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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







mercredi 25 décembre 2019

Jour de Noël - 25 décembre 2019

Quand Dieu se fait homme, il ne joue pas à l'homme !







Après le côté merveilleux de cette nuit, redevenons sérieux, voulez-vous ! Nous avons chanté et célébré Dieu qui se fait homme en Jésus Christ ; nous avons vu la crèche, nous avons entendu le message de l’ange. Et maintenant ? Maintenant, il faut nous rendre à l’évidence : quand Dieu se fait homme, il ne joue pas à l’homme, il le devient, réellement. 

Un instant, nous aurions pu croire à une mauvaise blague. Après tout, les choses se passaient dans l’Empire romain. Et tout le monde sait que les dieux romains, comme les dieux grecs qu’ils imitent, jouent avec les hommes. De temps à autre, l’un d’eux vient sur terre, plus ou moins déguisé, s’en va séduire qui une jeune fille, qui un jeune homme. Une blague céleste, vous dis-je ! Mais aucun d’eux n’est allé jusqu’à se faire homme réellement. Or le Dieu qui s’est révélé à Abraham, Moïse, David et à tous les prophètes, a choisi, pour sauver l’homme, de se faire homme réellement. Le Verbe s’est fait chair (c.h.a.i.r et non pas c.h.e.r - il serait hors de prix !), il a habité parmi nous, affirme le prologue de l’Evangile de Jean. Ce n’est pas une élucubration philosophique, c’est le mystère que Jean l’Apôtre a saisi en côtoyant Jésus jour après jour, jusqu’à la croix, et il témoigne de cela dans son Evangile. C’est tellement évident pour lui, c’est tellement important pour lui, qu’il va transmettre ce qu’il a vu, ce qu’il a compris. Ce n’est pas de la théologie de salon ; c’est du vécu : Nous avons vu sa gloire. Ce prologue vient comme résumer et annoncer tout ce qui est contenu dans son Evangile. Et cette affirmation de l’incarnation de Dieu en Jésus est centrale, fondamentale pour Jean. Il va nous montrer que Dieu ne joue pas l’homme, Dieu ne joue pas avec les hommes ; Dieu vient à leur rencontre, Dieu vient assumer tout ce qui fait leur vie, de la naissance à la mort, pour donner à ces vies humaines leur pleine stature. Quand Dieu se fait homme, l’homme lui-même ne peut plus jouer à être homme ; l’homme lui-même doit être homme, pleinement. Il doit assumer la grandeur de son existence puisque Dieu la lui a rendue en se faisant tout petit. Il doit assumer la sainteté de son existence, puisque Dieu lui-même a embrassé l’humanité, faisant d’elle sa promise, son épouse. Voilà l’humanité qui retrouve la sainteté qui fut sienne, au commencement. 

Si Dieu ne joue pas avec les hommes, les hommes ne doivent pas jouer avec Dieu. Cela ne peut pas être un coup je t’aime, un coup je ne t’aime plus ; un coup je te suis, un coup je te laisse ; un coup je crois en toi, un coup je te tourne le dos. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Entendez bien ce qui est dit : il est venu chez lui. Dieu n’est pas un étranger en terre humaine ; les hommes ne peuvent pas lui être hostiles à moins d’être ingrats. Dieu est chez lui chez les hommes puisque le monde était venu par lui à l’existence. Sans Dieu, pas de monde ; sans Dieu, pas d’hommes ! Quand les hommes jouent avec Dieu, Dieu n’a plus de place reconnue dans ce monde qu’il a créé pour les hommes. Quand les hommes jouent avec Dieu, Dieu devient un étranger sur sa propre terre, et n’y est pas le bienvenu. Quand les hommes jouent avec Dieu, quand ils jouent à se prendre pour Dieu, tout va mal, non pour Dieu, mais pour les hommes eux-mêmes. C’est pour cela d’ailleurs que Dieu se fait homme, pour redonner de la grandeur à la vie des hommes, pour que leurs vies étriquées, abîmées, noyées dans les ténèbres, retrouvent leur splendeur première. A ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Dieu est tellement sérieux quand il se fait homme qu’il permet aux hommes qui l’accueillent de devenir comme Lui, de devenir ses fils. C’est dire si Dieu ne joue pas avec les hommes ; c’est dire que Dieu ne joue pas à être homme. 

