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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 27 avril 2019

02ème dimanche de Pâques C - 28 avril 2019

Laissons-nous guider par les Actes et l'Apocalypse.







            Tout au long de notre temps pascal, nous entendrons le livre des Actes des Apôtres et le livre de l’Apocalypse. Deux livres qui vont donner une couleur particulière à ce temps ; deux livres pour nous encourager dans notre foi et nous permettre de vivre mieux de la foi au Christ, mort et ressuscité pour nous.



            Le livre des Actes des Apôtres, nous l’entendons chaque année au cours du temps pascal. Il remplace, en première lecture, les livres de l’Ancien Testament que nous lisons tous les autres dimanches de l’année. Pourquoi ce changement ? Parce que Jésus est ressuscité ! En quoi cela change-t-il quelque chose ? L’Eglise répond que, le Christ étant ressuscité, pour ceux qui croient en lui, toutes les promesses de la Première Alliance sont désormais accomplies. Nous ne les lisons pas durant le temps pascal parce qu’il n’y a pas besoin à ce moment-là de nous les rappeler. Nous lisons les Actes des Apôtres, le livre qui nous montre comment les premiers croyants au Christ ont vécu de cette formidable annonce de la résurrection, ce qu’elle a changé dans leur vie. Nous voyons aussi, à travers le témoignage de Luc, l’auteur des Actes, comment cette foi s’est propagée, et donc comment le Christ est fidèle à sa promesse d’être toujours présent à ses Apôtres, à son Eglise. Et nous constatons d’emblée que ces Apôtres, si peureux au moment de la Passion de Jésus, si peureux au moment de la Pâque, sont maintenant forts et décidés à répandre la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, lui qui a donné sa vie pour tous les hommes. Et nous constatons aussi que, ce qui fut la mission de Jésus, se poursuit à travers ses Apôtres. Beaucoup de signes et de prodiges s’accomplissaient dans le peuple, par la main des Apôtres. A travers eux, le Ressuscité poursuit sa mission de salut ; à travers eux, les malades sont encore guéris ; à travers eux, la Bonne Nouvelle se diffuse, touche le cœur des hommes et provoque des conversions : De plus en plus, des foules d’hommes et de femmes, en devenant croyants, s’attachaient au Seigneur. Nous pouvons avoir l’impression que tout est facile, que tout est simple. Et de fait, quand les Apôtres agissent au nom de Jésus, et mieux quand ils laissent Jésus Ressuscité agir à travers eux, tout va bien, tout se déroule selon le plan de Dieu. En ces temps de crise qui sont les nôtres, il nous faut revenir à cet esprit des premiers croyants, à ce dynamisme des Apôtres, à ce désir de faire connaître le Seigneur et son œuvre de salut. Il nous faut laisser à nouveau le Christ agir à travers nous.


            Le livre de l’Apocalypse peut alors nous sembler plus difficile d’accès. Déjà son nom, qui est trop souvent synonyme de catastrophes en tous genres, peut nous rebuter. Et pourtant, ce livre veut nous dévoiler (c’est le sens étymologique du mot Apocalypse), veut nous dévoiler donc le projet de Dieu pour son Eglise afin qu’elle se convertisse toujours plus et mieux à sa Parole. Vous l’aurez compris : c’est un livre écrit pour un temps de crise. Pourtant nous ne sommes qu’à la fin du premier siècle. C’est que les chrétiens, à ce moment-là, sont d’une part les proies de persécutions arbitraires et de vexations et d’autre part les responsables de brouilles à l’intérieur même de la jeune Eglise. Une certaine habitude de croire s’est déjà installée, l’enthousiasme des débuts a disparu, de mauvaises habitudes sont déjà prises. C’est dans ce contexte que Jean reçoit des révélations de la part de Jésus, Le Premier et le Dernier, le Vivant. Il doit écrire une lettre à sept Eglises, sept communautés locales, pour les avertir et les inviter à changer, à se convertir. Tout le livre va rappeler que la vie chrétienne est une participation au combat entre le Bien (Dieu) et le Mal (Satan), et que ce combat connaîtra une fin au moment de la deuxième venue du Seigneur. Faut-il rappeler ici que Jésus avait annoncé ce retour à ses disciples avant sa mort ? Ce n’était pas uniquement une parole de consolation, c’était l’annonce d’une réalité. En ces temps de crise qui sont les nôtres, ne nous faut-il pas entendre à nouveau cet appel à la conversion et redécouvrir l’espérance de ce retour du Christ, dans la gloire ? Le Ressuscité n’abandonne pas son Eglise ; quelles que soient les épreuves rencontrées par elle, il est présent, au milieu d’elle, la guide et la conduit, la purifie, pour que toujours elle soit davantage fidèle à sa mission, fidèle au Christ qui l’a envoyée porter aux pauvres la Bonne Nouvelle.


