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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 25 mars 2017

04ème dimanche de Carême A - 26 mars 2017

Dieu ne regarde pas comme les hommes.






Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. Cette parole du Seigneur au prophète Samuel nous invite à entrer dans une posture spirituelle essentielle, celle qui consiste justement à regarder le monde et les hommes avec le regard même de Dieu. Il s’agit bien de nous défaire de nos préjugés, de nos croyances, de nos discours tout fait, pour entrer dans une écoute vraie de ce que Dieu veut. 
 
Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. Et David devient roi, alors que tout s’y opposait. Il est le plus jeune, il est roux, il semble même oublié par son propre père Jessé lorsque celui-ci présente ses fils à Samuel. C’est tout dire ! Il faut l’insistance de Samuel – N’as-tu pas d’autres garçons ? – pour que Jessé aille quérir le jeune David, occupé à garder le troupeau. Remarquez que Samuel lui-même s’est laissé prendre au jeu de l’apparence. A peine a-t-il vu Eliab qu’il s’exclame : Sûrement, c’est lui le messie, lui qui recevra l’onction du Seigneur ! Il avait peut-être le physique d’un chef ; mais en avait-il le cœur ? Pour le Seigneur, la taille et l’apparence ne comptent pas. Il cherche un homme selon son cœur, et cet homme ce sera David. Ainsi Dieu en a-t-il jugé ! Il faudra que les hommes s’habituent à cette manière de voir de Dieu. Elle n’est pas nouvelle. Autrefois n’avait-il pas déjà choisi le plus jeune des fils de Jacob pour sauver tout son clan au moment de la grande famine ? 
 
Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. Et l’aveugle voit ! Il voit parce Jésus ne l’enferme pas dans un passé supposé – Est-ce lui qui a péché ou bien ses parents pour qu’il soit né aveugle – , mais lui ouvre un avenir. Il voit parce  que Dieu ne regarde pas la lettre de la Loi – c’est jour de sabbat – mais l’esprit de celle-ci : voici un homme qui a besoin d’aide pour vivre mieux, et quel meilleur jour que celui du sabbat, le jour où l’on rend gloire à Dieu ! Il voit enfin parce que Dieu veut manifester sa puissance et  que l’aveugle se laisse faire quand un inconnu lui met de la boue sur les yeux ; et non seulement il laisse faire, mais il obéit et va se laver à la piscine de Siloé sur l’ordre de Jésus. Nous ne savons pas ce que Dieu a vu en cet homme pour que son salut lui soit manifesté ;  nous savons juste que le jour de Dieu était venu pour cet homme et que cet homme était bien disposé ! 
 
Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. Et les voyants deviennent aveugles ! Ils sont aveuglés parce qu’incapables de dépasser leur conception du monde ; peut-être que cet homme qui voit n’est pas vraiment l’aveugle qui se tenait à la porte du Temple ; ce n’est sans doute que quelqu’un qui lui ressemble. Ils sont aveuglés parce qu’ils sont incapables de s’ouvrir à la nouveauté d’un Dieu qui se dérange pour l’homme, la nouveauté d’un Dieu qui intervient en faveur des hommes. Il n’est pas le Dieu qui punit quelqu’un pour le péché d’un autre ; il n’est pas un Dieu qui reste au repos, même le jour du sabbat, alors qu’un pauvre a besoin d’une aide, d’un geste, d’un peu d’amour. Ils sont aveuglés parce qu’ils refusent d’entrer dans ce regard de Dieu ; aveuglés parce qu’ils refusent que Dieu puisse faire miséricorde ; aveuglés parce qu’ils cherchent des explications convaincantes plutôt que d’entrer dans une démarche de foi et d’action de grâce. Avec le regard de Dieu, l’aveugle voyant devient disciples et les voyants aveuglés s’enferment dans le Temple de leur certitude. 
 
Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. N’est-ce pas cette même démarche que nous propose le pape François depuis son élection lorsqu’il nous invite à davantage sortir de nous, de nos certitudes, de nos églises, pour aller vers les périphéries, sans crainte et sans jugement ? N’est-ce pas à ce regard qu’il nous invite lorsqu’il nous demande de vivre l’Eglise comme un hôpital de campagne pour ceux qui ont besoin de Dieu, besoin d’une parole, besoin d’une reconnaissance de ce qu’ils vivent, même si cela est hors les clous du droit canonique ? Puisque Dieu voit ce que nous ne voyons pas, puisque Dieu voit ce que nous ne voyons plus et puisque Dieu voit surtout ce que nous ne voulons pas voir, laissons-nous éclairer par son Christ, lumière du monde. Avec lui, nous porterons un regard nouveau sur les hommes, nos frères ; avec lui, nous porterons un regard nouveau sur notre propre vie. Voyants aveuglés, nous retrouverons la vue avec lui en apprenant de lui à regarder comme Dieu. Alors, dans un chant sans fin, nous pourrons rendre grâce à Dieu pour les grandes choses qu’il nous donnera de voir. Amen.

samedi 18 mars 2017

03ème dimanche de Carême A - 19 Mars 2017

Si tu savais le don de Dieu...




