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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 30 juin 2018

13ème dimanche ordinaire B - 01er juilet 2018

Nous confessons un Dieu-pour-la-vie !







Qui n’a jamais douté ? Qui n’a jamais été tenté d’accuser Dieu de tous les maux, ou d’avoir mal fait sa création puisque tant d’imperfections y subsistent ? L’accusation n’est pas nouvelle. Elle a traversé tous les temps, toutes les générations. Elle a pris, avec l’horreur des camps de concentration au siècle dernier, et avec l’horreur des attentats de ces dernières années, une vigueur nouvelle, d’autant plus que leurs auteurs se réclament de Dieu ! Si Dieu existe, pourquoi a-t-il permis cela ? 

            L’homme de la Bible ne nie pas cette question. Il est, sans doute, le premier à se débattre avec la question du mal et de la souffrance. Au fur et à mesure qu’il s’approche de son Dieu et le découvre, s’affine aussi sa réponse à cette question. Il y a longtemps, alors qu’on ne parlait pas encore de Jésus Christ, après la terrible épreuve de l’exil, un sage écrira dans la Bible : Dieu n’a pas fait la mort… Il tentait, à sa manière, de redire à ses compatriotes, une affirmation essentielle concernant le Dieu des Pères, le Dieu de l’Alliance. Il n’est pas possible que Dieu ait créé l’homme pour que celui-ci soit malheureux sur terre. Il n’est pas permis de croire en un tel Dieu ! 

            La longue histoire du peuple hébreu nous indique plusieurs fois que Dieu marche aux côtés de l’homme. La révélation du nom divin à Moïse insiste sur cette présence de Dieu à la vie des hommes. Je suis celui qui je serai, ce que l’on peut traduire par : Je suis celui dont tu auras besoin selon ce que tu vis. Il n’y a pas de manière plus précise de dire la présence de Dieu à son peuple que celle-ci : quand tu auras besoin de moi, tu verras qui je suis ! Une telle révélation est possible dès lors que nous nous plaçons dans la perspective de l’Alliance, la seule perspective valable, parce qu’elle met en présence non pas un dominant et un dominé, mais deux partenaires qui s’engagent également l’un envers l’autre. Dieu s’engage envers l’homme en lui promettant sa présence ; l’homme s’engage envers Dieu en l’assurant de sa louange. Vous pouvez parcourir l’Ancien Testament dans n’importe quel sens ; vous en arriverez toujours à ce constat : « tant que l’homme est fidèle à l’alliance, il connaît un temps de prospérité ; dès que l’homme se tourne vers les idoles, il sombre dans la folie et les tourments ».

            La critique est facile qui consiste à dire : Voyez ce Dieu ; dès que l’on se détourne de lui, on ne connaît que peine et misère ! Il faudrait cependant veiller à ne pas inverser les rôles. Qui a tourné le dos à qui ? Dieu est-il responsable des libertés que prend l’homme ? Dieu devrait-il assumer et endosser les responsabilités de mes actes à moi ? L’auteur du livre de la sagesse a bien compris la question du mal et de la mort. En réaffirmant avec force sa foi – Dieu n’a pas fait la mort ! il nous redit en même temps que la mort, c’est notre jalousie qui l’a faite entrer dans le monde. La liberté de l’homme, que Dieu a voulu lui laisser, suppose que l’homme peut se détourner du projet d’amour de Dieu et vouloir autre chose que ce que Dieu veut pour lui. La liberté humaine comporte la liberté de faire le mal. Et le devoir de l’assumer !

            Lorsque nous retrouvons Jésus dans l’Evangile de Marc en ce dimanche, nous le voyons faire œuvre de vie. Lui, le Fils unique de Dieu, venu dans le monde révéler le véritable visage de Dieu, ne ménage pas sa peine auprès des malades, des souffrants de toutes sortes. Et pour montrer que Dieu est toujours rangé du côté du plus faible, et pour dire aux hommes que Dieu n’a pas fait la mort, il affirme sa puissance sur ces forces de mort en rendant la vie à une enfant, à quelqu’un qui a la vie devant soi et qui doit encore la mener à son terme. Il annonce par ce geste, bien sûr, qu’il est plus fort que la mort, et qu’un jour, il ira battre la mort sur son propre terrain. L’heure n’est pas venue de le dire clairement ; mais il fallait, dès maintenant, dire aux hommes que Dieu continue de marcher aux côtés de son peuple, que Dieu n’abandonne pas ceux qui lui ont fait confiance. Lève-toi, lui dit-il ! Fais ce pourquoi tout homme est fait : vis ! 

