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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 26 juin 2021

13ème dimanche ordinaire B - 27 juin 2021

 Quand nous allons à la rencontre de Jésus...



(Fille de Jaïre, site internet Sagesse orthodoxe)



        Je voudrais commencer par remercier les personnes qui ont préparé cette messe pour avoir conservé les textes du dimanche et n’avoir pas cédé à la facilité de les remplacer, en ce jour où nous célébrons des premières communions, par des textes eucharistiques ou par des textes qui « seraient plus adaptés aux enfants », si toutefois de tels textes existent. Vous nous rappelez que nous ne sommes pas propriétaires de la Parole de Dieu, que le dimanche on ne choisit pas, mais on reçoit ce que Dieu veut nous dire. Et voyez-vous, si je considère la messe comme le moment où je vais à la rencontre de Jésus, les textes entendus conviennent très bien, puisque les lectures nous rappellent quelques fondamentaux et l’Evangile nous donne à voir des personnes qui vont à la rencontre de Jésus.

            Rapidement les fondamentaux (ce qu’on ne peut pas ignorer quand on est croyant) qui nous sont rappelés dans les deux lectures. Celle du Premier Testament d’abord nous redit que Dieu n’a pas fait la mort. Il faut entendre cela et le croire vraiment, parce que cela nous dit aussi que nous, les humains, nous-ne-sommes-pas-faits-pour-la-mort ; nous ne sommes pas faits pour quitter la vie. Au contraire, Dieu nous a fait pour que nous venions à la Vie, il nous a fait naître et nous fait renaître en Jésus, par notre baptême. Ne l’oublions jamais : notre destinée, c’est la Vie en plénitude, la Vie vraie, pas cette espèce de vie raccourcie que nous connaissons depuis plus d’un an maintenant, pas une vie confinée, pas une vie sans relation. Chaque fois que vous venez à la messe, vous venez à la Vie, vous venez accueillir, dans la Parole et dans le Pain, la Vie même de Dieu.

            La lecture de l’apôtre Paul ensuite nous a redit le don généreux de notre Seigneur Jésus Christ. C’est l’autre fondamental de notre foi qui est comme la garantie du premier fondamental que je viens de rappeler. Dieu n’a tellement pas fait la mort (premier fondamental) qu’il a envoyé Jésus pour affronter la mort (deuxième fondamental). C’est un cadeau que Jésus nous fait, un cadeau généreux. Il a offert sa vie gratuitement pour que nous puissions partager la vie de Dieu. Il est mort (alors qu’il est la Vie) pour que nous puissions vivre alors que nous étions comme morts à cause de notre péché. Et ce don généreux doit entraîner chez nous un élan au partage. Ceux qui ont trop doivent partager avec ceux qui n’ont pas assez. Il ne s’agit pas de déshabiller Paul pour habiller Pierre. L’Apôtre le dit bien : il ne s’agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, il s’agit d’égalité. Autrement dit, venir vers Jésus, c’est adopter un style de vie, une manière d’être qui soit à la hauteur du cadeau que Jésus nous fait, une manière de vivre qui soit à la hauteur de la vie de Dieu.

