence, un moment où la présence de Dieu était tellement forte et claire qu’il ne leur était plus possible de vivre comme avant. La sainteté nous parle aussi de la miséricorde de Dieu qui n’estime jamais que quelqu’un est définitivement perdu. Le retour à Dieu est toujours possible ; l’acceptation des dons de Dieu n’est pas frappée de date limite. Il n’y a pas d’heure pour entrer dans le projet de Dieu. 

Nous pouvons être heureux de cette fête qui nous tourne vers Dieu par autant de chemins qu’il y a de saints, d’authentiques témoins de sa Parole. Nous pouvons, grâce à eux, trouver la route que nous sommes appelés à vivre pour parvenir au bonheur que Dieu promet. Remercions Dieu de nous avoir donné des saints ; remercions les saints de toujours nous mener à lui. Sur le chemin vers le Royaume, comment pourrions-nous nous perdre ? Heureux sommes-nous d’être appelés par un tel Dieu. Amen.

 

 

samedi 27 octobre 2018

30ème dimanche ordinaire B - 28 octobre 2018

A l'école de Bartimée pour devenir disciple.







Comme les choses sont quelquefois étranges ! Nous lisons l’Evangile, et nous en recommandons la lecture aux autres, pour découvrir qui est Jésus, quel est son enseignement, sa doctrine. Et voilà qu’en ce dimanche, dans cet évangile qui nous parle de Jésus, nous découvrons un personnage qui prend plus d’importance que lui. Un personnage, en tous les cas, que nous aurions tort de croire secondaire. Il est, pour moi, le plus important de cette rencontre ; il est celui qui nous fait la leçon. Ce qui compte vraiment, ce n’est pas que Bartimée soit guéri ; ce qui compte, c’est ce qu’il fait de cette guérison, ce qu’il devient par cette guérison. 

Alors que fait-il d’extraordinaire, ce Bartimée, pour que je vous le montre en exemple, à la suite de Marc ? Apparemment, il ne fait rien ! C’est un mendiant, aveugle de surcroît. Il ne peut rien faire de lui-même à part mendier. Mais il est transformé par sa rencontre avec Jésus. Je sais bien, d’autres avant lui, ont rencontré Jésus. Mais peu sont allés aussi loin que lui. Parce que ce Bartimée que Jésus rencontre et guérit, se met à suivre Jésus. Et il le fait à un moment précis de l’histoire de Jésus. Et c’est cela qui change tout. 

Mais revenons au début. L’histoire de Bartimée est simple. Elle est marquée par son handicap, et par le jugement des gens de son époque sur la maladie. Il est né aveugle ; ce n’est pas sa faute, me direz-vous ! Mais à l’époque, voilà que cette maladie le rend paria, rejeté de tous, suspecté d’un grand péché. Que voulez-vous ? S’il est né aveugle, il doit bien y avoir une raison ; personne n’est vraiment innocent ! Et si ce n’est pas lui qui a péché, ce doit être un parent pour qui il expie la faute. Cela peut nous paraître dur, mais c’est bien cela la mentalité des gens de son époque. Vous comprendrez qu’il n’ait pas d’autre choix que de mendier, Bartimée. Chaque jour, sans doute à la même place, il attend assis au bord du chemin. Mais le jour où nous sommes n’est pas comme les autres jours. Parmi les personnes qui sortent de Jéricho, il y a Jésus et ses disciples. Bartimée est peut-être aveugle ; il n’en est pas pour autant sourd. Il entend bien le brouhaha à l’approche de Jésus ; la foule se presse là, pour voir passer l’homme de Nazareth. Mais un seul voit en cet homme plus que l’homme de Nazareth, et il se met à le crier, haut et fort : Fils de David, prends pitié de moi ! Il y a, dans ces mots, toute sa foi et toute sa détresse. Il y a dans ces mots la reconnaissance par Bartimée de la qualité de Jésus : il est plus qu’un prophète, plus qu’un homme particulièrement religieux ; il est le Messie, le seul Fils de David. C’est la première leçon qu’il nous donne, Bartimée. Et il la donne à des voyants alors que lui est aveugle, encore. Mais sa cécité ne l’empêche pas de crier sa foi. Sa foi crie et se crie. 

