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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 13 avril 2024

3ème dimanche de Pâques B - 14 avril 2024

 Jésus est ressuscité ; c'était le plan de Dieu !





(Arcabas, Les disciples d'Emmaüs)


 

          Il y a quelque chose de surprenant dans la première lecture et dans l’évangile de ce jour face à l’horreur que représente la mort par crucifixion de Jésus. C’est cette manière toute particulière qu’à Luc, auteur des deux livres, de dédouaner les hommes de la cruauté subie par Jésus. 

          Ecoutons à nouveau Pierre, lors de son discours au peuple qui suit la guérison d’un impotent à Jérusalem. Il leur parle de Jésus en insistant bien sur leur responsabilité dans les événements de la Passion : Jésus, vous l’aviez livré, vous l’aviez renié en présence de Pilate qui était décidé à le relâcher. Vous avez renié le Saint et le Juste, et vous avez demandé qu’on vous accorde la grâce d’un meurtrier. Vous avez tué le Prince de la vie… Il n’est guère possible de souligner davantage la responsabilité de quelqu’un dans ce drame. Ils ont préféré un vrai coupable à un véritable innocent. Ils ont tué ! Y a-t-il drame plus affreux que celui-là ? Et pourtant, poursuit Pierre, je sais bien, frères, que vous avez agi dans l’ignorance, vous et vos chefs. Vous avez entendu l’énormité ? Non seulement, il leur dit quelque chose du genre : ce n’est pas dramatique non plus, vous ne saviez pas ! mais en plus, il les appelle frères ! On parle de la mort de l’Innocent, que l’ennemi voulait relâcher ; c’est leur insistance qui est à l’origine directe de la mort de Jésus ! Et Pierre les appelle frères. Il va même plus loin en disant : Mais Dieu a ainsi accompli ce qu’il avait annoncé par la bouche des tous les prophètes : que le Christ, son Messie, souffrirait. Si Dieu lui-même l’a voulu ainsi… Que dire de plus ? Ce n’est pas leur faute, vraiment ; ils étaient au mauvais endroit, au mauvais moment, juste quand Dieu a décidé de mettre son plan de salut en œuvre. Personne ne pourra jamais leur en tenir rigueur ; c’était le plan de Dieu ! Que voulez-vous dire si Dieu lui-même, pour nous sauver tous, décide d’en sacrifier un qui se révèle être son propre Fils ? A part : Convertissez-vous donc et tournez-vous vers Dieu, je ne vois pas ! C’est bien la seule chose à faire, quand on ne peut ni se réjouir d’avoir mis à mort un Innocent, ni se lamenter de l’avoir fait contre notre plein gré. Entrer dans le projet de Dieu, voir au-delà des événements et comprendre enfin le grand schéma qui se dessine ainsi et que Pierre révèle dans son discours ! 

          Certains pourraient dire : oui, mais Pierre se trompe ; il se console comme il peut d’avoir lui-même renié le Christ ! Tout cela, ce ne sont que des mots pour endormir son public et gagner des clients. Je pourrais être d’accord s’il n’y avait pas eu le discours de Jésus ressuscité, renouvelé deux fois, à ses disciples au soir de Pâques. Nous savons que Jésus s’est approché de deux disciples qui s’en retournaient chez eux, à Emmaüs, quand ils ont été approchés par un homme (Jésus, que leur chagrin les empêche de reconnaître) et qui, au long de la route, en partant de Moïse et de tous les Prophètes, leur interpréta, dans toute l’Ecriture, ce qui le concernait. A ces esprits sans intelligence, il redit qu’il fallait que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire. Ce qu’il refait quelques heures plus tard, quand il apparaît à tous alors que ces deux disciples, revenus à Jérusalem annonçaient la nouvelle aux autres : les disciples qui rentraient d’Emmaüs racontaient aux onze Apôtres et à leurs compagnons ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain. Comme ils en parlaient encore, lui-même (Jésus) fut présent au milieu d’eux, et leur dit : La paix soit avec vous ! et un peu plus tard, après s’être fait reconnaître corporellement, il poursuit : Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : « Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. » Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Ecritures. Jésus confirme par avance ce que sera le discours constant des Apôtres : il fallait que les choses soient comme elles furent. Pour que tous les hommes soient sauvés, il fallait que Jésus souffrît la Passion. Il fallait qu’il affronte la mort, qu’il la subisse pour la vaincre définitivement. Pas d’autre moyen pour que le pardon des nombreux péchés soit donné par Dieu : Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. Plutôt que de chercher et définir les coupables, tournons-nous vers Dieu et convertissons-nous tous ; rejetons tous le mal que nous pouvons commettre. 