            Mesurons la chance qui est la nôtre en cette année 2019 de pouvoir lire conjointement ces deux livres de la Nouvelle Alliance. Avec les Apôtres du Christ, réjouissons-nous de ce que la Parole se répande, intéresse ceux qui l’entendent au point de devenir eux-mêmes chrétiens ; avec Jean, réjouissons-nous du fait que le Christ ne nous abandonne pas, et qu’aujourd’hui encore il nous invite à nous purifier par sa Parole et par notre participation à son projet de salut pour tous les hommes. Que ce que nous avons proclamé solennellement durant la grande nuit de Pâques devienne notre réalité : nous renonçons au Mal, à ce qui conduit au Mal, à Satan qui est l’auteur du péché, pour vivre de la liberté de tous les enfants de Dieu, dès aujourd’hui et jusqu’au retour du Christ dans sa gloire. Amen.



(Frères de Limbourg, Saint Jean à Patmos, Très riches Heures du duc de Berry, Musée Condé, Chantilly)





samedi 20 avril 2019

Saint Jour de Pâques - 21 avril 2019

Marie-Madeleine, Pierre et Jean… et nous ! 






            Marie-Madeleine, Pierre et Jean : telles sont les trois personnes que l’Evangile de ce jour de Pâques nous donne à rencontrer. Trois personnes et autant d’attitudes différentes devant l’événement que nous célébrons ce matin.  


            Commençons par Marie-Madeleine. Il est dit qu’elle se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre…. Elle est partie trop tôt de chez elle ! Elle est encore dans les ténèbres, encore dans sa tristesse d’avoir vu mourir Jésus. Elle semble dans sa bulle, et un rien ajoute encore à son trouble dû à la mort de son maître et ami. Du coup, quand elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau, elle ne fait sans doute pas un pas de plus. Je l’imagine bien saisi par une sainte colère : qui a osé ? Et elle part, encore une fois trop tôt, courant trouver Simon-Pierre. Je suis persuadé que, dans son état, elle ne s’est pas approchée davantage du tombeau ; elle n’y est pas entrée. En fait, son sang n’a dû faire qu’un tour et la réveiller pour de bon. Pour elle, tombeau ouvert veut dire corps enlevé. Pas besoin d’entrer dans le tombeau, pas besoin de vérifier. Cela devient pour elle une évidence, une vérité, qu’elle s’empresse de répandre, sans même réfléchir. Les ténèbres de la colère devant ce qui ne peut être qu’une profanation s’ajoutent aux ténèbres de la tristesse, et nous plongent tous dans les ténèbres de la perplexité. Nous arrêterions là la lecture de l’évangile, que nous serions tous perdus, désorientés, révoltés. Même dans un tombeau, on n’est plus à l’abri d’être volé ! Quelle époque vivons-nous ?


            La réaction de Pierre et de l’autre disciple, celui que Jésus aimait et que la Tradition identifie à Jean, ne se fait pas attendre : ils vont vérifier ce qui vient de leur être rapporté. Après tout, peut-être qu’elle s’est trompée ; peut-être qu’elle aura mal vu, peut-être qu’elle aura confondu avec un autre tombeau. Après tout, dans son état, et au petit matin… quoi de plus normal ! En plus, elle était seule : autrement dit, son témoignage n’est pas recevable selon l’adage ancien : testis unus, testis nullus (témoin unique, pas de témoin). Partis à deux, ils établiront une vérité entière. Mais ça, c’était ce qu’on croyait avant… avant l’événement radicalement nouveau de la résurrection ! 