Quand Dieu vient chez les hommes, il ne joue pas à l’homme, il ne joue pas avec les hommes. Ce mystère que nous avons célébré cette nuit est un fait et il nous faudra faire avec. Nous ne sommes pas obligés d’y croire ; mais n’y croyant pas, n’accusons pas Dieu de tous nos maux, de tous nos travers, de toutes nos lâchetés, de toutes nos turpitudes. Dieu est venu chez les siens ; Dieu ne cesse de venir chez lui. Continuerons de jouer avec lui, continuerons de nous jouer de Lui, de faire comme si cela ne changeait rien, de faire comme si cela ne nous concernait pas ? Dieu est venu chez lui ; et toi, où viens-tu ? Où vas-tu ? Permettras-tu à la rencontre de se faire et au monde à devenir meilleur ? Permettras-tu à Dieu d’être Dieu-fait-homme, Dieu qui s’invite dans ta vie ? La réponse est tienne, la réponse est nôtre. Dieu vient à nous, sérieusement. Qu’en faisons-nous ? Personne ne peut accueillir Dieu dans ta vie à ta place. A toi d’être sérieux avec Dieu comme il l’est avec toi. A toi de dire à Dieu qu’il compte pour toi comme toi tu comptes pour lui. Amen.




mardi 24 décembre 2019

Nuit de Noël 2019 - 24 décembre 2019

Le signe de la crèche.






            Nous voici donc arrivés près de ce signe particulier de la crèche où naît en cette nuit l’Enfant-Dieu, promis par les prophètes. Nous voici à contempler une grotte, une mangeoire, un lieu pauvre, dénué de toute splendeur extérieure. Ce n’est pas le lieu vers lequel l’homme court pour passer ses vacances d’hiver. Ici, rien n’est luxe, calme ou volupté. Ici, tout n’est que rejet, pauvreté, et pourtant grande joie. 

            Dans une lettre apostolique signée à Greccio, le premier décembre de cette année, le Pape François nous invite à méditer ce signe de la crèche, lieu où Dieu non seulement rencontre l’homme, mais se fait homme. Nous découvrons [là], écrit le Pape, qu’Il nous aime jusqu’au point de s’unir à nous, pour que nous aussi nous puissions nous unir à Lui. C’est ce mystère-là qu’il nous faut sans cesse approfondir : Dieu qui se fait homme pour que l’homme puisse devenir Dieu ; Dieu qui se fait tout petit pour que l’homme puisse devenir, par Lui, tout grand. Pour entrer dans ce mystère, il faut donc que l’homme reconnaisse qu’il vit sa vie en petit, quand il la vit sans Dieu. Seul Dieu peut faire parvenir l’homme à sa pleine stature ; seul Dieu peut faire vivre l’homme debout ; seul Dieu peut rendre l’homme vraiment libre. 

            Méditer le mystère de la crèche, c’est aussi déjà méditer le mystère de l’Eucharistie. Se situant pleinement dans la Tradition de l’Eglise, le Pape François nous rappelle que le Christ s’est incarné pour devenir notre nourriture. En entrant dans le monde, écrit-il, le Fils de Dieu est déposé à l’endroit où les animaux vont manger. La paille devient le premier berceau pour Celui qui se révèle comme le « pain descendu du ciel » (Jn 6, 41). Il nous faudrait donc consentir à plier le genou devant la crèche comme nous le faisons devant le Saint Sacrement exposé. Ici, dès le commencement de sa vie, Jésus se donne, se livre entièrement. Toute sa vie est déjà là, dans cette pauvre mangeoire. Du bois de la crèche au bois de la croix : il semblerait que le seul élément qui accueille toujours le Christ, au début comme à la fin de sa vie, soit bien le bois. Seul avec Marie et Joseph pour entrer dans le monde, seul avec Marie et Jean pour quitter ce monde : la vie de Jésus n’est qu’abandon. Seul Dieu le Père veille sur ce Fils qui s’abandonne d’abord à Lui et à sa volonté. A la crèche, nous touchons du doigt la pauvreté du Fils de Dieu, venu humblement dans le monde. 

