Bienvenue sur ce blog !

Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 27 novembre 2010

01er dimanche de l'Avent A - 28 novembre 2010

Notre foi est anamnèse : nous célébrons un Dieu qui vient !







Avec ce temps de l’Avent, certains pourraient penser que tout recommence. On passe d’une année liturgique à l’autre, mais au fond, c’est toujours la même chose, les mêmes fêtes, les mêmes textes, les mêmes prières… Sans doute est-ce ainsi que beaucoup perçoivent la liturgie : une répétition, année après année des mêmes choses, sans que cela change beaucoup, sans que cela change surtout notre vie. Pourtant, il existe un petit mot en liturgie qui devrait nous permettre de sortir de cette manière de penser pour entrer vraiment dans l’esprit de la liturgie. Un petit mot qui peut devenir une véritable attitude spirituelle. Ce mot, c’est : anamnèse. Il signifie littéralement : en remontant la mémoire, se souvenir. C’est bien à cela que nous invite la liturgie de ce premier dimanche de l’Avent : à faire anamnèse.

Jésus lui-même nous y invite dans l’Evangile lorsqu’il fait lui-même mémoire de ce qui s’était passé au temps de Noé. Il se souvient pour avertir, pour tirer une leçon. Et cette leçon, c’est la nécessité pour l’homme de veiller, d’être attentif aux signes de Dieu, car il va venir. La liturgie de ce premier dimanche de l’Avent nous rappelle que l’humanité marche vers sa fin, qu’il y aura bien un terme de l’histoire et que ce terme, c’est Dieu. Nous n’allons pas vers un néant ; nous n’allons pas vers un âge d’or ; nous allons vers un jugement de l’histoire, vers un jugement de chaque homme. Et ce temps, sa seule caractéristique est de n’avoir pas de moment connu des hommes. Ce moment viendra à l’improviste, sans crier gare. Nous devons nous tenir prêt pour ce jour ; nous devons vivre chaque instant avec la certitude que nous allons vers ce moment et que Dieu viendra dans sa gloire. C’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra.

Nous ne pouvons donc pas sans cesse remettre à demain l’urgence de la conversion ; il pourrait venir aujourd’hui et nous trouverait tournés vers d’autres dieux, étrangers à sa parole ! Nous ne pouvons pas sans cesse remettre à demain l’urgence de l’amour : il pourrait venir aujourd’hui, et il nous trouverait plein de haine et d’amertume. Nous ne pouvons pas sans cesse remettre l’urgence de la solidarité : il pourrait venir aujourd’hui et nous trouverait les mains et le cœur fermés. Nous ne pouvons pas sans cesse remettre à demain l’urgence d’approfondir notre foi : il pourrait venir aujourd’hui et nous trouverait ignorants, incapable de le reconnaître ! Il pourrait venir aujourd’hui !

En faisant anamnèse comme les textes nous y invitent, nous manifestons notre désir de connaître Dieu. En effet, nous nous exercerions sans cesse à nous souvenir de ce que Dieu a fait pour nous tous à travers le temps et l’histoire et nous creuserions ainsi en nous le désir de Dieu. Faire anamnèse, c’est ne pas perdre le sens de l’histoire d’alliance que Dieu a conclu avec l’humanité tout entière, à travers le temps et l’histoire. Faire anamnèse, c’est aussi célébrer toutes ces merveilles que Dieu a faites pour nous en ayant conscience qu’elles se font encore aujourd’hui pour nous. Faire anamnèse, ce n’est pas seulement se souvenir du passé, mais c’est rendre ce passé présent, agissant dans notre propre histoire. En ce sens, la liturgie n’est pas une succession d’anniversaire, mais bien notre participation ici et maintenant, à l’œuvre du salut.

Au cœur de la liturgie de l’eucharistie, il y a un chant d’anamnèse ; en ce premier dimanche de l’Avent, nous proclamerons ainsi : Tu as connu la mort, tu es ressuscité, et tu reviens encore pour nous sauver ! A chaque messe, lorsque le prêtre a réalisé sacramentellement la présence du Christ dans son corps et dans son sang, l’assemblée acclame le Christ qui est venu, qui a donné sa vie par amour de nous et qui reviendra. Ce chant nous rappelle que notre foi est toute entière tournée vers cet avenir de Dieu, vers cette terre nouvelle et ce ciel nouveau dont parle l’Apocalypse. Chaque messe nous remet devant l’histoire du salut, telle qu’elle s’est déroulée pour nos pères dans la foi ; elle nous met aussi face à notre propre histoire, à notre manière de vivre l’aujourd’hui de Dieu, mais aussi face à notre propre manière d’espérer en la réalisation des promesses faites par Dieu à son peuple, peuple dont nous sommes.

