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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

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samedi 27 février 2016

03ème dimanche de Carême C - 28 février 2016

Acte 3 de la miséricorde : porter sur le monde le regard même de Dieu.




Suffit-il d’avoir un grand cœur pour être capable de miséricorde ?  Rien n’est moins sûr ! L’étymologie de ce mot « miséricorde » ne doit pas nous induire en erreur. Le cœur a quelque chose à voir avec notre capacité à être miséricordieux, mais avant il nous faut une autre qualité, celle de savoir regarder avec justesse. 
 
Reprenons l’extrait du livre de l’Exode que nous avons eu en première lecture. C’est un épisode bien connu de tous, celui du buisson ardent, signe par lequel Dieu se révèle à Moïse et lui confie une mission. Comme souvent avec les textes trop bien connus, nous risquons de ne l’écouter que d’une oreille, tellement nous sommes sûrs de tout connaître. Il serait dommage de passer à côté de ce dialogue entre Moïse et Dieu. Il ne se limite pas à l’appel de Moïse, à l’identification de Dieu, à l’envoi en mission et à la révélation du nom divin. Il y a, au cœur de cet échange, cette certitude proclamée par Dieu lui-même qu’il prend soin de son peuple, que ce qui arrive à ce peuple ne lui est pas étranger. Pour moi, ce qui est le plus important dans ce texte ce n’est pas que Dieu appelle Moïse : il en a appelé d’autre avant et en appellera d’autre après. Ce n’est pas davantage que Dieu confie une mission à Moïse : il en a confié à d’autres avant et en confiera encore après Moïse. Pour moi, il y a deux éléments clé dans ce dialogue. Ils nous disent tous deux cette proximité de Dieu avec son peuple et le souci qu’il a et qu’il aura toujours pour lui. La première phrase clé est la suivante : J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Egypte ; et la seconde : Je suis qui je suis. Dieu ne va pas intervenir parce qu’il a bon cœur simplement ; il ne va pas intervenir parce qu’il n’a rien d’autre à faire ; il va intervenir parce qu’il a vu une situation intolérable et qu’il est temps que quelqu’un y mette fin. Chez les Egyptiens, il y avait certainement des gens de grand cœur. Pourtant, aucun d’eux n’a levé le petit doigt pour intervenir en faveur de ce peuple réduit en esclavage. Ils ont vu ce qui arrivait à ce peuple, mais ils n’ont vu qu’avec le regard des hommes. Ce ramassis de gens, ce n’étaient que des étrangers qui allaient nous pourrir la vie, qui risquaient de prendre plus de place et plus d’importance que les Egyptiens de souche. Il fallait les contenir ; il fallait limiter leur extension. C’est comme si la présence de trop d’étrangers anéantissaient toute miséricorde, toute charité. En faire des travailleurs utiles pour qu’on puisse jouir de la vie ; voilà une bonne solution : l’esclavage un mal nécessaire. Mais Dieu ne voit pas les choses ainsi. Il voit la misère de ce peuple réfugié en Egypte au temps de la grande famine. Il entend les cris des opprimés. C’est parce qu’il voit, c’est parce qu’il entend, qu’il prend souci de ce peuple, qu’il va intervenir en faveur de ce peuple par son serviteur Moïse. Il porte un autre regard sur ce que vivent les hommes. C’est ce qui déclenche l’œuvre de libération et la miséricorde dont bénéficiera ce peuple de la part de ce Dieu vers lequel il a crié sa misère. Si Dieu avait porté sur ce peuple le regard des Egyptiens, rien ne se serait produit ; pas de libération, pas de Moïse pour mener les opérations sur le terrain. Si les Egyptiens avaient portés sur ce peuple le regard de Dieu, il n’y aurait pas eu d’esclavage, il n’y aurait pas eu de misère ; il n’y aurait eu que des peuples différents qui vivent en bonne intelligence et en paix, côte à côte. Oui, beaucoup de chose, pour ne pas dire toute chose, dépendent du regard que l’on porte sur elles.  
 
