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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 28 septembre 2019

26ème dimanche ordinaire C - 29 septembre 2019

Ni gilet jaune, ni insoumis, mais converti ! 





            Si la parabole de Jésus semble simple, pleine d’images nous permettant de nous représenter la scène, elle n’en semble pas moins compliqué quant au message qu’elle nous transmet. Nous pouvons, à force de l’entendre trop vite, nous méprendre sur son sens et mal comprendre sa pointe. Il nous faut donc la relire et écarter une à une les mauvaises interprétations.

            Commençons par dire que ce n’est pas un évangile pour gilet jaune en mal de révolution, contemplant avec satisfaction la déchéance de ce riche qui se retrouve tourmenté à jamais au séjour des morts. Voyez-vous, ce riche n’est pas un méchant capitaliste libéral qui volerait les pauvres. Il est juste un riche, aveuglé par sa richesse, qui ne voit pas plus loin que son monde. Il n’est pas décrit comme mauvais ou méchant. Il a plutôt de l’entre-gens puisqu’il peut donner des fêtes chaque jour. Non, le message de la parabole n’est pas à chercher du côté de la lutte des classes qui verra tous ces riches, trop riches pour les pas assez riches que nous sommes, périr en enfer. Jésus n’appelle pas à la révolution contre eux ; il ne justifie pas les manifestations qui détruisent tout sur leur passage au motif que c’est le seul moyen devenu légitime pour se faire entendre. 

            Ce n’est pas non plus un évangile pour français insoumis qui ne voit dans le religieux qu’une survivance du passé dont il faut se débarrasser au motif que la religion endormirait les citoyens et réduirait leur capacité à se révolter. Voyez Lazare ; il est resté là, couvert de plaies, devant la maison de ce riche. Personne, pas même Dieu, n’est intervenu en sa faveur. Il aura dû attendre sa mort pour trouver la récompense et le réconfort dans le sein d’Abraham. Trop facile, diront-ils ! Pas besoin de ces messages ; révoltons-nous, soyons des insoumis à Dieu et à la société. Non, le message de la parabole n’est pas à chercher du côté de l’opium des peuples. Jésus ne justifie pas ces discours lénifiants, maintenant les pauvres dans leur pauvreté, leur promettant des lendemains qui chantent ; il ne justifie pas les affirmations du style : sois pauvre et tais-toi ; un jour tu seras riche ! 

            Ce dont nous parle cette parabole, c’est de nous, et de l’urgence que nous avons à devoir nous convertir. Elle nous avertit que seule la Parole de Dieu, transmise par la Loi et les Prophètes, nous sauve. Elle contient tout le nécessaire pour bien comprendre ce qui est attendu de nous. Cette parabole nous avertit qu’aucun signe extraordinaire, pas même un revenant d’entre les morts, ne saurait nous obliger à croire, à nous convertir et à vivre selon l’Alliance de Dieu. Nous ne pouvons qu’en faire le constat amer aujourd’hui. En Jésus, nous avons plus que la Loi et les Prophètes ; nous avons cette Loi et ces Prophètes pleinement réalisés ; nous avons même celui qui est revenu du séjour des morts. Et pourtant, notre monde ne tourne pas plus rond ; et pourtant, notre monde n’en est pas plus humain. Des inégalités terribles subsistent ; la terre elle-même est mise en danger par les hommes, tous les hommes ! Par nous tous ! 

            Au lieu de nous convertir, nous sommes comme ce riche, ne voyant que nos intérêts, notre style de vie, refusant de partager, refusant d’envisager une plus grande égalité entre tous. Les privilèges d’autrefois sont devenus des avantages acquis dont personne ne veut se défaire au profit d’un bien commun. Au lieu de nous convertir, nous nous révoltons, détruisant un peu plus chaque fin de semaine le lien qui devrait nous unir. Au lieu de nous convertir, nous nous opposons : les riches contre les pauvres, les citadins contre les ruraux, le « peuple » contre « les élites ». Nous ne voyons pas plus Lazare aujourd’hui que le riche ne le voyait hier. 

            Il y a urgence à nous convertir, parce que quand la mort viendra, elle fera du définitif. Il sera trop tard. C’est dès maintenant qu’il nous faut changer de vie et écouter ce que la Loi et les Prophètes n’ont cessé de dire. C’est dès maintenant qu’il nous faut changer de vie et mettre en œuvre l’enseignement du Christ qui, résumant la Loi et les Prophètes, nous invite à aimer Dieu et les autres. Quand l’homme se convertit, l’amour devient réalité et le bien commun peut enfin progresser. N’attendons ni révolution sanglante, ni signe extraordinaire pour changer de vie. Mais vivons la révolution de l’amour, qui ne détruit rien, mais construit tout. Là est le salut ; là est la vie juste pour tous. Le Christ Jésus n’a cessé de nous le dire. Ecoutons-le, enfin ! Amen.


samedi 21 septembre 2019

25ème dimanche ordinaire C - 22 septembre 2019

Au sujet de la prière universelle.