La réaction des gens ne se fait pas attendre : beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire. Il y a des vérités que l’on ne veut pas entendre. Il y a des hommes que l’on ne veut pas entendre. Qu’il se taise ! Mais lui criait de plus belle ! Sa foi crie plus fort, sans gêne, sans honte. Jésus finira bien par l’entendre au milieu de tous ces gens. Et c’est ce qui arrive. Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le ! » Croyez-vous que cela impressionne Bartimée ? Pas du tout ! Le voilà qui jette son manteau, bondit et court vers Jésus ! Personnellement, je trouve cela curieux : il est aveugle, non ? Comment fait-il pour savoir où est Jésus exactement ? Sa foi lui donnerait-elle déjà un regard perçant ? Il a su voir au-delà des apparences en appelant Jésus « Fils de David ». Peut-être peut-il alors s’approcher de lui, sans le voir de ses yeux de chair. C’est la deuxième leçon donnée par Bartimée : savoir se détacher de son quotidien et ne pas retarder la rencontre avec le Sauveur. Même son manteau, pourtant si utile, il l’abandonne pour courir vers Jésus. Ce serait trop bête de se prendre les pieds dedans. 

Et là, nouvelle surprise : Jésus l’interroge de la même manière qu’il avait interrogé Jacques et Jean, juste quelques temps avant (pour nous, c’était l’évangile de dimanche dernier) : Que veux-tu que je fasse pour toi ? M’enfin ? Comme si cela n’était pas évident ! Allo, quoi ; il est aveugle : qu’est-ce qu’il pourrait vouloir de plus que voir ? Je ne sais pas pour vous, mais moi, j’ai bien envie de secouer Jésus pour qu’il se réveille ! Mais Bartimée ne se laisse pas démonter ; il ne s’offusque pas de la question. Il répond, vite : Rabbouni, que je retrouve la vue ! Sa réponse bondit comme a bondi tout son corps à l’appel de Jésus. Rien ne devait l’empêcher de rencontrer Jésus ; rien ne doit retarder sa prière à Jésus. C’est sa troisième leçon, à Bartimée : devant Dieu, il nous invite à formuler notre désir le plus profond, notre besoin réel. Ce n’est pas parce que Dieu sait tout, que je n’ai pas à formuler ma demande. 

Et Bartimée est guéri. L’histoire aurait pu, aurait dû s’arrêter là. Mais pour Bartimée, cela eut été inconvenant, sans doute. C’est décidé, il ne rentrera pas chez lui, il suivra Jésus sur le chemin. Autrement dit, il devient disciple de Jésus. Parce que le disciple, ce n’est pas celui qui croit que Jésus peut quelque chose pour lui, mais celui qui se met vraiment à la suite de Jésus. Et Bartimée devient même le modèle du disciple, parce qu’il choisit de suivre Jésus à un moment crucial de l’histoire : il suit Jésus au moment où celui-ci monte à Jérusalem, au moment où Jésus marche vers sa croix, vers sa mort. Sa différence est là : les Douze ont suivi Jésus au début de son ministère, quand tout allait bien. Ils étaient loin de penser que cela se finirait par l’assassinat de leur Maître.  Bartimée choisit de suivre Jésus alors que cela sent déjà le roussi. Jésus est contesté, il a des ennemis parmi les puissants. Le jeune homme riche, rencontré quelques jours plutôt, n’a pas su aller au bout de sa démarche. Jacques et Jean, et les dix autres, se disputaient encore les premières places quelques heures plutôt, ne songeant qu’à se mettre en avant, mais sans trop comprendre où Jésus les menait. Bartimée ne sait peut-être rien de tous ces événements, mais sa mise en route signe sa guérison complète : il a non seulement retrouvé la vue, mais il devient encore capable d’embrayer le pas à Jésus. Il va le suivre à Jérusalem, il va l’accompagner dans sa Passion. Il réalise ce que Jésus ne cesse de répéter à ses disciples depuis un moment : si quelqu’un veut me suivre, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. C’est la quatrième leçon donnée par Bartimée. Ce petit personnage, que certains ont voulu empêcher de voir Jésus, nous apprend ce que nous sommes appelés à devenir : de véritables disciples reconnaissant dans le Crucifié leur Sauveur, celui qui vient remettre l’homme debout, celui qui vient le guérir de toutes ses infirmités. 