            Regardez Pierre : un peu plus vieux que Jean, il se laisse distancer. Mais quand il arrive, l’âge reprend ses droits. Il entre dans le tombeau, en premier, et aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. Une description digne de la série Les experts : c’est un vrai rapport d’enquête. Mais il n’en fait rien ; il y a des indices, mais pas de preuves. Et puis qui aurait l’idée, non seulement de voler un corps, mais en plus de le débarrasser de ses bandelettes ? Enfin, quand Jésus a ressuscité Lazare, il est sorti du tombeau dans ses linges. C’est quand ils ont constaté qu’il était vivant qu’ils l’ont dégagé de son carcan qui sentait la mort. Alors que là, ceux qui auraient déplacé le corps de Jésus aurait pris soin de laisser les linges, bien pliés en plus ? Pour Pierre, tout cela ne doit pas avoir beaucoup de sens. Pas très catholique tout ça, même si tout est bien rangé ! 


            Reste Jean qui, bien qu’arrivé en premier, n’était pas rentré dans le tombeau. Quand enfin il y plonge, on nous dit simplement, mais comme une évidence : Il vit et il crut. Certes, il voit ; il n’est pas aveugle après tout. Mais il voit au-delà de ce que voient ses yeux. Il a déjà le regard de la foi. Peut-être qu’il était le seul à pouvoir voir ainsi, puisqu’il était le disciple que Jésus aimait. Peut-être faut-il avoir ressenti tout l’amour de Jésus pour nous, pour être capable de croire l’impossible, à savoir que celui qui était mort est désormais vivant. Et sans doute faut-il avoir ressenti cet amour de Jésus pour nous, pour affirmer que cet événement nous concerne tous, et que si le Christ, qui était mort, est maintenant vivant, alors nous aussi, nous pourrons passer de la mort à la vie. 


            Parce que la grande nouveauté qui a jailli au cœur de notre nuit, c’est bien que la résurrection du Christ à quelque chose à dire à notre vie. Cet événement ne concerne pas que Jésus. Cet événement a eu lieu pour nous, pour notre vie, pour notre salut. N’en doutons pas un instant ! Jésus n’est pas mort sur la croix parce qu’il en avait envie ; il est mort sur la croix pour tuer la mort et le péché et nous entraîner à sa suite dans une vie libérée, marquée à jamais du sceau de l’éternité, du sceau de Dieu lui-même. Désormais, et plus que jamais, nous sommes à lui, lui qui nous a rachetés à grand prix. Avec l’incarnation, Dieu basculait du côté de l’homme pour vivre en toute chose sa vie ; avec la rédemption, c’est l’homme qui bascule du côté de Dieu pour vivre en toute chose de sa vie. 


            Nous pouvons comprendre l’appel de Paul aux Colossiens quand il les invite à vivre autrement désormais. Si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en-haut. Autrement dit : vivez grand, vivez à la mesure de Dieu. Nous aurons tout le temps pascal pour comprendre mieux ce que cela signifie. Mais sachons déjà que la victoire sur le Mal et la Mort s’est accomplie en nous au moment de notre baptême. Nous sommes déjà ressuscités avec le Christ. Nous vivons déjà de la vie de Dieu. Laissons-là donc grandir et s’épanouir en nous, pour que la gloire de Dieu soit manifestée, le salut du monde proclamé, et la joie des hommes révélée. Amen.



(Œuvre non connue, trouvé sur internet)

vendredi 19 avril 2019

Vendredi Saint - 19 avril 2019

Qui cherchez-vous ?




           Qui cherchez-vous ? Cette question de Jésus aux soldats venus l’arrêter dit bien la particularité de la Passion de Jean. Nous y découvrons un Jésus qui ne subit pas les événements, mais les dirige, souverainement. Ce ne sont pas les soldats qui arrêtent Jésus ; c’est Jésus qui se livre à eux, en se révélant lui-même, en révélant sa nature profonde. Regardez comme les soldats tombent à la renverse lorsque Jésus leur affirme : C’est moi, je le suis. Il redit, et par deux fois, qu’il est de Dieu, puisqu’il utilise pour lui le nom que Dieu avait révélé jadis à Moïse au buisson ardent. Quand Jésus se livre, c’est Dieu lui-même qui se livre aux hommes. Quand Jésus marche vers sa mort, c’est Dieu lui-même qui, dans un acte fou, organise le salut des hommes. 


