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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 27 décembre 2014

Sainte Famille - 28 décembre 2014

Au cœur de la Sainte Famille, il y a la foi !




Qu’y a-t-il de commun entre le couple formé par Abraham et Sara et le couple formé par Marie et Joseph ? La question vous semble inintéressante ? Pourtant, si la liturgie de cette fête de la sainte Famille nous les présente tous deux, c’est bien qu’il y a quelque chose qui les rapproche malgré les siècles qui les séparent ! 
 
Abraham et Sara : deux vieillards, sans enfants, à qui Dieu fait une promesse : ils auront un fils dans leur vieillesse et ce fils sera le premier d’une multitude ! Dieu promet et Abraham croit. Sa foi lui vaut d’être le père de tous les croyants. Il est l’ancêtre de Jésus, le premier d’une longue lignée qui mène au Sauveur que nous avons accueilli dans la nuit de Noël. La généalogie de Jésus que nous lisons durant le temps de l’Avent en atteste. 
 
Marie et Joseph, un couple plus jeune, qui accueille l’enfant que Dieu se donne. Ils ont cru en la parole de Dieu, ils ont laissé Dieu agir dans leur vie. Et le Oui de Marie, renforcé par le Oui de Joseph, permet le miracle de Noël. Et Dieu lui-même se fait enfant. Aujourd’hui nous retrouvons Marie et Joseph et l’Enfant, au Temple, à Jérusalem, pour l’accomplissement des rites liés à la naissance. Leur foi les a poussés à accepter le projet d’amour de Dieu pour eux, et à travers eux, pour l’humanité tout entière. Leur foi aujourd’hui, les pousse à respecter la loi de Dieu et à offrir à Dieu le sacrifice prescrit. 
 
Au Temple, un autre couple entre en jeu : Syméon et Anne. Ils sont de cette longue famille initiée par Abraham et Sara ; ils représentent toutes celles et tous ceux qui attendent la consolation d’Israël. Ils ont des paroles mystérieuses qui annoncent le destin de cet Enfant venu de Dieu. Ils représentent celles et ceux qui se conforment à Dieu et sont ainsi capables d’accueillir son envoyé et de voir le salut que Dieu prépare pour toutes les familles de la terre. Ils croient tous deux les prophéties données par Dieu à travers l’histoire de leur peuple et ils reconnaissent, en ce nouveau-né, celui que Dieu envoie pour les accomplir. Syméon reconnaît qu’il est au seuil d’un temps nouveau : Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller, en paix, selon ta parole, car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face de tous les peuples. 
 
Abraham et Sara, Marie et Joseph, Syméon et Sara : trois couples qui ont au cœur de leur vie la foi au Dieu vivant et vrai. Ils sont tous de cette sainte famille que Dieu se construit à travers le temps et l’histoire. Et à notre tour, nous sommes invités dans cette sainte famille, invités à croire que Dieu peut tout, même l’impossible comme cela fut dit à Abraham et Sara, invités à croire que Dieu vient consoler son peuple comme le chante Syméon, invités à croire que Dieu seul est digne de louange comme le proclame Anne, invités à croire que Dieu entre dans nos vies en Jésus pour servir son peuple, pour sauver son peuple comme cela fut dit à Marie et Joseph. La fête de la sainte Famille ne renvoie à nos familles que pour en souligner la foi qui doit les unir, les faire grandir et vivre. Voulons-nous entrer dans cette sainte Famille et accueillir Dieu en chaque instant de notre existence ? Voulons-nous être de cette sainte Famille et vivre le projet d’amour de Dieu pour nous ? Voulons-nous être de cette sainte Famille et laisser Dieu être le tout de notre vie ? Alors redisons à Dieu notre oui, proclamons notre foi, à temps et à contre-temps, à l’exemple d’Abraham et Sara, de Syméon et Anne, de Marie et Joseph et accueillons le salut qu’il nous offre en Jésus, le seul Sauveur, le seul Seigneur, aujourd’hui et dans les siècles des siècles. Amen.
 
(Dessin de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'Evangile, éd. Les Presses d'Ile de France)

mercredi 24 décembre 2014

Nuit de Noël - 24 décembre 2014

La crèche, un signe intolérable ?



Une grande inquiétude a régné dans les milieux libres penseurs en France ; elle a mené à des actions en justice contre … des crèches ! Un humoriste a traduit cela par un dessin que j’ai reçu durant ce temps de l’Avent. Il s’intitule « Terreur sur la République » et représente une Marianne perchée sur une chaise et poussant un cri strident : Mon Dieu, une crèche ! Il n’y a qu’en France qu’on peut ainsi s’émouvoir et s’inquiéter devant une scène banale à souhait : une mère et un père et leur enfant nouveau-né couché dans une étable. 
 
Les quelques libres penseurs entendus ça et là sur des chaines d’information télévisées ou radiodiffusées, s’inquiétaient d’une atteinte intolérable à la laïcité. Ce couple et leur nouveau-né, encadrés d’un âne et d’un bœuf et visités par quelques bergers, semblaient soudainement mettre en grand péril la République. Regardez la crèche qui est là, en cette basilique, et dites-moi honnêtement dans quel personnage se cache l’infâme terroriste qui mettrait à mal notre vivre ensemble ! Le sommet de la bêtise humaine a été atteint, me semble-t-il, lorsqu’un responsable national de ce mouvement somme toute minoritaire, s’exclamait devant ces contradicteurs : Mais c’est quand même le petit Jésus ! Enfin, il y croit ou pas, au petit Jésus ? Car là réside bien toute la question. Que voyez-vous, que voient nos contemporains, lorsqu’ils regardent une crèche ? 
 
Le croyant que je suis ne peut s’empêcher de constater, en cette nuit très sainte, que la plus grande peur des grands prêtres de la religion de la laïcité poussée à l’extrême vient de se réaliser. Au cœur de notre nuit, Dieu se fait homme en Jésus. Dieu vient visiter son peuple, comme le proclame Zacharie dans son cantique d’action de grâce au moment de la naissance de son fils Jean le Baptiste. Pour le croyant donc, toute crèche est bel et bien le rappel de cette incarnation faite pour le salut de l’homme, de tout homme à travers le temps et l’histoire. Ici Dieu se fait à notre image pour restaurer en nous son image que le péché avait défigurée. C’est une bonne nouvelle pour celles et ceux qui reconnaissent en Jésus le Messie promis depuis des siècles. Depuis plus de quatre mille ans, nous le promettent les prophètes, dit un chant de Noël bien connu. Dans un monde de plus en plus gris, voire sombre, les bonnes nouvelles sont assez rares pour que nous ne cachions pas celle-ci ! 
 
