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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 31 juillet 2021

18ème dimanche ordinaire B - 01er août 2021

 Rassemblés pour le repas que Dieu nous offre.



Le Tintoret, La récolte de la manne, source internet)



        Nous l’avons entendu dimanche dernier quand le signe eut lieu à l’époque de Jésus. Nous l’entendons à nouveau ce dimanche, quand le signe eut lieu à l’époque de Moïse : Dieu veille sur son peuple jusqu’à lui donner la nourriture nécessaire à sa survie. Cette insistance doit nous permettre de comprendre enfin qu’entre les mains de Dieu, nous ne risquons rien ; entre les mains de Dieu, nous sommes bien gardés. 

            Au temps de Moïse, la grande idée de Dieu, c’était d’abord de libérer ceux qui deviendront son peuple. La grande nuit de la Pâque semble oubliée lorsque nous retrouvons ce peuple au désert et qu’il est confronté à la faim. Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Egypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! Le ventre qui gargouille obscurcit l’esprit au point de déformer la réalité, au point de pervertir le désir de salut de Dieu. La faim fait divaguer, et ce qui était, de la part de Dieu, une œuvre de vie, devient pour les hommes une œuvre de mort. L’homme ne comprend plus Dieu ; quand il a faim, l’homme ne voit plus le bien que Dieu fait pour lui. Et il récrimine, et il accuse. Pire, la liberté retrouvée lui semble bien moins désirable que ne l’était l’esclavage. Comme si une vie de corvées et de coups était soudain préférable à une vie de liberté. Dieu aurait pu se venger, il a préféré nourrir son peuple. Et de belle manière ! Il aurait pu faire pousser quelques légumes, il aurait pu rendre le désert fertile ; il a préféré donner le pain du ciel. A situation exceptionnelle, nourriture exceptionnelle pour que l’homme comprenne bien qui est celui qui le conduit. 

            Au temps de Jésus, c’est du pain quotidien, du pain d’orge, que Jésus a distribué, mais ceux qui en ont bénéficié ont bien compris qu’il y avait plus derrière ce pain, partagé à volonté et largement. D’où leur souci de retrouver Jésus et ses disciples. Parce qu’ils en veulent plus, parce qu’ils ne veulent jamais manquer de rien. Ils étaient bien là, auprès de Jésus, assis dans l’herbe. Pourquoi cela devrait-il cesser ? Mais Jésus n’est pas venu pour être le boulanger de l’éternité. Il est venu pour tourner les hommes vers Dieu. Aussi ne répond-t-il pas à leur demande, mais il les emmène plus loin : Travaillez non pas pour la nourriture que se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle. Il y a un horizon nouveau (la vie éternelle) que l’homme se doit de contempler et d’atteindre. Le moyen sûr et efficace d’y parvenir, c’est la foi en Jésus. L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. Il est l’unique nécessaire, notre pain pour la route : Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. 

            Aujourd’hui, nous sommes le peuple de Dieu rassemblé par lui autour de Jésus, mort et ressuscité pour notre vie. Et nous partageons le pain de sa Parole ; et nous partagerons dans un instant le pain de l’Eucharistie, ce fruit de la terre et du travail des hommes, devenu pain du ciel par l’imposition des mains et la prière de consécration, signe de la présence réelle de Jésus au milieu de son peuple. Dieu nourrit aujourd’hui encore son peuple comme au temps de Moïse, comme au temps de Jésus. Il nous voit, affamés, et prend soin de nous, désirant aujourd’hui comme hier, notre salut, notre vie. C’est le sacrifice unique de Jésus sur la croix qui rend cela possible à travers le temps et l’Histoire. A ceux qui croient en lui est promise la vie éternelle. A ceux qui croient en lui est partagé ce pain de la vie, avant-goût du banquet que Dieu nous offrira lorsque nous serons appelés à le voir face-à-face. 