La révélation du nom de Dieu (Je suis qui je suis) n’est alors qu’une invitation faite au peuple à porter un juste regard sur Dieu lui-même. Il n’y a pas d’autre discours à avoir sur Dieu que celui qui consiste à dire que Dieu est Dieu. Il est celui dont l’homme a besoin, fondamentalement. Il est celui en qui l’homme peut espérer. Il est celui qui accompagne l’homme toujours et qui porte le souci de lui. Je suis qui je suis peut tout aussi bien se traduire par Je suis qui je serai. Autrement dit : je suis celui que tu as besoin que je sois à toutes les étapes de ta vie. Je suis le même et unique Dieu qui se révèle aux hommes selon leurs besoins. L’homme n’a pas à craindre d’être abandonné de Dieu ; il a à craindre de ne pas porter sur lui le bon regard, et finalement à craindre d’oublier Dieu parce que incapable de le reconnaître. 
 
Cette histoire de juste regard, nous la retrouvons dans l’évangile. Jésus invite ses auditeurs à ne pas se tromper sur Dieu lorsqu’il les invite à porter sur les événements tragiques de leur histoire un juste regard. Ce qui est arrivé aux Galiléens massacrés par Pilate, ou ce qui est arrivé aux victimes de la chute de la tour de Siloé n’est pas le résultat d’un grand péché. Il n’y a pas à mêler Dieu aux affaires des hommes. Mais il y faut porter sur la vie des hommes, et donc sur notre propre vie, un juste regard. Ce regard qui nous permettra de nous convertir ; ce regard qui nous fera prendre patience et voir tous les possibles. La parabole du figuier ne dit pas autre chose. Le maître de la vigne et le vigneron voient la même chose : un figuier qui ne donne pas de fruits. Mais là où le maître ne voit plus qu’un arbre stérile, le vigneron voit encore un arbre capable de donner quelque chose de bon avec un peu de travail et un peu de patience. C’est là le regard de Dieu sur chacun de nous. Lorsque Dieu nous regarde, il ne voit pas d’abord nos péchés, il voit nos possibles, il voit les progrès que nous pouvons encore faire. D’où la manifestation de son amour pour nous sans cesse renouvelée. Dieu nous fait miséricorde pour que nous puissions encore progresser dans son amour, grandir en sainteté et porter les fruits qu’il attend de nous. A son image, nous devons porter sur nos frères le regard même de Dieu et ne pas désespérer des autres, mais croire qu’avec un peu de patience et un peu d’amour de notre part, ils pourront encore progresser. Nous ne ferons véritablement miséricorde aux autres que si nous portons sur eux le regard même de Dieu, le regard le plus juste qui soit. 
 
Il n’est pas faux de dire qu’en matière de miséricorde tout est une histoire d’amour. Mais il est plus juste de dire d’abord qu’en matière de miséricorde, tout est une histoire de regard. Si je n’apprends pas à regarder comme Dieu regarde, je ferme bien des avenirs sur ceux et celles qu’il met sur ma route. Si je ne me regarde pas avec le regard même de Dieu, je me ferme mon propre avenir. Ouvrons les yeux sur le monde, sur les hommes et sur nous-mêmes. Si Dieu est celui qu’il est, les hommes eux-aussi sont ce qu’ils sont : toujours meilleur que ce que je crois, souvent moins pire que ce que j’imagine. Puisse ce temps du carême vécu sous le signe de la miséricorde nous aider à porter sur tous le juste regard, le regard même de Dieu qui entraine le cœur à la miséricorde. Amen.
 
(Dessin extrait de la revue  L'image de notre paroisse, n° 207, mars 2004, éditions Marguerite)

jeudi 25 février 2016

02ème dimanche de Carême C - 21 février 2016

Acte 2 de la miséricorde : écouter et faire confiance.






Le combat spirituel que nous livrons durant ce temps de Carême nous entraîne bien au-delà d’un simple affrontement avec le Mal. Autrement dit, il ne suffit pas d’affronter le Mal et de le repousser hors de nos vies pour mener ce combat à son terme. Il s’agit aussi et surtout d’accepter que notre vie soit placée sous le signe de la Parole de Dieu, une Parole sans cesse à accueillir, à reprendre et à laquelle nous devons faire confiance, absolument. 
 
Que serait devenu Abraham sans cette confiance et cette écoute de la Parole de Dieu qui s’adressait à lui ? Avec Abraham, nous apprenons que Dieu veut entrer en Alliance avec l’homme. Cette Alliance est source d’une promesse de vie pour l’éternité. La descendance promise à Abraham, malgré son grand âge, est le gage de cette vie éternelle. C’est une vie qui est appelée à ne s’arrêter jamais. Elle se poursuivra de génération en génération pour peu que l’homme reste fidèle à l’Alliance, fidèle à Dieu, à l’écoute de sa Parole. Abraham est reconnu juste devant Dieu parce qu’il lui fait confiance : Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste. Abraham est l’homme qui croit sur parole, sans preuve préalable. Un fils, une descendance sans fin, c’est le résultat de sa foi et non le préalable. Il n’attend pas que Dieu réalise sa promesse pour croire en lui ; il accorde foi à Dieu d’abord. 
 