Il vaut la peine d’être prêts à voir ces promesses se réaliser. Il vaut la peine de creuser en nous ce désir de Dieu et d’en faire anamnèse. Saint Augustin a écrit : « Parce que l’auteur de la promesse est véridique, nous trouvons notre joie dans l’espérance ; mais parce que nous ne possédons pas encore, notre désir nous fait gémir. Il nous est bon de persévérer dans le désir jusqu’à ce que vienne le bonheur promis, jusqu’à ce que le gémissement disparaisse et que la louange demeure seule. » Heureux ceux qui savent ainsi faire anamnèse. Par eux, monte vers Dieu une louange incessante. Durant ce temps de l’Avent, apprenons à faire anamnèse et célébrons en vérité ce Dieu qui vient. Qui vient pour nous, aujourd’hui et toujours. Amen.

samedi 20 novembre 2010

Fête du Christ, Roi de l'univers C - 21 novembre 2010

Alors, tu es roi ?




Alors, tu es roi ? C’était déjà la question de Pilate à celui qu’on lui avait amené pour qu’il soit crucifié. La question relevait peut-être alors plus d’un calcul politique ou d’une stratégie diplomatique. N’est-ce pas, on ne sait jamais. Si ce Jésus était vraiment roi, comment réagirait son royaume ? Et que penserait-on de lui, Pilate, à Rome, s’il prenait sur lui de faire mettre à mort un roi ? Pilate n’avait pas vraiment eu de réponse satisfaisante, et nous voilà maintenant, au pied de la croix, Jésus fixé dessus. Et à nouveau cette affirmation, proclamée à tous : Celui-ci est le roi des Juifs. Qu’en penser ? Jésus, roi ou pas roi ?

Puisque ce dimanche marque la fin de notre année liturgique, nous pouvons considérer cette page d’évangile et cette fête du Christ, roi de l’univers, comme la signature de toute une vie, la signature d’une œuvre. Et nous pouvons donc relire cette vie à la mesure de cette affirmation lapidaire : celui-ci est le roi des Juifs. Rien, dans la vie de Jésus, ne permet de dire qu’il a revendiqué ce titre. Il n’a ni cour, ni armée, ni programme politique. Il n’a jamais revendiqué le pouvoir pour lui-même. S’il est roi, ce n’est pas à la manière de David ou Salomon, les rois emblématiques du peuple d’Israël, même s’il est de la famille de David. La royauté de Jésus n’est pas une royauté à taille humaine. S’il veut gouverner, c’est sur le cœur des hommes ; s’il veut promouvoir une politique, ce serait la politique de l’amour sans cesse offert. S’il livre une bataille contre son ennemi, c’est une bataille contre le Mal, l’Adversaire qu’il va affronter, non avec une armée, mais seul, dans l’abandon total. Et cette bataille-là, à vue d’homme, il l’a perdu ; c’est bien lui qui est là, crucifié, entre deux autres malfaiteurs. Devant la croix, c’est bien le Mal qui semble triompher, l’innocent ayant été condamné. De ce roi, il ne reste rien, sinon ce signe d’un homme crucifié par la méchanceté et la lâcheté de tous. S’il a jamais voulu construire un royaume, force est de constater, là, au pied de la croix, qu’il a échoué.

Alors, tu es roi ? Que reste-t-il de cette question de Pilate ? Où est ce royaume ? Devant le signe évident de l’échec, il ne reste que la raillerie : Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! C’est facile de se moquer, facile de tourner en dérision celui qui ne peut plus rien pour se défendre. Et puis, cela évite de trop s’interroger ; cela évite d’affronter la vérité. Curieusement, un seul homme veut y croire encore à ce royaume ; un de ceux qui est crucifié avec lui ! Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton règne ! Curieuse affirmation de la part d’un homme qui n’a plus rien, si ce n’est l’espoir que peut-être ce n’est pas fini ! Peut-être peut-il encore être sauvé par cet autre condamné, qui n’a rien fait de mal. Peut-être que sa vie, pour mauvaise qu’elle ait été, n’est pas définitivement perdue. C’est cet homme, ce malfaiteur repentant, un peu tard sans doute, qui vient relancer la question de Pilate et lui donner sens. Si cet homme, ce Jésus, est roi, ce ne peut être à la manière du monde. Si cet homme, ce Jésus, est roi, alors il peut encore quelque chose pour ceux qui se confient à lui. Si cet homme, ce Jésus, est roi, alors son royaume est encore et toujours à venir. Sa vie n’aura été alors que le signe de ce royaume ; son enseignement, la route à suivre pour y parvenir ; sa mort en croix, l’acte inaugural de ce règne : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis.