            Il n’est pas de mystère plus grand que ce mystère de l’amour infini de Dieu pour son peuple, qui pourtant souvent récrimine contre lui. Il n’est pas de repas plus grand que celui de l’Eucharistie où le Christ s’offre pour notre vie. Nous l’avons ressenti de manière particulière l’an passé lorsque nous étions privés de rassemblement au début de la pandémie. Souvenons-nous en et cultivons ce désir de nous retrouver, dimanche après dimanche, pour célébrer l’œuvre de salut que le Christ accomplit pour nous. Creusons notre faim de lui ; creusons notre désir de vivre de lui. Amen.

samedi 24 juillet 2021

17ème dimanche ordinaire B - 25 juillet 2021

 Le miracle du partage.





(Source internet)


                Il semblerait que Jésus et ses disciples aient enfin trouvé un peu de repos. Nous les retrouvons, assis sur la montagne. Pas d’enseignement donné ; juste un temps calme pour se retrouver entre amis, à l’écart. Un repos tout relatif pour Jésus, une foule nombreuse venant toujours encore à lui. Elle semble insatiable, cette foule. Nous pouvons avoir l’impression que plus Jésus s’occupe de la foule, plus elle grandit, plus elle a faim des gestes et des paroles que Jésus peut donner. C’est la faim, très terre à terre, l’estomac qui gargouille, qui va préoccuper Jésus : Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? 

            Intéressons-nous un peu à cette question de Jésus. L’homme-Dieu semble être le seul à se préoccuper d’intendance. Cette foule qui se presse autour de lui semble avoir oublié le quotidien, le nécessaire même pour tenir toute une journée, à l’écart. Je ne sais pas pour vous, mais, pour ma part, j’essaie de penser à ce détail lorsque je pars pour toute une journée : où vais-je manger ? Trouverais-je quelque chose en chemin ? Vaut-il mieux que je prévois mon casse-croûte ? Ici, à part une maman qui s’inquiète pour son enfant et lui confie cinq pains et deux poissons, personne ne semble s’être préoccupé de cela. Ils sont tous partis de chez eux sans rien prendre. Est-ce que je me trompe en pensant que suivre Jésus ne signifie pas perdre son bon sens pour autant ? Mais passons, ce n’est pas la seule incohérence du texte. Jésus interroge Philippe alors même qu’il savait bien, lui, ce qu’il allait faire. Si tu as la réponse avant même de poser la question, pourquoi la poser ? Juste pour le mettre à l’épreuve ? Ce n’est pas très gentil, ça ! Mais bon, il fallait la réponse de Philippe pour montrer l’ampleur de la tâche à accomplir : le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain. En même temps, cette réponse va permettre de mesurer la grandeur du miracle, puisque, nous l’avons entendu, non seulement tout le monde mangera à sa faim, mais en plus, il restera douze corbeilles pleines. Encore une incohérence du texte : qui s’en va en promenade sans prendre de repas, mais trimbale toute la sainte journée une corbeille vide ? Il faut bien qu’elles viennent de quelque part, ces corbeilles ! Mais passons aussi ce détail. Retenons qu’une grande foule suit Jésus et que Jésus est le seul à se rendre compte qu’ils vont avoir faim et qu’il faudra les nourrir. 

            Intéressons-nous alors à ce jeune garçon qui a cinq pains et deux poissons. Il pourra remercier sa maman d’avoir été prévoyante pour son enfant. Même si elle lui donne beaucoup :  cinq pains pour un enfant, c’est trop. Les deux poissons, suivant la taille, ça peut passer. Ce qui m’intéresse, chez ce garçon, c’est son absence d’égoïsme. Il a sans doute faim comme les autres, mais il donne tout à Jésus. Il n’en garde pas un morceau pour lui. Je ne peux m’empêcher de penser à cette parole de Jésus qui nous invite à être comme des enfants, à garder cette ouverture et cette générosité. Dites-vous bien que sans lui, sans son abnégation, il n’y a pas de miracle aujourd’hui. Le miracle fait par Jésus commence par ce geste simple de partage fait par un garçon, geste que Jésus va démultiplier au-delà du nécessaire puisqu’il y aura des restes après que tous auront mangé à leur faim. Ce geste posé innocemment par cet enfant entraîne le geste plus grand de Jésus. Un geste qui doit nous rappeler que Dieu ne peut rien sans nous, sans notre consentement. Dieu ne s’imposera jamais à l’homme, même pour le sauver. Celui qui ne veut pas être sauvé par Dieu, ne le sera pas. Il faudra toujours un premier geste, un premier mot de l’homme pour que Jésus puisse intervenir dans la vie des hommes. 