C’est à cette même confiance que sont appelés les disciples qui contemplent la gloire de Jésus au jour de sa transfiguration. Nous sommes sur le chemin de la Pâque. Jésus a annoncé à ses disciples pour la première fois qu’il allait être livré, souffrir et mourir pour la première fois. Il leur a fait comprendre qu’ils avaient eux-aussi à prendre leur croix chaque jour pour le suivre authentiquement. Pierre, Jacques et Jean se souviennent-ils de tout cela, huit jours après, lorsque Jésus les prend avec lui sur la montagne pour prier ? Font-ils le lien entre l’annonce de sa mort et la gloire qu’ils contemplent là, en présence de Moïse et d’Elie ? Ou ont-ils déjà oublié cette annonce de la mort de Jésus pour ne vivre que ce moment irréel et merveilleux à la fois ? Nous ne le saurons jamais, mais l’injonction de la voix du Père qui se fait entendre (Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le !) et la deuxième annonce de la Passion qui suivra le lendemain, me laisse croire qu’une certaine confusion règne dans l’esprit des disciples. Comment Jésus peut-il être à la fois cet homme qui partage la gloire de Dieu et celui qui va mourir, livré à la folie des hommes ? La voix du Père nous invite, comme elle a invité jadis Abraham, à la confiance. Avec Dieu, nous ne maîtrisons pas tout de tous les événements que nous vivons. Le maître de la vie, c’est lui. Nous devons l’écouter et lui accorder notre confiance, sachant qu’il ne veut que le meilleur pour nous. L’Alliance faite à Abraham et la promesse de vie qui l’accompagne est pour toujours et Jésus la portera à son accomplissement en acceptant d’aller librement à la mort pour que nous puissions vivre. Seule une écoute attentive de la Parole de Jésus peut nous faire comprendre ce paradoxe ; seule une grande confiance en lui pourra nous faire passer de la mort bien réelle de Jésus à sa vie retrouvée, ressuscitée au matin de Pâques. Le combat spirituel que nous avons entrepris est aussi le combat d’une écoute attentive et d’une confiance sans limite à celui que Dieu a envoyé pour récapituler toutes choses. Dans la mort et la résurrection de son fils unique, Dieu fait miséricorde à tous les hommes. 
 
Nous goûterons pleinement à cette miséricorde en accueillant sa Parole, et en lui accordant notre confiance sans exiger de preuve ou de signe. Dieu veut notre salut ; Dieu veut notre vie ; ce sont là des certitudes. Réjouissons-nous de cette miséricorde offerte gratuitement et répandons autour de nous cette bonne nouvelle. Amen.

samedi 13 février 2016

01er dimanche de Carême C - 14 février 2016

L'acte premier de la miséricorde : entrer en combat.