            Les fondamentaux étant rappelés, nous pouvons alors découvrir comment et pourquoi, dans l’Evangile entendu, les gens viennent vers Jésus. Nous verrons successivement Jaïre, le chef de synagogue, la femme qui avait des pertes de sang, et les proches de Jaïre. De Jaïre, nous apprenons qu’il est chef de synagogue (je dirais qu’il est croyant-pratiquant) et que sa fille est très malade, au point qu’elle va mourir si Jésus ne fait rien. Il vient vers Jésus avec assurance, il connaît les bonnes manières (il tombe à ses pieds, il supplie). Ce qu’il veut, c’est que sa fille soit sauvée, autrement dit qu’elle vive. Il reconnaît donc que Jésus vient de Dieu qui n’a pas fait la mort. Il reconnaît que Jésus est son dernier recours possible. Et Jésus se met en chemin pour répondre à la demande, pour manifester la gloire de Dieu qui est pour la Vie. En chemin, ils sont retardés par une femme. Elle est malade depuis douze ans, elle a des pertes de sang. Elle a essayé les traitements de nombreux médecins, mais aucun n’a réussi à la guérir. Elle aussi veut être sauvée. Pas guérie, mais sauvée. En effet, sa maladie l’empêchait de pratiquer sa religion. Perdant du sang, elle était considérée impure. Elle était devenue, malgré elle, une croyante non pratiquante. Ce qu’elle cherche, au-delà de la guérison, c’est bien le salut, c'est-à-dire pouvoir vivre de nouveau la vie normale des membres du peuple que Dieu s’est choisi. C’est bien sa participation à la vie de Dieu qui est en cause. Est-ce qu’elle a oublié, en douze années, les bonnes manières des croyants ? Ou est-ce qu’elle a simplement honte d’être impure et ne veut pas, par un geste public, rendre Jésus impur ? Toujours est-il qu’elle « vole » en quelque sorte sa guérison. Elle vient, par derrière, avec une grande foi : si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. Elle pensait s’en sortir, ni vu ni connu ; mais Jésus a senti qu’une force était sortie de lui. Il a senti que quelqu’un a bénéficié de quelque chose qu’il n’a pas demandé. Il cherche à savoir : Qui a touché mes vêtements ? Quand vous êtes pressés de toutes parts dans une foule, voilà une question incongrue ! Comment savoir ? Prise de peur, la femme se dénonce et avoue tout. Jésus ne la condamne pas : il confirme par sa parole le salut et la guérison obtenus : Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. Dieu n’a pas fait la mort, il a envoyé Jésus pour offrir son salut, sa vie aux hommes qui en avaient besoin.

            Restent alors les gens de la maison de Jaïre, parce que tout cela, ça a mis Jésus en retard, la fille de Jaïre est morte et on vient le lui dire. Ecoutons bien ce qu’ils disent : Ta fille vient de mourir. A quoi bon déranger encore le Maître ? Je comprends leur question de deux manières. Première manière : puisque ta fille est morte, ce n’est plus la peine de déranger Jésus ; il ne peut plus rien, l’histoire de ta fille s’arrête là. Ils ont oublié que Dieu n’a pas fait la mort et surtout, ils n’ont pas encore reconnu que Jésus vient de Dieu. Pleins de gens, affrontés à des difficultés, réagissent pareil : Dieu ne peut plus rien pour moi. Ils laissent la mort gagner leur vie. Il n’y a pas de jugement à porter ; il faut juste en être conscient. Il nous arrive à tous d’oublier que Dieu n’a pas fait la mort et que donc, il peut toujours quelque chose pour nous. C’est pour nous le rappeler qu’il y a, dans la célébration de la messe, la prière universelle qui nous fait confier à Dieu les situations où nous ne pouvons plus rien, mais en étant sûrs que Lui peut toujours quelque chose. Il y a une deuxième manière de comprendre la question des proches de Jaïre : à quoi bon déranger encore le Maître ? C’est la manière des gens qui non seulement ont oublié que Dieu n’a pas fait la mort, mais qui en plus pensent que c’est une perte de temps de se tourner vers Dieu. Une manière de dire : ta fille est morte, pourquoi tu t’embêtes encore avec lui ? Ils ne croient pas que Jésus peut encore quelque chose pour elle. Il n’est qu’un homme, un beau parleur, et tout ce qu’il pourra dire n’y changera rien. Dans cette deuxième interprétation, ils refusent de croire que Jésus est plus fort que la mort ; ils refusent de croire que Jésus est la Vie véritable. Ce sont des croyants en Dieu qui, face à l’épreuve, ont perdu la foi. Tout est fini, ne me parlez plus de Dieu ! Quand Jésus, parvenu chez Jaïre, affirme : l’enfant n’est pas morte, elle dort, ce sont eux qui se moquent de lui.

