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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 25 juin 2016

13ème dimanche ordinaire C - 26 juin 2016

Je te suivrai partout où tu iras.





Reconnaissons-le : il arrive que des mots sortent de notre bouche sans que nous les ayons vraiment réfléchis. Et souvent, sitôt dit, ils sont sitôt regrettés ; comme si nous réalisions un peu tard ce qu’ils signifient. Je me demande s’il n’en est pas un peu ainsi avec cet homme qui dit à Jésus : Je te suivrai partout où tu iras ! Sait-il seulement ce qu’il vient de dire ? Sait-il que Jésus marche vers Jérusalem ? Peut-être ! Sait-il que Jésus marche ainsi vers sa mort ? J’en doute ! Jésus n’a confié ce secret qu’aux Douze ! Je crains vraiment que cet homme ne saisisse pas bien la portée de son affirmation. A moins qu’il ne soit extraordinaire de lucidité et qu’il ait réussi à percer les projets de Dieu ! Cette affirmation rejoindra ainsi la longue liste des affirmations faites à l’emporte-pièce qui n’engagent que leurs auteurs, et encore ! 
 
Puisque la liturgie nous remet en mémoire cet épisode de la vie de Jésus, il nous faut alors nous interroger personnellement : que signifie cette phrase pour nous ? Car enfin, nous la disons bien, peut-être pas avec ces mots, mais avec nos gestes, nos symboles, nos sacrements ! N’y a-t-il pas quelque chose de cette affirmation dans chaque sacrement ? En venant à la messe chaque dimanche, n’est-ce pas une manière de dire que nous voulons être avec Jésus ? En nous engageant à la suite du Christ par le baptême, n’est-ce pas justement cela que nous disons : avec toi, Jésus, je veux aller partout ? 
 
Alors que signifie cette phrase lorsque l’on baptise par habitude plus que par conviction ? Que signifie cette phrase pour l’enfant qui a fait sa première communion, et pour qui celle-ci semble être sa dernière ? Que signifie cette phrase pour le confirmand qui achève son initiation et qui lâche tout, juste après, parce que, vous comprenez, il a tant à faire, le pauvre ? Que signifie cette phrase pour les époux qui se séparent à la première tempête, rompant ainsi l’alliance qu’ils avaient juré de garder ? Que signifie cette phrase pour les prêtres, ordonnés au service de Dieu et des frères, lorsqu’ils se découragent devant des situations ainsi énumérées ou trahissent gravement leur sacerdoce ? Notre parole a-t-elle du sens ? Notre parole a-t-elle du poids ? Ou faut-il se contenter de suivre le mouvement, et n’en pas demander plus ? 
 
Je te suivrai partout où tu iras ! Et si cette affirmation sonnait pour nous comme un réveil ? Et si cette phrase était avant tout un défi à relever, avec le Christ ? Pouvons-nous imaginer ce que serait nos communautés si nous prenions Jésus et son Evangile au sérieux ? N’est-ce pas là une provocation salutaire ? Je te suivrai partout où tu iras, même si c’est difficile, même et surtout sans savoir où tu veux me conduire. Je te suivrai parce que tu me montres le chemin, ce chemin qui mène à la solitude du Vendredi Saint et de la Croix pour parvenir à la clarté du matin de Pâques et au cri de joyeuse espérance. Je te suivrai partout où tu iras, parce que là se trouve ma joie, là se trouve ma vie. Et tant pis pour ceux qui ne comprennent pas ! Je te suivrai partout où tu iras, même et surtout s’il y a des jours où je m’en trouve indigne parce que mon péché, ma finitude, me semblent m’en rendre indigne. Je te suivrai partout où tu iras parce que je sais que là se trouve ma purification, mon soutien sur le chemin de la sainteté. Parce qu’il ne faut pas attendre d’être saint pour suivre le Christ : il suffit de l’avoir rencontré, de vouloir l’écouter et de partager avec lui ce qui fait notre vie. 
 