             C’est cette pauvreté que l’autre François, le pauvre d’Assise, voulu ressentir. C’est là l’origine de nos crèches que le Pape nous encourage à installer dans nos maisons, dans nos écoles, sur nos places. François d’Assise voulait, selon les Sources franciscaines, représenter l’Enfant né à Bethléem, et voir avec les yeux du corps, les souffrances dans lesquelles il s’est trouvé par manque du nécessaire pour un nouveau-né, lorsqu’il était couché dans un berceau sur la paille, entre le bœuf et l’âne. C’est un homme du lieu qui a tout préparé selon le vœu de saint François. Le 25 décembre, quand François arriva, il trouva la mangeoire avec la paille, le bœuf et l’âne. Les gens qui étaient accourus manifestèrent une joie indicible jamais éprouvée auparavant devant la scène de Noël. Puis le prêtre, sur la mangeoire, célébra solennellement l’Eucharistie, montrant le lien entre l’Incarnation du Fils de Dieu et l’Eucharistie. A cette occasion, à Greccio, il n’y a pas eu de santons : la crèche a été réalisée et vécue par les personnes présentes. Nous sommes, ce soir, les santons de notre crèche. Nous sommes venus avec ce qui fait nos vies ; nous pouvons déposer tout cela devant l’Enfant nouveau-né ; nous pouvons lui offrir nos vies, qu’elles soient bien droites ou toutes abimées, lumineuses ou plongées dans les ténèbres. La seule chose qui importe au Christ, c’est que nous lui fassions l’offrande de notre vie. Quand il offrira la sienne sur la croix, il prendra avec lui toutes nos vies offertes ; quand il entrera dans sa gloire, il emportera toutes nos vies offertes. 

            Nous pouvons, devant la crèche, mesurer pleinement l’amour et la tendresse de Dieu pour nous. Comme nous le rappelle le Pape dans sa Lettre, en Jésus, le Père nous a donné un frère qui vient nous chercher quand nous sommes désorientés et que nous perdons notre direction ; un ami fidèle qui est toujours près de nous. Il nous a donné son Fils qui nous pardonne et nous relève du péché. Ne cherchez rien d’autre à la crèche que cet amour et cette tendresse de Dieu pour vous. Vous ne trouverez pas la gloire ici ; vous ne trouverez pas la richesse ici. Mais à la crèche, vous trouverez celui qui veut devenir votre gloire ; à la crèche, vous trouverez celui qui veut être votre unique richesse. Dès à présent, il vous invite à le suivre sur le chemin de la simplicité et de l’humilité ; dès à présent, il vous invite à le suivre sur le chemin de l’amour donné et du service à accomplir. La crèche, on y vient pour trouver du courage ; on en repart missionnaire, joyeux d’avoir rencontré le visage véritable de Dieu qui prend soin de tous les hommes. 

            Aujourd’hui vous est né un Sauveur. Ce message de l’ange aux bergers est pour nous, ce soir. C’est Noël, Dieu qui vient chez nous. Nous ne célébrons pas l’anniversaire de sa venue, mais bien cet aujourd’hui de Dieu qui fait irruption dans notre vie. Venons à la crèche pour voir le Roi du monde. Venons à la crèche trouvons-y notre vie, notre paix, notre joie. Amen. 

(Photo prise à Greccio, Exposition de crèches venues du monde entier).






dimanche 22 décembre 2019

4ème dimanche de Carême A - 22 décembre 2019

Marie n'est pas là, et pourtant !







            Elle n’est pas là physiquement, mais la première lecture et l’Evangile ne parlent que d’elle dans cette liturgie du quatrième dimanche de l’Avent. Pas étonnant donc qu’une des propositions de décor pour notre communauté ait été de ne mettre aujourd’hui que Marie seule dans la crèche. Elle n’est pas là, mais elle est incontournable, même dans cette rencontre entre Joseph, son époux promis et l’ange du Seigneur qui lui apparaît. Elle n’est pas là, elle ne parle pas, mais jamais son Oui à Dieu n’aura retenti aussi fort dans la tête de Joseph. Elle n’est pas là, et pourtant sa vie reste un modèle pour tout croyant. 