            En lisant la presse, qu’elle soit locale ou internationale, on peut quelquefois douter et s’interroger sur le pourquoi de tant de haine, de tant d’actes barbares. Il nous faut tourner notre questionnement vers nous-mêmes. Que faisons-nous pour changer les choses ? Prier ? Ce n’est pas si mal, mais c’est loin d’être suffisant. A quoi cela sert-il de prier pour la paix là-bas, si je ne suis pas capable d’un acte fraternel ici, dans ma famille ou sur mon lieu de travail ? A quoi cela sert-il de prier pour que cesse la faim là-bas, si je ne suis pas capable d’un geste charitable avec celui qui n’a rien, ici dans nos rues, dans nos quartiers ? Dieu n’agira pas dans le monde sans notre aide. Dieu n’interviendra pas si je ne lui prête pas mes mains et mon cœur pour venir en aide à ceux en ont besoin. La toute puissance de Dieu est battue en brèche par la liberté de l’homme, car Dieu n’ira jamais contre sa création. Témoin du Dieu vivant, je le deviens lorsque je suis capable de le rendre présent au monde à travers ce que je fais, ce que je vis. Du chemin reste à faire pour que le monde puisse croire enfin que notre Dieu nous accompagne, qu’il est Dieu-pour-la-vie ! 
 
            Je te le dis : lève-toi ! Aujourd’hui, ces mots sont pour chacun de nous. Lève-toi et vis, fais ce pour quoi je t’ai créé ; donne au monde le témoignage de l’amour que j’ai pour lui à travers l’amour que tu sauras lui manifester. N’épargne pas ta peine ; donne ton amour à pleines mains car mon amour est infini, mon amour est pour la vie, pour toute vie. AMEN
 
(Dessin de M. Leiterer)

dimanche 24 juin 2018

12ème dimanche ordinaire B - 24 juin 2018

L'amour du Christ nous saisit…

(Un petit détail a échapper à mon attention : le 24 juin, nous célébrons la nativité de saint Jean le précurseur ; d'où cette homélie pour le 12ème dimanche et non pour la solennité du jour).




            Il n’y a pas de doute à avoir : Paul sait mieux que personne nous parler du Christ, de son œuvre de salut pour les hommes. Il est le premier croyant au Christ à systématiser ce qui deviendra la foi chrétienne, à mettre des mots sur ce qui fait vivre le fidèle du Christ, à préciser le rapport entre le Christ et les hommes. Le passage de la deuxième lettre aux Corinthiens entendu ce dimanche commence par une vraie déclaration d’amour : l’amour du Christ nous saisit… 

            Ce qui remplit Paul d’amour pour le Christ, c’est son sacrifice sur la croix : l’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous et qu’ainsi tous ont passé par la mort. Il y a comme un vertige des profondeurs devant cette réalisation. Non seulement le Christ a donné sa vie pour nous, mais il nous fait bénéficier de cette mort. Oui, la mort du Christ nous bénéficie ; elle nous décentre en nous orientant vers le Christ. Sa mort sur la croix, en nous procurant la vie, nous tourne résolument vers lui, à moins d’être ingrats, sans reconnaissance pour cette œuvre d’amour. Paul a parfaitement intégré cette donnée. A partir du moment où le Christ l’a appelé sur le chemin de Damas, il n’a plus eu de cesse que de proclamer la Bonne Nouvelle du Salut. Il n’aura pris aucun repos, allant jusqu’à affirmer que si le Christ n’était pas ressuscité, vaine serait notre foi. Pour Paul, tout est contenu dans ce don du Christ sur la croix. Par cet acte, quelque chose de neuf a commencé : le monde ancien s’en est allé ; un monde nouveau est déjà né. Comment dire mieux la nouveauté introduite par le Christ dans la vie des hommes ? 