Alors, tu es roi ? Oui, Jésus est roi ; la croix est son sceptre ; la justice, la paix et l’amour offert les fers de lance de sa politique. Jésus est roi d’un monde où le Mal n’a plus d’effet, roi d’un monde où les hommes sont égaux, roi d’un monde où la vie a toujours le dernier mot. Ce monde n’est pas imaginaire ; ce monde n’est pas pour plus tard. Il est déjà là, déjà à l’œuvre dans le cœur des hommes et des femmes qui lui font confiance et qui croient que Dieu est avec eux, qu’il est Dieu venu à la rencontre des hommes. Ce royaume est déjà à l’œuvre lorsque les hommes se parlent, lorsque la paix se construit, lorsque les armes sont abandonnées, lorsque le service à rendre devient une règle de vie. Jésus est le roi de celles et ceux qui se reconnaissent ses disciples et qui veulent construire un monde fidèle à l’Evangile, libéré de toute peur, libéré de tout mal. Jésus est roi, et il n’attend plus que nous pour faire grandir, ici et maintenant, ce royaume qu’il a inauguré sur la croix. Qu’il en soit donc ainsi.




(Photo de Quentin Urlacher, prise à Salta, Argentine)

dimanche 14 novembre 2010

33ème dimanche ordinaire C - 14 novembre 2010

Le Christ est toujours avec nous !


Je reconnais que les textes de ce dimanche ne sont pas simples d’approche. Ils nous parlent de la fin des temps, du retour du Christ et des signes catastrophiques qui les accompagnent. Bref, rien de réjouissant ! Ne voulant toutefois ni les contourner, ni les supprimer, permettez-moi de passer pas une médiation, celle d’une histoire que nous connaissons sans doute tous : l’histoire de la Belle et de la Bête. Je vous la rappelle en quelques mots.

C’est d’abord l’histoire d’un prince qui était très égoïste et qui avait une pierre à la place du cœur. Pour avoir refusé l’asile à une petite vieille en échange d’une rose, le voilà transformé en monstre. S’il atteint ses 21 ans sans avoir pu aimer une jeune fille et être aimé par elle en retour, il gardera son aspect bestial. Mais s’il sait aimer une jeune fille et être aimé par elle, alors le mauvais sort sera rompu et il retrouvera, avec tout son château, son aspect humain. L’attente désespérée et le poids des ans ont vite découragé notre jeune prince. Son 21ème anniversaire approche et toujours pas de jeune fille en vue. La Bête s’est résignée à vivre ainsi et son caractère n’a fait que se détériorer : il est devenu renfermé et exécrable ! C’est là qu’intervient Belle. Comme dans tous les contes, l’histoire se termine bien, le charme est rompu. Mais ce qu’il est intéressant d’observer, c’est le cheminement ‘spirituel’ de la Bête. Car au-delà de l’histoire, c’est bien lui qui nous intéresse. Ce cheminement comporte trois étapes, trois dépassements que la Bête doit opérer.

1) Elle doit d’abord dépasser ses craintes. Certes, elle n’est pas belle à voir, mais elle porte en elle la capacité d’aimer et d’être aimée ! Il lui faut avant tout dépasser ses propres peurs. Elle n’est pas si repoussante qu’elle le croit et, en faisant quelque effort, elle devient tout à fait acceptable. L’essentiel, ce n’est pas l’extérieur, l’apparence, mais ce qu’elle est réellement à l’intérieur d’elle.

2) La Bête doit apprendre à faire confiance : d’abord à elle-même, et croire qu’elle est capable de plaire. Ensuite aux autres, à Belle en particulier, qui va peu à peu aimer le regard de la Bête et se trouver bien en sa compagnie.

3) Enfin, la Bête doit réapprendre à aimer ! Elle doit réapprendre à être un homme, à éprouver des sentiments, à avoir une attitude humaine.

Cette triple conversion réussie, le miracle est possible : la Bête redevient le jeune et beau prince, libre maintenant d’aimer et de se faire aimer par Belle.