Je te suivrai partout où tu iras ! Ce n’est donc pas seulement une belle phrase, c’est une vraie profession de foi en Dieu, en l’homme, en leur avenir commun. Elle devrait rappeler à chaque baptisé à quoi il s’est engagé un jour ; à chaque communiant que Dieu est toujours présent, invitant sans cesse au repas de son amour ; à chaque confirmé que Dieu offre toujours et encore sa présence par son Esprit Saint ; à chaque couple en difficulté que Dieu offre son amour et sa fidélité pour soutenir les leurs ; à chaque pécheur que Dieu est miséricordieux et qu’il attend et espère le retour du fils prodigue ; à chaque malade que Dieu lui-même partage son lit de souffrance et ouvre un vrai chemin de vie ; à chaque prêtre que là est justement sa vie puisque c’est aussi celle de Dieu. 
 
Seigneur, je te suivrai partout où tu iras ! Si nous refaisions nôtre, en vérité, cette affirmation, le Christ aurait de quoi reposer sa tête, parce qu’il pourrait la reposer en nous, en nos vies, en nos cœurs assoiffés de sa présence. Seigneur, je te suivrai partout où tu iras ; ainsi tu pourras reposer en moi, et moi en toi. N’est-ce pas à cela que Dieu nous invite d’abord ? Avec le psalmiste, nous avons chanté : Garde-moi, mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge ; j’ai dit au Seigneur, tu es mon Dieu… Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ; il est à ma droite : je suis inébranlable. Puisse le Seigneur nous accorder ce que nous lui avons demandé, et nous pourrons vraiment le suivre partout où il ira. Amen.

samedi 18 juin 2016

12ème dimanche ordinaire C - 19 juin 2016

Suivre le Christ : oui, mais quel Christ ?




L’Evangile de ce dimanche est bien connu et ne pose à priori pas de problème particulier. Pourtant, nous aurions tort de passer sur le texte trop rapidement et de ne l’écouter que d’une oreille. Ce qui est affirmé par Jésus est plus que fondamental pour quiconque veut suivre Jésus. 
 
Nous ne le savons que trop bien ; c’est la figure du Christ qui est la pierre d’achoppement pour beaucoup d’hommes. C’était vrai hier, c’est vrai encore aujourd’hui. Qui est-il vraiment ? Quand Jésus interroge ses disciples sur la perception que la foule a de lui, ceux-ci reprennent ce qu’ils entendent : Jésus serait Jean le Baptiste pour les uns, Elie pour d’autres, voire un prophète d’autrefois qui serait ressuscité. Ces affirmations et certitudes de la foule proviennent de ce qu’ils ont vu et entendu. L’enseignement de Jésus, les gestes qu’il pose et les guérisons qu’il a effectuées, attestent assurément qu’il est un homme qui marche en présence de Dieu, qui agit au nom de Dieu. La qualité de prophète n’est pas usurpée. Mais est-elle suffisante pour qualifier Jésus ? N’est-il qu’un prophète parmi d’autres ? Que disent ce qui le côtoient quotidiennement ? Ses disciples ont-ils une perception autre de Jésus ? Car tout est bien là : ceux qui s’attachent à Jésus au point de tout laisser pour lui voient-ils en lui un simple prophète (fût-il le plus grand) ? Le fait qu’ils vivent avec Jésus au jour le jour change-t-il leur manière de percevoir Jésus ? D’où la question de Jésus : Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? Pour vous : Jésus attend bien une réponse personnelle, une réponse à la mesure de ce qu’il leur a permis de vivre à son contact. 
 