Entendant cette page d’évangile, nous sommes invités à faire le même chemin que Bartimée : passer de notre nuit à la claire vision du Sauveur, et l’ayant rencontré, à nous mettre en route derrière lui. Le début de notre démarche commencera de la même manière que pour Bartimée : une simple question posée par Jésus, une question à laquelle nous devons répondre pour progresser : Et toi, que veux-tu que je fasse pour toi ? La réponse appartient à chacun. Que notre silence et notre prière nous aident à y répondre en vérité. Amen.

 

 

samedi 20 octobre 2018

29ème dimanche ordinaire B - 21 octobre 2018

Quand Jésus parle de pouvoir !







De quoi parle l’Evangile ? Si je faisais passer des petits bouts de papier pour demander à chacun d’écrire en un mot de quoi parle Jésus aujourd’hui, qu’écririez-vous ? Nous parle-t-il du service ? Nous parle-t-il d’ambition ? Nous parle-t-il de pouvoir ? Nous parle-t-il d’autre chose ? Aussi surprenant que cela puisse nous paraître, ce dont il est question dans l’évangile du jour, c’est de pouvoir et de maîtrise. 

Tout commence avec l’ambition de Jacques et de Jean de siéger l’un à droite et l’autre à gauche de Jésus, dans sa gloire. Ils sont cash avec Jésus, même s’ils semblent s’exprimer un peu à part des autres. Ils savent ce qu’ils veulent et n’ont pas de honte à le dire. Un peu d’ambition ne peut pas faire de mal, n’est-ce pas ! Leur demande n’a rien d’exceptionnel dans le monde, comme n’a rien d’exceptionnel la réaction des dix autres : comment osent-ils demander cela à Jésus ? Ce n’est pas tant la demande qui leur déplaît que le fait d’avoir oser la formuler… avant les autres ! Soyons alors réaliste un instant et reconnaissons-le : la question de Jacques et de Jean nous a tous traversé l’esprit à un moment ou à un autre de notre vie. Nous avons tous cherché la reconnaissance, la gloire et la puissance. Nous avons tous une certaine part d’ambition ; nous avons tous la certitude que ce que l’autre peut faire, je peux le faire aussi. Et nous avons tous été, comme les autres, surpris de l’avancement de celui-là ou d’un autre ; nous avons tous estimé qu’on aurait fait aussi bien, voire mieux, et que si quelqu’un méritait cette place, c’était nous ! Pour le dire encore autrement, nous avons tous estimé, à un moment ou à un autre de notre vie, que les autres ne reconnaissaient pas assez nos mérites, qu’on ne nous remerciait jamais suffisamment. Ou encore : vous savez, je l’ai fait de bon cœur, mais un merci, ça aurait été bien ! Cela existe dans le monde des hommes. Cela existe dans l’Eglise aussi. Cela a existé, cela existe encore, cela existera toujours ! A moins que nous ne nous mettions vraiment à l’école de Jésus. 

Je crains, qu’en la matière, nous ne méritions le reproche que Jésus fait à ses disciples : ils ne comprennent rien ! Nous le constatons d’ailleurs dans le dialogue qui s’instaure entre Jésus et les deux frères. Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé ? Le Nous le pouvons qui suit est un peu trop rapide pour exprimer leur compréhension claire de ce que Jésus vient de demander. La coupe dont il parle, c’est bien ce calice qu’il va boire jusqu’à la lie au moment de sa Passion. Il ne s’agit pas de boire avec Jésus au banquet éternel, mais de trinquer soi-même, quand c’est difficile à avaler. L’homme est bien seul dans ces moments-là, comme Jésus sera seul au moment de son procès. Le baptême dont parle Jésus, ce ne sont pas ces trois gouttes que l’on verse sur le front d’un enfant, mais bien ce plongeon dans les eaux de la mort, dans lesquelles l’homme peut se perdre et se noyer si Jésus ne vient l’en retirer pour le faire revivre avec lui. Ce n’est pas de plaisir que parle Jésus en réponse à la question des deux frères ; c’est de risque. Il les invite à risquer avec lui, pour lui. Et cela sera accordé d’avance à Jacques et Jean, sans pour autant qu’ils aient l’assurance de siéger à la droite et à la gauche de Jésus. La coupe que je vais boire, vous la boirez ; et vous serez baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé. Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé. Voilà une occasion de se taire qui est perdue, définitivement ! 