Qui cherchez-vous ? C’est peut-être pour n’avoir pas à répondre à la question que le Sanhédrin n’est pas réuni dans l’évangile de Jean. Il n’y a pas vraiment besoin de procès, la décision de faire mourir Jésus ayant été prise il y a longtemps. Jésus est interrogé par Hanne, le beau-père de Caïphe, le grand-prêtre de cette année-là. Il se montre curieux de l’enseignement de Jésus et de son groupe de disciples. Mais l’interrogatoire semble tourner court. Et Jésus est emmené au Prétoire, c’est-à-dire livré au pouvoir de l’occupant romain, le seul à être habilité à prononcer la peine capitale.


Qui cherchez-vous ? Cette question initiale de Jésus pourrait être adressé à Pilate qui semble ne pas trop savoir pourquoi on l’embarque dans cette galère et qui cherche à se débarrasser du problème : Jugez-le suivant votre Loi. Il sous-estime l’opiniâtreté des ennemis de Jésus pour qui il doit disparaître. Et Pilate cherche alors à savoir mieux qui est Jésus : Es-tu le roi des Juifs ? Alors, tu es roi ? On ne sait pas ce que cherche Pilate, mais il cherche : il n’a que des questions à renvoyer à Jésus. Et plus Jésus répond, plus Pilate questionne. Alors Jésus se tait. Et Pilate est trop faible pour résister à la déferlante qui vient du dehors du Prétoire. Ils ne veulent peut-être pas juger Jésus eux-mêmes, mais ils veulent en finir une fois pour toutes avec lui. A mort ! Crucifie-le ! Pilate, par faiblesse, laisse faire. Pouvait-il faire autrement puisque Jésus s’était lui-même déjà livré? Dans un sursaut d’intelligence, Pilate fait écrire sur la croix : Jésus le Nazaréen, roi des juifs. Désormais, tous ceux qui lèveront les yeux vers la croix sauront qui ils trouvent ici. Plus besoin de s’interroger sur celui que tout le monde a tant cherché tout au long de l’évangile de Jean. Il est là, crucifié, élevé, exposé. 


Qui cherchez-vous ? Joseph d’Arimathie et Nicodème sont les derniers à qui nous pouvons poser cette question. Qui cherchent-ils quand ils demandent à prendre le corps de Jésus ? Un ami ? Un Maître en religion ? Le Fils de Dieu fait homme qui s’est livré à la mort ? Ils ont chacun une histoire secrète avec Jésus, ils ont cherché à savoir par le passé. Nicodème était venu trouver Jésus pendant la nuit. Il ne voyait pas très clair, mais il sentait bien que Jésus était différent. Quand il porte le corps de Jésus au tombeau, a-t-il eu toutes les réponses à ses questions ? A-t-il quitté sa nuit pour venir à la lumière qu’est Jésus ? 


Qui cherchez-vous ? Cette question, il nous faudra nous la poser, chacun. Qui cherchons-nous quand nous venons célébrer la Passion de Jésus ? Sommes-nous un membre de cette foule, manipulable et manipulée, venu par hasard parce qu’il n’y avait pas mieux à faire aujourd’hui ? Sommes-nous aux côtés de Marie et de Jean, au pied de la croix, pleurant le Fils ou l’ami perdu ? Qui verrons-nous quand nous lèverons les yeux vers la croix qui s’avancera au milieu de nous tout à l’heure ? Vers qui viendrons-nous quand nous nous approcherons de la croix pour vénérer ce corps livré et meurtri ? Serons-nous comme les gardes, venus avec des torches et des armes, pris de stupeur et tombant à terre ? Serons-nous comme Joseph d’Arimathie et Nicodème, venant avec les aromates de notre foi, pour honorer celui qui s’est livré pour notre salut ? 