Pour un non-croyant, qu’est-ce qu’une crèche, sinon la représentation d’une naissance en un temps ancien, dans un pays appelé Palestine ? Le décor peut nous rappeler qu’en tout temps, il y a eu des laissés pour compte de la société. Cette mère accouche dans une étable, entre un âne et un bœuf, parce qu’il n’y a pas de place pour eux ailleurs. C’est la représentation du scandale de l’égoïsme, du chacun pour soi. Mais la venue des bergers, et plus encore de rois étrangers, traduira alors une espérance. La naissance de cet enfant semble un événement suffisamment important pour que des hommes se déplacent, même de loin, pour le voir. Une espérance jaillit dans un monde inégalitaire. Là, devant cet enfant, certains reconnaissent déjà qu’un autre monde est possible. Cet enfant semble porter avec lui la possibilité d’un monde plus juste, plus fraternel, plus humain. Est-ce si dangereux qu’il faille cacher cela aujourd’hui ? Est-ce si révolutionnaire qu’il faille démonter les crèches élevées dans les espaces publics, peut-être simplement pour rappeler qu’aujourd’hui encore, il y a des exclus ; aujourd’hui encore, il y a besoin de fraternité, de justice, d’égalité, de paix ? Si un non-croyant, ne reconnaissant pas le Christ Jésus dans l’Enfant de la crèche, se met malgré tout à espérer que les choses peuvent changer, là devant ce tout-petit couché dans sa mangeoire, n’est-ce pas une raison suffisante pour élever des crèches une fois par an, même dans les lieux publics ? Si en voyant tous ces pauvres se regrouper autour d’un enfant, un seul homme se dit que cela vaut la peine de se bouger pour rendre le monde meilleur, alors la crèche a sa place dans nos cités. 
 
Peut-être que nos libres penseurs, plutôt que de se reconnaître dans les pauvres exploités, rejetés, qui trouvent là une espérance nouvelle, se reconnaissent plutôt dans le roi Hérode. Une lecture continue des textes évangéliques de la naissance de Jésus nous montre en effet ce roi ordonner la mort de tous les nouveaux nés mâles jusqu’à l’âge de deux ans. Il n’en voulait pas, Hérode, de crèche, dans son Royaume ! Trop dangereux pour son propre pouvoir. Si ses sujets se mettent à penser autrement, s’ils se mettent à croire en un enfant qui vient de naître, s’ils se mettent à espérer des lendemains meilleurs, que deviendra-t-il ? Plutôt que d’accepter que quelqu’un se soucie des hommes, fût-ce Dieu en personne, Hérode va éradiquer toute espérance par un assassinat de masse. A bas la crèche, et pour être sûr qu’elle n’échappe pas à son courroux, tuons gaiement et les enfants, et l’espérance qu’ils portent en eux. Sans nul doute un libre penseur avant l’heure, Hérode. Plutôt que d’accepter l’irruption de Dieu dans la vie des hommes, il va faire entrer la mort dans leur vie, de manière brutale et abjecte. Tout cela pour éviter de se remettre en cause ; tout cela pour rester le seul maître à penser, la seule autorité à suivre. 
 
En cette nuit de Noël, faut-il s’inquiéter parce que certains, les chrétiens, disent que Dieu est venu dans le monde pour le sauver ? N’est-ce pas plutôt la joie qui doit nous habiter en ces jours ? Alors que pour beaucoup d’hommes, de femmes et d’enfants, le monde devient de plus en plus lourd, voici qu’une lumière nouvelle se lève ; voici que l’horizon s’éclaire ; voici qu’un avenir est possible. Dieu, comme un petit enfant, vient nous dire son amour éternel, sa tendresse et sa sollicitude pour chacun. Puissent tous les hommes accueillir ce message de paix et d’amour. Puissent tous se réjouir qu’une crèche soit le signe de leur salut, aujourd’hui et toujours. Amen.
 
(Dessin d'Ixène. Merci au dessinateur pour ce que son dessin m'a inspiré)

samedi 20 décembre 2014

04ème dimanche de l'Avent B - 21 décembre 2014

Avec Marie, soyons attentifs à la Parole de Dieu.




Nous connaissons cette page d’évangile, par le cœur, avec le risque de ne plus l’écouter vraiment. Un ange vient chez Marie, lui annonce qu’elle sera la mère du Fils du Très-Haut, tout cela par l’œuvre de l'Esprit Saint en elle. Et Marie accepte. Si le résumé en est aisé, la compréhension m’en paraît plus compliquée tant ce passage mêle merveilleux et réalité. 
 
La réalité, c’est cette jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph. Y a-t-il chose plus réelle et plus banale à la fois que les fiançailles entre un homme et une femme ? Luc nous fait entrer dans une tranche de vie humaine toute simple. A le lire, à l’écouter, nous pouvons nous projeter dans cette ville de Nazareth, et planter le décor sans difficulté. 
 
Le merveilleux, c’est celui qui vient : l’ange Gabriel. Dans l’ordinaire d’une vie, voilà que se manifeste l’extra-ordinaire : il fut envoyé par Dieu. Dieu envoie un messager. Il est identifié : c’est l’ange Gabriel, comme pour lui donner plus de réalité. Ce n’est donc pas un rêve qu’elle fait, Marie. Ce n’est pas une hallucination qui nous est décrite. Par l’ange Gabriel, Dieu lui-même s’adresse à Marie. La réalité simple de la vie de Marie est rejointe par cette autre réalité que ne reconnaît que le croyant : Dieu vient et parle. Parce qu’il faut au minimum croire en Dieu pour passer de la belle histoire pour enfant sage à la réalité d’un Dieu qui vient à la rencontre de l’humanité pour lui révéler son projet d’amour. Il n’y a que celui qui est attentif, ouvert à la Parole de Dieu, qui peut accueillir cet évangile et reconnaître le passage de Dieu chez les hommes. Pour les autres, c’est tout au plus un beau conte. 
 