Vous souvenez-vous de la prière d’ouverture de la messe du mercredi des Cendres ? Pas nécessairement mot à mot, mais dans ses grandes lignes ? Elle nous parlait d’entrainement au combat spirituel. Elle laissait clairement entendre que le croyant ne pouvait pas se soustraire à ce combat fondamental. Et aujourd’hui, pour commencer notre première semaine de Carême, la liturgie nous montre Jésus livrant ce combat. Il doit donc y avoir quelque chose de vrai dans l’affirmation de la prière de l’Eglise : nous avons bien un combat spirituel à mener. En ce jubilé de la miséricorde, nous pouvons même dire que ce combat spirituel est l’acte premier, l’acte fondateur de toute miséricorde. 
Regardez notre monde ; les journaux nous étalent page après page le résultat d’une humanité qui semble avoir renoncé à ce combat. Que ce soit en politique, en économie, ou tout simplement dans notre vie ordinaire, c’est bien le Mal qui semble triompher. D’état d’urgence en lois particulières visant à déchoir de leur nationalité ceux que nous n’avons pas su intégrer ou gérer, sans même parler de la difficulté à faire une place en Europe à ces peuples que nous avons condamné à la guerre par souci de profits ou par lâcheté, ce qui triomphe, c’est la peur, le rejet de l’autre, la violence, la méfiance, la stigmatisation… Nos sociétés égoïstes semblent surprises par la violence de la réponse apportée par certains. Au terrorisme intellectuel de certains gouvernants qui nous bercent d’illusions intégrationnistes répond le terrorisme par les armes qui n’a fait que trop de victimes. De jeunes français, en manque de repère et d’espoir, prennent les armes et se retournent contre cette société qui semble les avoir abandonnés et qui, telle les statues représentant la justice, se voile la face devant ses propres errements et ses propres ratés. Plutôt que de vouloir comprendre pour lutter efficacement contre les causes de ces violences soudaines, nous faisons des lois qui vont renforcer ces sentiments de rejet. Quand la violence de lois mal ficelées répond à la violence des armes, c’est plutôt mal parti. 
Le Mal, nous en faisons tous l’expérience dans notre vie. Il y a le Mal que nous faisons et le Mal que l’on nous fait. C’est le même, n’en doutez pas. Nous ne sommes pas plus légitimes que d’autres à faire le Mal. Le Mal est un raté de notre vie, une réponse toujours mauvaise aux pires situations que nous pouvons affronter. Ce Mal, nous devons l’affronter et le vaincre, plutôt que de le répandre en y cédant à notre tour. L’Evangile de ce premier dimanche de Carême nous montre que ce combat est non seulement possible, mais qu’en plus nous pouvons le remporter, sans être des surhommes, sans déployer plus de Mal encore. Mais nous ne pourrons le vaincre qu’en le prenant à sa racine, qui est souvent en nous. 
Regardons bien Jésus. Celui qu’il affronte, c’est l’auteur du Mal, le diviseur, le démon, le diable : qu’importe le nom que vous lui donnez. Ce Mal qu’il affronte, ce sont nos grandes tentations : le pouvoir, la toute-puissance, l’idolâtrie, la mise à l’épreuve de Dieu lui-même. C’est finalement le désir secret qui nous habite tous à un moment ou à un autre de notre vie d’être plus que les autres, de dominer les autres. Jésus ne vainc pas le Mal parce qu’il est le Fils de Dieu ; dans le désert, il ne pose aucun acte de puissance divine. Il fait ce que chacun d’entre nous peut faire : répondre au Mal et le refuser grâce à la vérité que nous procure la Parole de Dieu. Saint Léon le Grand écrit dans un de ses sermons (sermon 39) : Nous voyons le Seigneur vaincre l’ennemi, non pas en usant de sa puissance, mais en s’appuyant sur les enseignements de la Loi. Il honore ainsi l’homme davantage et châtie plus durement son adversaire : ce n’est pas dans sa divinité, mais dans son humanité même, qu’il inflige une défaite à l’ennemi du genre humain. Il a affronté ce combat pour que nous combattions à notre tour ; il a vaincu pour que nous remportions la victoire (…). Pas de foi sans épreuves, pas de lutte sans un adversaire, et sans affrontement, pas de victoire ! Notre vie ici-bas se passe au milieu des embûches et des batailles. Pour ne pas être surpris, il faut veiller et pour vaincre, il faut combattre. 
Si nous voulons vivre ce jubilé de la miséricorde de manière profitable, il nous faudra nécessairement livrer ce combat. Parce que la miséricorde elle-même est un combat à livrer. Et ce combat, nous devons d’abord le livrer contre nous-mêmes, contre ce qui nous tire vers le côté obscur de l’homme, vers sa capacité, vers notre capacité, à faire le Mal. C’est peut-être d’abord à nous-mêmes que nous devons faire miséricorde en luttant contre notre ignorance (c’est là une des œuvres de miséricorde !), en luttant contre nos peurs, en luttant contre cette facilité et cette fascination que nous avons pour le Mal. Le bad boy a un côté plus attirant que le chevalier servant ; c’est regrettable, mais c’est ainsi ! L’interdit est plus séduisant que la loi ; c’est regrettable, mais c’est ainsi ! Même nos péchés semblent être « plus mignons » que la sainteté ; c’est regrettable, mais c’est ainsi ! Oui, le combat spirituel est bien l’acte premier de quiconque veut apprendre la miséricorde, parce que le plus grand Mal n’est jamais celui que l’on subit, mais celui que l’on fait. C’est donc bien en lui-même que tout homme doit lutter d’abord contre le Mal. Et il peut le faire, comme Jésus, avec sa part d’humanité qui le raccroche encore à Dieu et à sa Loi d’amour. Jésus ne fait que citer la Loi divine pour vaincre temporairement son adversaire. Un jour viendra où il le vaincra définitivement. Ce sera paradoxalement au moment même où le Mal sera convaincu d’avoir définitivement gagné, le Fils de Dieu ayant été cloué sur une croix. 
Se faire miséricorde à soi-même, c’est peut-être porter sur soi le regard même de Dieu, qui toujours nous redit son amour pour nous et la valeur que nous avons pour lui. Nous sommes, chacun, unique aux yeux de Dieu ! Regarder humblement sa vie, repérer les zones d’ombre qui la traverse, et oser appeler Dieu à l’aide, voilà pour moi le début de la miséricorde. Si je n’ai pas expérimenté la miséricorde de Dieu à mon égard, comment puis-je apprendre à faire miséricorde à ceux que Dieu place sur ma route ? Au début du Carême, demandons à Dieu cette grâce de savoir nous faire miséricorde. Sachant porter sur nous le regard même de Dieu, nous serons davantage capables de porter sur nos frères et sœurs en humanité ce même regard de Dieu. Nous découvrirons alors en l’autre non un ennemi à abattre, mais un frère à aimer, un frère à aider, un frère à qui manifester la miséricorde de Dieu. Amen.