          Entrer dans le projet de Dieu, c’est reconnaître, s’il nous faut vraiment un coupable à la mort du Christ, que nous le sommes tous, même nous qui vivons à vingt-et-un siècles de distance de ces événements. Entrer dans le projet de Dieu, c’est nous convertir au Christ et croire qu’il est notre vie et notre salut. Entrer dans le projet de Dieu, c’est relire avec ses yeux la longue histoire de Dieu avec les hommes pour y découvrir ce que nous oublions si souvent : Dieu nous aime, il veut notre bonheur et notre vie avec Lui. Cela ne rend pas la mort de Jésus plus facile à vivre ; cela n’enlève rien à la beauté de sa résurrection. Bien au contraire, le fait que cela soit le projet de Dieu de nous sauver, et qu’il sait y mettre le prix, nous montre l’avantage que nous avons à nous tourner vers Lui et à croire en Jésus. Jamais Dieu ne pourra cesser d’aimer celles et ceux qu’il a rachetés à si grand prix. Amen.

samedi 6 avril 2024

 Jésus est ressuscité : et alors ?




                                                        Incrédulité de S. Thomas, Psautier d’Eléonor d’Aquitaine,                                                                                                                        Koninklijke Bibliotheek, Den Haag (Pays –Bas)


 


          C’était il y a huit jours ; dans la nuit, nous étions rassemblés, quand retentit un cri de joyeuse espérance : Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité. Et nous voilà, huit jours plus tard, rassemblés à nouveau. Et cette question qui revient en moi : ça a changé quoi, ce cri dans la nuit ? ça a changé quoi, que Christ soit ressuscité ? Si je pose la question, c’est pour que nous ne jugions pas trop vite et trop sévèrement les Apôtres. 

          C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. L’ont-ils reconnu tout de suite ? Pas évident, même si plusieurs témoins ont déjà affirmé l’avoir vu, il faut que Jésus leur parle et leur montre ses plaies, pour que soudain ils soient remplis de joie. C’est un processus lent d’entrer dans ce grand mystère de la mort et de la résurrection de Jésus. Ne nous étonnons pas si, aujourd’hui encore, certains ont du mal à passer de la belle idée sur Jésus (il est ressuscité) à la réalité comprise et vécue de cette résurrection. Nous le voyons avec Thomas, absent ce premier soir, et à qui les autres racontent toute l’histoire. Sa réaction n’est sans doute pas éloignée de celle que nous aurions eu, à sa place : Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! Ce désir de toucher du doigt, ce désir de la preuve que Jésus est vivant, est bien humain. Thomas ne demande qu’à faire la même expérience que les autres ; ils ont vu, huit jours plus tôt, ses mains et son côté [mains et côté de Jésus]. Nous voyons bien que le témoignage oral de quelques-uns, fussent-ils les disciples de Jésus, ne suffit pas d’abord, pour que d’autres croient, pour que d’autres puissent dire : Jésus est le Christ, le vainqueur de la mort.   

          C’était après la mort de Jésus, mais c’est toujours encore ainsi. Il ne suffit pas d’avoir une belle idée sur Jésus, comme celle qui consiste à dire qu’il est plus fort que la mort et toujours vivant, pour que tous, spontanément, adoptent cette idée et en vivent. En fait, personne ne vit sur une belle idée. Et c’est tout le défi qui est le nôtre : faire comprendre que la résurrection de Jésus n’est pas une belle idée sur Jésus, mais que c’est la réalité de sa vie désormais. Ressuscité, il est vivant ; ressuscité, il est présent au milieu de nous. Cette expérience des Apôtres, au soir du premier jour de la semaine, nous devons la faire, nous pouvons la faire. Mais pour cela, il nous faut vivre du Christ, c'est-à-dire passer des belles idées à la pratique. Ce que nous avons appris au catéchisme, il nous faut le faire descendre du cerveau vers le cœur. Ce que nous avons appris au catéchisme, n’est pas une nourriture pour notre intelligence seulement ; c’est une nourriture pour notre cœur et devient le moteur de notre vie. Je vous l’accorde ; cela prend du temps pour descendre dans le cœur et passer ensuite dans nos mains. Ce que nous avons lu des premières communautés chrétiennes dans les Actes des Apôtres, ne s’est pas fait sur un claquement de doigts. Les premiers disciples et la première communauté croyante avaient un seul cœur et une seule âme, parce qu’ils ont reçu la force de l’Esprit Saint pour être capables de vivre comme d’authentiques témoins du Ressuscité. Pour que nos belles idées apprises sur Jésus deviennent notre réalité de vie, notre art de vivre, il nous faut accueillir ce don de l’Esprit que Jésus avait déjà donné à ses disciples, le soir venu, en ce premier jour de la semaine. Nous l’avons entendu dans l’Evangile : Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l’Esprit Saint. L’art de vivre chrétien, qui fait de nous des disciples visibles du Christ, ne peut se vivre que dans la puissance de l’Esprit reçu déjà à notre baptême, puis renouvelé à notre confirmation. 