            En écoutant le prophète Isaïe, qui annonce la naissance d’un fils dans la maison du roi Acaz, comment ne pas, avec l’Eglise tout entière, reconnaître la figure de Marie ? Ce n’est pas d’elle que parle Isaïe, mais la Tradition chrétienne a vu une préfiguration de Marie dans cette vierge enceinte dont parle le prophète, et une annonce de la naissance du Christ. De fait, tout chrétien qui accepte que l’Ancien Testament nous parle des promesses de Dieu à son peuple, ne pourra s’empêcher de faire ce rapprochement et reconnaître ce qui est révélé à Joseph dans l’évangile de Matthieu. Ce qui est annoncé (Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel) correspond à ce qui est annoncé à Joseph, un peu déboussolé de constater que sa promise est déjà enceinte alors qu’ils n’ont pas encore habité ensemble. Si aujourd’hui, cela ne semble pas plus dramatique que cela, puisqu’une femme peut même faire un bébé toute seule, à l’époque de Joseph, c’était le drame absolu. La Loi exigeait de lui qu’il dénonça sa femme publiquement, et celle-ci n’aurait pas manqué d’être lapidée. Mais comme Dieu fait toujours bien les choses, Joseph, qui était un homme juste, décida de faire autrement. Ce qui laisse à Dieu un temps pour révéler son projet au grand oublié de l’histoire : celui qui serait le père terrestre de Jésus. 

            Ce projet de Dieu, c’est celui que Marie avait accepté à l’Annonciation : être la mère du Sauveur que Dieu enverrait à son peuple. Ce qui est extraordinaire, ce n’est pas l’annonce d’un enfant à une fille d’Israël ; le Premier Testament regorge d’histoires d’enfants offert par Dieu à des femmes stériles ou âgées. Il y a eu, entre autres, Isaac l’enfant de la promesse, Samson, Samuel, Jean le Baptiste... Ce qui change avec celui-là, c’est qu’il vient de Dieu lui-même : l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint. Et là nous touchons à l’essentiel pour nous aujourd’hui. Comme Marie avait accepté le projet de Dieu à l’Annonciation, Joseph doit faire sien le projet de Dieu. Et, à la suite de Joseph, nous devons faire nôtre le projet de Dieu. Il tient en deux noms : Jésus – Emmanuel. Nous découvrons qu’à travers cet enfant, Le-Seigneur-sauve son peuple et qu’il est Dieu-avec-nous. D’aucun autre enfant donné par Dieu, une telle chose est dite, même s’ils ont eu des destins extraordinaires. 

            Le-Seigneur-sauve, Dieu-avec-nous : voilà que tout nous est dit sur celui dont nous préparons la venue. Voilà que nous est annoncé notre avenir. Quand nous irons à la crèche, y verrons-nous ce Dieu-avec-nous ? Reconnaîtrons-nous le Seigneur qui nous sauve ou ne verrons-nous qu’un enfant comme tous les autres enfants ? Accepterons-nous, dans notre propre vie, le projet de Dieu pour tous les hommes, donc pour nous aussi ? Avons-nous seulement le sentiment de devoir être sauvé par Dieu ? Devant cette annonce, Joseph, réveillé, n’hésite pas : il prit chez lui son épouse et avec elle, il accepte le projet de salut de Dieu. Ce qui aurait pu être une source de conflit devient source d’avenir, pour Joseph, pour Marie, pour vous, pour moi, pour tous les hommes. Et l’histoire de Joseph devient votre histoire, mon histoire, l’histoire de tous les hommes. C’est à nous qu’il est dit : ne crains pas de prendre chez toi Marie et l’enfant qui grandit en elle. Ne crains pas d’entrer dans le projet de salut de Dieu. Accueille celle qui s’est montré capable de Dieu et deviens, toi-aussi, capable de Dieu, capable de t’ouvrir à l’avenir. Accueille celle qui m’a accueilli ; accueille-moi dans ta vie. 