Si nous prenons le temps d’un arrêt sur image pour feuilleter l’évangile de Luc à rebours, nous croisons Jésus et ses disciples nourrissant une foule immense avec cinq pains et deux poissons ; nous voyons aussi Jésus qui a envoyé ses disciples en mission, faire exactement ce qu’il a fait jusqu’à présent : annoncer le Royaume et guérir les malades. Ayant donc vu et entendu Jésus, ayant participé même à sa mission, les disciples en disent-ils plus sur Jésus que la foule ? C’est Pierre qui répond au nom de tous, d’une formule dont on ne sait s’il en mesure bien toute la portée : pour lui, Jésus est le Christ, le Messie de Dieu. Nous n’avons pas le temps de nous réjouir de la sagacité de Pierre ; déjà Jésus, avec autorité, leur défendit vivement de le dire à personne. Pierre a donc visé juste, mais trop tôt. L’affirmation posée aussi crûment pourrait prêter à confusion. Jésus est bien le Messie, mais personne ne peut le dire pour l’instant. Ce n’est qu’à la fin de la mission de Jésus que cela sera révélé à tous. Pour que même les disciples ne se méprennent pas sur la qualité de Messie de Jésus, celui-ci précise aussitôt en quel sens il sera Messie. Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. Voilà qui rend le Messie bien moins sexy, n’est-ce pas ! Comment le reconnaître encore après un tel traitement ? Le Messie de Dieu peut-il seulement mourir ? 
 
Jésus va encore plus loin. Non seulement le Messie doit souffrir et mourir, mais en plus ceux qui veulent le suivre doivent renoncer à [eux-mêmes], et prendre leur croix chaque jour. Pas glamour du tout ! Pas une once de romantisme dans la démarche ! Suivre le Christ est exigeant au point d’y engager toute sa vie. Ce n’est pas un acte passager, ce n’est pas pour un temps ! Le Christ livre sa vie pour toi ; engage donc la tienne en retour, totalement. Tu dois être prêt à perdre ta vie à cause de [lui]. Le disciple ne sera pas au-dessus de son Maître ; le disciple ne sera pas plus épargné que le Maître. Et nous mesurons soudain le courage et la confiance qu’il faut pour suivre Jésus lorsque nous nous rappelons qu’au pied de la croix, il n’y avait que Jean et Marie, les autres disciples ayant disparu, se tenant au loin pour regarder ! Si quelqu’un voulait dégouter les disciples et les décourager, il ne s’y prendrait pas autrement. Mais ce rappel est nécessaire, vital même. Comment engager toute sa vie pour quelqu’un qui ne ferait que semblant ? Comment croire que Jésus pourrait nous sauver s’il n’allait pas au bout de l’expérience humaine, s’il n’affrontait pas la mort sur son propre terrain ? Le baptême dans lequel nous sommes plongés n’est pas un long fleuve tranquille ; c’est une plongée dans la mort et la résurrection de Jésus pour que nous puissions vivre ! C’est une plongée dans le feu de l’Esprit pour que soit brûlé en nous tout ce qui est contraire à l’esprit de Dieu. 
 
Au moment où la foule pourrait être tenté par un Messie romantique ou révolutionnaire, qui bouterait hors de Palestine l’occupant romain, Jésus vient réaffirmer que sa mission est plus profonde, que la libération qu’il propose est plus qu’un acte simplement politique, que sa vision du monde est plus complexe qu’un monde sans romains. Paul l’a bien compris lorsqu’il explique aux Galates qu’il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. Le Messie de Dieu est venu pour une humanité réconciliée, une humanité qui ne fait plus de différence, une humanité vraiment libre ! Si c’est bien là ce que tu attends du Messie de Dieu, alors viens, prends ta croix, prends ta part avec lui, et participe à ce Royaume à venir, aujourd’hui, demain et chaque jour de ta vie. Amen.

(Illustration extraite de l'Image de notre paroisse, n° 210, Juin 2004)

samedi 11 juin 2016

11ème dimanche ordinaire C - 12 juin 2016

Tu ne comprendras rien à Dieu si tu oublies la miséricorde.