          Certains diront : oui, mais c’est difficile votre truc. Comment peut-on vivre du Christ dans un monde devenu dur et violent ? Rien que ces derniers jours, nous avons vu une jeune fille de treize ans être si violemment agressée qu’elle a fini plongée dans un coma dont elle est heureusement sortie ; et un jeune homme de 15 ans est mort après avoir été tout aussi violemment agressé. Comment vivre en chrétiens dans un tel monde ?  Et je ne parle pas des humanitaires morts « par erreur d’identification » dans la bande de Gaza, alors qu’ils travaillaient à éviter une famine que tout le monde craint ! Et tout cela dans cette grande semaine qui nous a fait célébrer Pâques, la vie plus forte que la mort, chaque jour de la semaine ! Nous vivrons du Ressuscité en croyant la paix toujours possible et en priant sans relâche pour elle. Nous vivrons du Ressuscité en demandant la justice plutôt que la vengeance. Nous vivrons du Ressuscité en témoignant notre proximité et notre attention pour tous les petits et les pauvres qui sont les frères préférés du Christ. Nous vivrons du Ressuscité parce que nous croyons que lui seul peut encore quelque chose pour notre monde quand nous ne pouvons plus rien. 

          A ceux qui se disent : Je croirai en Jésus Ressuscité quand il aura fait cesser la guerre et la violence dans notre monde, il est redit, comme à Thomas : Heureux ceux qui croient sans avoir vu. La foi n’est pas un tranquillisant, un opium du peuple comme l’affirmait Marx ; la foi est le moteur de toute vie humaine vécue à la hauteur de Dieu.  Jésus n’a pas donné sa vie sur la croix parce qu’il n’avait rien de mieux à faire en ce fameux vendredi que nous disons saint ; il a donné sa vie sur la croix pour que tous les hommes puissent vivre une vie à la hauteur de celle de Dieu. Il nous a montré que seul le service amoureux de l’homme peut sauver le monde. Il nous a montré que seule la charité peut vaincre la violence ; seule la charité peut renverser nos logiques de conflits et de destruction. Christ est ressuscité : c’est une certitude absolue pour moi. Et parce qu’il est ressuscité, je me dois de vivre dans l’espérance que je peux vivre de cette vie toujours plus forte. Je n’aurai pas d’autre preuve de la résurrection que mon engagement personnel en faveur de chacun pour une vie meilleure, pour une vie plus grande, telle que Dieu la veut. Il tient à chacun de nous d’y croire et de commencer à en vivre, sans autre preuve que le témoignage de tant de vies données à cause de Jésus. Amen.

dimanche 31 mars 2024

Résurrection du Seigneur - 31 mars 2024

 Vous savez ce qui s'est passé...




(Anastasis - icône de la résurrection)


 

 

            Vous savez ce qui s’est passé… C’est ainsi que Pierre commence son discours dans la maison du centurion romain à Césarée. Il faut dire qu’à ce moment-là, beaucoup d’événements ont eu lieu, et Pierre lui-même a pu faire l’expérience de Jésus ressuscité, de son retour vers le Père à l’Ascension et du don de l’Esprit Saint à la Pentecôte, cette force de Dieu qui a jeté les Apôtres sur les routes de Judée, Samarie, Galilée et au-delà pour annoncer à tous la joyeuse nouvelle qui a retenti au cœur de notre nuit : Jésus est ressuscité, il est vraiment ressuscité. Avec Pâques, l’Alliance nouvelle et éternelle devient réalité puisque nous découvrons que l’histoire de Jésus n’est pas terminée. 

            Vous savez ce qui s’est passé… c'est-à-dire cette expérience radicalement nouvelle qui fait proclamer par les Apôtres au monde entier que celui qui était mort en croix, Dieu l’a ressuscité. La croix n’est pas le dernier mot de l’histoire de Jésus ; la croix est même le premier mot de l’histoire de celui que nous nous appelons Jésus et que nous confessons comme Christ et Seigneur. Et ce alors même que personne ne l’a vu entrain de ressuscité. Ce qui s’est passé, c’est que ses disciples ont fait l’expérience de la présence de Jésus au milieu d’eux alors même qu’ils étaient encore aveuglés par le chagrin immense qu’ils ont ressenti après la mort de Jésus en croix. Les récits sont nombreux, dans les évangiles, qui nous montrent ce fameux matin de Pâques que nous commémorons en chacune de nos eucharisties. Nous avons suivi ce matin Marie-Madeleine qui se rend au tombeau de grand matin. Elle ne peut se résoudre à la mort de cet ami qui lui a rendu sa dignité de femme, pardonnant sa vie compliquée et l’orientation mauvaise qu’elle avait suivi. Quelle ne fut pas sa surprise en approchant du tombeau : la pierre a été enlevée du tombeau. Une lecture attentive me fait dire qu’elle n’est même pas allée plus loin. Pour elle, pierre roulée, tombeau ouvert, cela ne peut signifier qu’une chose : quelqu’un a eu l’audace de voler le corps de Jésus. En toute hâte, elle va annoncer aux disciples la catastrophe. 