Ce qui me frappe, c’est que jamais il n’est dit que Marie est surprise de cette visite. L’évangéliste indique juste que Marie fut toute bouleversée à cette parole et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. Un ange vient, et c’est normal ! Quand l’humanité vit en accord avec Dieu, il n’y a rien de surprenant à ce que Dieu s’adresse ainsi aux siens quand l’envie lui en prend. Ceci nous en dit beaucoup sur la personnalité de Marie et sur son attachement à la foi de son peuple. Cette jeune fille si simple, à la vie si ordinaire, est attachée à Dieu, profondément. Elle sait que, par le passé déjà, Dieu est intervenu en faveur d’Israël son peuple, et qu’il continue de vivre avec son peuple. La visite d’un messager de Dieu ne la surprend pas tant que ses paroles. Dieu vient me voir ; c’est presque normal. Qu’il me parle ; rien d’extraordinaire. Ce qui surprend Marie, c’est ce que Dieu attend d’elle. D’où la longue explication de l’ange. Marie est choisie par Dieu, mais elle doit consentir à ce projet d’amour, parce que Dieu ne lui demande rien de moins que de l’aider à réaliser un grand mystère : celui de l’incarnation de son Fils. Marie, qui a accueilli Dieu dans son cœur, doit l’accueillir dans l’ordinaire de sa vie, dans la réalité de sa vie. Dieu n’est pas une idée que l’on peut avoir, c’est une personne à accueillir. La naissance de Jésus annoncera au monde ce que l’ange annonce ainsi à Marie. 

Parce que si nous lisons ce passage de l’Evangile de Luc au dernier dimanche de notre Avent, ce n’est pas seulement pour mettre en place toutes les pièces d’un puzzle qui se révèlera à Noël. C’est d’abord pour que nous comprenions, comme Marie, la réalité de la présence de Dieu dans notre vie, pour qu’à notre tour nous soyons capables d’accueillir Dieu au cœur de notre existence, dans la réalité de notre ordinaire à nous. Dieu ne peut rester une idée plus ou moins vague ; Dieu doit devenir pour nous aussi réalité. Pour accueillir le Fils de Dieu, il faut reconnaître l’existence du Père. Pour entrer dans le mystère de l’incarnation, il faut accepter au préalable le mystère de l’existence de Dieu et son désir de vivre une histoire singulière avec nous. De nombreuses représentations artistiques de l’Annonciation nous montrent Marie lisant les Saintes Ecritures, suggérant ainsi sa foi et son écoute de Dieu. Nous devons, à notre tour, entrer dans cette écoute fréquente de la Parole de Dieu pour être en mesure de répondre à ce que Dieu attend de nous, avec confiance et simplicité. 

Marie est donnée en exemple de ce que peuvent Dieu et l’homme quand ils avancent, main dans la main. Tout devient possible, et surtout le meilleur. Puisque Dieu ne s’adresse à nous que pour du mieux, pour plus de vie, plus de paix, plus de justice, plus de fraternité. Soyons attentifs à sa parole et ne craignons pas si nous trouvons grâce auprès de Dieu. Quand nous aurons compris ce que Dieu attend de nous, puissions-nous comme Marie lui répondre simplement : que tout advienne selon ta parole. Amen.

(Photo prise par l'auteur, Cathédrale de Budapest)

samedi 13 décembre 2014

03ème dimanche de l'Avent B - 14 décembre 2014

Avec Jean le Baptiste, témoignons de celui qui vient.




Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean. C’est ainsi que l’évangéliste Jean introduit dans son livre le personnage de Jean le Baptiste, personnage clé du temps de l’Avent. Dernier des prophètes, il est celui qui permet le passage de l’Ancien Testament vers le Nouveau Testament, reprenant l’enseignement de ses prédécesseurs et invitant à préparer le chemin pour le Seigneur. Car, pour Jean le Baptiste, c’est une certitude : le moment est venu pour Israël d’accueillir le Messie de Dieu si souvent annoncé et tant attendu. 
 
Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière. Témoin : c’est le grand qualificatif du Baptiste chez Jean l’Evangéliste. Le Baptiste est témoin de celui qui vient. En principe, on est témoin de quelque chose ou de quelqu’un que l’on connaît, que l’on a vu. Jean le Baptiste n’a pas encore vu Jésus, sauf éventuellement enfant puisqu’ils sont cousins. La mission de Jean le Baptiste précède celle de Jésus. Comment peut-il alors être déjà témoin ? Quand les prêtres et les lévites l’interrogent, il témoigne d’abord de lui, de qui il est ou plutôt de qui il n’est pas : il n’est pas le Christ, il n’est pas le prophète Elie, il n’est pas le Prophète annoncé. Il n’est qu’une voix qui crie dans le désert. Plutôt que d’être un témoin du Christ, il est plutôt un témoin de Dieu, un témoin du temps de la réalisation des promesses de Dieu. Son témoignage est de l’ordre du signe, du signal même au sens d’alarme. Il est plus que temps de se préparer parce qu’il est au milieu des hommes celui qu’ils ne connaissent pas. Nous pouvons sentir l’urgence de la prédication du Baptiste, et l’importance de se préparer à accueillir celui qui est annoncé. De Jésus lui-même, nous n’apprenons que sa venue prochaine et sa grandeur puisque Jean reconnaît qu’il n’est pas digne de délier la courroie de sa sandale. Ceux qui viennent à Jean pour en savoir plus sur lui ou sur le Messie, en sont pour leurs frais, du moins pour l’instant. Qu’importe qui est Jean le Baptiste, qu’importe même qui est le Messie : pour l’heure, une seule urgence : redresser le chemin du Seigneur. 
 
Etre témoin, en 2014, à la manière de Jean le Baptiste, c’est reprendre cette même urgence. Il s’agit bien, pour nous, de nous convertir, de nous préparer à accueillir quelqu’un que nous connaissons : le Christ Jésus. Il est venu dans le monde des hommes pour le sauver et nous attendons son retour. Peut-être tarde-t-il pour nous laisser encore le temps de nous préparer, pour nous laisser le temps de lui préparer la route. La route sur laquelle il vient marcher, c’est la route de notre cœur, la route qui nous mènera vers Dieu. Jésus vient à notre rencontre pour orienter notre vie vers la vie de Dieu ; Jésus vient à notre rencontre pour orienter notre espérance vers le salut de Dieu. Nous avons à être témoin pour nous-mêmes, en nous mettant en alerte, en restant éveillés. Mais nous avons aussi à être témoins pour les autres, afin que, nous voyant vivre, ils sentent se creuser en leurs cœurs le désir d’aller à la rencontre de celui qui vient. Nous avons à être témoins pour les autres de cette Bonne Nouvelle d’un Dieu qui vient sauver l’homme, tout homme, tout l’homme. Rien, de ce qui fait notre vie, n’est étranger au salut que Dieu propose. Rien, de ce qui fait notre vie, ne saurait échapper au salut. En rencontrant le Baptiste sur notre chemin d’Avent, nous sommes mis dans la peau de ces foules qui l’entendaient crier dans le désert. Que ferons-nous ? Comment réagirons-nous ? 
 