Qui cherchez-vous ? Vous comprendrez bien que la réponse est à vous. Je peux juste témoigner que vous trouverez ici Celui que Dieu, qui a tant aimé le monde, nous a donné, livré, pour qu’il soit notre salut. Vous trouverez ici votre vie, votre paix, votre salut : Jésus, le Nazaréen, le Crucifié. Ne cherchez pas plus loin ; ne cherchez pas plus haut. Il est Dieu qui s’est mis à hauteur d’homme, Dieu élevé de terre pour que les hommes puissent grandir à la hauteur de Dieu. Amen.


(Tableau d'Antonio CISERI, Ecce homo, 1880-1891, Galerie d'Art Moderne, Palais PITTI, Florence).


mercredi 17 avril 2019

Jeudi Saint - 18 avril 2019

Cessons d'être des chrétiens médiocres !





            Ce jeudi saint sera sans doute le plus triste de mes vingt-sept ans de sacerdoce. Triste parce que marqué par la crise que traverse l’Eglise, crise liée aux comportements déviants de certains prêtres. Même s’ils sont peu nombreux au regard du nombre de prêtres à travers le monde, ils sont toujours de trop et entachent sérieusement et durablement la réputation de tous les prêtres. Triste aussi parce que, pour une fois, je ne ferai pas de lavement de pieds. Il paraît que ce n’est pas possible ici, les adultes étant peu enclins à se laisser faire ; quant à le faire avec des enfants, la crise, mentionnée plus haut, aura eu vite fait d’éveiller méfiance et soupçon chez certains. J’ai donc renoncé à poser le geste, mais pas à en parler.


            Je crains que ce geste, beau et fort, n’ait jamais vraiment été compris. Déjà Jésus avait dû vaincre les réticences de Pierre, réagissant violemment lorsque Jésus se présente devant lui, à genoux, tablier à la ceinture, bassin et linge à la main. Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! S’il avait bien compris le geste, il n’a pas compris pourquoi Jésus le posait à ce moment-là de son existence. Nous sommes à quelques heures de son arrestation, de son jugement et de sa mort. Et c’est bien là qu’il prend tout son sens. L’évangéliste Jean, lorsqu’il nous parle du dernier repas de Jésus, ne le fait pas comme les autres. Il n’y a pas chez lui d’institution de l’Eucharistie ; il n’y a pas chez lui les gestes et les paroles au sujet du pain et du vin, devenant son Corps et son Sang livrés pour que nous ayons la vie. Il y a, chez Jean, ce geste du lavement des pieds, l’institution de ce que l’on a appelé le sacrement du frère qui est toujours à servir à la manière dont le Christ a servi les hommes. La messe, c’est bien et c’est nécessaire : c’est pour cela que nous relisons et le livre de l’Exode qui nous rappelle le sens de la Pâque juive, et l’extrait de la première lettre de Paul aux chrétiens de Corinthe, qui est le texte le plus ancien qui nous parle des gestes et paroles de Jésus, au soir de sa mort, sur le pain et le vin, donnant à la Pâque juive un sens plus fort encore. C’est toujours la fête de la libération, mais elle se fait désormais par Jésus, l’Agneau immolé une fois pour toutes afin que tous les hommes puissent vivre. C’est ce sacrifice que nous commémorons à chaque eucharistie, en proclamant notre foi en Jésus, mort et ressuscité, dont nous attendons le retour dans la gloire.


            Hélas, une médiocrité de la pensée a rapidement entraîné une double médiocrité des actes. D’abord, oubliant le texte de Jean, nous avons fait des prêtres des êtres à part, plus sacrés que consacrés, parce qu’ils avaient ce « pouvoir » de rendre Jésus présent dans le pain et le vin de l’eucharistie, oubliant que c’est Jésus lui-même qui se rend présent. Cette première médiocrité des actes en a entraîné une autre, de la part de certains de ceux qui avaient ainsi été portés aux nues. Ils ont abusé l’Eglise en abusant les plus faibles ! Ils ont abusé d’un pouvoir qui n’était pas le leur, mais dont ils devaient être les serviteurs. Et cette double médiocrité des actes entraîne à nouveau, aujourd’hui, une médiocrité de la pensée qui fait que les hommes se méfient désormais des prêtres, au point de voir le mal dans le plus noble geste qu’ils puissent poser : celui de s’abaisser devant les petits pour les servir à travers le lavement des pieds. Nous, prêtres, témoignons ainsi que notre place est bien là, à genoux, à servir le petit et le faible, et non pas à mettre le faible et le petit à genoux devant nous pour nous servir. Se méfiant des prêtres, les hommes ne réfléchissent plus ; ne réfléchissant plus, ils n’aiment plus ; n’aimant plus, ils font gagner Satan, qui ne se réjouit jamais autant que quand l’amour recule, voire disparaît. Quelle belle occasion nous avons manqué ce soir de comprendre et ce beau geste, et la place du sacerdoce dans l’Eglise de Jésus Christ. Quelle tristesse d’en être arrivé là !