            Vous savez ce qui s’est passé… Quand Pierre s’adresse ainsi à Corneille et à sa famille, se souvient-il qu’il savait tout, lui, ce fameux matin de Pâques, mais qu’il n’a pas su mettre les pièces du puzzle ensemble ? Jésus avait annoncé sa mort et sa résurrection par trois fois, pour préparer ses disciples à la folie de la croix. Leur tristesse légitime à la mort de leur Maître aura sans doute effacé l’espérance que Jésus leur avait annoncé : certes, il devait mourir, mais il ressusciterait ! Nous comprenons bien qu’il ne suffit pas de l’annoncer pour que les auditeurs comprennent. Jésus lui-même n’avait pas, de son vivant, réussi à faire comprendre cela aux siens, qui pourtant étaient avec lui chaque jour. Au-delà d’une annonce, la résurrection de Jésus est une expérience à vivre. Regardez les deux disciples, Pierre et Jean, qui courent au tombeau après l’annonce de Marie-Madeleine. Pierre aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire roulé à part à sa place. Mais rien ne se passe encore pour lui. Jean lui, entre dans le tombeau, et, nous dit l’évangile, il vit et il crut. En entrant dans le tombeau, il entre dans ce mystère de la Rédemption. Il voit la même chose que Pierre, mais il va au-delà des signes ; l’Alliance nouvelle et éternelle dont Jésus parlait lors du dernier repas devient pour lui réalité, là, dans ce tombeau vide, soigneusement rangé. Il fallait ce signe du tombeau vide pour déclencher la foi. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. Et d’ailleurs comment auraient-ils pu le comprendre sans en faire l’expérience. Jean sera le premier d’une longue liste d’hommes et de femmes convaincus que Jésus, celui qui était mort, est bien vivant, ressuscité, vainqueur de la mort. 

            Vous savez ce qui s’est passé… Cette parole est pour nous aussi. Nous avons tous appris au catéchisme que Jésus est mort et ressuscité. Nous l’affirmons chaque fois que nous proclamons notre foi. Mais sommes-nous, comme Jean, entrés dans la profondeur de ce mystère ? Le croyons-nous par la grâce de la méthode Coué : à force de le dire, on finit par y croire ? Ou le croyons-nous par la grâce d’une expérience, d’une rencontre personnelle avec Celui dont nous disons qu’il est le Christ, le Sauveur ? Oui, nous savons ce qui s’est passé, mais la connaissance des faits ne fait pas encore la foi. La foi naît de cette conscience de la présence réelle de Jésus en notre vie. La foi naît du témoignage, en mot et en geste, de ceux qui ont fait cette expérience avant nous et qui ont engagé leur vie pour que notre monde se transforme radicalement, et devienne, dès ici-bas, un avant-goût de ce monde nouveau que le Christ ressuscité veut construire pour nous, avec nous. Nous manifestons la puissance du Ressuscité quand nous vivons l’Evangile avec tous ceux que Dieu met sur notre route. Nous témoignons du Ressuscité quand nous faisons de nos communautés de vraies fraternités où il fait bon être ensemble. Nous témoignons du Ressuscité lorsque nous savons mettre les autres avant nous. Nous témoignons du Ressuscité quand nous répandons l’amour dont il nous aime largement autour de nous. Nous savons ce qui s’est passé… Maintenant, il nous faut en vivre. Chaque jour. Vraiment. Amen.

vendredi 29 mars 2024

Passion du Seigneur - 29 mars 2024

 De Jésus à nous : une Alliance nouvelle et éternelle scellée dans le sang du Juste.





(Dali, Le Christ dit de Saint Jean de la Croix, Détail)



 

 

            Il est toujours impressionnant, le silence qui marque l’entrée en liturgie le Vendredi Saint, d’autant plus que nous vivons dans un monde de bruit qui a le silence en horreur, de rumeurs d’autant plus fortes qu’elles nient l’évidence de la vérité, et du bruit des canons dans tant de lieux de notre monde. Faire silence, se taire et contempler… voilà qui convient bien au moment où meurt en croix le Juste pour le salut des pécheurs. 

            Et pourtant, il n’avait pas commis de violence, on ne trouvait pas de tromperie dans sa bouche. Quand le bruit est plus fort que la vérité, quand le mal triomphe du Juste, cette abomination dénoncée par le prophète Isaïe devient possible. Et l’homme qui cherche, l’homme qui essaie de comprendre, ne le peut plus. Pourquoi Dieu a-t-il permis cela ? Même le Juste condamné garde le silence. N'y a-t-il rien d’autre à faire que de subir la force des forts, le mal des méchants ? A vue humaine, tout cela montre l’injustice triomphante contre laquelle nous nous sentons impuissants ; à vue humaine, tout cela montre que Dieu lui-même semble contre le petit et le Juste. Nous pourrions lister ici la longue litanie des injustices faites en notre monde, en ce vingt-et-unième siècle ; mais cela ne nous donnerait que le dégoût de notre humanité. 