Face à cette attitude tout humaine de jouer des coudes, Jésus indique alors une autre voie, le chemin du service. Attention, il ne s’agit pas là simplement de savoir rendre service, de temps en temps, pour faire plaisir, ou pour être reconnu dans ses compétences. Non, non, il s’agit de bien plus. Il s’agit d’un art de vivre, d’une tournure particulière de l’esprit. Cela s’apparente au devoir d’état. Je fais ce que je dois faire parce que je peux le faire et que je sais le faire. Sans aucune arrière-pensée ; sans rechercher aucune récompense, aucune reconnaissance ! Exercer le métier de disciple du Christ, c’est être serviteur à temps plein. Et celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous. Mais cette place-là, rassurez-vous, comme personne n’en veut spontanément, elle a été prise par Jésus, une fois pour toutes. C’est ce qui fait de lui la seule tête de l’Eglise, le seul chef possible. Ce que Jésus propose, ce n’est pas de jouer au serviteur ou à la servante ; ce qu’il propose, ce n’est pas d’être plus gentil que les autres en rendant plus service que les autres ; ce que Jésus propose, c’est un état de vie, une tournure d’esprit qui fait de nous les serviteurs des autres. C’est un art de vivre qui place l’autre toujours avant moi. C’est un art de vivre qui n’attend pas de médaille, ni de merci, mais qui ouvre à la gloire… du Royaume ! Jésus ne nous prive pas d’ambition ; il nous dit la voie meilleure pour accomplir notre ambition : Celui qui veut devenir grand parmi vous (ça c’est l’ambition légitime), sera votre serviteur (ça c’est la voie à suivre). Il n’y en a pas d’autre, parce que Jésus lui-même emprunte cette même voie : Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. Nous ne serons jamais plus grand que Jésus ; nous ne pourrons donc emprunter d’autre voie que celle qu’il a lui-même emprunté. Avez-vous jamais entendu, au moment de la lecture de la Passion, quelqu’un dire Merci à Jésus pour son sacrifice ? Vous pouvez relire les quatre évangiles : vous n’en trouverez pas ! Vous y trouverez par contre moqueries, insultes et crachats. Rien de plus ! Rien de joyeux ! Rien d’encourageant ! 

La voie du service, voilà l’enseignement de Jésus quand il nous parle de pouvoir. Il ne s’agit pas de spiritualiser les choses, en disant que l’autorité, dans l’Eglise, c’est un service ! Il s’agit d’être conscient qu’il nous faut sans cesse nous convertir à Jésus, nous placer à sa suite, pour vivre en serviteur de Dieu et des frères. Ce n’est pas temporaire : le temps de mon mandat à l’EAP, le temps de mon passage à la chorale, le temps que je peux rendre service comme sacristain… ou que sais-je encore ! Non, c’est définitivement un style de vie, une attitude profonde de chaque instant, en tout ce que je fais, en tout ce que je vis, vis-à-vis de quiconque traverse ma vie. La récompense ne nous viendra pas des hommes, mais de Dieu seul. Quand nous le verrons face-à-face. Amen.

 
(Dessin de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'Evangile, éd. Les Presses d'Ile de France)

dimanche 14 octobre 2018

28ème dimanche ordinaire B - 14 octobre 2018

Quelle est ta richesse ?







Quelle est notre plus grande richesse ? C’est bien la question que nous renvoient les lectures de ce dimanche. La réponse appartient à chacun. Mais la liturgie nous donne aujourd’hui à contempler la réponse qui devrait être celle du croyant. Nous trouvons cette réponse à la fois dans les lectures entendues et dans les prières prononcées. 