Avez-vous compris en quoi ce conte pour enfant peut nous aider à comprendre l’évangile de ce jour ? Toute la liturgie de la Parole nous invite à espérer le jour de Dieu, le jour où le sauveur viendra. L’évangile annonce maintes catastrophes qui précèderont cette venue. Les différentes catastrophes naturelles de ces dernières années, ainsi que les conflits à travers le monde nous ont peut-être donné l’impression que nous ne pouvions pas grand chose, que nous n’étions pas grand chose ! Qui ne s’est jamais découragé ? Qui n’a jamais été tenté de baisser les bras devant les atrocités du monde ? Depuis que le monde attend le Sauveur, quantité d’événements tragiques ont eu lieu, et nous attendons toujours. Combien de temps, Seigneur ?, s’interroge maintes fois le psalmiste ! L’homme de foi peut être légitimement découragé devant les délais sans cesse augmentés avant la venue du Sauveur. Mais n’avons-nous pas, dans ces moments-là, comme la Bête, à nous ouvrir à l’Amour pour faire advenir enfin ce règne de paix tant attendu ? Les catastrophes que Jésus annonce (guerres, soulèvements, persécutions, famines et épidémies) sont la conséquence d’une humanité égoïste, d’une humanité au cœur de pierre, d’une humanité devenue un loup pour l’homme !

De même que la Bête a connu une vie nouvelle et plus belle après l’ouverture de son cœur à l’amour, de même nous aussi, nous pourrons connaître une vie autre si nous persévérons à la suite du Christ, malgré tous les faux prophètes qui veulent nous entraîner ailleurs. Pour nous aussi, une vie autre est possible si nous savons faire confiance à celui qui vient nous dire : malgré les événements, pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est votre persévérance qui vous obtiendra la vie. Une vie meilleure est possible si nous croyons que le Christ est toujours avec nous. Cela signifie que Dieu veille sur l’homme, que l’homme a du prix aux yeux de Dieu. Rien ne saurait arriver de fatal à celui qui sait faire confiance.

Face aux événements du monde, nous pourrions alors entrer dans un endormissement certain, ne réagissant plus puisque de toute manière il a peu à faire face aux lames de fond de l’histoire. Et pourtant, notre indifférence face aux événements serait le pire ennemi de notre foi. Une journée finie, c’est un monde qui finit. Il nous faut vivre chaque jour comme le premier jour d’un amour toujours renouvelé, et comme le dernier jour d’une existence qui peut nous être enlevée. Alors se poseront à nous les vraies questions : qu’est-ce qui compte le plus pour toi ? En qui, en quoi mets-tu ta confiance ?

Quoi qu’il arrive dans notre vie, nous n’avons pas subir l’histoire, mais à la vivre, à la transformer pour qu’elle soit belle et supportable pour tous. Nous ne pourrons, ni ne devrons jamais nous résigner. Marchant vers le terme de notre histoire, nous pouvons y aller avec le regard de la Bête qui sommeille en nous ou avec le regard de la Belle qui nous invite à voir toujours plus loin, à voir ce qu’il y a de plus beau en l’homme, ce qu’il y a de plus beau dans le monde, sans angélisme et sans crainte. Nous pouvons marcher vers le terme de notre histoire avec cette certitude que le Christ nous accompagne et qu’il a déjà vaincu, une fois pour toute, le Mal et la Mort. Puisqu’il est pour nous, et avec nous, qui sera contre nous ? Que le pain de l’eucharistie que nous allons partager nous fasse persévérer à la suite du Christ, pour notre plus grande joie et le salut de tous. Amen.

(Photo de Quentin Urlacher, prise à Salta, Argentine)

samedi 6 novembre 2010

32ème dimanche ordinaire C - 07 novembre 2010

Notre résurrection, signe de l'amour de Dieu pour nous.

Après les fêtes de la Toussaint et la commémoration de tous les fidèles défunts, les textes de ce dimanche tombent à pic pour nous permettre d’approfondir encore notre espérance en la résurrection des morts. Qui d’entre nous ne s’est jamais sérieusement posé la question que les sadducéens adressent à Jésus ? Qui n’a jamais voulu savoir comment cela se passe dans l'au-delà ? Est-ce que cela sera comme sur terre ? Mais alors que deviennent nos situations quelquefois si compliquées ? N’aurions-nous pas plus de facilité à croire en la résurrection si quelqu’un pouvait enfin nous dire que nous n’espérons pas en vain, qu’il y a bien quelque chose et surtout nous le décrire avec force précision ? Eternelle volonté de l’homme de lever le voile sur le mystère essentiel de la vie : tout savoir, tout comprendre. Refuser tout ce qui est inaccessible à la pensée humaine.