            Puisque, à vue humaine, nous semblons être dans une impasse, peut-être faut-il alors changer notre regard ; peut-être nous faut-il consentir à entrer dans les vues de Dieu. A priori, cela ne change pas grand-chose : un innocent est tué à la place des coupables. Ce qui change, quand nous entrons dans les vues de Dieu, c’est l’intention derrière le geste. Aussi terrible que cela puisse paraître à énoncer, Dieu a permis cela pour que les hommes puissent vivre. Aussi terrible que cela puisse paraître à énoncer, Dieu a permis qu’un seul meurt pour tout le peuple. A vue humaine, nous assistons au triomphe du mal ; à vue divine, nous assistons à la destruction du mal lui-même ; à vue divine, nous assistons à la fin d’un monde et à la naissance de quelque chose de radicalement nouveau : une vie libérée du mal ; une vie qui n’a pas de fin ; une vie où la vérité triomphe. Pour l’heure, nous n’avons que la vision de la croix dressée ; mais cette vision est parcellaire. L’œuvre de Dieu pour le salut du monde, si elle passe par la mort en croix du Juste, ne s’arrête pas là. Dans le monde voulu par Dieu, le Juste triomphe. Dans le monde voulu par Dieu, le mal n’a plus de place. Dans le monde voulu par Dieu, la vie est éternelle. 

            Devant Jésus en croix, gardons le silence qui fut d’abord le sien lors de son procès. Rien ne sert de vouloir expliquer le mystère du salut ; il nous faut entrer dedans, à la manière de Jésus, dans l’obéissance à la volonté de Dieu qui est volonté de salut et de vie pour tous les hommes. Devant la croix, contemplons l’Alliance nouvelle et éternelle, scellée dans le sang du seul Juste, celui que Dieu lui-même a envoyé dans le monde, pour sauver ce monde livré au bruit, à l’injustice, à la fureur. Devant la croix, gardons le silence, mais souvenons-nous de ce que Jésus lui-même disait à ses disciples : il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite (Mc 8, 31). Une parole alors incomprise par ses amis. Nous, devant la croix dressée, nous comprenons que la première partie vient de s’achever ; rendez-vous dans trois jours, et nous comprendrons tout. Enfin ! Amen.

jeudi 28 mars 2024

Messe de la Cène du Seigneur - 28 mars 2024

 De Jésus à nous : une Alliance nouvelle qui nous invite à l'action de grâce et à la charité.





 

 

            Nous voici réunis au début de la nuit pour vivre avec Jésus la Cène, le repas de la Pâque juive qui, ce soir, va prendre une nouvelle dimension, une nouvelle signification. L’agneau immolé par nos frères ainés dans la foi en mémoire de la sortie d’Egypte cède la place à Jésus, l’Agneau immolé, Corps livré et Sang versé en rémission des péchés. Ce repas qui nous rassemble dans la joie devient le repas au cours duquel Jésus se livre à nous, devenant ainsi, par son obéissance, l’offrande parfaite, réalisée une fois pour toutes, pour le salut de tous les hommes, ceux du temps de la vie terrestre de Jésus, mais aussi la foule immense qui suivra dans le temps et l’Histoire. Ce soir, nous ne fêtons pas un anniversaire ; ce soir, Jésus nous invite à sa table, nous offrant le pain et le vin, signe de cette Alliance nouvelle et éternelle qu’il signe de sa vie. Ce soir, Jésus refait pour nous les gestes qui diront à jamais sa présence au monde et son salut offert à tous ceux qui croient en son Nom. 

            La première lecture de cette célébration unique nous a rappelé le contexte historique dans lequel Jésus inscrit son œuvre de salut. C’est bien la Pâque, c'est-à-dire le passage du Seigneur qui vient libérer son peuple, que nous célébrons. La deuxième lecture, plus ancien témoignage de l’institution de l’Eucharistie, nous a remis en mémoire les paroles de Jésus sur le pain et le vin, ainsi que son ordre clair : Faites cela en mémoire de moi. Nus ne pouvons pas faire autrement, si nous sommes disciples du Christ, que de célébrer, non seulement ce soir, mais chaque dimanche, ce sacrement, signe de la présence réelle de Jésus à son Eglise. Puisque ce soir Jésus se livre pour notre salut, puisque ce soir, il nous dit de refaire ces mêmes gestes en mémoire de lui, comment ne pas répondre à cette demande amoureuse par une présence réelle de notre part à ce sacrement, qui est la source et le sommet de notre foi. Source, puisque Jésus nous le donne pour inaugurer l’Alliance nouvelle – tout part de là ; sommet, parce qu’il n’y a rien de plus grand, pas d’amour plus grand que ce don que le Christ fait de sa vie, parce qu’il nous aime, parce qu’il nous veut avec lui, pour toujours – tout notre chemin à la suite de Jésus, nous mène à ce sacrement. A lui qui est réellement présent dans le Pain et le Vin partagé, soyons réellement présent, de tout notre être, pour lui dire que nous l’aimons comme il nous aime. L’Alliance nouvelle que Jésus inaugure ce soir nous invite à l’action de grâce et à la reconnaissance de ce que Dieu fait pour nous. 