C’est la prière d’ouverture, dans l’ordre liturgique, qui nous fournit un premier indice, lorsqu’elle nous fait prier ainsi :  Que ta grâce nous devance et nous accompagne toujours. Notre première richesse est dans la certitude de n’être jamais seul. La grâce de Dieu nous accompagne toujours. Cette prière doit devenir pour chacun de nous plus que des mots prononcés ; elle doit devenir certitude, surtout dans les moments difficiles que nous traversons. Nous sommes riches de Dieu ! Et ce n’est pas rien, cela ! Combien d’hommes et de femmes désespèrent devant les difficultés de leur existence parce qu’ils n’ont rien, ni personne à qui se raccrocher. Mesurons-nous bien la chance qui est nôtre d’avoir un Dieu qui nous ouvre une espérance, bien au-delà de la mort ? Mesurons-nous la puissance de cette présence dans notre vie ? L’oraison de ce dimanche, non seulement nous fait reconnaître cette richesse, mais nous la fait demander toujours. Heureux sommes-nous d’être précédés dans notre quotidien par la grâce de Dieu, par la puissance de son amour, par la force de son Esprit Saint ! Dieu lui-même se donne à nous et ne nous manquera jamais. 

Nous pouvons alors entendre le livre de la Sagesse nous transmettre le témoignage d’un sage qui confirme notre prière. J’ai supplié, et l’esprit de sagesse est venu en moi… tous les biens me sont venus avec elle et, par ses mains, une richesse incalculable. La sagesse dont on nous parle ici n’est pas une philosophie de vie, mais un don de Dieu pour lequel l’homme a prié et supplié. Ce don, c’est l’accord parfait entre la volonté de l’homme et la volonté de Dieu. Ce don, c’est la capacité à regarder le monde et les hommes avec le regard même de Dieu. Ce faisant, il n’y a plus l’ombre d’un obstacle entre Dieu et l’homme ; ce que Dieu veut, l’homme le veut. Ce que Dieu veut, l’homme le vit. C’est déjà le paradis sur terre. N’est-il pas riche l’homme qui partage les vues de Dieu ? N’est-il pas riche l’homme qui est libéré des tentations du Mauvais parce que complètement acquis à Dieu ? Notre deuxième richesse : la sagesse que Dieu nous offre, si nous la lui demandons. 

C’est là que nous mesurons alors l’écart qui existe entre nous et l’auteur de ces belles pages. Nous serions plutôt comme le jeune homme de l’évangile qui vient à la rencontre de Jésus. J’ai une tendresse particulière pour lui, peut-être parce que je lui ressemble tant. N’est-ce pas, il ne vient pas vers Jésus pour le piéger ; sa demande est honnête ; sa vie est honnête. Il n’est ni meurtrier, ni adultère, ni voleur ; il ne fait ni faux témoignage, ni tort à personne ; il honore son père et sa mère. Tout ce que Jésus lui indique, il le vit déjà ! Et pourtant, il est venu à Jésus pour chercher plus. Croyant, pratiquant, il ressent pourtant un manque. Il veut être sûr d’avoir la vie éternelle en héritage. Et nous le sentons convaincu que tout ce qu’il vit déjà de bien, et que Jésus lui rappelle, ne lui suffit pas, ne lui suffit plus. Nous sentons bien qu’il a compris que la richesse ultime, c’est le Royaume et qu’il veut tout faire pour y accéder. Mais voilà, il n’est pas prêt pour cela. La route supérieure que Jésus lui indique, il n’est pas prêt à la suivre, car, nous dit l’évangéliste, il avait de grands biens. Il n’a pas compris que Jésus lui demandait de perdre pour gagner ; il n’a vu que ce qu’il perdrait ; et il en fut attristé. 

C’est là que nous mesurons alors la puissance du passage de la lettre aux Hébreux au sujet de la parole de Dieu. Nous comprenons mieux ce que dit l’auteur lorsqu’il affirme que cette parole coupe et tranche. Elle est la mesure de nos actes et nous aurons à lui rendre des comptes. Autrement dit, ce n’est pas une parole vaine. Elle doit compter pour nous ; elle doit nous permettre d’accueillir la sagesse que Dieu donne ; elle doit orienter nos désirs vers le désir de Dieu, notre bien suprême. Cette parole n’est autre que le Christ lui-même, Parole de Dieu faite chair comme le rappelle si bien le prologue de l’Evangile de Jean. Nous pourrions, durant cette semaine, relire et méditer cette belle page qui ouvre le quatrième évangile. Un petit devoir avant les vacances de la Toussaint. Il complète bien la méditation des textes de ce dimanche : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu… C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui… Le Verbe était la vraie Lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Le drame du jeune homme riche ; le drame de l’humanité ; quelquefois notre propre drame. Nous voulons convoquer Dieu dans notre vie, mais nous ne nous laissons pas convoquer par lui, nous ne nous laissons pas approcher par lui. Nous voulons bien de Dieu un peu, quand cela nous arrange, mais pas tout le temps, mais pas pour tout. Nous laissons échapper la richesse véritable au profit de pâles copies qui nous semblent plus séduisantes, plus essentielles… à vue humaine. Notre plus grande richesse pourtant, c’est cette parole, cette présence de Jésus à notre vie. En lui, Dieu nous donne tout. 