Sur notre route vers Pâques, comment ne pas prendre le temps de nous interroger, à frais nouveau, sur Dieu, sur son projet d’amour pour nous ? La question de Dieu habite l’homme et se pose à lui, sans cesse. La liturgie de ce troisième dimanche de Carême nous montre des hommes et des femmes qui ont affronté cette question. Leur expérience peut nous aider à nous y frotter à notre tour. 
 
Regardez le peuple que Moïse a sorti d’Egypte sous la conduite de Dieu lui-même. Au moment de sa libération, tout est bien : finies les corvées, fini le fouet, finie la misère. Voici le peuple libre, enfin, après des années d’esclavage. Le désert à affronter semble un mal nécessaire du moment qu’il met de la distance entre ce passé douloureux et l’avenir de ce peuple libéré. Mais quand le désert se révèle pour ce qu’il est, un lieu aride, sans eau, voilà que le souvenir de l’Egypte se fait délicieux. Pourquoi nous as-tu fait monter d’Egypte ? Le peuple a déjà oublié les coups, les corvées, l’esclavage. Il a déjà oublié que Dieu lui a rendu sa liberté ! Les récriminations qui montent contre Moïse, et donc contre Dieu qu’il sert, semblent dire que le peuple regrette l’Egypte et la vie qu’il y menait ! Heureusement que Dieu, lui, n’oublie pas son amour ; heureusement que Dieu n’oublie pas son serviteur Moïse qu’il a appelé pour conduire ce peuple vers la terre promise. Aux récriminations, il répond par un don : le don de l’eau, pour que le peuple tourne la page de l’Egypte ; le don de l’eau, pour que le peuple taise ses récriminations et se souvienne toujours que le Seigneur est au milieu de lui. Ah, s’il savait le don de Dieu… 
 
Des siècles plus tard, alors que le peuple est établi sur cette terre promise, voici qu’un homme, Jésus, croise une femme, la Samaritaine, au bord d’un puits. Il a soif ; elle vient puiser de l’eau ; cela tombe bien. La demande d’eau exprimée par Jésus devient le prétexte à un dialogue beaucoup plus profond. C’est comme si, ensemble, l’homme et la femme creusaient un nouveau puits qui permettra une rencontre plus vraie : la rencontre entre cette femme et le Sauveur que Dieu envoie. Comme jadis au désert, cette histoire d’eau est l’occasion de mieux connaître Dieu et son projet. Si tu savais le don de Dieu, dit Jésus à cette femme… Et tout s’enchaîne. Voilà que ce Juif semble connaître cette Samaritaine en vérité ; il l’ouvre à une nouvelle connaissance de sa vie ; nous la sentons bien vite chamboulée, transformée, au point qu’elle en devient missionnaire. Oubliant sa cruche et la raison de sa sortie à l’heure de midi, la voilà qui va chercher les habitants de son village pour les mener à Jésus. Elle croit avoir reconnu le Christ : Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? Pour résoudre la question de Dieu dans notre vie, il faut une rencontre, une oreille attentive et le désir de comprendre. La femme n’a rien fait d’autre. Elle aurait pu se contenter de servir à Jésus le verre d’eau demandé, sans entrer en dialogue avec lui ; mais la rencontre, la vraie, n’aurait pas eu lieu. Elle a choisi de s’attarder au puits ; elle a choisi de parler à cet inconnu, Juif de surcroît, avec qui elle n’avait, à priori, rien en commun. L’eau du puits de Jacob qui étanchait la soif a servi de prétexte à Jésus pour révéler l’eau de la vie éternelle qui donne sens à une vie. Comme jadis au désert Dieu a servi à son peuple de l’eau pour que cesse les récriminations, Jésus sert à cette femme, et à tout le village, l’eau de la connaissance de Dieu pour que les hommes croient en lui et reconnaissent en lui le Sauveur du monde. Ils savent maintenant le don de Dieu… 
 