            Vous qui allez faire votre première des communions, approchez-vous de Jésus à la manière de Jaïre ou à la manière de cette femme. Tous les deux savent que Jésus peut quelque chose pour eux. Tous les deux savent que la Vie se trouve en Jésus. Quand on sait cela, quand on sait que la Vie est en Jésus, qu’elle vient de lui et qu’elle demeure en lui, alors on vient vers lui souvent. Aujourd’hui, ce n’est que votre première communion. Première veut dire qu’il y en aura une deuxième, une troisième… et la deuxième communion, ce n’est pas ni la profession de foi, ni la confirmation. La deuxième communion, c’est dimanche prochain ; la troisième, le dimanche d’après… au point que rapidement, vous ne saurez plus à la combientième communion vous serez. Ce que je vous demande, c’est à la fois de ne pas prendre la communion par habitude, et en même temps de ne pas perdre l’habitude de la prendre. Jésus vous attend chaque dimanche ; la communauté des croyants établie sur les villages de notre communauté de paroisses vous attend chaque dimanche. Venez comme Jaïre avec assurance ; venez comme cette femme malade avec beaucoup de discrétion ; venez comme vous êtes ! Jésus vous accueillera toujours, Jésus vous offrira toujours sa vie. L’eucharistie n’est pas une récompense pour enfant sage, ce n’est pas la médaille du bon croyant. L’eucharistie, c’est le pain des forts, de ceux qui sont forts dans leur foi ; mais c’est aussi le pain d’effort, le pain que Dieu nous donne pour nous redonner la force de croire en lui, toujours et encore, pour que nous ne perdions jamais l’assurance qu’il peut toujours quelque chose pour nous. Le pain pour l’effort qui nous reste à faire en vue de répondre généreusement au don généreux que Jésus nous fait.

            A vous qui communierez pour la première fois, comme à nous tous ici rassemblés qui communions depuis plus longtemps, je voudrais dire en conclusion : ne nous moquons pas de Jésus quand nous nous approchons de lui. Ce pain consacré et partagé, devenu son Corps et son Sang livrés, c’est tout pour nous ; c’est notre plus grand trésor. Rien n’a plus d’importance pour le prêtre que je suis que ce Pain rompu et livré. Quand je le tiens dans mes mains, c’est Jésus que je tiens dans mes mains. Quand je le partage, c’est Jésus que je vous partage, Jésus qui est ma vie, Jésus qui veut être votre vie. Ne vous moquez pas de lui : accueillez-le, en sachant que c’est Jésus qui vient enrichir votre vie par la pauvreté de ce signe du pain partagé. Ce n’est rien, un morceau de pain, et pourtant, il est toute notre vie, ce morceau de pain. Il est Jésus qui se livre à nous par amour. Ne l’oublions jamais. Amen.

dimanche 20 juin 2021

12ème dimanche ordinaire B - 20 juin 2021

 Silence, tais-toi !



(Vitrail de Guido NINCHERI, Jésus calmant la tempête, Eglise Saint Léon, Westmount, Montréal, Québec)


                Silence, tais-toi ! Voilà une parole prononcée avec autorité qui réalise ce qu’elle dit : Le vent tomba, il se fit un grand calme. Il n’y a véritablement que Jésus qui puisse prononcer une telle parole et la voir suivie d’effet. Mais sans doute est-ce courir trop vite à la conclusion et faut-il ne pas oublier le reste de l’histoire. 

            Le reste de l’histoire, c’est d’abord Jésus qui a passé la journée à enseigner la foule : la parabole du blé semé et qui lève seul sans que l’homme ne sache vraiment comment, la parabole de la graine de moutarde et de nombreuses paraboles semblables. C’était l’Evangile de dimanche dernier. Nous pouvons comprendre que Jésus soit fatigué ; nous pouvons comprendre qu’il ait envie d’un peu de calme et qu’il invite ses disciples à quitter ce lieu pour l’autre rive. Nous pouvons comprendre aussi que Jésus s’endorme dans la barque : son humanité a pris le dessus ; il a beau être Fils de Dieu, il n’en est pas moins fatigué. Ce qui ne cesse de m’étonner, c’est la réaction des Apôtres au milieu de la tempête. Ils réveillent Jésus et lui disent : Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? Après avoir entendu l’enseignement de Jésus, après l’avoir suivi depuis quelques temps déjà, comment peuvent-ils encore croire que ce qui arrive aux hommes indiffère Jésus ? Le cela ne te fait rien est hors de propos. Soit ils savent que Jésus saura faire quelque chose pour eux, et il est bon alors qu’ils le réveillent. Soit ils pensent que déjà tout est perdu et demander à Jésus ce qu’il en pense ne sert à rien. Le réveiller est même cruel en ce sens qu’il me semble préférable de mourir dans son sommeil en ne se rendant compte de rien, que d’être réveiller par les autres pour finir comme eux, pleinement conscient de ce qui arrive. La Parole de Jésus à ses disciples, après que la mer se soit calmée, semble me donner raison : Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ?