(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année C, éd. Les Presses d'Ile de France)


mercredi 10 février 2016

Mercredi des Cendres - 10 février 2016

Le carême, un temps  pour ré-enchanter notre foi !







L’oraison de la messe de ce mercredi des cendres peut laisser croire que ce temps est un temps difficile et rude : elle nous parle de jeûne et de combat spirituel, toutes choses peu réjouissantes pour le commun des mortels. Nous reconnaissons-là la marque des efforts à faire tant enseignés par le passé, au point qu’un évêque de France a parlé un jour du christianisme comme d’une religion qui sent la sueur. Qui s’est déjà réjoui de la venue du temps du carême ? Pourtant, ce temps privilégié n’est pas à vivre dans la tristesse ou dans l’affliction. Au contraire, c’est un moment joyeux, un temps favorable si l’on en croit les Ecritures entendues en cette célébration. 
 
Ecoutez à nouveau le prophète Joël : revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment. Ce qu’il annonce, c’est un retour en grâce ; ce qu’il prêche, c’est la conversion, c’est-à-dire un retour sincère vers Dieu pour le redécouvrir tel qu’il est. On ne le répètera jamais assez : il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment. Pas de quoi avoir peur donc, mais plein de raisons de se réjouir : Dieu s’est ému en faveur de son peuple, il a eu pitié de son peuple. En ce jubilé de la miséricorde, voilà une bonne nouvelle pour nous tous. Malgré notre péché, malgré nos manques de foi, Dieu est fidèle à sa Parole, Dieu est fidèle à son Alliance. Si nous avions oublié notre part dans cette Alliance que Dieu scelle avec nous au moment de notre baptême, lui se souvient : il s’est engagé envers nous ; sa faveur envers nous est pour toujours. Il nous suffit de lever nos yeux vers lui, et humblement de marcher à nouveau avec lui. 
 
Des siècles après Joël, l’Apôtre Paul nous adresse le même cri, la même supplication : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. En formulant ainsi sa demande, Paul nous redit bien que la réconciliation est d’abord l’œuvre de Dieu et de sa miséricorde. C’est lui qui en a l’initiative en son Fils Jésus qu’il a envoyé dans le monde pour notre salut. L’engagement de Dieu est total dans cette œuvre de salut ; il ne renonce à rien pour nous sauver. Il va jusqu’à identifier au péché celui qui n’a pas connu le péché, afin qu’en lui nous devenions juste de la justice même de Dieu. Voyez comme est grand l’amour dont Dieu nous aime ! A nous de savoir saisir l’instant, à nous de reconnaître Dieu à l’œuvre dans notre vie. C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut. Pas demain, pas la semaine prochaine. Aujourd’hui ! En ce moment-même ! C’est dire l’urgence de nous tourner vers Dieu pour bénéficier de sa miséricorde ! 
 