Paul ne se situe-t-il pas à la suite de Jean le Baptiste quand il nous invite à ne pas éteindre l’Esprit, à ne pas mépriser les prophéties, mais à discerner la valeur de toute chose ? Ceux qui viennent vers Jean le Baptiste pour l’interroger afin de mieux le cerner, ne sont-ils pas déjà en train d’éteindre l’Esprit ? A force de vouloir tout comprendre, à force de vouloir tout maîtriser, ils ne sont maîtres de rien ; ils étouffent en eux les appels de Dieu, ils étouffent en eux la volonté de salut qui est celle de Dieu pour eux. Si notre désir est bien de redresser le chemin du Seigneur, il nous faut découvrir sa volonté pour nous. Elle sera source de notre joie, source de notre liberté, source de notre accomplissement, tant il est vrai que Dieu ne veut que le meilleur pour nous. 
 
En nous plaçant résolument à la suite du Christ qui vient, en témoignant de celui qui vient à notre rencontre à la manière de Jean, nous n’aliénons pas notre liberté, nous gagnons notre grandeur, notre dignité de fils et de fille de Dieu. Le psalmiste l’a bien compris, lui qui nous fait chanter un extrait du Magnificat en ce dimanche. Oui, mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse… Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour. Puissions-nous, en ce temps de l’Avent, nous souvenir aussi des merveilles que Dieu fait pour nous et en être témoins. Amen.
 
(Gustave DORE, Jean le Baptiste prêchant dans le désert)

samedi 6 décembre 2014

02ème duimanche de l'Avent B - 07 décembre 2014

Avec Marc, vivons un vrai commencement.




Il y a des signes qui ne trompent pas ! Lorsque nous voyons l’agitation dans nos villes et villages pour l’installation progressive des lumières de Noël, des cabanes du Marché de Noël là où la tradition existe, nous savons que le temps est proche où nous allons entrer en Avent. Dans nos paroisses aussi, les équipes pastorales nous permettent de vivre ce temps de l’attente de manière à nous mener progressivement vers la joie de l’annonce d’une naissance, celle de notre Sauveur. Mais n’allons pas trop vite : le temps de la préparation n’est pas le temps de la réalisation. 
 
L’évangile que nous venons d’entendre laisse clairement entrevoir que quelque chose de neuf se prépare. Les premiers mots de Marc que nous venons de lire le rappellent avec force : Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, Fils de Dieu. 
 
Commencement : il s’agit bien de découvrir, dans nos vies souvent répétitives, que quelque chose de neuf peut advenir, qu’un commencement est toujours possible. Nos jours ne sont pas simplement une suite continue et sans fin de gestes, de moments, de phrases… à redire ou à revivre à l’infini. Nous sommes invités à vivre ce temps comme le commencement d’un moment ou d’une rencontre qui peut bouleverser notre vie. Ce commencement, dans l’évangile, est marqué par le rappelle d’une promesse ancienne, formulée jadis par le prophète Isaïe : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour ouvrir ton chemin. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Ce rappel ne nous ramène pas des siècles en arrière ; il est là pour nous dire que cette promesse trouve enfin sa réalisation, ici et maintenant. Je vous souhaite de pouvoir vivre ce commencement en chassant l’idée que ce n’est qu’un recommencement. Les années liturgiques se suivent et ne se ressemblent pas. Il n’y a pas de routine en pastorale. Il n’y a qu’un chemin que nous sommes invités à suivre, à frais toujours nouveau, à la rencontre du Christ. A frais toujours nouveau parce que nous changeons, nous évoluons, nous grandissons, nous mûrissons ! 
 
Commencement de la Bonne Nouvelle : ce commencement est une invitation à accueillir une Bonne Nouvelle. En ces temps de crise, voilà qui devrait nous réjouir. Le monde n’est pas foutu ; l’homme n’est pas perdu. Il y a du neuf sous le soleil ! Alors que notre monde semble gris, courant à sa perte, voilà qu’une Bonne Nouvelle nous sera annoncée. Et cette Bonne Nouvelle changera nos vies si nous savons l’accueillir. Ce temps de l’Avent est justement donné pour entendre l’annonce de cette Bonne Nouvelle que Dieu réalisera pour nous, et nous permettre d’en reconnaître les signes quand viendra le temps de la réalisation. Nous ne pouvons donc pas laisser passer ce temps de l’Avent sans rien faire, en pensant qu’aujourd’hui est comme hier, et que demain finalement ne changera rien. Au contraire, tout peut changer si nous entendons l’appel à la conversion que ce temps porte en lui. Tout peut changer si nous nous mettons à l’écoute de cette voix qui crie dans le désert. La prophétie d’Isaïe citée par Marc nous renvoie à cette autre prophétie d’Isaïe que nous avons entendue en première lecture : Voici votre Dieu ! Voici le Seigneur Dieu ! Il vient avec puissance. Comme un berger, il fait paître son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, il mène les brebis qui allaitent. Cette Bonne Nouvelle, c’est donc que Dieu ne se désintéresse pas de l’homme, qu’une alliance nouvelle est toujours possible. A nous de savoir lui préparer le chemin. 
 
Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, le Fils de Dieu. Dans un monde sécularisé, les interventions du religieux sont souvent mal perçues. Nous en avons eu des exemples encore récemment avec la visite du pape aux institutions européennes ou les attaques en justice quasi systématiques de la part de groupuscules minoritaires qui veulent même supprimer du paysage public toute manifestation particulière comme la mise en place d’une crèche dans une mairie ou un conseil général, au nom d’une laïcité érigée en religion, si ce n’est en dictature. Pourtant, la foi chrétienne porte en elle une originalité, celle d’un Dieu qui vient à la rencontre de l’homme. Cette particularité nous fait non seulement aimer l’humanité dans sa totalité, mais nous oblige à un engagement permanent pour que tout l’humain soit non seulement respecté, mais aussi stimulé. Si nous devons nous garder, avec raison, de tout prosélytisme, nous n’avons pas pour autant à mettre nos convictions dans la poche, avec un mouchoir dessus. Au cœur de nos pratiques, au cœur de notre engagement en faveur de l’Homme, il y a le Christ, celui qui vient sans cesse à notre rencontre, celui qui vient dans notre monde pour le sauver. Les temps de l’Avent et de Noël, que nous allons vivre successivement, nous rappellent l’éminente dignité de l’Homme que nous voulons servir à travers nos divers engagements. Chaque croyant, qu’il soit religieux ou laïc, est engagé dans ce même service qui met l’Homme au centre de nos préoccupations. La Bonne Nouvelle de Jésus Christ est annoncé partout où l’homme est respecté dans sa dignité, partout où l’homme est servi, partout où l’homme est appelé à grandir. Prions le Christ, Dieu fait homme, de mettre au cœur de toutes nos communautés ce désir de servir l’homme, ce désir de servir tout homme. La Bonne Nouvelle de Jésus Christ n’est bonne que parce qu’elle est partagée, largement, de sorte que personne ne reste enfermé dans sa misère, son désespoir, ses difficultés. 
 
Vivre ce commencement de l’Evangile ne se limite donc pas à vivre un nouveau temps. Vivre ce commencement, c’est accueillir le désir de Dieu lui-même de transmettre au monde une Bonne Nouvelle qui ne se paie pas de mots mais se vit en actes. Au moment où Dieu lui-même s’apprête à entrer dans le monde, ne désertons pas ce monde, mais rejoignons-le et proposons-lui de suivre avec nous le chemin qui mène au Christ, source du bonheur véritable. Nous ne vivrons plus seulement alors le commencement d’une Bonne Nouvelle ; nous aurons commencé le temps de sa réalisation très concrète dans la vie et le cœur des hommes. Amen.

samedi 29 novembre 2014

01er dimanche de l'Avent B - 30 novembre 2014

Avec le psalmiste, implorons Dieu : Fais-nous revenir !




Dieu, fais-nous revenir ! Tel est le cri du psalmiste en ce premier dimanche de l’Avent. Il semble en contradiction avec le cri du prophète Isaïe entendu en première lecture : Reviens, à cause de tes serviteurs. Et pourtant, ne s’agit-il pas d’un seul et même cri ?
 
Le prophète Isaïe, lorsqu’il lance vers Dieu son cri : Reviens, veut redonner du courage à son peuple. Tous les malheurs se sont abattus sur ce peuple à la nuque raide à cause de son péché. Nous avons encore péché, et nous nous sommes égarés. Tous, nous étions comme des gens impurs, et tous nos actes justes n’étaient que linges souillés. En appelant Dieu à l’aide, le prophète veut faire comprendre au peuple que tout n’est peut-être pas fini. Ce peuple qui n’a plus voulu de Dieu, qui s’en est débarrassé en acceptant d’autres dieux, qui se retrouve incapable d’assumer les conséquences de ses actes, ce peuple donc se rend compte de qui est Dieu pour lui : c’est toi notre père, nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l’ouvrage de ta main. Il  a conscience que Dieu s’est éloigné parce qu’il ne voulait plus de lui. N’aurions-nous pas fait pareil ? Reviens ! Ce cri du prophète est donc légitime. Nous avons l’habitude de l’entendre en temps de l’Avent. Oui, que Dieu revienne vers son peuple ; que Dieu habite à nouveau au milieu de son peuple ; et tout ira pour le mieux. 
 
Pourtant, si vous avez bien écouté le texte d’Isaïe, vous aurez pu entendre le prophète interroger Dieu en ces termes : Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? Et plus loin, il affirme : Tous, nous étions desséchés comme des feuilles, et nos fautes, comme le vent, nous emportaient. Si Dieu s’est retiré, le peuple s’est aussi égaré loin de Dieu. Son péché l’a éloigné de la loi de Dieu comme le vent emporte au loin les feuilles mortes détachées de l’arbre. C’est donc à lui aussi de faire effort pour revenir vers Dieu. D’où le cri du psalmiste : Fais-nous revenir ! Celui qui pousse ce cri a bien conscience qu’il lui faudra toute la puissance de Dieu pour qu’il puisse se convertir. Ce psaume 79, dont nous chantons un extrait en ce dimanche, rappelle tout ce que Dieu a fait pour son peuple : il en a pris soin comme on prend soin d’une vigne, il l’a sorti d’Egypte, l’a planté en bonne terre où il a pu s’épanouir. Mais un jour, Dieu a percé sa clôture. Désormais, tous les passants y grappillent en chemin ; le sanglier des forêts la ravage, les bêtes des champs la broutent. Peut-on dire mieux que cela qu’elle n’est plus rien, cette vigne de Dieu ? Le psalmiste reprend le cri du prophète : Dieu de l’univers, reviens, et le double d’un second cri, qui lui est semblable : Dieu, fais-nous revenir. Si Dieu doit à nouveau porter le souci de son peuple, il faut aussi que le peuple porte à nouveau le souci de son Dieu. On pourrait dire : Dieu et l’homme, même combat. Dieu aime son peuple ; il l’a maintes fois démontré dans le passé ; et le peuple aime son Dieu, même si quelquefois l’homme se montre ingrat. Dieu et l’homme, c’est une histoire d’amour sans cesse chahutée, sans cesse recommencée. Pour qu’elle soit solide, chacun doit revenir vers l’autre : le peuple doit revenir vers Dieu et Dieu doit revenir vers son peuple. Le cri du psalmiste : Fais-nous revenir, est touchant parce que l’homme y dit sa faiblesse, son incapacité à revenir vers Dieu par ces propres forces si Dieu ne le fait pas revenir par sa puissance. C’est un peu comme si nous disions à Dieu : aime-nous fort pour que nous puissions t’aimer un peu. Que ta main soutienne ton protégé, le fils de l’homme qui te doit sa force. Jamais plus nous n’irons loin de toi : fais-nous vivre et invoquer ton nom ! Comment dire mieux que l’homme tient tout de Dieu ? 
 