            Comment nous en sortir ? En apprenant, prêtres et fidèles laïcs, l’obéissance au Christ, qui nous a dit, en ces deux gestes présentés dans les lectures de ce Jeudi Saint, de faire cela en mémoire de lui, comme lui a fait pour nous. Nous nous en sortirons en approfondissant toujours plus l’enseignement de Jésus pour comprendre mieux à quoi il nous invite. Nous nous en sortirons en quittant cette méfiance qui pourrit la vie à tout le monde, qui empêche d’avancer, qui empêche d’aimer. Cessons d’être des disciples médiocres ! Devenons ce que le Christ attend de nous : des frères qui s’aiment, des frères qui se respectent, des frères qui se mettent ensemble au service des plus faibles et des plus petits. Amen.


(Tableau de Duccio di Buoninsegna, Le lavement des pieds, 1310, Musée de l'Opera del Duomo, Sienne)

samedi 13 avril 2019

Dimanche des Rameaux C - 14 avril 2019

Jésus entre à Jérusalem.





Et Jésus arrive à Jérusalem à l’approche de la fête de Pâques ! Il sait les événements qui ont s’y dérouler ; il sait les risques qu’il prend ; il sait que ce sera sa Pâque, son grand passage. Il choisit déjà de ne pas se dérober. Il entre au grand jour dans la ville, acclamé par les foules. C’est ce que nous racontait l’évangile de Luc entendu sur le parvis. 


Le texte est presque trop simple, trop beau. Tout se passe comme Jésus l’avait dit : le petit âne attaché à l’endroit indiqué, la question de ses maîtres lorsque les disciples le détachent. Un plan bien réfléchi, rondement mené. Tout est prêt pour l’entrée dans la ville. La scène n’a sans doute rien d’extraordinaire jusque-là. Un groupe d’hommes qui entrent dans la ville, l’un d’eux assis sur un âne, cela devait se voir tous les jours, plusieurs fois par jour. Pourquoi cette entrée est-elle perçue différente ? Pourquoi, à mesure que Jésus avançait, les gens étendaient-ils leurs manteaux sur le chemin ? Les réseaux sociaux n’existent pas à l’époque : personne pour twitter l’arrivée de Jésus à Jérusalem ; personne pour donner rendez-vous devant la bonne porte de la ville ! Cela ne vous semble pas étrange, ces gens sans grandes fortunes qui sacrifient un manteau sous les sabots d’un ânon ? Sans oublier la foule des disciples qui se mit à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu’ils avaient vus et qui attribuent à Jésus la figure royale. Seule la remarque des pharisiens bouleverse la beauté de la procession : Réprimande tes disciples ! Autrement dit : fais-les taire ! 


Nous sentons bien là, la tension qui naît et qui va grandir tout au long de la semaine qui s’ouvre pour nous. Elle va grandir jusqu’à inverser la tendance. Aujourd’hui, ils sont nombreux à se réjouir et à chanter leur joie autour de Jésus et seuls quelques-uns viennent troubler le tableau. Demain, ils seront nombreux à crier : à mort ! et seulement quelques-uns à pleurer Jésus. C’est tout le mystère et le drame d’une humanité versatile qui se joue devant nos yeux. C’est tout le mystère de notre humanité, tantôt transportée par la foi, tantôt gagnée par la méfiance du religieux, qui est ici annoncée. C’est tout le drame de notre humanité tiraillée entre le bien qu’elle veut faire et le péché qu’elle veut éviter, sans toujours parvenir à accomplir l’un et refuser l’autre. Un constat s’impose : tout cela ne peut que mal finir !