            La nouveauté introduite par le Christ, c’est bien cette foi qui transforme la vie des hommes. J’ai déjà dit que la mort du Christ nous bénéficiait ; mais elle fait plus que cela : elle nous identifie au Christ, nous fait participer à sa propre mort et à sa résurrection. Désormais nous ne regardons plus personne d’une manière simplement humaine. Nous sommes transformés par la mort du Christ, comme transfigurés ; nous sommes des créatures nouvelles. Nous sommes des autres Christ. Mesurons-nous cette nouveauté ? Mesurons-nous cet honneur ? Lorsque nous lions notre vie à celle du Christ par le baptême, nous sommes transformés en profondeur parce que le Christ, celui qui a livré sa vie sur la croix, vit désormais en nous. Nous ne portons pas seulement le Christ au monde par des mots, mais par toute notre vie, par tous nos actes. Nous devons avoir conscience que notre manière de vivre porte le Christ au monde ; et avoir conscience aussi que notre manière de vivre peut aussi être un obstacle à la présence du Christ au monde. Lorsque les croyants au Christ ont peur d’ouvrir leur monde à ceux qui frappent à leur porte, ils empêchent les migrants d’approcher l’amour du Christ. Lorsque les croyants au Christ se satisfont des rapports économiques qui enrichissent toujours plus les plus riches et appauvrissent sans fin les plus pauvres, ils empêchent les pauvres d’approcher l’amour du Christ. Lorsque les croyants au Christ ferment leurs cœurs, ils ferment le cœur du Christ et son amour ne peut plus être diffusé dans le monde. Et l’amour du Christ ne saisit plus personne, même plus nous… 

            Cette affirmation de Paul, qui a déclenché toute ma réflexion, nous oblige alors aussi à préciser ce qui nous attire vers le Christ. Est-ce vraiment la conscience de ce don qu’il a fait de lui-même sur la croix ? Pour dire les choses autrement, le don du Christ sur la croix est-il pour chacun de nous le fondement de notre attachement réel au Christ ou n’est-il qu’une leçon de catéchisme parmi d’autres ? Sommes-nous capables d’identifier dans notre vie ce que l’amour du Christ réalise pour nous ? Sommes-nous saisis comme Paul d’un amour ardent pour le Christ à la seule pensée de son sacrifice ? Ou bien nous sommes-nous dilués jusqu’à n’être plus que des chrétiens sociologiques ? Que nous soyons chrétien ou non ne changerait finalement pas grand-chose, pour ne pas dire rien, à notre manière de vivre ! 

Trop souvent aujourd’hui, dans le but avoué de ne présenter qu’un Christ positif, certains cachent le sacrifice du Christ ; parlons de Pâques sans parler du Vendredi Saint ! C’est tellement commode ! C’est oublier un peu vite que ce qui donne sa valeur à la résurrection, c’est bien sa vie offerte sur la croix ! Si tel n’était plus le cas, l’eucharistie que nous célébrons ce matin ne serait plus le mémorial de sa passion, mais juste le repas du club des amis de Jésus qui se retrouvent pour un moment fraternel. Sommes-nous les disciples d’un grand homme qui a dit et fait des choses extraordinaires ? Ou sommes-nous les disciples de celui qui a donné sa vie par amour pour nous ? Les deux ne sont pas incompatibles, mais la seconde affirmation est primordiale et impérative. 

L’amour du Christ nous saisit quand… Il revient à chacun de finir la phrase pour lui-même et d’affirmer ce qui est primordial pour lui. Que notre eucharistie nous permette de discerner à frais nouveaux jusqu’où va l’amour du Christ pour nous ! Qu’elle nous donne la force d’y répondre par un art de vivre conforme à notre foi : alors l’amour du Christ pourra saisir encore le cœur des hommes et renouveler le monde. Amen.

 

 

 
 

dimanche 17 juin 2018

11ème dimanche ordinaire B - 17 juin 2018

Deux paraboles sur le Règne de Dieu.







Il en est du règne de Dieu comme… Voici posé le sujet de la prédication de Jésus à la foule, tel que nous l’avons entendu dans l’évangile de ce dimanche. Deux petites paraboles vont suivre pour permettre à Jésus de leur annoncer la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre. C’est un peu vexant cette remarque, mais elle a quelque chose de vraie. Si la seconde parabole de ce dimanche est facile d’accès, la première me laisse plus perplexe. 

Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence. Ma perplexité commence là. Le règne de Dieu est-il comparé à l’homme qui jette la semence ou à la semence qui est jetée par l’homme ? Si le règne de Dieu est la semence jetée en terre, nous comprenons que ce règne de Dieu travaille le cœur de l’homme (la terre). Il fait son œuvre, mystérieusement, sans aucune aide. Il serait quelque chose dont nous avons la réalité en nous, peut-être sans le savoir. Il serait quelque chose qui grandit, se développe et que l’on récolte au bout du processus. Cette première parabole se rapprocherait alors de la seconde, celle de la graine de moutarde. Cette autre parabole nous montre clairement que de rien (une graine de moutarde, la plus petite de toutes les semences) sort la plus grande plante potagère dans laquelle les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid. Il y a bien, dans cette notion du règne de Dieu, l’idée de quelque chose d’infime, mais qui devient grand une fois semé, sans que quiconque y soit pour quelque chose. La croissance du règne de Dieu ne dépend pas de nous. Pourtant, pour que ce règne de Dieu lève, il faut qu’il soit semé. Et c’est là que nous intervenons : le règne de Dieu serait une graine jetée en terre par l’homme. Si nous ne répandons pas les semences du règne de Dieu par notre art de vivre, ce règne ne pourra pas grandir. Il faut donc croire déjà que nous avons quelque importance dans le fait que le règne de Dieu se répande ou non. Autrement dit, nous pouvons être un obstacle au règne de Dieu dès lors que nous ne veillons pas à le répandre. Cette première parabole, dans cette interprétation particulière, viendrait rappeler aux croyants leur devoir d’évangéliser, de répandre par leurs actes et leur parole, la connaissance de ce règne.  

La seconde interprétation possible serait de dire que le règne de Dieu, c’est comme un homme qui sème. Le règne de Dieu se répandrait alors tout seul, il jetterait des graines à tous vents et ces graines feraient leur œuvre mystérieusement. Nous serions là très proches de cette autre parabole de Jésus, celle du semeur qui est sorti pour semer et qui répand allègrement son grain, sans même faire bien attention où ce grain va tomber : dans les ronces, dans la rocaille, au bord du chemin ou dans la bonne terre. Le grain semé lève et grandit avec plus ou moins de succès. L’humanité, dans cette dernière parabole comme dans la nôtre aujourd’hui, est la terre qui accueille. Elle produit quelque chose de bon dans la mesure où elle en est capable et que rien ne vient entraver le processus de la croissance. Mais la graine semée poursuit sa croissance toute seule. Je ne suis responsable de sa croissance que dans la mesure où je laisse la graine lever en moi et que rien en moi ne s’y oppose. Si le règne de Dieu est l’homme qui sème, que sème-t-il ? Nous le savons depuis la Pentecôte : il sème l’Esprit qui produit des fruits de paix, de joie, d’amour, de patience, de bonté, de bienveillance, de fidélité, de douceur et de maîtrise de soi. Il sème la Parole par qui tout devient possible. Mas si le règne de Dieu est l’homme qui sème, n’oublions pas la fin de la parabole : il est aussi celui qui récolte. Dès que le blé est mûr, il y met la faucille ! Le but ultime, c’est de rentrer la récolte !  

Ce qui est intéressant dans ces deux paraboles, c’est par quelque bout qu’on la prenne et la comprenne, il y a une part de mystère, c’est-à-dire une part de l’œuvre de Dieu, et une part de l’œuvre de l’homme. Dieu a voulu avoir besoin de nous pour que lève son règne au milieu des hommes. Ce n’est pas quelque chose qu’il impose ; ce n’est pas quelque chose qu’il force en nous. Soit il sème, soit il est semé ; mais dans les deux cas, nous avons une part infime à prendre pour que les fruits puissent être récoltés. Si nous ne savons pas toujours bien ce qu’est le règne de Dieu, nous savons au moins que nous avons une part à tenir pour qu’il puisse croître : soit le répandre par notre vie, soit l’accueillir dans notre vie. Le reste ne dépend pas de nous. La manière dont il grandit et se développe ne dépend pas de nous, ni de nos politiques pastorales. A chacun sa place, à chacun son œuvre, à chacun sa part, semble nous dire Jésus aujourd’hui. Pour reprendre un principe liturgique que j’aime beaucoup : que chacun fasse seulement, mais totalement, ce qui lui revient ! Alors ce règne de Dieu, qu’il soit le semeur ou la graine semée, pourra faire son œuvre. Alors nous pourrons être récoltés pour participer à la joie du royaume où Dieu nous attend. Amen.