Reviens, et fais-nous revenir ! Ce cri en deux mouvements est notre cri en ce temps de l’Avent. Au début d’une nouvelle année liturgique, il nous permet de redire notre confiance en Dieu, notre désir de conversion, notre volonté de nous attacher à ce Dieu qui nous aime et qui vient toujours rencontrer celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de lui en suivant ses chemins. Il n’est pas de meilleur moyen de nous préparer à accueillir celui que Dieu envoie. Dieu, fais-nous revenir, que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés ! Puisse notre demande devenir notre réalité. Amen.


(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)
 

samedi 22 novembre 2014

Christ, Roi de l'univers - 23 novembre 2014

Le frère et le service comme sacrement du Christ.




Il y a un risque certain avec ces paraboles que nous connaissons sur le bout des doigts, et ce risque est celui de passer à côté d’un détail, parce que nous n’écoutons que d’une oreille distraite un texte dont nous pensons tout savoir. C’est particulièrement vrai avec cette parabole du jugement dernier rapporté dans l’évangile de Matthieu.  C’est la dernière parabole de Jésus avant que ne commencent les événements de la Passion. Elle termine tout un ensemble de paraboles sur le Royaume et le jugement à venir. En ce sens, elle devient comme le résumé de ce long discours de Jésus, comme ce qu’il faut en retenir absolument. 
 
L’histoire, en elle-même, ne pose pas de problème de compréhension. Jésus, présenté comme le Fils de l’Homme, vient pour prononcer le jugement sur toutes les nations. Il effectue pour cela une séparation qui est loin d’être arbitraire : d’un côté, les brebis, les bénis du Père, ceux qui ont vécu selon l’esprit de l’Evangile ; de l’autre, les chèvres, les maudits, ceux qui n’auront vécu que pour eux. 
 
Saint Matthieu note la surprise des deux camps à l’énoncé du jugement ; surprise identique de surcroît : quand, Seigneur, t’avons-nous vu ? Et c’est là que les choses se compliquent. Si la parabole s’adresse uniquement à des croyants, il est difficile de comprendre comment certains peuvent être ainsi surpris, puisqu’ils avaient en main, à travers l’Evangile et le témoignage des communautés, tout ce qu’il fallait pour bien se préparer à ce jour, pour reconnaître ce qu'ils avaient à faire durant leur vie pour échapper à la sévérité du jugement. Le croyant aurait reconnu de suite le Christ et n’aurait pas manifesté de surprise. De plus, comment comprendre que des croyants au Christ puissent n’être pas sauvés ? Il n’y aurait donc pas d’automaticité en matière de salut ? Le simple fait d’être baptisé ne procurerait donc pas automatiquement le salut ? 
 
C’est là que les petits détails ont leur importance. Certes, cette parabole, Jésus l’adresse à ses disciples ; mais dans la parabole, il ne parle pas que de ses disciples. Il parle bien de toutes les nations. On peut donc en conclure que cette parabole s’adresse à tous, quelle que soit leur origine, leur foi ou leur non foi d’ailleurs. Et si la parabole s’adresse bien à toutes les nations, nous avons alors une nouvelle clé de lecture. Tous les peuples de la terre sont rassemblés devant le Christ, qu’ils aient pu connaître ou non, sa parole de vie. Et tous les hommes, quelles que soient leurs opinions religieuses, sont jugés sur le même critère : non pas sur ce qu’ils auront dit ou pas de Dieu, de Jésus et de l'Esprit Saint, mais sur ce qu’ils auront vécu, concrètement, au jour le jour : l’attention et le partage envers les plus pauvres. Sans le savoir, nous dit cette parabole, les hommes, qu’ils aient connu ou non le Christ, mais qui ont passé leur vie à se mettre au service des autres, ont en fait servi le premier de tous, le Christ lui-même, présent au cœur de la vie de tout un chacun. Le frère et le partage deviennent les sacrements du Christ, les signes de sa présence dans le monde, les signes de sa présence en tout homme. Ce n’est peut-être pas pour rien que l’Eucharistie est le sacrement qui fait l’Eglise puisque elle est le lieu où Dieu se donne, où Dieu se partage dans la Parole et le Pain rompu, nous invitant à faire de même avec chacun de ceux que nous croisons. Il n’y a de vie de foi que partagée et donnée ; il n’y a de vie véritablement humaine que partagée et donnée. 
 
Croyants, nous sommes donc concernés par cette parabole, faisant partie nous aussi de cette multitude qui attend son jugement. Notre seule appartenance à l’Eglise de Jésus Christ ne suffit pas. Certes, c’est la foi en Jésus, mort et ressuscité, qui nous sauve ; mais, autant Paul que Jacques nous rappellent, à la suite du Christ Jésus, que notre foi nous engage et nous donne une responsabilité envers nos frères. Le baptême ne nous dispense pas de vivre notre foi au quotidien, bien au contraire. Reconnaître le Christ, Roi de l’univers, c’est reconnaître que tout pouvoir sur terre est d’abord service, puisque lui, le premier, a ouvert ce chemin, puisque lui nous a assuré de sa présence au cœur du monde, au cœur de notre vie. Le service du frère ne peut donc en aucun cas être optionnel. Il est une conséquence de la foi que nous proclamons. Dire sa foi, c’est bien sûr la proclamer dans les symboles de foi ; mais c’est aussi et surtout la proclamer par notre vie conforme à l’esprit des mots que nous proclamons. 
 
Que cette Eucharistie, partagée entre tous, nous rappelle toujours que dans le Royaume annoncé par Jésus, le plus grand est celui qui se met au service de ses frères, dès maintenant, dès ici-bas, pour la gloire de Dieu et le salut de tous. AMEN.
 
(Image de Jean-François KIEFFER, Mille images d'évangile, éd. Presses d'Ile de France)

vendredi 14 novembre 2014

33ème dimanche ordinaire A - 16 novembre 2014

Dans l'attente du retour du Christ, risquons !