            Marie n’est pas là, mais tout nous parle d’elle, à commencer par cette crèche qui se construit depuis le premier dimanche de l’Avent. Sans Marie, ce ne serait qu’une cabane en bois, pas différente des cabanes de notre enfance. Mais grâce à elle, cette cabane devient le lieu de la rencontre entre Dieu et les hommes. Grâce à elle, le monde devient le lieu de la rencontre entre Dieu et les hommes. Grâce à elle, tout homme devient le lieu de la rencontre entre Dieu et les hommes. La décision est nôtre aujourd’hui : accueillerons-nous Marie et son enfant ? Accueillerons-nous Dieu dans notre vie ?



(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année A, éd. Les Presses d'Ile de France).


samedi 14 décembre 2019

3ème dimanche de l'Avent A - 15 décembre 2019

Jésus et Jean le Baptiste : deux styles, une même urgence ! 






            Quiconque a en tête l’évangile de dimanche dernier et entend celui de ce jour avec attention n’aura pas manqué de remarquer une légère différence de style entre Jésus et Jean le Baptiste. Pour ceux qui auraient eu leur mémoire balayée par le vent fort de ces derniers jours, un petit rappel : dimanche dernier, Jean le Baptiste s’exprimait ainsi : Celui qui vient derrière moi est plus fort que moi… Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. C’était plutôt revigorant et clair : tu te convertis ou t’es perdu, car celui que j’annonce ne fera pas dans le détail ! 

            Nous retrouvons Jean le Baptiste aujourd’hui, en fâcheuse posture, puisqu’il est au fond d’une cellule : il ne fait pas bon déplaire au pouvoir en place à son époque. Une phrase de trop, et le voici embastillé. Il est en proie au doute, on peut le comprendre. Ce qu’il entend de Jésus est loin de la pelle à vanner, du grand nettoyage promis ; pas même un bon bûcher à l’horizon pour brûler toute la paille qu’il aurait dû séparer du bon grain. Se serait-il trompé, Jean le Baptiste ? Trompé non pas dans ce qu’il a dit, mais quant à celui qui le suivrait. Il envoie donc des disciples s’enquérir de la réalité. Et la réalité est celle que Jésus décrit dans la réponse à transmettre à Jean : les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. A celui qui connaît un peu les prophètes et leur message, ces paroles sont familières ; le fait que Jésus annonce cela non plus comme un futur, mais comme la réalité présente signifie que le temps de Dieu est venu, que le temps de la réalisation des promesses faites aux prophètes est là. Dieu est à l’œuvre en ce monde, en ce temps ; les signes sont on ne peut plus clair. Voilà de quoi rassurer Jean le Baptiste ; voilà de quoi inquiéter ses contemporains. 

            S’il y a bien un style différent entre Jésus et Jean le Baptiste, la même urgence les habite : celle de la conversion des hommes. La différence de style vient de la différence qui existe entre les deux cousins. Bien que donné par Dieu à sa mère Elisabeth dans sa vieillesse, Jean n’en est pas moins juste un homme. Il utilise les moyens qui sont à sa disposition comme homme. Il avertit, il témoigne, il appelle à la conversion en brandissant la menace d’un pire. Jésus, bien que donné par Dieu à sa mère Marie dans sa jeunesse, n’en est pas moins Dieu. Et c’est toute la puissance de Dieu qui se déploie en lui et à travers lui : Dieu qui guérit, Dieu qui purifie, Dieu qui redonne vie. Les hommes auraient tort, tout comme nous aurions tort, de s’arrêter à la différence de style. L’hommage que Jésus rend à Jean le Baptiste en témoigne : C’est de lui [de Jean le Baptiste] qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi. Il y a un lien fort entre ces deux hommes ; ce lien, c’est le service du projet de salut de Dieu pour les hommes. Celui qui prépare la route, et celui qui accomplit la route. L’un ne va pas sans l’autre. Si personne n’annonce, qui sera capable de reconnaître le jour du salut ? Si personne ne met en œuvre les promesses de Dieu, pourquoi quelqu’un devrait se fatiguer à préparer le chemin ? 