            Cette dernière question me dit bien que, dans la foi, nous pouvons tout. Nous n’avons pas à craindre le sommeil de Jésus ; nous n’avons pas à craindre que notre sort lui indiffère. Quand Jésus est dans la barque, quand bien même il y serait endormi, ceux qui sont dans la barque avec lui sont bien gardés. Tout ce que démontre cet épisode, c’est que les disciples de Jésus n’ont pas encore vraiment compris qui il est. Ils ne cessent d’ailleurs de s’interroger à son sujet : Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? A ceux qui se posent cette question, une démonstration a été faite, une réponse a été donnée : il est celui qui a autorité sur les forces du Mal, la mer étant le lieu où réside les forces du Mal. Allez donc essayer de calmer une tempête comme Jésus pour comprendre cette identification entre la mer et le lieu où réside le Mal. 

            Silence, tais-toi !  Cet ordre de Jésus, suivi des effets que nous connaissons, doit nous convaincre que Jésus est toujours avec nous et qu’il est vainqueur des puissances du Mal. Là où est Jésus, le Mal recule. Là où est Jésus, le Mal n’a plus de pouvoir. Disciples de Jésus depuis notre baptême, nous sommes des porteurs du Christ. Disciples de Jésus depuis notre baptême, nous pouvons dire que Jésus est avec nous, présent dans notre vie, même si quelquefois nous le mettons en sommeil. Le Mal doit donc reculer dans notre propre vie d’abord. Il ne saurait y avoir de place pour Jésus et pour les forces du Mal en même temps dans notre vie. Ou bien nous sommes à Jésus, ou bien nous sommes au Mal. Ou bien nous appartenons au monde ancien, ou bien nous appartenons au monde nouveau. C’est à nous de poser ce choix, à nous de redire que nous reconnaissons cette présence de Jésus au cœur de notre vie. Mais ne nous laissons pas impressionner et dominer par le Mal pour ensuite dire à Jésus : tu as vu ? et tu ne fais rien ? ça ne te dérange pas ? tout va bien ? 

            Silence, tais-toi !  Cette parole, nous pouvons nous la dire à nous-mêmes lorsque nous nous sentons dériver vers le Mal, être dominés par le Mal quand bien-même nous avons l’assurance de la présence de Jésus dans notre vie. Si nous croyons que Dieu, en Jésus, a fait sa demeure en nous, nous devons croire aussi que la puissance de résister au Mal est en nous aussi. Jésus n’abandonne aucun de ceux qu’il reconnaît comme disciple. La barque de notre vie, il y est dedans, avec nous. La barque de l’Eglise, il y est dedans, avec nous tous. Ne le croyons ni endormi, ni indifférent à nos vies, à nos épreuves. Crions vers lui, oui, mais pas pour lui reprocher une indifférence supposée, mais pour lui dire notre foi en sa puissance sur le Mal et la Mort. Il est mort pour tous, nous a rappelé Paul dans sa seconde lettre aux Corinthiens. Comment, après un tel sacrifice, pourrait-il dire à un seul d’entre nous : tu ne m’intéresses plus ? Soyons sérieux ! Prenons notre foi au sérieux et le vent et la mer qui agitent notre vie et la vie de l’Eglise, s’apaiseront. Amen.

samedi 12 juin 2021

11ème dimanche ordinaire B - 13 juin 2021

 Notre ambition, c'est de plaire au Seigneur.