 

 

 

dimanche 10 juin 2018

10ème dimanche ordinaire B - 10 juin 2018

La volonté de Dieu et l'Eucharistie comme moyens de résistance.







Seigneur, source de tout bien, réponds sans te lasser à notre appel : inspire-nous ce qui est juste, aide-nous à l’accomplir. L’oraison de ce dimanche, dans sa simplicité, nous met dans une attitude spirituelle fondamentale : l’humilité devant Dieu, nous faisant reconnaître qu’Il est la source de tout bien et que sans lui nous ne saurions être vraiment justes. En priant ainsi, nous reconnaissons que nous avons besoin de Dieu. 

Dans la première lecture entendue, ce besoin a été mis à mal. Nous sommes encore au commencement, vous savez, ce moment où Dieu avait tout créé, et qu’il avait placé l’homme au sommet de sa création. Il lui avait tout donné, sauf l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal. C’était le seul interdit. Mais voilà, ce qui est interdit est bien souvent désirable. Plutôt que d’écouter Dieu, l’homme s’est écouté lui-même ; pas la peine d’accabler d’Eve pour cela. L’un et l’autre portent la même faute ; l’un et l’autre ont pareillement transgressé l’ordre de Dieu. L’un et l’autre se sont retirés, cachés devant Dieu, n’assumant pas les conséquences de leur transgression ; l’un et l’autre ont cherché quelqu’un sur qui se défausser. Que va faire Dieu ? Il punit celui qui a engendré tout ce Mal en déformant le visage de Dieu, en déformant la Parole de Dieu. Cette punition est éternelle parce qu’il n’y a pas de pardon possible pour cela. Comme chaque créature, le serpent connaissait Dieu, mais il a menti à son sujet entrainant l’homme et la femme sur un chemin de défiance et de rébellion. Le Mal est entré dans le monde ; le Mal est entré dans le cœur de l’homme. Pourtant, Dieu annonce au serpent : Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci te meurtrira la tête, et toi, tu lui meurtriras le talon. Le Mal, dans ce qu’il a de plus fondamental, ne fait pas partie des familiers de l’homme : il y a une hostilité entre les deux, hostilité voulue par Dieu. Mieux encore, l’humanité, confrontée au Mal, pourra l’écraser, lui meurtrir la tête, dit le texte biblique. Le péché de l’homme et de la femme, bien que sanctionné à son tour, sera pardonné ; celui du serpent sera définitif. 

Nous avons une explication de cela dans l’évangile, quand Jésus parle du péché contre l’Esprit Saint [qui] n’aura jamais de pardon. Ce n’est pas une contradiction dans le discours de Jésus, mais la conséquence logique de ce péché qui vient à dire de Dieu des choses qui ne sont pas vraies. Le péché contre l’Esprit, nous en avons une belle illustration dans notre page d’Evangile : il tient dans ce verset : Il est possédé par Béelzéboul ; c’est par le chef des démons qu’il expulse les démons. Jésus a montré qu’il venait de Dieu en faisant marcher un paralysé, en expulsant des démons, et pourtant, ces adversaires l’insultent en attribuant au Mal lui-même les pouvoirs qu’il tient de Dieu. Ils font à leur tour ce que faisait le serpent au jardin d’Eden : ils travestissent l’œuvre de Dieu, ils transforment le Bien en Mal ; ils faussent l’échelle des valeurs ; ils accusent Jésus d’être possédé par un esprit impur. Ils provoquent les hommes à se méfier de Dieu et de son envoyé, Jésus. Tout est pardonnable, sauf cela. 