Ta mort, Seigneur, nous la rappelons. Amen. Ta sainte résurrection, nous la proclamons. Amen. Ton retour dans la gloire, nous l’attendons. Amen. J’aurais pu vous chanter n’importe quelle anamnèse bien écrite, vous auriez entendu ces trois termes : la mort de Jésus et sa résurrection comme cœur de notre foi, et l’attente de son retour comme cœur de notre espérance. En un chant bref, après le récit de l’institution eucharistique, l’assemblée des croyants proclame ce qui est essentiel pour comprendre notre foi. Jésus a donné sa vie pour nous, Dieu l’a ressuscité et nous attendons qu’il revienne comme il l’a promis. De ces trois termes, l’un a rapidement posé problème quant à sa réalisation : celui du retour du Christ.
 
Il faut se mettre dans la peau des premiers chrétiens. Jésus avait dit à ses disciples, au soir de sa mort : Je pars vous préparer une place. Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. Cette promesse, beaucoup en attendaient la réalisation immédiate. Bon, on voulait bien attendre un peu, mais pas trop. Et quand Jésus tarde, quand certains de ses témoins viennent à mourir, la question du retour de Jésus se fait plus urgente : quand Seigneur ? Mais poser la question en termes de date, c’est faire fausse route. C’est ce qu’affirme Paul : Frères, au sujet de la venue du Seigneur, il n’est pas nécessaire qu’on vous parle de délais ou de dates. Vous savez très bien que le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit. Ce n’est pas la date qui importe. Qu’il revienne dans dix jours ou dans cent ans, là n’est pas l’important. Ce qui compte, c’est notre attitude, notre capacité à être prêt au bon moment. Pour reprendre Paul encore, ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres.
 
Être vigilant, c’est se tenir toujours prêt, pour ne pas se laisser surprendre. Etre vigilant, c’est travailler en vue de ce retour du Seigneur, comme la maîtresse de maison dont parle le livre des proverbes. L’éloge qui en est fait vient rappeler le but que se fixe cette femme : le bonheur et le bien-être de sa maisonnée, chaque jour ! Ainsi devrait-il en être du croyant qui attend son Sauveur : chaque jour, il devrait veiller au bonheur et au bien-être de ceux qu’il rencontre afin que tous soient prêts à accueillir le Seigneur le moment venu. Avec Jésus, il s’agit d’être au bon endroit, au bon moment. 
 
La parabole que raconte Jésus ne dit pas autre chose. Elle peut nous sembler choquante tant elle fait l’éloge de ceux qui ont réussi financièrement. Mais ce n’est pas tant ce détail qui doit retenir notre attention que l’attitude du Maître et de chacun de ces serviteurs. Le Maître part en voyage et confie ses biens en gestion à ses serviteurs, à chacun selon ses capacités. Petite remarque importante, car le Maître connaît le cœur de ses gens ; il sait ce qu’il peut leur confier et combien il peut donner à chacun ; il sait ce qu’il peut attendre de chacun. C’est un homme profondément juste, attaché à ses serviteurs, respectueux de ce qu’ils sont et de ce qu’ils peuvent. Il ne leur tend pas un piège, il ne se moque pas d’eux ; au contraire, il veut leur faire confiance en mettant entre leurs mains ses propres biens. Ce qu’il confie, ce n’est pas rien : un talent équivaut à 26 kg d’or ou d’argent ! Une vraie fortune ! Oui, c’est bien du respect et une immense confiance qu’il leur manifeste ainsi. 
 
Le maître parti, deux serviteurs s’en vont aussitôt faire valoir ce qu’ils avaient reçu. Nous ne savons pas ce qu’ils font, mais nous apprendrons plus tard qu’ils ont doublé leur capital. Sans doute ont-ils risqué gros ! De telles sommes ne se gagnent pas du jour au lendemain, et surtout pas sans risque : ce n’est pas le placement pépère de la banque du coin ! Le troisième serviteur a une réaction différente : il va creuser la terre et y cacher l’argent de son maître. Il a bien conscience de ce que représente une telle somme, et ne veut sans doute pas se faire voler. 
 
Le Maître, à son retour, demande des comptes : il avait confié un bien à chaque serviteur : l’heure est venue de le restituer. Les deux premiers rendent le dépôt avec le surplus gagné et sont accueillis par le maître avec joie. Ils ont su risquer ; ils sont  récompensés, de la même manière : ils partageront la joie du Maître. Le troisième serviteur rend simplement ce qui lui avait été confié et se trouve condamné. Cela peut  nous paraître surprenant, le Maître n’ayant jamais posé de condition au moment du dépôt. Jamais il n’a dit qu’il fallait en rendre plus. Alors pourquoi cette sévérité ? Parce que l’homme a été paresseux et peureux : il n’a pas osé, par peur de son maître. Non seulement, il se fait une idée fausse de celui-ci (c’est un homme dur qui moissonne là où il n’a pas semé, qui ramasse le grain là où il ne l’a pas répandu), mais en plus, ce qu’il fait est illogique, puisqu’il ne va même pas placer l’argent de son maître à la banque. Il n’a même pas un sou de bon sens. Il s’est en fait jugé lui-même par sa façon de réagir. 
 
Cette parabole est donc un avertissement. Comme il en va de ses serviteurs, ainsi en sera-t-il de chacun de nous : une vie nous est donnée ; des talents nous sont confiés. Viendra le jour où il faudra rendre des comptes. Qu’as-tu fait de ta vie ? Qu’as-tu fais de ce que Dieu t’a confié ? As-tu utilisé ces talents pour le bonheur et le bien-être de tes frères ? As-tu eu peur et t’es-tu caché ? Dieu ne nous demande pas de réussir à tous les coups mais de savoir risquer : risquer une parole de paix là où les hommes s’opposent ; risquer des gestes d’amitié là où la guerre l’emporte ; risquer de croire là où la méfiance prolifère ; risquer d’aimer là où grandit la haine ; risquer de vivre là où la mort veut avoir le dernier mot. Risquer, et croire que Dieu est avec nous et qu’il récompensera notre audace. Risquer, et entraîner les autres à faire de même pour faire grandir ce monde de justice et de paix auquel nous aspirons. Risquer de vivre et ne pas se contenter d’une vie tranquille, au coin du feu, où l’on ne dérange personne et où personne ne nous dérange. La foi nous pousse à prendre des risques… au risque de nous perdre si nous refusons de vivre. On ne peut pas être croyant et attendre simplement et sagement que le temps passe, et que vienne enfin ce jour de Dieu. C’est à chacun de faire ce qu’il peut afin de hâter la venue du jour de Dieu par des actes conformes à la volonté du Père. Nous n’échapperons pas à la nécessité de vivre en conformité avec notre foi ; nous n’échapperons pas à l’urgence de développer un art de vivre en accord avec notre foi. Il ne peut pas y avoir la vie ordinaire du lundi au samedi, et la vie de foi réservée au dimanche. Le croyant au Christ est un être unifié tout au long des jours, ou il n’est pas. A tout le moins doit-il essayer d’unifier sa vie. 
 