Il n’aura échappé à personne que l’extrait de la première lettre de Paul à Timothée que nous avons entendu, justifie l’acte que nous posons chaque dimanche après avoir proclamé notre foi : la prière universelle. Un de ses anciens noms est  « la prière des fidèles » qui n’était dite que lorsque les catéchumènes et les pénitents, ceux qui ne pouvaient pas encore ou qui ne pouvaient plus communier, s’étaient retirés de l’assemblée pour approfondir leur foi. C’est dire l’importance de cette prière pour l’Eglise. Elle est la prière des fidèles du Christ qui portent devant Lui leurs frères et sœurs en humanité. 

La première indication que donne Paul, c’est le style de cette prière : demande, intercessions et action de grâce. Le signe d’une vraie prière chrétienne. Demander, nous n’hésitons jamais ; après tout, c’est pour nous ! Nous demandons souvent à tort et à travers, avec le risque de nous décourager si la réponse ne vient pas comme attendue. Jésus, dans ses nombreux enseignements sur la prière, nous a dit ce qui ne nous sera jamais refusé quand bien même nous le demanderions chaque jour. Ce bien, c’est l’Esprit Saint, que nous ne demandons presque jamais, hélas ! Intercéder, c’est déjà faire un pas de plus. C’est la prière qui nous décentre parce qu’elle exprime le souci que nous avons des autres que nous portons devant Dieu. Quand nous ne pouvons plus rien pour eux, nous les confions à Dieu qui peut toujours quelque chose pour les hommes. Enfin, l’action de grâce, le merci que nous devons à Dieu pour tous ces bienfaits réalisés en notre faveur. Nous avons beau insister auprès des enfants pour qu’ils disent merci à ceux qui leur offrent quelque chose, nous n’en sommes pour autant pas plus reconnaissant à Dieu pour tous ses dons, à commencer par le don de notre propre existence. Devant Dieu, nous sommes comme des enfants, devant sans cesse apprendre les mots essentiels de la prière. 

La deuxième indication que donne Paul, c’est la raison de cette prière. Pourquoi faut-il faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes ? La réponse est donnée plus loin dans le texte : car il veut que tous les hommes soient sauvés. Cette prière universelle est donc la mise en œuvre du caractère sacerdotal de notre baptême. C’est, pour moi, une manière subtile de nous rappeler que nous ne pouvons pas faire notre salut tout seul, ni prier pour notre seul salut à nous. Nous devons avoir à cœur le salut de tous les hommes, que nous les connaissions ou pas. Le chrétien ne peut pas vivre replié sur lui-même, ni enfermé dans son Eglise, sans se préoccuper du sort de ses frères et sœurs en humanité, croyants ou non. Rappelons-nous la parole du Seigneur Dieu à Caïn : Qu’as-tu fait de ton frère ? Notre charité, si elle est inventive, n’oubliera pas la prière pour le frère, pour tout frère humain. 

La troisième indication que donne Paul, c’est par qui adresser cette prière à Dieu : il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous. C’est à Jésus, mort et ressuscité, que nous devons confier notre prière, nos demandes, nos intercessions et nos actions de grâce pour qu’il les porte devant son Père. Il est le trait d’union entre notre monde et le monde de Dieu, étant le seul à être vrai homme et vrai Dieu, comme le proclame notre foi. Nous comprenons là le rôle central de Jésus dans la foi chrétienne. Tout se fait par lui, avec lui et en lui, comme le dit si bien la doxologie de la prière eucharistique. Dieu ne refuse rien à ce Fils unique qui s’est livré pour le salut de tous ; Dieu ne refuse rien à celui qui a réalisé dans sa chair le salut de tous les hommes. 