Quel rempart avons-nous alors contre ce péché impardonnable ? Comment éviter d’être ainsi condamné ? Jésus dans l’Evangile proclamé en ce dimanche, et la liturgie dans sa prière de ce dimanche, nous éclairent. La réponse de Jésus, nous l’avons entendu : elle est celle adressée à la foule qui lui signale que sa famille est là, qui le cherche : Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. En restant fidèle à Dieu, malgré les difficultés rencontrées, il n’y a pas de risque de se tromper sur Dieu. Celui qui fait la volonté de Dieu sait discerner le Bien du Mal ; celui qui fait la volonté de Dieu, sait reconnaître Dieu à l’œuvre : il ne risquera pas de confondre Dieu avec l’Adversaire. Celui qui fait la volonté de Dieu est un familier de Jésus. La réponse de la liturgie, nous l’entendrons après la communion : c’est l’eucharistie elle-même, notre communion au Corps et au Sang du Christ qui agit en nous, nous libère de nos penchants mauvais et oriente notre vie vers le bien. Autrement dit, le meilleur remède, c’est Jésus lui-même, et le fait pour nous de reconnaître qu’en lui, Dieu nous donne tout, Dieu nous donne de vaincre définitivement le Mal. En Jésus, nouvel Adam, Dieu écrase définitivement le Mal et le détruit. Comment pourrions-nous aujourd’hui dire que cela n’a pas eu lieu ? Comment pourrions-nous dire, devant tant d’amour manifesté, que Jésus est possédé ? Comment pourrions-nous ne pas reconnaître, dans le pain et le vin partagés, la vie offerte du Christ pour notre salut ? 

La liturgie de ce dimanche nous remet face à ce qui est essentiel : l’œuvre d’amour de Dieu pour nous. Œuvre à laquelle nous pouvons nous raccrocher quand le Mal est à notre porte. Œuvre de laquelle nous recevons la vie, la force et le courage de suivre Jésus. De lui, nous apprenons la volonté de Dieu ; avec lui, nous pouvons l’accomplir. L’eucharistie que nous célébrons nous fait chanter à Dieu notre reconnaissance pour tout ce qu’il fait pour nous. Armés de sa volonté et forts du Pain de l’eucharistie, entrons en résistance : que notre désir de Dieu soit contagieux. Qu’à travers nous, les hommes puissent découvrir le visage véritable de Dieu et la grandeur de son œuvre d’amour pour tous les hommes. Amen.

 
(Dessin de M. Leiterer)
 

 

 

 

samedi 2 juin 2018

Le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ

L'Eucharistie, le sacrement qui rend fort de la présence de Jésus.





          Depuis le dimanche des Rameaux, les célébrations festives se succèdent, mais en comprenons-nous toujours le sens et surtout l’articulation ? Je n’en suis pas sûr et j’en veux pour preuve l’un des noms donnés à cette fête, nom auquel je voudrais d’emblée tordre le cou parce qu’il me semble impropre à cette fête :  c’est le nom de Fête Dieu. Pour moi, cette appellation a huit jours de retard, puisqu’elle s’applique davantage à la fête de la Trinité lors de laquelle nous célébrons le mystère du Dieu unique et Trine. La fête qui nous rassemble ce matin est d’abord une fête eucharistique, c’est même la fête eucharistique par excellence. C’est en tous les cas ce que nous pouvons retenir de la tradition de cette fête. 

            Sans doute le saviez-vous, mais il est bon de nous le rappeler : la fête du Corps et du Sang du Christ est célébrée pour la première fois en 1247, à Liège, grâce à une religieuse, Julienne du Mont-Cornillon. En 1208, elle a bénéficié d’une vision, dans laquelle le Seigneur lui-même lui fit comprendre la lacune d’une fête annuelle pour honorer le Sacrement de l’autel[1]. Il faut donc bien distinguer cette fête de la célébration du Jeudi Saint qui nous fait commémorer le dernier repas de Jésus avec ses disciples. Même si cette année, nous entendons le récit de l’institution de l’eucharistie selon Marc, le sens de notre célébration de ce dimanche n’est pas tant de rappeler cette institution, mais plutôt la permanence de la présence du Christ dans le Pain et le Vin consacrés et partagés. Contrairement au Jeudi Saint, nous ne revenons pas aux derniers jours de la vie terrestre de Jésus et à ce que Jésus a fait et dit à ses disciples à ce moment-là. La fête de ce jour nous emmène bien plus loin ; le moment de sa célébration nous le prouve. Cette fête du Corps et du Sang du Christ est, en effet, justement placée dans le temps ordinaire, le temps de l’Eglise. Sortant des fêtes pascales qui nous ont fait célébrer plus solennellement le Christ, mort et ressuscité pour notre vie, ainsi que le don de l’Esprit Saint au jour de la Pentecôte, nous avons logiquement repris le temps ordinaire avec la fête de la Trinité –  proclamation de l’unicité de Dieu que nous confessons Père, Fils et Esprit Saint – et nous le poursuivons avec cette fête du Sacrement du Corps et du Sang du Christ. Cette fête nous rappelle que, dans l’ordinaire de notre vie, Dieu ne nous laisse pas seul ; il est éternellement et réellement présent à notre vie, dans ce qu’elle a de plus simple, de plus répétitif, de plus difficile quelquefois aussi. Dieu est présent à notre vie, et il nous nourrit de sa Parole (c’est le sens de la première lecture : Toutes ces paroles que le Seigneur nous a dites, nous les mettrons en pratique) et il nous nourrit du Corps et du Sang du Christ. Il nous donne tout pour que nous soyons forts afin que notre foi ne défaille pas face aux difficultés de la vie. Avec le pape François (Homélie de la fête en 2015), nous pouvons comprendre que l’Eucharistie n’est pas la récompense des bons, mais la force des faibles, des pécheurs, le pardon, le viatique qui nous aide à marcher, à avancer. Comment ne pas prendre une journée pour rendre grâce à Dieu pour sa présence à notre vie ? Comment ne pas adorer un Dieu dont le désir de salut pour nous est permanent et quotidien ? 