Ça valait bien la peine que Simon soit pharisien, c’est-à-dire parfaitement versé dans l’étude et l’interprétation des Ecritures, si c’était pour se planter aussi lamentablement le jour-même où il recevait Jésus ! A quoi lui ont servi ses heures passées à scruter l’Ecriture ?  Il invite Jésus, une femme s’introduit dans la salle et de ce qu’il voit, Simon ne tire que des erreurs : cette créature est à rejeter, Jésus ne peut vraiment pas être un prophète. Il a bien collé ses étiquettes : pécheresse sur la femme, faux prophète sur Jésus. Rien ne semble l’ébranler ; il est sûr de lui, sûr de ce qu’il croit, sûr de ce qu’il voit. Mais voilà, les choses ne sont pas ce qu’elles paraissent. 
 
Jésus devine ce qui agite Simon. Bien élevé, ce dernier n’a rien dit à voix haute : il s’est tout dit en lui-même. Le scandale est assez grand pour qu’il n’y rajoute pas un éclat de voix. Jésus aussi est bien élevé ; il ne fait pas une leçon de morale à Simon, devant tous ses invités. Il lui dit juste ce qui est : cette femme a fait ce que Simon aurait dû faire : laver les pieds de son invité, l’embrasser et le parfumer. Il n’y a pas matière à s’offusquer. Et surtout, il fait comprendre à Simon ce que les prophètes du Seigneur n’ont cessé de dire au cours des siècles : Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais sa conversion, sa vie. Par ces gestes envers Jésus qu’elle tient pour un homme de Dieu, sans même le dire, la femme a marqué son désir de changer de vie. Elle est venue vers Jésus comme le peuple devrait venir vers Dieu : humblement, avec des larmes et l’espérance d’être bien reçu. Comment l’amour de Dieu pourrait-il être insensible à tant de marques d’amour de la part de cette femme ? La conclusion de Jésus est sans appel : Tes péchés sont pardonnés, dit-il à la femme. 
 
De tous temps, dans l’Eglise, il y a eu des Simon le Pharisien. Des gens qui s’estimaient purs et qui jugeaient durement celles et ceux qui ne vivaient pas comme eux. Notre époque n’échappe pas à la règle. Il y en a toujours pour s’estimer plus chrétien que les autres. Il y en a toujours pour croire que certains ne devraient pas être admis dans l’Eglise, ou alors en catimini. Combien de fois, comme curé de paroisse, ai-je eu à supporter les réflexions de bons paroissiens qui estimaient que le baptême pendant la messe, c’était à réserver aux meilleurs, à ceux qui allaient à la messe tous les dimanches alors que justement je le proposais aux familles qui étaient loin de tout, qui n’avaient aucun sens de la communauté. Au moins, pensais-je, pourraient-ils redécouvrir ce que l’Eglise pouvait leur apporter en faisant baptiser le petit dernier au cours de l’Eucharistie dominicale ! Et ce n’est là qu’un exemple ! 
 
Cette rencontre de Jésus chez Simon le Pharisien m’interroge : peut-on comprendre quelque chose à Dieu si l’on oublie la miséricorde ? Pourquoi faudrait-il que Dieu soit un juge pour les autres et un ami pour moi, seulement ? Y a-t-il seulement des purs d’un côté et des mécréants de l’autre ? Ne sommes-nous pas tous débiteurs de Dieu, de son amour immense pour tous les hommes ? Il faut se réjouir de ce que Dieu fasse miséricorde à tous. L’amour que Dieu manifeste à quelqu’un ne me manque pas ; l’amour qu’il manifeste à d’autres ne diminue en rien l’amour qu’il me porte. Le cœur de Dieu est débordant d’amour. De même devrions-nous être débordant d’amour et reconnaissant de ces débordements amoureux de Dieu envers chacun. L’amour de Dieu déversé sur un seul rejaillit sur tous. C’est l’humanité tout entière qui gagne chaque fois qu’un humain renonce au Mal et choisit de vivre selon la Parole de Dieu. C’est l’humanité tout entière qui gagne quand un cœur dur se convertit, quand un cœur de pierre devient cœur de chair. Simon aurait dû le savoir, c’est dans les Ecritures ! 
 