            Reste l’évangile qui nous dit un autre moment de ce dernier repas de Jésus avec ses disciples, le lavement des pieds. Geste qui peut nous sembler étrange et dépassé, nos chaussures et nos routes goudronnées nous évitant la poussière du chemin. Il y a bien longtemps que nous n’accueillons plus nos hôtes en leur versant de l’eau sur les pieds pour les rafraîchir et nettoyer leurs pieds après une marche en sandales sur des chemins de terre. Comme pour le pain et le vin, Jésus donne un sens nouveau à ce geste ; le sens de l’amour gratuit, du service inconditionnel du prochain. Comme pour l’eucharistie, il nous dit : c’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. La charité n’est donc pas une option, un truc en plus à faire quand j’en ai le temps et/ou l’envie. La charité, c’est l’autre signe visible que nous sommes disciples du Christ qui s’est livré pour notre salut. L’eucharistie appelle la charité, en ce sens que nous recevons là le Christ vivant qui nous renvoie vers nos frères ; la charité prolonge l’eucharistie, en ce sens qu’elle transmet au monde par notre attention aux plus petits l’amour que le Christ nous porte. Coupée de l’eucharistie, la charité devient pur activisme sans lien avec l’amour premier, l’amour que Dieu porte à tous. Coupée de l’eucharistie, la charité se réduit à une simple solidarité, que je choisis de vivre ou pas. La charité n’est pas un choix, elle est un élan vital, une sortie de nous, poussée par l’eucharistie. 

            De Jésus à nous, l’Alliance nouvelle est invitation à l’action de grâce (c’est la traduction du mot Eucharistie) et à la charité. Le disciple de Jésus qui pense que parce qu’il va à la messe, il n’a pas besoin de s’occuper des pauvres a autant tort que celui qui pense que, parce qu’il s’occupe des pauvres, il n’a pas besoin d’aller à la messe. Au cours de la même nuit, au cours du même repas, Jésus nous a demander de faire les deux (eucharistie et charité) en mémoire de lui. C’est notre fidélité à Jésus qui se joue là ; c’est notre crédibilité de disciples de Jésus qui est challengé. Rencontrons Jésus là où il nous attend toujours : à sa table et auprès de ses frères. Amen.

samedi 23 mars 2024

Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur - 24 mars 2024

 De Jésus à nous : une Alliance nouvelle à découvrir.




                                                (Source : On célèbre aujourd'hui le Dimanche des Rameaux (rci.fm) )


 

 

            Durant les cinq dimanches de Carême, l’Eglise nous a fait relire les grandes alliances successives que Dieu a nouées avec son peuple : au temps Noé, au temps d’Abraham, au temps de Moïse, au temps de l’Exil, au temps de Jérémie annonçant la nouvelle Alliance. Et nous voici donc au seuil de cette grande semaine que nous appelons sainte pour entrer, jour après jour dans cette nouvelle alliance. Cette Alliance nouvelle n’est pas conclue aujourd’hui ; mais aujourd’hui est le premier jour d’une semaine qui va mener, étape par étape, à la réalisation pleine de cette Alliance d’un nouveau genre. 

            Jérémie nous l’annonçait dimanche dernier : cette Alliance nouvelle sera désormais inscrite dans nos cœurs. Autant dire qu’il nous faudra faire attention à ce que ce cœur va vivre au long de cette semaine. Et comment dire ? En ce premier jour, notre cœur balance, entre la joie de l’entrée solennelle de Jésus à Jérusalem et la tristesse au pied de la croix, dressée hors de Jérusalem, croix sur laquelle Jésus meurt. Chaque année, quand revient ce dimanche, je voudrais en rester à cette joie qui fut nôtre lorsque nous étions sur le parvis de l’église. Nous étions comme les foules, jadis, les rameaux à la main, acclamant celui que nous reconnaissons comme Sauveur, comme l’Envoyé de Dieu. Le dimanche des Rameaux devrait être une occasion de faire la fête, de nous réjouir de ce qu’un grand nombre d’hommes, de femmes et d’enfants reconnaissent en Jésus Celui qui vient au nom du Seigneur. En ces temps où le nombre de chrétiens diminue, en tous les cas sur notre continent, cela nous ferait sans doute le plus grand bien de voir que nous ne sommes pas une exception, voire les derniers des mohicans. Nous partageons, avec les disciples jadis, cette fierté de voir Jésus acclamé par tant d’inconnus qui nous font comprendre que nous n’avons pas suivi Jésus en vain, que nous ne sommes pas de doux rêveurs perdus dans un monde trop rude pour qu’une parole d’amour et de pardon soit entendue. Malheureusement, la joie est de courte durée en ce dimanche. Sitôt la procession terminée, nous avons été confrontés à des textes rudes : Isaïe et ce serviteur outragé ; le rappel de l’abaissement de Jésus dans l’hymne aux Philippiens et le rappel de notre incapacité à nous sauver si Jésus ne meurt pas en croix, exposé comme le dernier des malfaiteurs et enfin la lecture de la Passion. Notre joie fut aussi courte que le temps qu’il a fallu à la foule pour passer des acclamations – Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! – aux vociférations – Crucifie-le ! – . 