            Un autre détail doit alors nous interpeler : c’est Jésus lui-même qui distribue le repas aux convives, les disciples auront le droit de ramasser les restes. Je vous rappelle que les convives sont au nombre d’environ cinq mille hommes. Vous avez déjà essayé de servir cinq mille hommes, tout seul ? Cela a dû prendre du temps. Une manière de dire que Dieu sert l’homme en permanence, sans doute. Une fois que l’homme a consenti à Dieu, celui-ci veille sur l’homme, toujours. Le psalmiste nous l’a fait chanter : les yeux sur toi, tous ils espèrent : tu leur donnes la nourriture au temps voulu ; tu ouvres ta main : tu rassasies avec bonté tout ce qui vit. Cette permanence de Dieu auprès de l’homme avec qui il fait alliance est un incontournable des textes bibliques. Vous pouvez relire la Bible de sa première à sa dernière page, il n’est question que de cela. Si Jésus est venu dans le monde, c’est bien parce que Dieu porte le souci des hommes, le souci de leur salut. 

            Un dernier détail alors qui n’est sans doute pas un hasard et qui vient renforcer le fait que c’est bien Jésus, et non ses disciples, qui distribue la nourriture : tout cela se passe alors que la Pâque, la fête des Juifs, était proche. Il faut revenir au livre de l’Exode pour trouver la première Pâque, cette nuit où Dieu, sous la conduite de Moïse, a libéré son peuple d’Egypte. Ce geste de salut a commencé par un repas pris à la hâte. Il faut alors nous souvenir que Jésus, lors de la dernière Pâque qu’il prendra avec ses Apôtres, au cours du repas, a donné un nouveau sens au partage du pain et du vin. Ce soir-là, que nous commémorons chaque année le Jeudi Saint, Jésus a dit que dans ce pain rompu et partagé, c’était lui-même qui s’offrait. Comment dès lors ne pas voir un avant-goût de ce don dans le fait que Jésus serve lui-même le pain à la foule nombreuse assemblée auprès de lui. Et je n’insisterai pas davantage sur le poisson, premier symbole chrétien, qui est devenu l’acronyme en grec de Jésus Christ, de Dieu le Fils Sauveur. Dans cette multiplication des pains, qui est la multiplication d’un geste de partage, Jésus annonce déjà le don qu’il fera de sa propre vie pour tous les hommes. Avec la foule, nous pouvons alors reconnaître que c’est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde. 

            Au-delà des incohérences, il reste donc un message fort qui peut devenir notre ligne de conduite : si Dieu peut tout pour toi (et je le crois réellement), il attend de toi que tu prennes ta part, que tu œuvres avec lui, à ton salut et au salut du monde entier. N’oublie jamais que c’est grâce à un jeune garçon que Jésus a pu multiplier les pains. Donne tout au Christ, et le Christ te le rendra, au centuple et bien davantage encore. C’est le miracle du partage. Amen.


samedi 17 juillet 2021

16ème dimanche ordinaire B - 18 juillet 2021

 De quoi parlons-nous ?



(Carte du pays de Jésus, trouvé sur le site des éditions AGORA)



            J’ai essayé, vraiment ! J’y ai passé une bonne partie de ma préparation d’homélie, mais j’ai échoué ! J’ai cherché à comprendre, cartes à l’appui, comment la foule a fait pour arriver, à pied, avant Jésus et ses disciples, de l’autre côté du lac de Tibériade encore appelé Mer de Galilée. C’est juste impossible. Si vous avez en tête une carte du pays de Jésus, vous avez une étendue de terre bordée au sud par la Mer Morte, au Nord par la Mer de Galilée et un autre lac plus au Nord encore, les deux mers reliées par le Jourdain, et la Mer de Tibériade et le lac plus au Nord, reliés aussi par un cours d’eau. Impossible de passer d’une rive à l’autre sans barque. Impossible aussi d’aller plus vite à pied, l’étendue d’eau étant nettement plus longue que large. La ligne droite étant le chemin le plus court entre deux points, c’est mathématiquement impossible. Puisque la topographie est une impasse, peut-être faut-il chercher ailleurs la vérité que Marc veut nous révéler en rapportant ce moment de la vie de Jésus. 