Enfin, la dernière indication de Paul ne doit pas nous échapper : je voudrais donc qu’en tout lieu les hommes prient en élevant les mains, saintement, sans colère ni dispute, l’ancienne traduction du lectionnaire disant ni mauvaises intentions. La prière ne peut donc jamais servir à faire ou à souhaiter le mal. Saintement nous rappelle que nos pensées doivent rejoindre les pensées de Dieu, même si elles en sont éloignées ; sans colère ni dispute vient nous redire que nous ne pouvons formuler nos demandes pour les autres qu’en étant apaisé intérieurement, ou qu’à tout le moins, nous oubliions à ce moment-là nos motifs de colère et de dispute. Nous retrouvons là l’avertissement de Jésus lui-même quand il enseignait ceci : lorsque tu vas présenter ton offrande, si tu souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande et va d’abord te réconcilier avec lui. Notre prière ne saurait être un mauvais sort jeté à un frère ou une sœur en humanité. Si tel était le cas, notre prière serait dévoyée, inutile et dangereuse pour nous-mêmes d’abord. 

Puisse cet enseignement de Paul renouveler notre prière, notre manière d’adresser à Dieu nos demandes pour tous les hommes. Que nous ayons vraiment à cœur, comme Dieu lui-même, le salut de tous les hommes. AMEN.



samedi 14 septembre 2019

24ème dimanche ordinaire C - 15 septembre 2019

Dieu est-il déraisonnable ?





Après avoir écouté la Parole de Dieu proposée par l’Eglise en ce 24ème dimanche du temps ordinaire, une question me vient : Dieu est-il bien raisonnable ? Car enfin, chacun des textes entendus, nous montre un Dieu qui est tout, sauf raisonnable. 

L’extrait du Livre de l’Exode en est un bon exemple. Moïse s’attarde sur la montagne avec Dieu, et le peuple, déjà, se détourne de la conduite attendue. C’est l’épisode bien connu du veau d’or qui entraîne la colère de Dieu, colère légitime s’il en est. Pourtant, est-ce raisonnable de se mettre en colère, en comptant secrètement sur la bonté de Moïse, pour l’apaiser ? Parce qu’ils se connaissent bien, ces deux-là, Moïse et Dieu, à force de discuter ensemble. Moïse sait l’amour de Dieu pour ce peuple qu’il a fait sortir du pays d’Egypte par [sa] grande force et [sa] main puissante, et il ne se gêne pas pour le lui rappeler. Et Dieu connaît son serviteur Moïse et son attachement à ce peuple qu’il a accepté de guider sous sa conduite. Ce petit jeu : Retiens-moi, je vais faire un malheur ! n’a d’autre raison d’être que de nous faire prendre conscience de tout ce que Dieu fait pour nous. C’est l’occasion pour Moïse de redire les merveilles que Dieu a faites pour ce peuple à la nuque raide ; c’est l’occasion pour Moïse de se situer lui-aussi, avec ce peuple, dans cette Alliance faite par Dieu avec Abraham, Isaac et Israël. Certes, Dieu pourrait faire surgir du désert un nouveau peuple après avoir détruit celui-ci ; mais n’y a-t-il pas plus de grandeur à pardonner et à continuer de travailler le cœur de ce peuple pour qu’il soit toujours plus acquis à Dieu ?  Je ne sais pas si Moïse est plus raisonnable que Dieu ; mais il est certainement, à ce moment de l’histoire, le plus raisonné. Et Dieu se rend aux arguments de son serviteur : il renonce au mal qu’il avait voulu faire à son peuple.

La leçon semble avoir portée. Lorsque nous relisons Paul dans sa lettre à Timothée, nous constatons l’amour permanent de Dieu pour les hommes, puisqu’il n’a pas hésité à envoyer le Christ Jésus dans le monde pour sauver les hommes. Mais est-ce bien raisonnable ? Est-ce raisonnable de demander le sacrifice du Fils aimant et aimé pour sauver ces hommes qui, comme le peuple que Moïse conduisait au désert, ont la nuque raide ? Mesurons-nous, dans le témoignage de Paul, l’immensité de l’amour de Dieu pour nous, amour manifesté dans la mort et la résurrection de Jésus ? Cet amour est-il bien raisonnable ? L’amour que Dieu porte à chacun de nous est-il raisonnable ? Heureusement que non, de notre point de vue, sinon nous serions encore à attendre un signe du salut. Sauvés, nous le sommes, par ce fils qui est venu dans le monde faire miséricorde même à ceux qui sont blasphémateurs, persécuteurs, violents. Il fait miséricorde même au pire des pécheurs pour donner un exemple à ceux qui devaient croire en lui. C’est sans doute déraisonnable, mais Dieu ne recule devant rien pour nous sauver.