            Penser que notre joie aurait pu durer un peu plus, c’est oublier que ce dimanche s’appelle en réalité : dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur. La foule n’a pas tort d’acclamer Jésus comme elle le fait ; il est bien celui que Dieu nous envoie. Mais elle a tort de le faire trop tôt ! elle a tort d’avoir raison trop tôt ! Cette acclamation ne sera véritablement vraie qu’après la Passion, trois jours après sa mort. Il nous faut comprendre ainsi et méditer ce bel hymne aux Philippiens que nous avons entendu en seconde lecture : oui le Christ Jésus, Dieu depuis toute éternité, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Oui, Jésus, celui que nous suivons, s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, c'est-à-dire l’un de nous. Oui, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort de la croix. Nous pourrions croire que c’était là la fatalité, un mauvais karma, une succession malheureuse d’événements qui auraient pu être évités. Mais non ! Il n’y avait pas d’autre chemin possible pour le Dieu fait homme, que celui qui est commun à tous les hommes, à savoir affronter un jour la mort. Et pour vaincre la mort dans toute son horreur, il fallait qu’il affronte cette mort dans toute son horreur.  Sans ce chemin douloureux, aucune langue ne pourrait proclamer : Jésus Christ est Seigneur ! Sans la mort dans toute son horreur, pas de vie dans toute sa splendeur. Sans la mort qui meurt, pas de vie qui dure pour toute éternité. Sans défaite absolue de la mort, pas de victoire absolue de la vie. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas en rester là, ni prolonger les viva de la foule quand elle accueille Jésus à Jérusalem. Nous nous tromperions sur Jésus ; nous nous tromperions sur sa mission qui n’est pas une mission pour ici-bas, à un moment donné de l’histoire des hommes, mais une mission pour l’au-delà, à travers le temps et l’histoire des hommes. Si nous en restons aux acclamations, rameaux à la main, nous réduisons Jésus à un personnage de l’Histoire des hommes ; si nous relions et relisons ces acclamations avec les événements qui vont suivre, jusqu’aux vociférations de la foule contre Jésus, nous laissons Jésus et le monde entrer dans une ère nouvelle, marquée par cette Alliance nouvelle dont parlait Jérémie. Ce n’est pas parce que nous l’acclamons comme Messie que Jésus devient le Sauveur. Mais c’est parce que Jésus s’offre librement et meurt en croix qu’il devient notre Sauveur, et que nous pouvons l’acclamer comme le Messie de Dieu, comme le Roi de l’univers. 

            Le dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur nous rappelle que nous pouvons acclamer Jésus comme le Messie attendu, mais que cela n’est avéré qu’au matin de Pâques, quand la mort elle-même est morte et que la vie devient éternelle par la résurrection de Jésus. Ce dimanche nous rappelle que beaucoup de gens sont prêts à reconnaître Jésus comme un grand homme, mais nous devons sans cesse redire qu’il est plus que cela. Les bons sentiments sur Jésus, c’est un bon début ; mais à en rester à cela, nous risquons forts d’avoir à nous enfuir nus, comme le jeune homme dans le récit de la Passion rapporté par Marc. Seul celui qui accompagne Jésus jusqu’au bout, jusqu’au pied de la croix, peut dire en vérité, avec le centurion : Vraiment, cet homme était Fils de Dieu. De Jésus à nous, l’Alliance nouvelle est toujours à découvrir et à comprendre. Ce dimanche n’est qu’une étape ; accompagnons Jésus, tout au long de la semaine, jusqu’à la croix, jusqu’à l’infini et au-delà ! Amen.

samedi 16 mars 2024

5ème dimanche de Carême B - 17 mars 2024

 De Jérémie à Jésus : une Alliance nouvelle et éternelle.





 

 

 

            Il n’est pas possible de relire les grandes alliances du Premier Testament sans entendre le prophète Jérémie annoncer la nouvelle alliance que Dieu établira avec son peuple. Ce texte magnifique, qui est pour moi le plus beau, nous emmène aux portes du Nouveau Testament et de l’Alliance nouvelle et éternelle scellée dans le sang du Christ. 