Et Jésus, pendant ce temps, que fait-il ? En relisant la page d’évangile, nous constatons qu’il ne fait rien, si ce n’est répondre à l’interpellation des pharisiens. Il vit l’événement, tout simplement. Il se laisse guider par les pas de l’âne qui le mène à Jérusalem. Il consent à ce qui lui arrive. Comme l’annonçait Isaïe : il ne s’est pas dérobé. Il ne se dérobera pas davantage au moment de sa Passion. Il fait confiance à son Père, le Père des miséricordes que l’évangéliste Luc n’a cessé de nous présenter. Ce à quoi nous assistons, c’est de la miséricorde en acte. Entendez Jésus, sur la croix, lorsqu’il répond à l’un de ceux crucifiés avec lui : Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. Le plus grand mal peut être pardonné si la repentance est sincère, si Jésus est reconnu pour qui il est : le Messie, le Christ. Même sur la croix, signe de l’injustice suprême, Jésus pardonne encore, Jésus aime encore ! Comme elle sonne vraie, la parole du Centurion à la mort de Jésus : Celui-ci était réellement un homme juste. 


Accompagnons Jésus et ses disciples tout au long de cette semaine ; découvrons la justice de Dieu à l’œuvre dans nos vies. Redisons-lui notre désir d’être avec lui ; qu’il se souvienne de nous quand [il viendra] dans [son] Royaume. Ainsi Dieu pourra achever en nous l’œuvre de salut qu’il a commencé. Amen.



(Icône copte Les Rameaux, de Nancy MIKAËL, publiée dans France catholique)


samedi 6 avril 2019

05ème dimanche de Carême C - 07 avril 2019

Non pas une condamnation, mais une libération !




Et toi, qu’en dis-tu ? Cinq mots pour provoquer Jésus à se prononcer sur la Loi et sur Dieu.  Cinq mots qui peuvent aboutir à la condamnation d’une femme à la lapidation, uniquement pour piéger Jésus ! Il faut vraiment que la haine à l’égard de Jésus soit grande pour que des hommes en arrivent à de telles extrémités. Une vie pour en piéger et en abattre une autre ! Ne nous y trompons pas : c’est bien de cela qu’il s’agit : à quoi l’homme est-il prêt pour en discréditer ou en abattre un autre ? Heureusement que celui à qui s’adresse cette question n’est pas seulement homme : il est de Dieu, vient de Dieu et son seul souci est de parler juste de Dieu, de parler juste au nom de Dieu.