Pour Paul, Dieu n’est plus une question depuis qu’il a croisé le Christ. Dieu, il a appris à le connaître vraiment sur le chemin de Damas quand le Christ ressuscité lui est apparu. Et depuis, il ne cesse de répandre la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu pour tous les hommes. Il sait le don gratuit de Dieu qui a livré son Fils pour le salut des hommes, bien qu’ils fussent tous pécheurs. Et pour Paul, c’est là la preuve de l’amour de Dieu pour nous : le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs ! La question de Dieu se résout dans ce geste d’amour de sa part. Le projet de Dieu est donc un projet d’amour envers l’homme. Comment l’homme peut-il ne pas s’en rendre compte ? Comment l’homme peut-il vouloir se débarrasser de Dieu après un tel don ? L’homme refuserait-il d’être aimé de Dieu ? L’homme préfèrerait-il ne pas être aimé du tout plutôt que de reconnaître ce que Dieu fait pour lui ? Paul n’arrêtera jamais de dire aux hommes le don de Dieu pour qu’ils puissent en vivre tous et accueillir le salut réalisé en Christ. Grâce à Paul, les hommes savent mieux le don de Dieu. 
 
Si tu savais le don de Dieu… Voilà une affirmation qui devrait nous titiller durant tout ce Carême, temps favorable pour entrer dans une meilleure connaissance de Dieu et de son projet d’amour pour nous aujourd’hui. A la suite du peuple égaré dans le désert, à la suite de la Samaritaine au bord du puits, à la suite de Paul et des communautés qu’il encourage dans leur foi, nous devons nous ouvrir à l’intelligence de ce don que Dieu nous fait. Pour cela, il nous faut faire taire les récriminations comme le peuple au désert ; il nous faut l’oreille attentive et le désir de la Samaritaine ; il nous faut le souci d’approfondir la foi qui habite Paul. Laissons le Christ nous abreuver à sa source et nous saurons le don de Dieu. Laissons le Christ nous abreuver à sa source et nous vivrons de sa vie. Amen.

(Dessin de Jean-François KIEFFER, Mille images d'Evangile, éd. Les presses d'Ile de France)

dimanche 12 mars 2017

02ème dimanche de Carême A - 12 mars 2017

A cause de son projet à lui et de sa grâce !




Reconnaissons-le : il y a, dans la présentation que certains peuvent faire du Carême, une notion qui peut nous décourager si elle est mal comprise, la notion d’effort à faire. Aussi loin que je me souvienne, chaque année, les catéchistes nous parlaient des efforts à faire, des choses dont il fallait se priver, d’un truc à trouver pour montrer vraiment que nous voulions être amis de Jésus. Le plus décourageant, c’est que, quel que soit l’effort choisi, il semblait ne jamais suffire, puisqu’il fallait sans cesse recommencer, en trouver un autre l’année suivante. Cela semblait un cercle infernal, sans fin. Est-ce mon effort qui n’est pas bon ou bien Dieu qui est difficile à satisfaire ? Comment sortir de cette impasse ? 
 
Cela m’aura pris du temps pour trouver une issue et laisser là les improbables efforts de Carême. Il aura simplement fallu que je comprenne que Jésus n’attendait pas tant de moi que je renonce à des choses, mais plutôt que je fasse le bon choix. Et le bon choix, c’est lui. Tant que vous regarderez ce que vous devez quitter pour plaire à Jésus, vous serez dans une impasse. Mais dès lors que vous regardez Jésus que vous gagnez, tout le reste ne vous semble que des balayures, des riens que vous laissez volontiers pour ce trésor qu’est l’amour du Christ pour vous. Autrement dit, et pour être vraiment clair, Dieu n’attend pas d’abord des preuves de notre amour pour lui, mais plutôt une preuve que nous nous laissons aimer de lui, que nous accueillons son amour dans nos vies. N’est-ce pas là ce qu’explique Paul à Timothée lorsqu’il écrit que Dieu nous a sauvés, il nous a appelés à une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce ? Ce qui est premier, ce ne sont pas nos efforts, mais l’amour de Dieu pour nous, le projet d’amour que Dieu porte pour chacun. Quiconque a découvert ce projet pour lui ne peut résister ; il se laisse embarquer par Dieu, il se laisse saisir par son amour ; et ce qui semblait effort irréalisable auparavant, devient réponse amoureuse à un projet qui nous dépasse et qui nous conduit à la joie véritable. 
 