            Une fois admis qu’il ne s’agit pas d’une course entre Jésus et la foule, que nous reste-t-il ? Il nous reste l’empressement de la foule, sa soif d’écouter encore Jésus, et son besoin de quelqu’un qui lui redonne espérance, quelqu’un qui la guide. Nous pouvons comprendre cela à partir du dernier verset entendu ce matin : en débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans bergers. Alors il se mit à les enseigner longuement. Pour quelqu’un qui voulait se reposer et faire reposer ses disciples, c’est foutu ! Cela ne compte pas non plus. L’urgence, pour Jésus, ce n’est plus le repos de ses disciples (encore qu’ils peuvent se reposer pendant que Jésus enseigne) ; l’urgence, c’est la foule. N’est-ce pas pour cela aussi qu’il avait envoyé ses disciples en mission deux par deux ? Pour annoncer l’Evangile, la Bonne Nouvelle du Salut, aux hommes en perte de sens ? Ne les a-t-il pas envoyés uniquement vers la Maison d’Israël, pour inviter son peuple à la conversion et à l’espérance, ce peuple qui connaît depuis trop longtemps la domination étrangère et le risque de perdre sa foi au Dieu unique et vrai, envahi qu’il est par des peuples aux dieux trop nombreux ? L’envoi en mission des disciples n’était donc pas une sorte d’exercice pour eux, en attendant le grand vent de Pentecôte qui les pousserait sur les routes de l’empire romain. L’envoi en mission était un moyen concret pour augmenter l’impact de la mission de Jésus, les disciples exerçant les mêmes pouvoirs de guérison et ayant la même autorité que Jésus sur les démons. Nous l’avons entendu dimanche dernier : Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir. Ils expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient. Depuis le début, toute cette histoire n’avait qu’un but : le Salut du peuple de Dieu et sa conversion. 

            Quand nous voyons l’empressement de la foule à suivre Jésus, quand nous imaginons ces regards que croise Jésus lorsqu’il débarque sur l’autre rive, nous comprenons que cette foule a besoin d’une parole, besoin d’un guide, besoin d’une espérance. Cette foule qui se presse, cette foule qui cherche, cette foule qui a besoin de sens, est l’image de l’humanité à travers l’Histoire. Ils sont nous ; nous sommes, aujourd’hui encore, comme eux. Et c’est particulièrement vrai, me semble-t-il, depuis le début de cette pandémie qui n’en finit pas de finir à force de mutation du virus. A nouveau, les hommes et les femmes de notre temps sont déboussolés, n’hésitant pas quelquefois à suivre les théories complotistes les plus farfelues, refusant le bon sens élémentaire devant ce virus qui perturbe la vie des hommes dans le monde entier. Un tiers des Français sont ainsi pris par des théories fumeuses qui leur font refuser un vaccin pourtant utile pour lutter contre les formes graves de la maladie. Même chez les chrétiens, ils s’en trouvent affairés à propager ses théories, quand bien même le pape François nous a largement appelé à ce geste simple pour protéger les plus fragiles, au nom de la doctrine sociale de l’Eglise, qui nous rappelle que le bien de tous passe avant ma liberté personnelle. La grande différence entre nous aujourd’hui et cette foule de jadis, c’est l’empressement à nous réunir autour du Christ. Il reste pourtant le berger véritable qui conduit son troupeau et prend soin de lui. Il est celui grâce à qui nous ne manquons de rien, il est celui qui nous mène par le juste chemin. il est celui qui a voulu réconcilier avec Dieu les Juifs et les païens en un seul corps par le moyen de sa croix. Comme la foule qui se pressait autour de lui, nous savons qu’avec lui, nous sommes entre de bonnes mains. 