C’est bien cette connaissance fine de Dieu et de l’homme que possède Jésus qui va sauver cette femme. En premier lieu, il refuse d’entrer dans la polémique avec les pharisiens. Son souci ne semble pas d’abord de prendre la défense de la femme – cela lui serait facile, la Loi disant que les deux adultères doivent être lapidés : personne ne commet un adultère tout seul ! Or où est l’homme ? – Non, son premier souci me semble être la défense de Dieu, l’interprétation juste de la Loi de Dieu. Il ne condamne ni la femme à cause de son péché, ni les pharisiens à cause de leur mauvaise foi. Et s’il ne prononce pas une seule fois le nom de Dieu, toute son attitude pourtant ne parle que de lui. A la question des pharisiens, il répond par une attitude surprenante : il se baisse (il s’abaisse) et dessine sur le sol. Comme pour dire : cette affaire ne concerne pas Dieu, c’est pourquoi je me mets à la hauteur d’un homme. Mais puisqu’une réponse est attendue, Jésus se redresse, se met à la hauteur de Dieu, à la hauteur du Ressuscité pour annoncer, de manière surprenante son jugement : Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre ! C’est une affaire humaine qui se doit d’être réglée par les humains ; mais puisque vous voulez que Dieu s’en mêle, que ceux qui sont « purs de tout péché » se chargent d’appliquer la sentence. Eux seuls pourraient juger la femme. Qui, ayant péché lui-même, pourrait condamner cette femme sans se condamner lui-même ? Jésus semble dire aux hommes que ce qui est grave, ce n’est pas l’espèce de péché commis ici ; ce qui est grave, c’est le péché, quel qu’il soit. Celui qui a commis, ne serait-ce qu’une petite entrave à la Loi, s’est disqualifié lui-même pour juger cette femme. D’ailleurs, personne ne s’y trompe puisqu’ils s’en vont tous, les uns après les autres, les plus âgés en premier ! Devant Dieu, il n’y a pas de petits péchés et de grands péchés ; il n’y a pas de péché mignon : il n’y a que le péché, dans toute sa laideur, qui nous éloigne de Dieu. Dieu ne s’intéresse pas à nos péchés ; mais il s’intéresse à notre désir de le rencontrer, lui. La parabole du fils prodigue que nous avons entendu dimanche dernier nous le redisait déjà. Et voilà Jésus, seul avec la femme. Il n’a pas eu besoin de renvoyer ses détracteurs, ils se sont renvoyés eux-mêmes. Il ne va pas condamner la femme, mais la renvoyer dans sa vie de femme avec cette seule demande : Va, et désormais ne pèche plus ! Ce que Jésus condamne, c’est le péché et non ceux qui commettent le péché. Il nous redit ainsi qu’il est bien celui qui vient nous rendre notre liberté : Va ! Ne s’intéressant qu’à l’humanité, ne posant sur elle que le regard de Dieu lui-même, il peut nous détacher de notre péché et nous permettre de repartir dans la vie, libres de toute attache au Mal. 


En agissant ainsi, Jésus ne fait qu’accomplir de manière parfaite la Loi au nom de laquelle les autres voulaient condamner cette femme. Relisez Isaïe ! Après l’exil qu’Israël avait interprété comme un châtiment envoyé par Dieu à cause des infidélités du peuple, Dieu lui-même invite les hommes à ne plus se souvenir du passé. Non pas à ne plus se souvenir de ce que l’amour de Dieu a réalisé pour eux (ce peuple que je me suis façonné redira ma louange), mais à ne plus se souvenir du péché qui les a éloignés de Dieu. Ne regardez pas sans cesse en arrière ; voici que je fais une chose nouvelle, ce que l’ancienne traduction liturgique rendait ainsi : voici que je fais un monde nouveau, un monde dans lequel il ne se fera plus rien de mal, un monde dans lequel toute la création chantera la louange de Dieu (même les chacals). N’est-ce pas ce monde nouveau que Jésus est venu inaugurer ? En renvoyant cette femme dans une vie libérée du péché, libérée du jugement des autres, ne la fait-il pas entrer déjà dans cette nouveauté ? 


L’appel de Paul dans la seconde lecture nous ouvre aussi à cette chose nouvelle que Dieu crée pour nous. En connaissant toujours mieux le Christ, oubliant ce qui est en arrière (c'est-à-dire notre vie soumise au péché), et lancé vers l’avant (c'est-à-dire vers cette chose nouvelle que Dieu fait pour nous), nous pouvons courir vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus : une vie nouvelle, libre du péché, la vie même de Dieu, la sainteté retrouvée. L’énergie nécessaire pour tenir la distance dans cette course de fond nous vient du Christ, d’une connaissance (c'est-à-dire d’une intimité) toujours plus grande avec lui. Plus nous nous attacherons au Christ, plus nous nous éloignerons du péché, parce que la puissance du Christ agira en nous. Puisqu’il s’est relevé d’entre les morts, il nous libèrera de toutes les puissances de mort. C’est avec lui que nous courrons l’épreuve jusqu’au bout ; c’est avec lui que nous vaincrons. 


Le temps du Carême est ce temps où nous est donnée la grâce d’une plus grande connaissance du Christ ; c’est aussi le temps où nous est proposée la grâce du sacrement qui nous libère du péché et de la mort. N’hésitons pas à nous en approcher ; n’hésitons pas à laisser Dieu jeter un regard d’amour sur notre passé pour nous tirer vers notre avenir. Et nous aussi, nous ressusciterons avec le Christ. Amen.



(Tableau : La femme adultère, Lioba artisanat - www.lioba-artisanat.com)