            Ce qui compte donc, c’est que nous comprenions bien ce qui se joue quand Jésus est là, présent au milieu de son peuple. Ce qui compte, c’est que nous reconnaissions les œuvres de Jésus comme étant les œuvres de son Père, les œuvres de Dieu lui-même. Ce qui compte, c’est que nous nous interrogions et écoutions la réponse portée à Jean. Elle doit nous faire comprendre qu’il n’est plus temps de tergiverser ; il n’est plus temps de faire comme si nous ne savions pas. Les signes sont clairs ; ils parlent d’eux-mêmes à ceux qui scrutent les Ecritures. Ce qui compte, c’est que l’homme ne s’éloigne pas de Dieu en voyant Jésus faire : Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute !  Admirable béatitude qui ne condamne pas le doute de Jean le Baptiste ! Admirable béatitude qui invite l’homme à reconnaître en Jésus celui qui sauve, celui qui relève, et non celui qui fait tomber. Admirable béatitude qui nous redit que Jésus, le Messie, est bien venu au milieu de nous et que nous pouvons le choisir et l’accueillir dans notre vie. 

            Nous pouvons reprendre les mots de la prière qui nous invitait à entrer en célébration en ce troisième dimanche de l’Avent : Aujourd’hui tu viens. Et « venir » est bien plus « qu’être là » ! Ne sois plus cette vieille connaissance dont l’on croit tout savoir. Viens chez nous et surprends-nous encore ! (Prière de Jean Lievens, prêtre du diocèse de Liège). Laissons-nous surprendre par Jésus, étonnons-nous de lui et de ses œuvres, comme Jean le Baptiste s’en est étonné. Et, plutôt que de nous inquiéter, réjouissons-nous de sa présence au milieu de nous.  Il est venu nous sauver, et il le fait, car tel est le projet de Dieu pour nous. Puisque, en Jésus, Dieu est bien venu chez nous, faisons en sorte qu’il soit le bienvenu dans notre vie. Amen.



(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année A, éd. Les Presses d'Ile de France)

2ème dimanche de l'Avent A - 8 décembre 2019

La prédication de Jean le Baptiste nous concerne.

(en vous priant de m'excuser pour cette publication tardive)




Il y a toujours un risque avec les textes bibliques, surtout lorsqu’ils sont sévères ; et ce risque, c’est de croire qu’ils ne sont écrits que pour les autres. Ainsi, cette invective de Jean le Baptiste à l’adresse des pharisiens (Engeance de vipères !) ou encore ces images du Messie qui vient nettoyer son aire à battre le blé et [amasser] son grain dans le grenier. Il y aurait les autres (ceux qui seront nettoyés, autrement dit dégagés, mis dehors) et il y a nous, les bons, les croyants, le grain que le Messie rassemblera dans son grenier. Comme si, depuis toujours et pour toujours, le monde se divisait en deux : les bons et les méchants, et que toute l’œuvre de Dieu consistait à séparer, définir une fois pour toutes qui est bon et qui est méchant.

Les choses ne sont heureusement pas si simples. Il nous faut entendre Jean le Baptiste s’adresser à nous tous et à chacun de nous en particulier. Il nous faut l’entendre nous dire que le Messie vient nettoyer son aire à battre le blé, c’est-à-dire notre vie, puisque nous sommes à lui. Il vient faire de l’ordre dans notre vie, il vient lui donner du sens et de l’unité, en en chassant ce qui est mauvais et en donnant de la valeur à ce qui est bon. Le bon grain et la paille, ce ne sont pas deux sortes d’hommes, mais c’est ce qui cohabite dans chaque existence humaine. Une seule, selon notre foi, n’était que bon grain, et c’est Marie ; la fête de l’Immaculée conception que nous célébrerons lundi, le redira avec force. Si donc le bon grain et la paille cohabitent en notre vie, il nous faut entendre Jean le Baptiste et le prendre au sérieux. C’est nous tous qu’il vient secouer avec son discours pour que nous soyons prêts à accueillir Celui qu’il annonce. C’est nous tous qu’il vient bousculer avec son style de vie radical pour que nous « radicalisions » notre foi, non pas au sens de la durcir ou de la fanatiser, mais de la faire revenir à ses racines, que nous comprenions qu’elle fait partie de nous, de notre nature profonde. Nous pourrions aussi comprendre cette radicalité au sens chimique du terme, ce qu’on appelle un radical organique, c'est-à-dire une partie d’un composé moléculaire qui reste inchangée dans une réaction (définition du Larousse, éd. 1993). Notre foi ne se laisserait pas influencer par l’air du temps, ne changerait pas au gré des modes. Attachés au Christ, nous le sommes ; attachés au Christ, nous le resterons, quand bien même le monde se détournerait massivement de Lui. 