Réjouissons-nous donc de cette miséricorde débordante de Dieu. Réjouissons-nous de ce que le pape François invite les prêtres à déborder de la même miséricorde lorsqu’ils entendent les confessions. Réjouissons-nous de n’être pas jugés par nos semblables, mais par le cœur amoureux de Dieu qui n’attend que notre retour. L’amour du Seigneur entourera toujours ceux qui comptent sur lui. Le psalmiste nous l’a fait chanter ; c’est donc dans les Ecritures, c’est donc vrai. Amen.

(Jésus chez Simon le Pharisien, Détail de l'autel de la Chapelle Sainte Catherine, Cathédrale de Strasbourg)

samedi 4 juin 2016

10ème dimanche ordinaire C - 05 juin 2016

Seul compte l'Evangile pour faire découvrir Dieu !





Que me veux-tu, homme de Dieu ? Tu es venu chez moi pour rappeler mes fautes et faire mourir mon fils ! C’est un double drame que vit le prophète Elie lorsqu’il est apostrophé ainsi par la veuve de Sarepta. Drame de la perte d’un enfant qui, même s’il n’est pas le sien, le fait compatir à la douleur de la mère et drame de la perte du sens de Dieu, manifesté dans cette invective. Pourtant, le prophète avait déjà montré à cette femme et à son fils le visage tendre et miséricordieux de Dieu, qui prend soin de son peuple, soin des petits qui attendent tout de lui. C’est bien cette veuve et son fils, chez qui le prophète s’était arrêté pour manger en plein temps de famine, qui avaient vu leur sac de farine et leur jarre d’huile ne point s’épuiser. Dieu récompensait ainsi l’acte miséricordieux de cette femme qui avait accepté de partager avec le prophète le peu qui lui restait pour vivre. Est-il possible qu’un tel Dieu, qui prend soin de récompenser un acte bon puisse aussi punir pour une faute supposée et même pas exprimée ? Est-il possible seulement que le Dieu dont le prophète est le porte-parole puisse ainsi faire mourir l’innocent en compensation de quelque acte ? 
 
Devant la souffrance et la détresse du monde, beaucoup de nos contemporains ont condamné et rejeté Dieu, coupable de non-intervention face à l’insupportable. Il n’est pas question pour moi de les condamner, mais de chercher à comprendre ce qui, dans nos enseignements et nos attitudes, a pu laisser croire à quelqu’un que Dieu agissait envers nous comme un comptable, un juge et un bourreau. Qu’avons-nous oublié dans notre prédication, dans nos catéchèses pour que des hommes et des femmes du XXIème siècle pensent encore que Dieu peut se venger, que Dieu peut se réjouir de la mort de l’innocent ou du malheur des peuples ?  Qu’aurions-nous dû dire ou faire pour que Dieu soit enfin reconnu comme le Dieu de la vie, le Dieu pour la vie ? 
 
Il semblerait que le prophète partage l’interrogation de cette femme. Prenant la dépouille de l’enfant, il la porta dans sa chambre en haut de la maison et l’étendit sur son lit. Puis il invoqua le Seigneur : Seigneur, mon Dieu, cette veuve chez qui je loge, lui veux-tu du mal jusqu’à faire mourir son fils ? Mais il ne se laisse pas perdre en conjecture : par trois fois, il s’étendit sur l’enfant en invoquant le Seigneur : Seigneur, mon Dieu, je t’en supplie, rends la vie à cet enfant ! Je sens à la fois le désespoir du prophète devant cette mort soudaine et la foi la plus profonde en Dieu qui peut tout, en Dieu souffle de vie. L’enfant reprend souffle, revient à la vie. Et écoutez bien ce que dit la mère : Maintenant, je sais que tu es un homme de Dieu, et que, dans ta bouche, la parole de Dieu est véridique. Pourtant, le prophète n’a rien dit à ce moment-là à la femme, si ce n’est l’évidence : Regarde, ton fils est vivant ! Il ne lui a pas fait de grand traité de théologie sur Dieu, sur son amour, sur le sens de la souffrance ou que sais-je encore ! Il a pris part à sa souffrance et a fait confiance à son Dieu.
 