            Voilà ce que nous révèle Marc dans cette page d’évangile invraisemblable. Il nous parle de Dieu qui veille sur nous. Il nous parle de Jésus qui enseigne. Il nous parle de la foule qui a plaisir à entendre Jésus et à le suivre, voire le poursuivre pour ne perdre rien de ce qu’il pourrait dire ou faire. Il nous montre Jésus qui préfère le bien de tous à son confort personnel : bien que fatigué, il enseigne encore plutôt que de se reposer. Le bien commun, il n’a pas attendu que l’Eglise le formule ; il l’a vécu en toutes choses, allant jusqu’à donner sa vie pour les hommes. Il accomplit ainsi la prophétie de Jérémie selon laquelle Dieu rassemblera son peuple et lui donnera des pasteurs justes, qui accompliront leur mission avec zèle. Avec la foule, laissons-nous enseigner par Jésus. Par Jésus et par les pasteurs qu’il nous donne, laissons-nous guider. Avec lui, plaçons le bien de tous au-dessus de notre liberté. Devenons davantage encore ses disciples. Amen.

mercredi 14 juillet 2021

15ème dimanche ordinaire B - 11 juillet 2021

 Il commença à les envoyer en mission deux par deux.




            En ce temps de vacances, je voudrais brièvement méditer avec vous sur ce verset de l’évangile : alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. Il n’a l’air de rien, ce verset, et pourtant il nous dit beaucoup sur ce que nous avons à vivre aujourd’hui encore. 

            Il commença. Parce qu’il faut un début à tout, parce que ce ne sera pas la seule fois, même si les évangiles n’en disent pas plus par la suite. Ce qui est commencé doit se poursuivre. Il n’est pas dans les habitudes de Jésus de commencer quelque chose sans que cela soit mené à sa fin. Et cette fin, le monde ne l’a pas encore connu au moment où je vous parle. Ce que Jésus a commencé là, s’est poursuivi et se poursuit encore de nos jours. Qu’a-t-il commencé ? La mission des disciples. 

            Il commença à les envoyer en mission. Pour ceux qui n’auraient pas tout compris, cela signifie que les disciples ne sont pas juste là pour faire jolis autour de Jésus. Pour ceux qui n’auraient pas tout compris, les disciples ne sont pas que le club des amis de Jésus, heureux de se retrouver autour de lui, pour entendre quelques bons mots ou assister à quelques miracles surprenants. Jésus a choisi des disciples pour le suivre certes, mais pour les former aussi et permettre qu’un jour, ils puissent dire aux hommes ce qu’ils ont vécu avec leur Maître. Le chois des disciples ne s’est pas fait pour que Jésus ne soit pas seul, mais pour que les disciples puissent un jour participer à la mission de leur Maître. Et ce premier envoi en mission ressemble fort à un stage en situation réelle. Rien de tel que le terrain pour former les esprits et les cœurs. La mission est l’essence même du disciple. Parler aujourd’hui de disciples missionnaires, c’est donc être redondant. C’est dire deux fois la même chose. Il faut comprendre aussi cette chose fondamentale : avant d’être missionnaire, il faut être disciple, être formé à être disciple. Et comme les Douze, nous ne nous formons à être disciples qu’auprès de Jésus, dans la prière, dans la fréquentation de sa Parole. Aller sur le terrain sans passer par ce temps de formation, ce temps d’intimité avec Jésus, c’est aller à la catastrophe. Avant de vouloir être missionnaires, devenons d’authentiques disciples de Jésus. Quand nous serons disciples authentiquement, nous serons nécessairement missionnaires. Parce qu’on ne devient pas disciple de Jésus juste pour soi ; on ne devient pas disciple pour faire plaisir à Jésus ; on ne devient pas disciple de Jésus pour grandir en société. On devient disciple pour témoigner de lui auprès de ceux qui ne le connaissent pas encore. Celui qui deviendrait disciple sans devenir en même temps missionnaire aurait manqué quelque chose de fondamental. Jésus n’est pas venu pour ses disciples ; il est venu pour se faire connaître par tous. Il revient donc à ceux qui le connaissent de le faire connaître encore. 