Relisons alors les paraboles entendues dans l’évangile de Luc. Il est complètement déraisonnable celui qui laisse, dans le désert, ses quatre-vingt-dix-neuf brebis pour s’en aller chercher l’unique qui s’était perdue. Elles seraient à l’abri de la bergerie, je ne dis pas ; je pourrais comprendre. Mais les laisser, en plein désert, à la merci des bêtes sauvages, pour une qui n’a pas pu suivre, cela me semble déraisonnable. Et pourtant, c’est la conduite de Dieu à notre égard, chaque fois que nous nous éloignons du troupeau. Il vient nous rechercher, il vient nous prendre sur ces épaules, il n’a de cesse de nous retrouver.  Il est déraisonnable aussi ce père qui, pour accéder au souhait de son plus jeune, se défait de la moitié de ses biens, biens que ce fils s’empresse de dépenser à tort et à travers. Il est tout aussi déraisonnable lorsqu’il guette quotidiennement le retour de ce fils dépensier. Il est tout aussi déraisonnable, l’aîné nous le rappelle, lorsqu’il fait tuer le veau gras pour ce fils revenu. Mais il est tout aussi déraisonnable lorsqu’il reprend ce fils ainé qui ne comprend rien à son attitude et qui se révèle incapable de se réjouir avec ce père qui n’aura plus besoin de guetter chaque jour le retour du prodigue. Et pourtant, s’il ne l’était, déraisonnable, il n’y aurait pour nous aucun avenir, il n’y aurait pour nous aucune espérance. Car nous sommes cette brebis perdue, nous sommes ce fils plus jeune qui demande sa part d’héritage, nous sommes ce fils ainé, sûr de son bon droit à se mettre en colère contre son frère et contre son père. Et nous sommes tous, comme le rappelle si bien Paul, le premier des pécheurs à qui il est fait miséricorde.

Si Dieu n’était pas déraisonnable, nous ne serions pas sauvés. Si Dieu n’était pas déraisonnable, nous n’aurions pas d’autre alternative que d’être éternellement parfaits. Mais si Dieu est déraisonnable dans sa capacité à nous aimer, ne devenons pas déraisonnables à notre tour. L’immense amour de Dieu pour nous n’est pas un blanc-seing pour persévérer dans le mal. Entrons en chemin de conversion, apprenons de l’amour de Dieu à grandir dans cette sainteté et cette vie éternelle qu’il nous offre par la mort et la résurrection de Jésus. A l’amour déraisonnable de Dieu, répondons par une vie raisonnée, une vie à la mesure de cet amour. Nous contribuerons ainsi à la joie du ciel. Amen.

(Tableau de Sieger KÖDER, le Bon Pasteur)

dimanche 8 septembre 2019

23ème dimanche ordinaire C - 08 septembre 2019

Être disciple du Christ : tout ou rien ?






            Je n’aime pas, non, décidément je n’aime pas ces textes radicaux qui nous font croire qu’être disciple du Christ, c’est du tout ou rien. Je n’aime pas davantage ces prédicateurs qui nous font croire que nous n’en ferons jamais assez pour Dieu, que nous n’abandonnons jamais assez de choses pour être un authentique disciple du Christ. Je n’aime pas le christianisme quand il sent la sueur et la transpiration comme un vestiaire de salle de sport. Et je ne peux pas croire que Jésus se comporte avec nous comme un coach sportif, éternellement insatisfait de notre incapacité à bien le suivre. 

L’évangile de ce dimanche pourrait nous entraîner sur cette pente dangereuse d’un toujours plus. Il suffit d’écouter d’une oreille distraite la première affirmation de Jésus pour déjà se décourager : Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Qui, ici présent, pense qu’il préfère Jésus à lui-même ? à sa femme ? à ses enfants ? Qui pense ici qu’il correspond à la définition du disciple donné par Jésus dans ce passage de l’évangile de Luc ? Alors on fait quoi ? On rentre chez nous en nous disant que cela ne sert à rien ? On se lamente communautairement ? On invente autre chose ? On se dit, comme tant d’autres, que si c’est comme ça, on n’a pas besoin de Dieu ? Ce sont toutes des tentations bien réelles. Souvenons-nous que c’est une présentation erronée de la Parole de Dieu qui a valu à nos premiers parents d’être expulsés du Jardin d’Eden où Dieu les avait placés ! Ne nous arrêtons donc pas à cette seule affirmation et écoutons plutôt la suite. La suite ce sont ces deux paraboles, l’une sur celui qui veut bâtir une tour et l’autre sur le roi qui veut partir en guerre contre un autre roi. Elles ne sont sans doute pas là par hasard. 