Regardez Abram lorsqu’il est choisi et appelé par Dieu. Nous ne savons rien de lui lorsque Dieu l’appelle, ni son âge, ni sa vie antérieure. Nous ne savons pas s’il a été bon, ni ce qu’il fait pour gagner sa vie. Nous ne savons même pas s’il connaissait Dieu, s’il avait l’habitude de converser avec lui. Nous savons juste que Dieu est à l’initiative d’une rencontre, à l’initiative d’un projet, et qu’Abram se lance, sans poser de question. Il ne sait pas où il doit aller, ni pourquoi la bénédiction de Dieu ne peut se réaliser que là-bas, ailleurs, au loin. Après tout, il aurait pu objecter que l’endroit où il vivait n’était pas mal non plus, et que si Dieu voulait le bénir, il pourrait bien le faire ici, où il a toute sa famille, toute sa parenté, toute sa vie. Mais voilà, quand Dieu saisit Abram, toute la vie de celui-ci est désormais en Dieu, et son bonheur ne pourra être que dans la réalisation du projet que Dieu porte pour lui. Et si pour cela il faut partir, eh bien Abram part. il renonce à tout son passé pour un avenir fait de promesses. 
 
C’est cela le temps du Carême : une mise en route par Dieu vers l’accomplissement d’une promesse. Et cette promesse n’est rien moins que notre vie, notre bonheur, notre avenir. En suivant Dieu, en nous laissant aimer de lui, nous ne quittons rien, nous ne perdons rien ; nous gagnons tout ! Et c’est cela qu’il nous faut comprendre. Dieu nous offre tout dès lors que nous répondons oui à son appel. Dieu nous offre sa vie dès lors que nous lui faisons une place dans la nôtre. En vivant avec Dieu, nous comprendrons vite  qu’il y a des choses d’avant qui ne sont pas à leur place, et nous les abandonnerons, volontiers et sans effort, parce que ce que nous gagnons est bien plus fort que ces choses, bien plus beau, bien plus apte à remplir notre vie et lui donner sens. 
 
N’est-ce pas l’expérience que font Pierre, Jacques et Jean au jour de la transfiguration ? Juste avant cet épisode, Jésus avait annoncé à ses disciples qu’il allait être livré et condamné à mourir. Il avait aussi annoncé à ses amis qu’il leur faudrait prendre à leur tour leur croix et le suivre (les fameux efforts à faire !). Peut-être les a-t-il senti désorientés, un peu perdu devant tant de choses à digérer. Alors, l’espace d’un instant, à trois d’entre eux, il se révèle tel qu’il est depuis toujours et tel qu’il sera pour toujours : dans la gloire de Dieu lui-même. A ceux à qui il vient de demander de prendre leur croix, il révèle le but, ce qu’ils ont à gagner à le suivre sur ce chemin certes exigeant : rien moins que la vie dans la gloire avec le Christ, leur maître. Je ne dis pas que cela rend la croix plus supportable, mais cela éclaire d’un jour nouveau le chemin à parcourir ; cela donne de la force et de l’espérance dans les difficultés. Cela redit le projet de Dieu pour tous et pour chacun et nous rappelle qu’il nous donne la grâce nécessaire pour le réaliser. 
 
Ne faisons donc pas des efforts de carême pour faire des efforts de carême ; mais faisons une place plus grande au Christ qui vient nous sauver. Accueillons sa grâce, accueillons sa vie en nous et nous n’aurons plus qu’une envie : lui laisser toute la place nécessaire pour que ce ne soit plus nous, ni le Mal, ni nos passions, mais lui qui vive en nous, aujourd’hui et toujours. Parce que tel est son projet à lui, tel est son amour pour nous. Amen.

samedi 4 mars 2017

01er dimanche de Carême A - 05 mars 2017

Leurs yeux s'ouvrirent et ils se rendirent compte qu'ils étaient nus !





Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils se rendirent compte qu’ils étaient nus ! Il y a quelque chose de dramatique dans cette affirmation du Livre de la Genèse, parce que rien ne préparait nos premiers parents à une telle découverte. Ils ont posé un choix, contraire à la parole reçue de Dieu, et les voilà nus, dépossédés de cette parole qui les a fait vivre. Ils ont posé un choix, contraire à la parole reçue de Dieu et plus rien n’est comme avant. Il faudra maintenant vivre avec ça : par un seul homme, le péché est entré dans le monde ; à cause d’un seul homme, par la faute d’un seul, la mort a établi son règne. S’ils avaient pu prévoir, s’ils avaient pu savoir, auraient-ils écouté une autre voix ? Auraient-ils prêté attention à la voix du serpent qui travestit la voix de Dieu ? Il est trop tard pour s’apitoyer, trop tard pour faire de la théologie fiction : l’événement a eu lieu. Il n’est plus temps de deviser sur le passé. On peut le regretter, mais il nous faut vivre avec ce choix primordial et ses conséquences. 
 