Après la liturgie de la Parole, la liturgie eucharistique nous fera approcher ce grand don de Dieu aux hommes. Dieu se livrera à nous dans le Pain et le Vin partagés, comme il vient de se donner à nous dans sa Parole proclamée. Nous tiendrons au creux de nos mains plus que tout l’or du monde ; nous tiendrons au creux de nos mains celui que le monde ne pas contenir : le Christ vivant, présent dans le pain rompu. Il n’y a pas de richesse plus grande que Dieu pourrait nous donner ; il n’y a pas richesse plus grande qui pourrait combler notre vie comme la comble ce morceau de pain, riche de la présence du Christ. Ce morceau de pain nous rendra riches de Dieu comme le redira la prière après la communion : rends-nous participants de la nature divine puisque tu nous as fait communier au corps et au sang du Christ. L’homme et Dieu réconciliés en Jésus, unis en Jésus, mort et ressuscité. Là se trouve la richesse qui sauvera le monde ; là se trouve la richesse qui comblera tous les hommes et transformera notre monde en monde meilleur. 

Un passage de l’Evangile l’affirme : là où est ton trésor, là aussi est ton cœur. Prions et supplions le Père de toute miséricorde afin que notre trésor soit la sagesse et la parole de Dieu et que notre cœur demeure pour toujours auprès du cœur de Dieu. Amen.

(Dessin de M. Leiterer)
 

 

samedi 6 octobre 2018

27ème dimanche ordinaire C - 07 octobre 2018

Au commencement !






Quand les choses changent, quand rien ne va plus, quand une crise frappe notre existence ou nos institutions, il est bon et sage d’en revenir au commencement, à ce qui était fondateur, à ce qui donnait le sens des choses. C’est ce à quoi nous invite Jésus dans l’évangile de ce dimanche : Au commencement de la création, voilà ce que Dieu voulait, voilà ce que Dieu a fait… 

Au commencement ! C’est bien à cela que renvoie Jésus lorsque les pharisiens cherchent, une fois de plus, à le piéger. Leur question semble simple : un homme peut-il renvoyer sa femme ? Un simple oui, ou un tout aussi simple non, aurait suffi. J’avoue même qu’il nous aurait considérablement simplifié la tâche à une époque où la question ne se pose plus en termes de permis / défendu. Mais voilà ! Jésus ne se laisse pas enfermer dans une discussion morale ; il ne dit pas si l’homme peut ou pas ! Il renvoie au commencement, à l’œuvre créatrice de Dieu, au projet initial de Dieu pour l’humanité. Car là seul se trouve la réponse. Autrement dit, ce que les pharisiens demandent, est-ce que cela correspond au projet d’amour de Dieu pour l’humanité ? 

Ce commencement, nous l’avons clairement entendu dans la première lecture. L’auteur du livre de la Genèse rappelle l’intention première de Dieu : créer le monde, l’humain, à son image et à sa ressemblance. Une humanité plurielle, homme et femme ; une humanité égale, née de la même chair, pour bien manifester qu’il n’y a pas de différences de dignité entre les uns et les autres. Une humanité appelée à entrer en alliance d’amour, à s’unir pour perpétuer l’œuvre créatrice initiale de Dieu. C’est bien à ce commencement-là que renvoie Jésus dans l’Evangile. Ce faisant, il nous replace au cœur de l’alliance primordiale. Car tout ce que nous faisons, tout ce que nous vivons doit être mesuré à l’aune de cette alliance que Dieu a voulu nouer avec l’humanité, dès le commencement. L’histoire biblique, qui est aussi l’histoire de l’humanité, nous prouve combien cette alliance semble difficile à respecter.  La dureté du cœur de l’homme est maintes fois soulignée. A cette dureté répond sans cesse la générosité du cœur de Dieu. Un Dieu qui patiente et qui prend pitié ; un Dieu qui reformule son alliance à l’infini. Un Dieu qui va jusqu’au don de son propre Fils, pour une fois encore inviter l’homme à vivre de son l’alliance, pour une fois encore faire battre le cœur de l’homme au rythme du cœur de Dieu.