            Il commença à les envoyer en mission deux par deux. Pourquoi seulement deux et pas trois ou quatre ? Parce que deux, c’est la bonne mesure pour tout réfléchir et décider ensemble. C’est la bonne mesure pour apprendre l’unité. C’est la bonne mesure pour apprendre le compromis. C’est la bonne mesure pour apprendre la réconciliation. Voyez-vous, à partir de trois et au-delà, il n’est plus nécessaire de chercher l’unité. A partir de trois ou quatre, c’est la porte ouverte aux clans, aux partis et donc à la division. A trois, il suffit que deux se mettent d’accord pour qu’ils disent au troisième : on a la majorité, tu n’as plus le choix, nous décidons. Au-delà de trois, les possibilités augmentent à mesure qu’augmente le nombre. C’est encore plus de divisions ; c’est une unité encore plus difficile à atteindre. Pour un commencement, il vaut mieux des données simples pour que les bons principes et les bons réflexes s’ancrent dans l’intelligence collective. A deux, si chacun souhaite la réussite de la mission, il n’y a que la fraternité comme solution, avec tout ce qu’elle suppose. 

            Nous comprenons que Jésus sait ce qu’il fait en envoyant ainsi ses disciples deux par deux, et nous entendrons dimanche prochain la réussite de chacun dans cette mission aujourd’hui confiée. Que cette page d’évangile soit une leçon pour nous qui devons devenir disciples de Jésus à la manière des Douze que Jésus a choisis. Qu’elle nous permette de comprendre que Jésus nous appelle à témoigner toujours encore de lui. Ce n’est pas parce qu’il est davantage connu aujourd’hui qu’au moment de son passage sur terre, que nous n’avons plus à lui rendre témoignage et à dire devant les hommes en quoi il est important pour nous, en quoi il peut être intéressant pour ceux qui ne le suivent pas encore. Souvenons-nous aussi qu’il suffit d’être deux pour commencer à témoigner du Christ et à vivre son Evangile. Deux qui s’entendent ont plus de poids que quatre qui se déchirent. Recherchons donc cette fraternité fondamentale et multiplions-là. L’exemple nous est donné aujourd’hui ; à nous de continuer ce qui est fondamental : l’annonce de l’Evangile du Christ pour la conversion du monde. Amen.

samedi 3 juillet 2021

Jubilé Sainte Odile - 03 juillet 2021

 Fête de la translation des reliques de Sainte Odile.




(Statue de Sainte Odile - Cathédrale de Strasbourg)


        C’est jour de fête dans tout le diocèse de Strasbourg puisque nous célébrons le Grand Jubilé marquant les 1300 ans de la naissance au ciel d’Odile, patronne de l’Alsace. De notre sainte, nous connaissons tous les grandes étapes de sa vie. Détestée par son père, duc d’Alsace, qui attendait un fils comme premier enfant, elle cumule le fait d’être une fille avec celui d’être aveugle à sa naissance. Il n’en fallait pas plus pour que son père veuille se débarrasser, par le glaive, de ce fruit non désiré dans son arbre généalogique. Il a fallu le courage de sa mère pour qu’Odile puisse vivre, loin des siens. Elevée par des religieuses à Balma, elle y recevra le baptême et retrouvera la vue. 

          Cette première tranche de vie nous permet de comprendre le choix de la seconde lecture, tirée du Livre de l’Apocalypse : Moi, Jean, j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle. Nous qui sommes voyant depuis notre naissance, nous ne pourrons jamais comprendre cette expérience unique de voir enfin un monde que l’on n’a jamais qu’entendu. Nous ne pouvons pas davantage comprendre la joie et l’émerveillement devant ce monde enfin visible. Pour nous, la lumière, les couleurs, les formes, les êtres vivants font partie de notre quotidien. Nous les avons découverts depuis le premier jour de notre venue au monde. Pour Odile, c’est un nouveau monde qui se présente à elle. Sans doute y a-t-il là, dans cet émerveillement soudain des choses enfin vues, la source de tout ce qui fait la richesse de la vie d’Odile. Nous pouvons dire que cette vue reçue alors qu’elle est déjà grande lui aura permis de voir le monde à la manière de Dieu lui-même. C’est lui qui lui a donné la vue au jour de son baptême. Il l’a appelée à la lumière divine ; c’est cette lumière divine qui lui fait voir le monde et agir en conséquence. Quand on voit le monde à la manière de Dieu, on ne peut pas rester insensible à ce que vivent les hommes qu’il a appelés à la vie.