Pourtant, croyants, nous sommes souvent placés face à des situations que nous ne maîtrisons pas. Nous savons qu’il y a une part de notre vie qui nous échappe. Les accepter, accepter qu’il y ait un mystère de la vie fait partie de notre foi. Dans sa réponse aux sadducéens, Jésus ne s’y trompe pas. Il sait l’importance du piège qui lui est tendu. Sa réponse, loin d’éclaircir le sujet, renvoie dos à dos les pharisiens et les sadducéens.

Aux premiers (càd aux pharisiens), Jésus reproche une conception de la résurrection très matérialiste : la résurrection n’est, pour les pharisiens, qu’une réanimation des corps, synonyme de reprise des activités terrestres après un long sommeil. On refait dans l’au-delà ce que l’on a fait sur terre, à l’identique. Il n’y a pas de différence entre la vie sur terre et la vie de ressuscité ! On comprend dès lors, la raillerie des sadducéens. Si la vie après la mort est la même que sur terre, une femme qui se marie après son veuvage sera polygame. Or, c’est interdit par la Loi. N’y a-t-il pas là la preuve même de l’absurdité de la croyance en la résurrection ? Jésus répond clairement que la vie de ressuscité, en communion avec le Dieu Vivant, est une vie radicalement nouvelle par rapport à notre vie charnelle. C’est une vie qui n’a pas de modèle ici-bas. C’est une vie totalement transfigurée, une vie de fils et de fille de Dieu, héritiers de la résurrection : une vie semblable à celle des anges, une vie tournée vers la louange de Dieu. Une vie où nous serons face à Dieu, le voyant tel qu’il est.

Aux seconds (càd aux sadducéens), Jésus reproche de ne s’intéresser qu’à des cas d’école, et de se désintéresser de la vie. Les sadducéens sont conservateurs en matière religieuse. Pour eux, la croyance en la résurrection, qui est une donnée tardive de la foi, est une déviation. S’ils prétendent qu’il n’y a pas de résurrection, c’est qu’ils n’en trouvent aucune trace dans les cinq livres de la Bible auxquels ils se réfèrent ; cette foi en la résurrection n’est apparue que dans le contexte de la révolte des Macchabées lorsque les Israélites, fidèles à Dieu, subirent courageusement le martyre. Notre première lecture s’en est fait l’écho. Dans sa réponse, Jésus ne va pas s’appuyer sur ces textes tardifs, mais sur la Loi de Moïse : l’expérience de Moïse prouve que les morts doivent ressusciter ! Comme preuve, il cite l’épisode du buisson ardent. Dieu se révèle à Moïse comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Autrement dit, si Dieu s’est lié d’amitié avec ces patriarches, si Dieu a noué avec eux une Alliance d’amour, comment imaginer que ce soit pour quelques années seulement ? L’Alliance de Dieu avec les hommes n’est-elle valable que pour un temps ? Devient-elle caduque avec la mort ? Dieu abandonnerait-il les siens au moment décisif de leur existence ? N’est-ce pas sous-estimer la toute-puissance de Dieu ? Pour Jésus, la relation d’amour que Dieu a établie avec les hommes depuis la création, en passant par tous les patriarches, pour devenir relation d’amour avec chacun de nous, cette relation d’amour ne peut mourir, car Dieu est fidèle jusque dans la mort, jusqu’au-delà de la mort ! Ceux qui seront jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection des morts, ceux-là sont vivants à jamais car Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Il veut l’homme vivant, aujourd’hui et toujours. Et dans le don de son Fils sur la croix, ce projet d’amour devient réalité pour nous. Depuis Pâques, nous avons cette certitude, appuyée sur la résurrection de Jésus, que nous aussi, nous vivons dès maintenant pour Dieu, et dans l’éternité avec Dieu.

Jésus n’explicite pas comment cela se fera : il rappelle simplement la fidélité absolue de Dieu à son alliance : une alliance indéfectible, plus solide que la mort. Ce qui compte, pour l’homme, c’est de bien connaître Dieu, de lui faire confiance et de vivre pleinement sa part de l’Alliance. Dieu aime trop l’homme pour l’abandonner au pouvoir de la mort. Si l’homme connaissait Dieu comme Jésus le connaît, si l’homme aimait Dieu comme Jésus l’aime, il n’aurait pas de peur en lui, il n’aurait pas de doute en lui. Un père abandonne-t-il son enfant dans la détresse ? Comme le chante le psalmiste, par delà la mort, au réveil, je me rassasierai de ton visage. Que cette espérance soit nôtre et affermisse notre foi. Amen.

(Photo de Quentin Urlacher, prise à Purmamarca, Argentine)