Au commencement ! Dans la lettre aux Hébreux, l’auteur n’affirme-t-il pas que le sacrifice de Jésus sur la croix est aussi un de ces commencements dont Dieu a le secret ? C’est un de ces moments auquel il nous faut revenir pour vivre de la vie-même de Dieu. La mort-résurrection de Jésus est un nouveau commencement pour que l’homme se souvienne, pour que l’homme comprenne qu’il est bien de la famille de Dieu, de la même origine, pour reprendre l’expression de l’épître aux Hébreux. Dieu et l’homme sont unis à jamais, dans une même alliance, dans un lien nouveau, si fort que rien ne pourra le défaire, comme le dira tout à l’heure la prière eucharistique. Ah, si nous comprenions vraiment la portée de ce nouveau commencement que le Christ a inauguré pour nous tous ! Ce commencement porte à son achèvement le commencement originel, parce qu’il va au bout de l’amour que Dieu nous manifeste. Que pourrait-il faire de plus après cela, c’est-à-dire après la mort de Jésus en croix, pour qu’enfin nous tenions notre part dans cette alliance proposée depuis le commencement ? Rien ! Sur la croix, tout est dit, tout est donné, tout est accompli. 

Au commencement ! Nous sommes, depuis dimanche dernier, à un commencement. L’arrivée d’une nouvelle équipe de prêtres, le regroupement programmé de deux communautés de paroisses, nous oblige à considérer autrement ce qui pouvait sembler acquis. Quelque chose de neuf surgit et se construit. Je ne veux pas faire ici la liste de tous les possibles, mais plutôt nous renvoyer chacun à la seule chose qui compte, à savoir que nous comprenions bien ce que Dieu attend de nous depuis le commencement. Il est urgent de revenir à ce commencement, urgent de réaliser la famille qu’il nous demande de construire ! Je crois sincèrement que là réside le secret d’une communauté réussie : dans l’adéquation entre ce que nous vivons et ce que Dieu attend de nous. Et cela ne repose pas d’abord sur ce que l’autre fait ou ne fait pas pour moi, mais dans ce que je vis avec Dieu. Si nous sommes un peu perdus, si nous sommes quelquefois découragés, si l’envie nous prend de rester chez nous, souvenons-nous de ce commencement qu’il y a eu entre Dieu et nous. Souvenons-nous de cette histoire d’amour unique commencée au jour de notre baptême, sans cesse recommencée dans les pardons reçus, sans cesse renforcée dans le don de l’Eucharistie. Souvenons-nous que si les hommes nous déçoivent, si l’Eglise semble imparfaite, si le prêtre n’est pas assez ceci ou trop cela, il y a, au commencement de mon histoire avec Dieu, un amour sans faille et sans limite. Un amour qui m’est offert, par pure grâce, qui ne me coûte rien, et auquel je suis invité à répondre. Et si je me perds, et si je m’éloigne, je sais que je pourrai toujours vivre un nouveau commencement avec le Dieu de Jésus Christ. 

Au début de ce nouveau commencement, tournons-nous donc vers Dieu pour faire mémoire du commencement originel ; qu’il soit pour tous la chance d’une fidélité renouvelée à l’Evangile, d’une fidélité renouvelée à la communauté à laquelle nous appartenons. N’ayons pas peur des conversions à effectuer ; confions à Dieu nos craintes et nos difficultés pour qu’il nous aide à les surmonter avec sa grâce. Osons affirmer qu’avec Dieu, nous pouvons tout, parce qu’il nous donne la force de son Esprit. Qu’aujourd’hui soit vraiment pour nous un commencement ! Commencement porteur de promesse. Commencement porteur de fidélité. Commencement porteur de fécondité. Un commencement avec Dieu, pour nos frères ! Amen.
 
 
(Dessin de M. Leiterer)