A la miséricorde de Dieu, doit répondre notre propre miséricorde, celle que nous accorderons à ceux qui nous entourent. Les œuvres de miséricorde que Jésus indique (prière, jeûne et charité) sont la réponse à l’appel de Dieu, la marque de notre désir de marcher avec Dieu. La miséricorde de Dieu envers nous ne s’est pas payée de mots ; il a livré son propre Fils pour notre vie. Notre réponse à Dieu ne peut se payer de mots ; elle doit se traduire en actes, en art de vivre qui témoigne de la miséricorde qui nous a été accordée et que nous devons propager. La miséricorde est un don à partager, largement, pour qu’il ne s’épuise pas. Comment pourrais-je n’être pas miséricordieux avec mon frère après que Dieu m’ait accordé sa miséricorde ? Mais notre miséricorde doit rester discrète, faite dans le secret. Il n’y a pas à en tirer gloire ; ce n’est pas quelque chose d’exceptionnel ; c’est la réponse ordinaire et simple à la miséricorde dont nous bénéficions. Point. C’est tout. 
 
Pour vous permettre de vivre positivement ce temps de carême, je vous laisse pour finir un verbe qui est devenu le mot d’ordre dans l’Enseignement catholique. Il a été lancé par notre secrétaire général. Ce verbe, c’est ré-enchanter. Non pas pour faire des trucs en plus, mais pour reprendre ce que nous faisons déjà et peut-être pour le faire avec une conscience renouvelée. Ceci nous évitera au moins de croire que le jeûne, la charité et la prière sont des choses réservées au Carême, nos bons vieux efforts à ressortir une fois l’an et à bien ranger, lorsque nous serons rendus au temps de Pâques. Ré-enchanter notre vie de foi et ne pas faire des choses parce qu’il faut les faire, ne pas se servir des outils de la foi comme de prétextes, mais vivre en vérité les rites et les temps que propose notre foi ; voilà sans doute le chemin à faire pour que notre vie de foi questionne et ouvre un chemin de possible pour qui est non-croyant ou mal croyant ou croyant autrement. Avant de vouloir convertir, cherchons à vivre : c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que le monde saura que vous êtes mes disciples, avertit le Christ. En ce temps de Carême qui commence aujourd’hui, accueillons-donc la miséricorde de Dieu et vivons ! Vivons et aimons largement ! Nous ferons ainsi grandir la vie pour la joie et le salut de tous. Amen.
 
(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année C, éd. Les Presses d'Ile de France)

samedi 6 février 2016

05ème dimanche ordinaire C - 07 février 2016

Quand Dieu appelle...





Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire l’Obs du 04 février 2016 (page 36), la ministre de l’Education nationale réaffirme son engagement contre la ‘prégnance du sentiment religieux parmi les élèves’ et ‘les crispations identitaires’. Si je condamne fortement toute crispation identitaire, car dangereuse et pour la société et pour la foi, je ne suis pas bien sûr que le fait que les élèves soient imprégnés du sentiment religieux soit à combattre. Bien au contraire, je pense qu’il vaut mieux éduquer ce sentiment pour qu’il ne se transforme pas en réflexe identitaire, signe toujours néfaste d’un repli sur soi et du rejet de l’autre. Les lectures que la liturgie nous propose en ce dimanche nous montrent justement ce qui se passe quand Dieu appelle l’homme, c’est-à-dire quand le sentiment religieux imprègne l’homme et qu’il choisit de marcher avec son Dieu. 
 
Quand Dieu appelle, nous voyons d’abord qu’il laisse l’homme libre. Après avoir manifesté sa grandeur à Isaïe, ainsi que sa miséricorde (il lui pardonne son péché), il ne dit pas à Isaïe : Va, je t’envoie, mais il interroge : Qui enverrai-je ? L’appel de Dieu suscite certes la réponse d’Isaïe, mais un espace de liberté est laissé à celui-ci. La réponse de l’homme doit jaillir d’elle-même, libre et volontaire : Me voici : envoie-moi ! Nul ne marche avec Dieu en y étant forcé ; nul ne devient prophète sur ordre ; nul ne devient apôtre s’il n’y consent. Le sentiment religieux est le signe d’une liberté absolue. Cette liberté, inscrite sur les frontons de nos édifices publics, nous vient de Dieu, nous est garantie par Dieu. J’ose l’affirmer : seul celui qui marche avec Dieu est véritablement libre. Une République qui affiche la liberté comme une de ses valeurs ne peut pas combattre en même temps cette liberté fondamentale que possède l’homme de marcher avec son Dieu. Ou alors sa liberté est une liberté étriquée, réduite et réductrice. 
 