        Il arrive qu’on m’interroge sur le choix du sujet de mon homélie. Qu’est-ce qui me guide ? Pourquoi telle approche plutôt qu’une autre ? Je ne saurais répondre. Quelquefois c’est un texte, quelquefois un mot, quelquefois une situation qui me guide, voire me saisit. Pour aujourd’hui, j’ai eu beau relire les textes de ce dimanche et quelques anciennes homélies, c’est toujours le même verset qui revenait au-devant. Il est tiré de la seconde lecture et résume bien Paul qui l’a écrit : notre ambition, c’est de plaire au Seigneur. 

            Vous pouvez examiner l’œuvre de Paul avant sa vocation ou après son appel par le Christ, c’est cette unique ambition qui l’anime. Qu’il persécute les chrétiens ou qu’il prêche le Christ, il ne le fait pas pour lui-même, ni pour plaire aux hommes, mais pour plaire au Dieu qu’il sert. Il nous faut nous rendre à cette évidence : même quand il pourchassait ceux dont il ne savait pas encore qu’ils allaient devenir ses frères, ce n’était pas par haine, mais par souci de préserver la foi, par souci de défendre le Dieu de ses pères. Il est et sera toujours animé d’un zèle authentique pour Dieu. Il peut humblement écrire : mon ambition, c’est de plaire au Seigneur, parce qu’il n’y a rien de plus vrai. C’est pour cela qu’il se laisse guider en toute chose par l’Esprit Saint. Nous avons pu le vérifier durant le temps pascal quand était proposé à notre méditation le livre des Actes des Apôtres. Plusieurs fois, il a accepté que l’Esprit Saint lui barre le chemin, l’empêche de se rendre en tel lieu pour aller là où Dieu lui-même l’attendait. 

            Plaire au Seigneur. Qui s’en soucie encore aujourd’hui ? Beaucoup, j’ose l’espérer quand même. Mais voulons plaire au Seigneur d’abord, par-dessus tout ? Ou cherchons-nous d’abord à plaire aux hommes en espérant que cela plaira aussi à Dieu ? Plaire aux hommes, nous savons que cela a un côté partisan, un peu intéressé. Je cherche à plaire à ceux qui peuvent quelque chose pour moi. Nous le voyons bien en ce moment alors que s’approchent deux scrutins. Des hommes et des femmes cherchent à nous plaire pour obtenir notre suffrage et le pouvoir qui va avec. Ce n’est pas condamnable ; c’est une bonne chose en démocratie. A condition que ce soit le bien commun qui les guide et non un quelconque esprit de revanche ou une soif de pouvoir. Et même si nous vivons dans un pays laïc, j’aimerais croire que certains d’entre eux se présentent à nous, non pour nous plaire, mais pour plaire au Seigneur. Ceux-là auraient vraiment le bien commun chevillé au corps ; ceux-là ne risquent pas d’oublier qu’ils sont choisis pour servir les hommes. 

            Plaire au Seigneur devrait être l’ambition de chacun de nous, rassemblés ce matin. Ce devrait être l’ambition de chaque croyant pour que resplendisse la communauté à laquelle il appartient. Dans de trop nombreuses communautés croyantes, il y en a encore qui se déchirent dans des luttes pour un pouvoir d’un autre âge ; trop de gens veulent encore être applaudis, mille fois remerciés pour avoir mis leur talent au service de tous. Il y avait, dans notre diocèse, un prêtre qui faisait régulièrement applaudir tout le monde : « elle a bien lu ; applaudissons-la ! Ils ont bien chanté ; applaudissons-les ! Le fleurissement est splendide : applaudissons ! » Pour les gens, cela avait un côté amusant et bon enfant au début, mais dimanche après dimanche, quel intérêt ? Dieu saura récompenser ce que nous aurons fait de bien pour le service de tous bien mieux que ne le feraient nos applaudissements. A moins que nous ne recherchions que la gloire qui vient des hommes ! Mais celle-là est passagère, alors que la gloire qui vient de Dieu est éternelle. 