La première, l’homme qui veut bâtir une tour, peut sembler sévère, elle-aussi. Elle commence par une évidence : si tu veux réaliser un projet, assieds-toi d’abord pour voir si tu peux réaliser ce projet. Car si tu le commences mais ne le mènes pas à terme, faute de moyen, les autres se moqueront de toi. Est-ce à dire qu’il faut réfléchir avant de vouloir devenir disciple du Christ et vérifier que nous en avons la capacité ? Mais qui d’entre nous, baptisés dans sa petite enfance, a vraiment eu le temps de réfléchir ? Qui d’entre nous peut vraiment dire qu’il est prêt à devenir disciple du Christ ? Cette première parabole semble renforcer le caractère difficile, voire impossible, de la suivance du Christ. Elle invite à la prudence, à la réflexion – ce qui est une bonne chose – mais en même temps, elle nous dit : si tu ne penses pas aller au bout, laisse tomber, ne commence même pas ! Les deux petites filles que je dois baptiser à la fin de cette messe, faudrait-il que je dissuade leurs parents de ce baptême au motif que nous ne savons pas si elles seront fidèles, si elles iront jusqu’au bout de ce que suppose ce sacrement ? Vous comprenez bien que nous serions là dans une impasse : personne ne peut vraiment savoir de quoi demain sera fait. 

La seconde parabole peut sembler du même acabit. Un roi, partant en guerre contre un autre roi, commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille. Nous comprenons la nécessité pour le premier de bien réfléchir : a-t-il les moyens de ses ambitions politiques ? L’histoire semble commencer de la même manière que la précédente : un projet, un temps de réflexion nécessaire pour éviter une défaite qui pourrait être cinglante. L’histoire change pourtant quant à sa fin : S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de la paix. Comprenez-vous bien la différence avec l’autre histoire ? La première parabole invitait à renoncer ; celle-ci nous fait faire un pas de plus. Plutôt que de renoncer, vois si autre chose est possible. Et j’avoue que j’aime cette ouverture. Elle est pleine de sens d’un point de vue spirituel. Elle me redit en effet qu’il n’y a pas qu’un chemin possible ; ce n’est pas tout ou rien comme dans la première parabole. Il y a un autre terme. 

C’est cet autre terme qu’il nous faut toujours rechercher, car cet autre terme, c’est souvent notre chemin propre. Voyez-vous, en matière spirituelle, il y a toujours et nécessairement plusieurs chemins, parce que nous ne sommes pas des copies conformes, nous ne sommes pas des clones. Le chemin pour être disciple qui est le mien n’est pas le vôtres. Chacun doit découvrir, pour lui, à quoi il est appelé par le Seigneur.  D’où l’importance de s’asseoir, de bien discerner. Une fois le chemin personnel découvert, il faut y aller, nous pouvons y aller, parce que les moyens nous sont donnés d’accomplir le projet d’amour que Dieu porte pour nous. Il faut discuter avec Dieu quelles sont les conditions valables pour vous, et seulement pour vous, pour être en paix avec lui, pour être son disciple. 

Ces deux paraboles nous invitent alors à nous dépouiller d’abord de nos représentations toutes faites sur Dieu, à nous dépouiller de ce que nous croyons être le moyen de devenir disciple du Christ. Elles nous invitent à une relation vraiment personnelle avec le Christ pour sortir du désir de réussir par la seule force de nos poignets. La vie spirituelle n’est pas d’abord une affaire d’égo ; elle est une affaire de réponse confiante à un appel. Comment pourrions-nous croire en un Dieu qui nous appelle et qui ensuite rendrait le chemin impossible pour nous ? Si Dieu vous appelle à être ses disciples – et il le fait – , il vous donne aussi les moyens de réussir à l’être. Il vous donnera de vous débarrasser de ce qui vous empêche de marcher à sa suite ; il vous donnera de lutter contre vos péchés, votre découragement. La vie spirituelle n’est pas question de volonté propre, mais un désir d’amour partagé entre le Christ et moi. 

Quand ce désir d’amour partagé entre le Christ et nous est réalité, alors il est possible de porter sa croix pour marcher à la suite de Jésus, parce que nous porterons la croix que le Christ lui-même a porté pour nous, croix qu’il a vaincu et dont il nous rendra vainqueur. Mais si nous pensons la vaincre par nos seules forces, ce sera l’échec, nous ne serons pas dignes d’être disciples du Christ. Nous ne serons que notre propre maître, notre propre disciple, notre propre échec. Seul celui qui marche humblement à la suite de Jésus, portant comme lui la croix, peut être disciple, et disciple sauvé. En Christ seul est la victoire ; en Christ seul est la gloire. Amen.


(L'image de notre paroisse, n° 213, août - septembre 2004)