          Il ne fait pas de doute pour moi, que c’est là, dans cette illumination baptismale, que se trouve la force qu’Odile mettra en œuvre pour les plus pauvres. Inlassablement, avec les sœurs qui la rejoignent sur le Mont qui porte aujourd’hui son nom, après qu’elle l’ait reçu de son père qui a fini par accepter cette fille. Que ce soit sur la sainte montagne d’Alsace ou au pied de cette montagne, elle déploiera des trésors d’énergie pour aider les pauvres, soulager leur misère, soigner les corps. Quand vous regardez les hommes avec le regard même de Dieu, vous ne voyez en eux que des frères à aider, que des frères à aimer. De son père de la terre, elle n’a appris que le rejet et la dureté ; de son Père du ciel, elle a appris le regard plein de tendresse et de compassion.

          Ce regard d’Odile, façonné par le regard de Dieu sur le monde, lui permettra aussi de voir en son père autre chose qu’un homme dur qui a tué son propre fils lorsque celui-ci a fait revenir Odile auprès des siens. Elle aurait eu toutes les bonnes raisons de détester ce père qui l’a rejetée ; et pourtant, elle l’aimera profondément, allant jusqu’à implorer Dieu pour le salut de son père lorsque celui-ci a quitté ce monde. La chapelle des Larmes et son sol creusé, selon la légende, par les larmes qu’Odile a versées pour son père défunt, en est le témoignage pour tous les âges. Le regard de Dieu nous permet d’aimer même ceux qui nous ont voulu du mal ; le regard de Dieu nous permet le pardon que Dieu nous a offert en son Fils Jésus, mort et ressuscité.

          En ce jour de Jubilé, nous sommes, par Odile, renvoyés à une plus juste compréhension de notre propre baptême. Comme elle, nous avons été appelés à la lumière divine. Comme elle, nous avons la capacité de voir le monde avec le regard même de Dieu. Les actes de charité qu’elle a posés ne sont rien d’autre que l’extension de ce regard de Dieu sur le monde. Comment pourrions-nous croire que Dieu, voyant notre détresse, ne ferait rien pour nous ? Il agit à travers des hommes et des femmes qui, comme Odile, ont compris que leur baptême, faisant d’eux des fils et des filles de Dieu, les obligeait à vivre et à partager la tendresse de Dieu pour les hommes. Sans hommes et femmes avançant dans la vie les yeux ouverts sur le monde à la manière de Dieu, Dieu devient impuissant. Sans hommes et sans femmes qui ont fait l’expérience de Dieu dans leur vie, à la manière d’Odile, il n’y a pas de terre nouvelle possible. Ce monde nouveau, c’est le monde de ceux qui voient comme Dieu et agissent en son nom. Cette terre nouvelle, c’est la terre du témoignage qu’un autre monde est possible si nous nous y mettons tous. Ce ciel nouveau, le Christ nous l’a ouvert par son sacrifice sur la croix. Cette terre nouvelle, il nous revient de la rendre réelle, de la construire, en diffusant la Parole de Dieu qui convertit les cœurs, en manifestant à tous les humains la miséricorde que Dieu nous fait ; cette terre nouvelle, nous la construisons en aimant à la manière de Dieu : absolument et simplement, parce que nous choisissons l’amour à la suite du Christ.

          En prenant notre baptême au sérieux à l’exemple d’Odile, laissons notre regard être illuminé par le regard de Dieu ; laissons notre cœur être dilaté par l’amour de Dieu ; laissons nos mains agir au nom de Dieu. et cette terre nouvelle sera notre réalité, aujourd’hui et toujours. Amen.