            Voici venir des jours où je conclurai avec la maison d’Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle. Nous l’oublions trop souvent, mais il n’y avait là rien d’évident quand ces mots ont été prononcés pour la première fois. Le peuple allait vers sa ruine et sa disparition pour les soixante-dix ans à venir. Jérusalem sera rasée, le peuple déporté. Il en faut, de l’espérance, pour proclamer une nouvelle alliance au moment même où le peuple sera anéanti. Tout comme il faut du courage pour dire à ce peuple que ce qui va arriver est entièrement de sa faute : mon alliance, c’est eux qui l’ont rompue, alors que moi, j’étais leur maître – oracle du Seigneur. Mais plutôt que de tourner à nouveau le peuple vers son passé, Jérémie le tourne vers un avenir lointain que beaucoup de ses contemporains ne verront pas : Voici quelle sera l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël quand ces jours-là seront passés. Nous sentons déjà, dans cette simple annonce, que rien ne sera plus comme avant, et que cette alliance sera nouvelle, non seulement parce qu’elle marquera un nouveau commencement, mais parce qu’elle portera en elle une nouveauté radicale. Et cette nouveauté, la voici énoncée : Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. La Loi de Dieu ne sera plus extérieure à l’homme, inscrite sur des tables de pierre ; la Loi de Dieu sera notre intime, inscrite au fond du cœur de chacun. D’où cette idée que l’homme ne prendra plus ses grandes décisions avec sa seule raison, mais avec son cœur, c'est-à-dire avec Dieu qui réside au fond de son cœur. Et parce que Dieu établit désormais là sa demeure dans le cœur de tout homme, tous connaîtront le Seigneur, des plus petits jusqu’aux plus grands. Pour trouver Dieu, nul besoin de scruter le ciel : il suffit de rentrer en soi. Pour comprendre la volonté de Dieu, nul besoin de lire les entrailles d’animaux ; il suffit de regarder au fond de notre cœur. Dieu est là, qui attend d’être découvert ; Dieu est là, qui attend d’être écouté ; Dieu est là, qui attend d’être suivi. Cette alliance, nouvelle dans sa configuration, sera une alliance éternelle, parce que cette inscription de la Loi de Dieu dans le cœur de chacun, ne sera pas que pour une ou deux générations ; elle sera pour toujours. Tout humain qui vient au monde a cette Loi de Dieu inscrite en lui, aussi longtemps que le monde sera monde, aussi longtemps que Dieu sera Dieu. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Quand tu trouves Dieu en toi, au fond de ton cœur, il n’y a pas à douter de cette affirmation. 

            Des siècles plus tard, c’est en Jésus, mort et ressuscité, que cette Alliance nouvelle prendra toute la mesure de son éternité. Lui, le Fils de Dieu a pris sur lui non seulement notre humanité avec ce qu’elle a de plus beau et de plus noble, mais aussi notre humanité pécheresse, avec ce qu’elle a de plus sombre, de plus vil, pour que ce côté sombre soit anéanti alors même qu’il semblait triompher. L’auteur de la lettre aux Hébreux nous l’a fait entendre : le Christ offrit des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect. Bien qu’il soit le Fils, il a appris par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. Parce qu’il a accepté d’être le grain de blé tombé en terre et qui meurt, il porte beaucoup de fruits, il porte le salut de tous ceux qui croient en lui. Jésus, le Fils unique du Père, marche vers sa mort avec la conscience de s’offrir en sacrifice pour tous, à travers le temps et l’Histoire. L’Alliance nouvelle est éternelle, parce que ce sacrifice est nouveau et posé une fois pour toutes. De même que le péché d’un seul a entraîné la chute de tous, de même le sacrifice d’un seul a entraîné le salut de tous : et moi, dit Jésus, quand j’aurai été élevé de terre [sur la croix], j’attirerai à moi tous les hommes. D’où l’urgence pour l’Eglise d’annoncer le Christ, Jésus crucifié et mort pour tous, et Jésus ressuscité pour la vie éternelle de tous. Face à ce projet de salut pour tous les hommes, Jésus, le Fils unique du Père, ne peut se dérober. Il en va de la fidélité de Dieu à cette Alliance nouvelle annoncée jadis par Jérémie. Maintenant, mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? « Père, sauve-moi de cette heure » ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! En Jésus, se joue le combat entre l’homme et Dieu, le combat de notre salut. Il fait le choix de Dieu, le choix de la vie, même pour ses bourreaux ; il a fait le choix de notre vie. En Jésus, Dieu est présent ; en Jésus, tous deux, l’homme et Dieu, ne font qu’un. C’est ce à quoi nous sommes appelés, nous-aussi, à ne faire qu’un avec le Christ, à ne faire qu’un avec Dieu. Comme le disait Jean le Baptiste à ses disciples : il faut qu’il grandisse et que je diminue. L’homme ne se perd pas en laissant Dieu grandir en lui ; au contraire, il trouvera là, dans cet envahissement de sa vie par Dieu, sa vie véritable, son salut, et sa gloire éternelle. 

            A huit jours de la Semaine Sainte, accueillons cette Alliance nouvelle et éternelle. Donnons à Dieu la place qui lui revient dans notre cœur, qu’il reconnaisse en nous sa demeure et qu’il y reste toujours. A la suite du Christ, devenons ses fils et ses filles, grains de blé jetés en terre d’humanité pour porter beaucoup de fruits. Amen.