N’en est-il pas ainsi pour nous, chaque jour : confrontés à la vie quelquefois rude, toujours pressés, nous n’avons pas toujours le temps de réfléchir, pas toujours le temps de mesurer toutes les conséquences de nos décisions. Et il nous faut vivre avec ! Le temps du Carême où nous sommes voudrait nous permettre une prise de recul pour évaluer les choix que nous avons fait et éventuellement redresser la barre si cela est possible. Là où nos premiers parents se rendaient compte qu’ils étaient nus sans savoir comment poursuivre, il nous est possible de changer : en effet, de même que par la désobéissance d’un seul être humain la multitude a été rendue pécheresse, de même par l’obéissance d’un seul la multitude sera-t-elle rendue juste. Nous mesurons pleinement, en méditant ce passage de l’épître aux Romains, combien l’œuvre du Christ est fondamentale pour nous, pour notre salut. Nous mesurons combien son comportement face à la tentation est riche d’enseignement. Après quarante jours de jeûne, affamé, épuisé, il est confronté au Mauvais, au serpent, à celui qui veut travestir encore une fois la Parole de Dieu, et qui ne se gène pas pour le faire. Mais malgré sa fatigue, Jésus tient tête, grâce à cette même parole : il est écrit, il est encore écrit, car il est écrit ! Il semble tellement facile à l’Adversaire de citer la Parole de Dieu pour induire en erreur, qu’il faut toute l’attention du Fils unique pour ne pas se tromper quant à la Parole authentique de son Père. C’est bien cette parole du Père qui tient le Diviseur à distance. Lorsque nous sommes sûrs de Dieu, confiants en sa Parole, rien ne saurait nous ébranler ! Le temps du Carême est un temps favorable pour revenir à l’authenticité de la Parole et pour redécouvrir sa puissance à l’œuvre dans nos vies. Avec elle, nous pouvons faire les bons choix. Avec elle, nous ne nous trompons pas ! 
 
Alors leurs yeux s’ouvrirent ! Nous pouvons profiter de ce carême pour vivre la même expérience : ouvrir les yeux sur notre vie. Non pas pour nous désespérer ; non pas pour nous condamner ; mais ouvrir les yeux pour nous sauver avec l’aide du Christ. C’est ce que propose l’Eglise lorsqu’elle invite à la célébration de la pénitence et de la réconciliation.  Aidés de la Parole de Dieu qui nous invite à une vie plus belle, nous pouvons regarder notre vie, en découvrir nos faiblesses et décider de changer. Là où l’Adversaire avait réussi à déstabiliser nos premiers parents, l’Eglise nous propose de réentendre la Parole de Dieu vraie pour nous aider à nous libérer du Mal qui ronge notre cœur. Prendre le temps du Carême pour relire à frais nouveaux la Parole de Dieu nous aidera à accueillir la parole de paix et de pardon que Dieu veut prononcer pour nous. Et nous aussi, nous verrons que nous sommes nus ! 
 
Nus parce que éloignés de Dieu, nus parce que rongés par le remord, nus parce que nous avons défiguré en nous l’image de Dieu. Mais nous rendant compte de cela, nous pourrons aussi espérer. Espérer en Christ, plus fort que le Tentateur ; espérer en Christ qui a livré sa vie par amour de nous ; espérer en Christ qui nous vaut d’être à nouveau des justes par sa seule obéissance à Dieu. La célébration du sacrement de la pénitence et de la réconciliation ne nous enferme pas dans notre mal : elle nous en libère. Nus comme nos premiers parents après avoir ouverts les yeux sur la réalité de notre existence, nous pouvons revêtir le Christ comme au jour de notre baptême. Il nous habille de son innocence ; il nous habille de sa proximité de Dieu ; il nous habille de son amour ; il nous habille de son pardon obtenu au prix de son sang. 
 
Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils se rendirent compte qu’ils étaient nus ! Par l’œuvre de salut opérée par le Christ, ce qui était un drame pour nos premiers parents devient pour nous source d’espérance. Heureuse faute de l’homme qui valut au monde un tel Sauveur ! Ou comme il est écrit encore : là où le péché a abondé, la grâce a surabondé ! Dieu nous aime tellement qu’il n’y a pas de péché assez grand pour nous couper de son amour. Plus nous nous éloignons de Dieu, plus il nous aime, plus il veut nous faire sentir son amour. Puissions-nous ouvrir les yeux et nous rendre compte que sans lui, nous sommes nus ; par le pardon offert sacramentellement par l’Eglise, il nous vêtira des vêtements du salut. Durant ce carême, faisons le choix de révéler à Dieu notre nudité, laissons-le nous envelopper de son amour. Amen.