Cet épisode, doublé dans la liturgie de ce dimanche par l’évangile dans lequel Jésus à son tour rend un fils unique à une veuve, veut renforcer en nous la certitude que Dieu est autre que ce que nous croyons. Il ne se réjouit pas de nos souffrances, il n’en est pas la source. Le Dieu dont le prophète Elie porte la parole, le Dieu de Jésus Christ des siècles plus tard, le Dieu que nous célébrons aujourd’hui en cette eucharistie, est le Dieu de la vie. La messe qui nous rassemble en est le signe le plus flagrant. Dieu lui-même nous a accueillis et nous a libérés de nos fautes : c’est bien le sens du rite pénitentiel à chacun de nos rassemblements ; puis il nous livre sa parole pour que nous puissions vivre et tenir dans ce monde qui est le nôtre, ni pire, ni plus simple qu’autrefois ; tout à l’heure, il nous partagera le pain de l’eucharistie, sacrement de son Fils livré sur la croix par amour pour nous. En Jésus, Dieu nous a tout donné, y compris sa propre vie pour que plus jamais nous ne soyons embarrassés par la mort. La vie éternelle n’est pas une promesse : elle est réalité dans le sacrement du baptême qui nous identifie au Christ, nous incorpore à lui au point que Paul a pu écrire : si nous mourons avec lui [le Christ], avec lui nous vivrons ! Notre vie, que nous tenons de Dieu, n’est pas faite seulement pour vivre sur cette terre ; notre vie est faite pour aujourd’hui, pour ici-bas, et pour demain, quand Dieu nous réunira dans la joie de son Royaume. 
 
Dans les nombreux courriels reçus cette semaine, s’en trouvait un qui collectionnait des paroles d’enfants. En voici l’une d’elle dans son contexte : La grand-mère vient de mourir et tout le monde est triste. Claire va voir son grand-père avec un grand sourire et lui dit : " T'as de la chance toi ! T'es si vieux que tu vas mourir bientôt et tu seras le premier à la revoir " (Claire 5 ans). Du haut de ces cinq ans, Claire n’a-t-elle pas compris ce que nous avons tant de mal à concevoir, à savoir que la vie ne finit jamais, et que la mort, si elle fait souffrir ceux qui restent, est d’abord un passage, une ouverture sur la vie ? Olivier Clément a écrit : L’homme est de la terre mais il est aussi du ciel. Il pèse son poids de terre mais aussi son poids d’infini. L’homme s’ouvre sur la vie profonde. L’homme est secrètement ouvert sur l’invisible. Des générations l’ont su, l’ont expérimenté… Nous avons laissé dépérir nos facultés de contemplation au profit de facultés de travail et de calcul, de maîtrise rationnelle du monde physique… ‘Aimer quelqu’un, a écrit Gabriel Marcel, c’est lui dire : tu ne mourras pas.’ En Jésus Christ, voilà ce que nous pouvons dire aux hommes : la mort est vaincue, le Christ est ressuscité, mon frère, tu es vivant – à jamais ! 
 
Voilà réaffirmé le souffle de la foi chrétienne, la force de vie que Dieu offre à celles et à ceux qui accueillent son Fils dans leur existence. Voilà ce qu’avait pressenti le prophète Elie ; voici ce qu’a accompli Jésus, pour toujours. Nous ne pourrons jamais le taire. C’est la seule chose à dire pour donner de Dieu le juste visage. Ce n’est pas une invention humaine. Ce n’est pas non plus d’un homme que nous l’avons reçu ou appris. C’est l’Evangile révélé par Jésus Christ. Rien d’autre ne compte ; rien d’autre n’a d’importance. Amen.

(Gustave DORE, Elie ressuscite le fils de la veuve de Sarepta)