            Notre ambition, c’est de plaire au Seigneur. Ce qui me semblait, à la première lecture, une ambition démesurée, m’apparaît alors comme la manifestation d’une grande humilité. Celui qui est habité par cette ambition, à l’exemple de Paul, se laisse totalement guider par l’Esprit Saint et n’attend rien des hommes. Son seul désir est de servir Dieu à travers ses frères. Sa récompense viendra lorsqu’il apparaîtra à découvert devant le tribunal du Christ. C'est-à-dire quand il ne pourra plus rien changer à ce qu’était sa vie, lorsque tout sera remis au Christ et que nous ne pourrons plus que mendier sa miséricorde. C’est en cherchant à plaire au Seigneur en toute chose que nous ferons grandir le règne de Dieu mystérieusement semé dans notre monde. Ce que nous faisons pour plaire au Seigneur peut ressembler à une graine de moutarde, la plus petite de toutes les semences ; une fois semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères. 

            Tel est le pouvoir de cette ambition saine de vouloir plaire au Seigneur. Elle nous fait faire des choses toutes simples souvent, de rares fois des choses exceptionnelles, mais qui sont, comme la graine semée, invisible aux yeux des hommes. Mais toutes font grandir le règne de Dieu ; toutes permettent aux hommes et aux femmes de notre temps de pouvoir être saisis à leur tour par cette Parole de Dieu qui transforme les cœurs et change le monde en mieux. Que notre unique ambition soit toujours de ne plaire qu’au Seigneur pour le bien de tous. Amen.

samedi 5 juin 2021

Fête du Corps et du Sang du Christ B - 06 juin 2021

 Quand l'absence révèle le sens.



(Procession de la Fête-Dieu à Geispolsheim (67) en 2017 - Source site du diocèse)


            Pour la deuxième année consécutive, pour les raisons liées à la crise sanitaire que nous connaissons, il n’y aura pas de procession du Saint Sacrement dans les rues de nos villages. Certains diront que ce n’est pas bien grave, la plupart de nos communautés ayant abandonné cette pratique depuis longtemps, bien avant la pandémie. C’est vrai, avant la crise du COVID, à part quelques villages irréductibles qui maintenaient une procession « parce que ça fait venir du monde » ou par tradition, peu connaissaient encore cette pratique des reposoirs et de la procession qui traverse toute une cité. Mais soudainement, l’absence forcée nous en révèle toute la portée, l’absence forcée nous en révèle tout le sens. 

            Certains vont dire : voilà qu’il fait son nostalgique. Ben non, même pas, parce que, pour le petit haguenovien que j’étais, la Fête Dieu, comme nous disions alors, se caractérisait par une messe unique rassemblant les trois paroisses de la ville à la Halle aux Houblons. Point de procession dans la cité de Barberousse. Mais un temps qui mettait fin à la rivalité entre les communautés chrétiennes dont on n’envisageait nullement le regroupement en communauté de paroisses. Un temps fort pour la cité tout entière qui mettait bien du monde en mouvement pour une célébration festive. Elle était comme le sommet de l’année paroissiale. Mais alors pourquoi nous parler de cette procession ? Parce qu’elle nous enseigne à sa manière sur le sens de l’eucharistie. Elle nous rappelle que l’eucharistie a une dimension sociale. 