            S’il est vrai que Dieu nous aime tellement qu’il ne se passe pas un jour sans que nous puissions ressentir sa présence et son amour, s’il est vrai que, dans le Pain et le Vin consacrés devenus Corps et Sang du Christ, Dieu nous donne la force pour avancer, qu’est-ce que cela suppose pour les croyants que nous sommes ? Cela suppose d’abord que nous pouvons et nous devons y revenir souvent. L’Eucharistie est notre force dans l’épreuve, notre soutien dans la tentation, notre victoire dans l’adversité. Il ne saurait y avoir de vie authentiquement chrétienne sans vie eucharistique. Célébrer l’eucharistie, ce n’est pas accomplir un rite extérieur, mais bien faire de toute notre vie une vie eucharistique, c’est-à-dire une vie sous le regard de Dieu, une vie dans la force de Dieu, une vie qui porte le Christ, une vie offerte comme nous est offerte la vie Christ. Cela suppose donc aussi que nous devons porter et proposer le Christ à tous les hommes, et particulièrement à ceux qui souffrent, à ceux qui sont blessés par la vie, à ceux qui désespèrent d’un avenir. Nous ne pouvons pas garder jalousement pour nous, enfermé à double tour dans nos tabernacles, un tel trésor, une telle force de vie, un tel réconfort. Nous comprenons alors mieux le sens des processions qui se sont développées autour de cette fête et qui connaissent un renouveau dans de nombreuses paroisses. Ce jour, encore moins que les autres jours, nous ne pouvons nous réserver à nous-mêmes le bonheur d’être proches du Christ, le bonheur de l’accueillir dans notre vie par notre communion à son Corps et à son Sang. Au contraire, nous le montrons solennellement pour qu’à sa vue, le cœur des hommes puisse être touché, transformé, converti. Si nous n’y croyons plus, comment y croiraient-ils ? Cela suppose enfin que nous devons avoir conscience d’être, nous aussi, le sacrement de sa présence réelle, et que notre manière de vivre du Christ dit quelque chose de ce Christ auquel nous croyons. Si notre foi ne se traduit pas dans un art de vivre à l’image du Christ, comment les hommes qui nous voient vivre pourront-ils croire au Christ qu’ils ne voient pas ? Que le Christ auquel nous communions nous accorde la grâce de n’être jamais un obstacle à la révélation de sa présence au monde ! 

            Si nous croyons que le sacrement de l’Eucharistie nous rend forts de la présence du Christ, croyons pareillement qu’il rendra le monde fort de sa présence. Nous n’avons pas d’exclusivité sur le Christ ; il a offert sa vie pour tous les hommes. Offrons-leur toujours cette vie donnée du Christ à travers nos vies données à Dieu par la foi qui est la nôtre ; offrons-leur la vie donnée du Christ à travers nos vies données aux hommes par la charité qui doit être nôtre. Ainsi nous deviendrons vraiment ce que nous recevons en chaque eucharistie : le Corps vivant du Christ. Amen.

(La Cène, Peinture sur bois de l'Atelier du Maître de la Madeleine, XIIIème siècle, Musée du Petit Palais, Avignon)



[1] A.G. Martimort, L’Eglise en prière IV, La liturgie et le temps, éd. Desclée, 1983, p. 119.