Pour Jean le Baptiste, il semble clair que l’homme ne peut pas jouer au culbuto, vous savez, ce petit jouet d’enfant qui n’a pas de base fixe et qui se balance sur lui-même dès qu’on le pousse un peu. Il penche tantôt à droite, tantôt à gauche, tantôt en avant et tantôt en arrière, ne semblant jamais se décider où aller et se tenir. A la moindre agitation, le voilà qui culbute. C’est l’image de l’homme qui, à l’intérieur de lui-même, n’est pas unifié. Le Messie vient pour lui ; il n’aura plus à pencher tantôt vers le Mal, tantôt vers le Bien ; il n’aura plus à hésiter : le Messie vient brûler en lui, au feu de son Esprit, la paille de son inconsistance, de son péché. Ce que l’homme doit faire, c’est choisir Celui qui vient ; ce que l’homme doit faire, c’est accueillir Celui qui vient. C’est ce que nous demandions dans la prière d’ouverture de cette messe : Seigneur tout-puissant et miséricordieux, ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils ; mais éveille en nous cette intelligence du cœur qui nous prépare à l’accueillir et nous fait entrer dans sa propre vie. Une autre belle image pour dire que nous devons être unis à lui, amassés dans son grenier, parce que nous sommes faits pour vivre avec Dieu et en Dieu, pour toujours. 

A ceux qui ne savent toujours pas choisir, à ceux chez qui le réflexe du culbuto est le plus fort, Paul rappelle alors dans sa lettre aux Romains, qu’il existe une méthode sûre pour apprendre à accueillir celui qui est venu et qui ne cesse de venir dans nos vies : cette méthode, c’est la Lectio Divina, la lecture des Ecritures Saintes. Tout ce qui a été écrit à l’avance dans les livres saints l’a été pour nous instruire. Là nous pouvons lire comment Dieu fait tout pour notre salut. Là nous pouvons trouver notre équilibre, l’équilibre de notre vie intérieure, le sens profond des choses. Là nous comprenons que Dieu nous appelle à la vie ; que Dieu nous donne sa Parole pour nous instruire ; que Dieu envoie son Fils pour nous sauver. Que pourrait-il faire de plus pour nous dire son amour ? Que devrait-il faire de plus pour nous convaincre de l’accueillir ? Par le réconfort des Ecritures, il nous donne l’espérance que ses promesses seront notre réalité. Dieu ne parle pas dans le désert pour le plaisir de parler dans le désert. Quand Dieu parle dans le désert, le désert refleurit, la vie reprend. 

En ce deuxième dimanche de l’Avent, permettons à Jean le Baptiste d’être la voix qui crie dans le désert de notre vie ; mais permettons-lui surtout d’être la voix qui, portant la voix de Dieu, fécondera notre désert et le rendra propre à accueillir celui qui vient. Si le salut vient de Dieu – il n’y a pas à en douter –, sa réalisation dépend en partie de nous, de l’accueil que nous lui réservons. Avec Jean le Baptiste pour nous réveiller, nous devrions y parvenir. A son invitation, préparons le chemin du Seigneur, rendons droits ses sentiers. Il pourra habiter nos cœurs et établir sa demeure en nous. Amen. 



(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année A, éd. Les Presses d'ile de France)