            Avec notre mentalité française qui part du principe que la foi ne peut être que personnelle, nous avons un peu oublié cette dimension sociale pour ne pas dire sociétale de notre foi. Je ne suis pas chrétien uniquement le dimanche quand je vais à la messe, sous-entendant que le reste du temps, je peux bien faire ce que je veux. Non, être croyant au Dieu de Jésus Christ, c’est vivre d’une Alliance scellée dans le sang du Christ, qui concerne toute ma vie, dans toutes ses dimensions. Il ne peut y avoir ce que je crois d’un côté et ce que je vis de l’autre. Le croyant est appelé à unifier sa vie en Christ. Ce qu’il croit, a une incidence sur la manière dont il vit. Et la procession avait ceci de particulier qu’elle permettait de remettre le Christ au cœur de la vie de la cité traversée, rappelant à tous, croyants ou non, fervents ou pas, qu’il y avait quelque chose, mieux quelqu’un, qui avait le souci de tous, et il venait ainsi à leur rencontre dans cette procession. Et même si certains pensent que c’est plutôt folklorique, ou une manifestation de la foi du charbonnier, avec un côté magique, je veux juste rappeler que la foi du charbonnier ou la foi populaire, c’est quand même de la foi et que nous ne pouvons pas juger de ce qui se passe dans le cœur d’un homme, d’une femme, d’un enfant qui voit passer le Christ présent dans l’Eucharistie. Pouvons-nous honnêtement affirmer qu’il ne se passe rien quand le Christ s’approche des hommes et des femmes de notre temps ? L’Evangile nous parle de nombreuses fois de ces rencontres, de ces vies bouleversées parce que Jésus est passé par là et a accordé du crédit et du temps à une personne. Il suffit de relire la très belle rencontre entre Jésus et Zachée pour s’en convaincre. 

            N’oublions jamais que dans ce Pain consacré et partagé, c’est le Christ vivant qui est réellement présent. Et il n’est pas présent seulement aux chrétiens qui croient en lui ; il est présent à tous les hommes qu’il est venu conduire vers Dieu, son Père. Au soir du Jeudi Saint, Jésus a dit : Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. Certes, la multitude, ce n’est pas tous les hommes, mais la multitude qui reconnaîtra dans ce sang versé le sang de l’Alliance entre Dieu et les hommes. Mais pour que cette multitude soit chaque jour plus nombreuse, pour que cette multitude soit réelle, il faut rendre cette Alliance lisible et visible à ceux qui ne croient pas ou qui ne croient plus. Il faut permettre au Christ de passer à nouveau dans nos cités comme il l’a fait jadis. Je reconnais qu’une procession en ce jour ne fait pas tout, mais elle peut dire cette présence pour peu que nous n’en fassions pas un folklore, ou un moyen de retrouver le faste d’antan, mais bien une rencontre entre Celui qui s’est livré et tous ceux pour qui il s’est livré. Et puisque la procession n’était pas constitué seulement du prêtre et de son ostensoir, mais de toute la communauté croyante, elle permet aussi et surtout à la communauté croyante de croiser à nouveau la route et les visages de celles et ceux qui se sont éloignés d’elle, de celles et ceux qui n’ont jamais songé à la rejoindre, de celles et ceux que cette communauté croyante tenait peut-être à l’écart par facilité. Si une procession permet au Christ de se faire reconnaître par les hommes, elle permet aussi aux croyants de voir les visages très concrets et très humains de celles et de ceux qui sont ainsi croisés dans l’ordinaire de leur vie. La prière universelle qui a été faite durant la célébration est ainsi illustrée par tous ces visages de badauds qui assistent, amusés, sérieux ou indifférents, à cette procession. Ceux pour qui nous prions quelquefois de manière détachée deviennent soudain très réels, très proches. 

            Comme la messe qu’elle prolonge, la procession est un heureux échange entre Dieu et les hommes qu’il aime. Comme la messe, la procession est un heureux révélateur d’une communauté capable de s’ouvrir aux périphéries. La procession est un heureux moyen pour nous, croyants, de nous souvenir que la messe qui nous rassemble est aussi la messe qui nous renvoie vers tous ces hommes, vers ces frères et sœurs en humanité dont nous devons avoir le souci constant. La messe (tout comme la procession) ne saurait donc être un petit moment de plaisir solitaire. Elle me renvoie sans cesse vers les autres que le Christ est venu sauver aussi. Puissions-nous garder le goût de ces autres que Dieu aime, même si nous ne pouvons pas les rejoindre en ce moment. Qu’ils ne soient absents ni de nos prières, ni de notre cœur. Et que la grâce de Dieu qui sait tout et qui peut tout, nous rassemble tous un jour au banquet du ciel, en compagnie de tous les saints, banquet éternel dont nos eucharisties et nos processions ne sont qu’un avant-goût. Amen.