Quand Dieu appelle, il transforme la vie de l’homme, il la rend meilleure. Paul le reconnaît, lui l’avorton devenu Apôtre des nations. C’est bien par la présence de Dieu en lui qu’il devient celui que nous connaissons aujourd’hui. C’est bien parce qu’il était imprégné de Dieu et de sa Parole qu’il a su l’expliquer aux hommes et en livrer toute la force. Il a rappelé combien cette Parole était une parole de liberté, une parole de vie, une parole qui rapprochait les hommes jusqu’à les rendre égaux. C’est bien Paul qui a écrit, plus d’une fois, qu’en Christ, il n’y a plus juif ou païen, homme ou femme, esclave ou homme libre, mais une humanité réconciliée, unifiée, d’égale dignité. Il est, 18 siècles avant la République, le chantre de l’égalité, inscrite sur les frontons de nos édifices publics. Comment peut-on affirmer que la prégnance du sentiment religieux en nous est une chose mauvaise contre laquelle une ministre de la République doit s’engager, alors même que notre sentiment religieux nous offre une égalité telle que, par notre baptême, nous devenons l’égal du Christ, et par le Christ l’égal de Dieu même ? Je ne veux pas d’une égalité qui fasse des hommes moins que ce qu’ils sont appelés à être en vérité : des hommes à la taille de Dieu. 
 
Quand Dieu appelle, il envoie vers les autres pour que tous les hommes puissent découvrir et vivre cette liberté et cette égalité que Dieu offre gratuitement. Pierre l’apprend du Christ lui-même : Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. Cette parole signe le miracle qui vient de s’opérer. Après une nuit de pêche infructueuse, sur l’ordre de Jésus, Pierre jette à nouveau les filets qui se remplissent jusqu’à éclater, à tel point qu’il faut une deuxième barque pour tout ramener à bon port. On peut dire que ces poissons tirés des eaux en grand nombre préfigurent les hommes que Pierre et ses compagnons, et à leur suite l’Eglise, sont invités à libérer des forces du Mal pour les conduire à la source de toute vie, de toute liberté, de toute égalité : le Christ Sauveur. Il ne faut jamais oublier, quand vous lisez un texte biblique qui se passe sur l’eau, que l’eau est le lieu où siège le Mal. Quand Jésus affirme que la mission de Pierre sera d’être un pêcheur d’homme, il dit bien qu’il aura à les sortir de ce Mal pour les mener au Christ. Ainsi les hommes peuvent devenir véritablement frères entre eux et frères du Christ qui, par sa mort et sa résurrection, nous obtient le salut et la vie en plénitude. La fraternité que le Christ nous propose de vivre n’est donc pas fondée sur de bons sentiments, mais sur une vie offerte par amour, une vie livrée jusqu’à la mort. Le corps et le sang du Christ livrés pour tous deviennent les garants de la fraternité que nous avons à vivre avec tous, qu’ils reconnaissent le Christ ou non. Une République qui proclame la fraternité comme une vertu à vivre ne peut pas me reprocher mon sentiment religieux qui fonde ma manière de vivre et de comprendre une fraternité absolue. Je ne veux pas d’une fraternité qui ne reposerait que sur des bons sentiments, et qui ne serait garantie que par ceux qui ne voient dans la religion qu’un problème à évacuer plutôt qu’une richesse à vivre. 
 
Aux grandes idées qui changent à mesure que changent ceux qui les défendent, je préfère la stabilité d’un vrai compagnonnage, celui du Christ, qui m’appelle à le suivre et m’offre une vraie liberté, une vraie égalité, à vivre dans une vraie fraternité. A ce Dieu qui appelle encore et toujours à marcher à sa suite, je veux redire, comme Isaïe : me voici, envoie-moi ! Avec sa grâce, je trouverai la force d’annoncer la Bonne Nouvelle d’un salut pour tous. Avec sa grâce, nous pourrons construire ensemble un monde dans lequel liberté, égalité et fraternité ne seraient ni de beaux mots incantatoires, ni des mots de combat, mais des réalités vécues, pour la joie et le salut de tous. Amen.

 (Dessin extrait de la revue L'image de notre paroisse, n° 206, Février 2004, éd. Marguerite)