J’aime bien finalement cet Evangile parce qu’il m’oblige à me mettre en mouvement ; il m’oblige à bouger pour la cause de Jésus et la cause des hommes. Grâce à cet Evangile, je ne peux plus considérer ma vie de foi comme quelque chose de mou, comme une vie passée à attendre que le temps s’écoule et que Jésus enfin vienne. A chacun donc de s’observer, de découvrir le talent que Dieu lui a confié et de se mettre en devoir de le faire fructifier. Il est temps de chasser la peur de notre vie ; il est temps de prendre des risques. Amen.
 
(Dessin de Jean-François KIEFFER, Mille images d'Evangile, éd. Presses d'Ile de France)

samedi 8 novembre 2014

Dédicace du Latran - 09 novembre 2014

Une fête pour toute l'Eglise.




Que célébrons-nous aujourd’hui, en fêtant la dédicace de la Basilique de Saint Jean de Latran ? Et d’abord, pourquoi sommes-nous invités à marquer le jour anniversaire de la cathédrale du Pape, la première de toutes les églises ? Trois raisons me semblent justifier le choix de l’Eglise de faire de ce jour, un jour de fête pour toute l’Eglise. 
 
Célébrer la dédicace de la Basilique du Latran, en nous tournant vers Rome, nous rappelle d’abord que notre Eglise est apostolique, ou elle n’est pas ! C’est-à-dire qu’elle repose sur les Apôtres, et en particulier sur le ministère de Pierre dont le pape est le successeur. S’unir à lui, en cette fête, c’est reconnaître son ministère d’unité, reconnaître que nous sommes de cette Eglise qu’il conduit depuis deux ans à la rencontre du Sauveur. C’est dire aussi à Dieu notre reconnaissance pour celui qu’il a choisi et qui nous redit toujours la Bonne Nouvelle du salut. Notre communauté, ici réunie, n’est vraiment une partie de l’Eglise qu’en tant qu’elle est unie au pape : c’est la raison pour laquelle la prière eucharistique fait mention de son nom, toujours. Appartenir à cette Eglise qui repose sur les Apôtres, c’est reconnaître la place toute particulière que tient le successeur de Pierre et son rôle irremplaçable dans l’Eglise. 
 
Célébrer la dédicace de la Basilique du Latran, c’est aussi affirmer que notre Eglise est catholique, c’est-à-dire ouverte à l’universalité. Si l’Eglise n’est pas catholique, elle n’est qu’un groupe replié sur lui-même, un parti de gens qui s’assemblent parce qu’ils se ressemblent. Or l’Eglise que Dieu suscite est appelée à s’ouvrir à tous et à devenir la communauté de tous les hommes en Christ. Notre communauté ici réunie n’est pas toute l’Eglise ;  elle n’en est qu’une partie infime. Les difficultés qu’elle peut rencontrer ne sont pas les difficultés de toute l’Eglise. Dire que l’Eglise catholique va mal, parce que l’Eglise  dans un pays donné rencontre des difficultés, revient à nier son caractère catholique. La catholicité doit nous permettre de tirer partie de l’expérience des autres communautés catholiques répandues par le monde pour répondre toujours mieux et de manière nouvelle aux appels de l’Esprit Saint. En nous tournant aujourd’hui vers Rome, nous sommes renvoyés aux quatre coins du monde pour découvrir comment d’autres peuples vivent de l’Evangile. De toutes ces communautés, nous avons à être solidaires. Cathédrale de l’évêque de Rome, la Basilique du Latran est le signe de la communion de toutes les Eglises entre elles. Elle est aussi l’église de tous les chrétiens catholiques, quel que soit leur pays d’origine. A Saint Jean de Latran, chaque chrétien catholique est chez lui. 
 
Célébrer la dédicace de la Basilique du Latran nous rappelle enfin que notre Eglise ne se limite pas aux belles constructions de pierres. Notre Eglise, c’est d’abord un peuple vivant, un peuple de pierres vivantes. C’est ce que proclame l’oraison de la fête : Dieu qui choisis des pierres vivantes pour bâtir la demeure éternelle de ta gloire, fais abonder dans ton Eglise les fruits de l’Esprit que tu lui as donné. C’est aussi ce que Paul redit avec force aux chrétiens de Corinthe : Frères, vous êtes la maison que Dieu construit… N’oubliez pas que vous êtes le Temple de Dieu et que l’Esprit habite en vous. Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira ; car le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous ! 
 
Par notre baptême, nous sommes devenus temple de Dieu, appelés à lui rendre hommage par toute notre vie. Par notre baptême, nous sommes devenues les pierres vivantes de son Eglise, ayant à cœur de faire vivre et grandir cette Eglise du Christ. Nous avons tous à prendre une part active dans ce travail jamais terminé. Cela passe aussi par un service rendu à toute la communauté : accompagner des enfants vers un sacrement, prendre une part active à la liturgie dominicale dans le service de l’autel, le service des lecteurs ou le service du chant.  C’est encore veiller au domaine caritatif et social afin que personne ne manque de rien.  C’est enfin veiller à donner à l’Eglise les moyens matériels et financiers dont elle a besoin pour continuer l’œuvre du Christ dans le monde de ce temps. Il revient à chaque baptisé de faire ce dont il est capable pour que notre communauté soit véritablement une communauté de frères, vivants de l’Esprit du Ressuscité. 
 
Une Eglise apostolique, une Eglise catholique, une Eglise portant toujours le souci de vivre et de grandir : voilà ce que nous célébrons en ce jour de fête. Nous sommes tous concernés, nous sommes tous responsables de ce que nous vivons ou ne vivons pas, ensemble, en Eglise. Puisse cette eucharistie nous redonner force et courage dans cette marche qui nous conduit à la Jérusalem céleste, unique Eglise du Christ, où Dieu sera enfin tout en tous. Amen.
 
(Basilique St Jean de Latran, Rome)

samedi 1 novembre 2014

Tous les fidèles défunts - 02 novembre 2014

Dieu a détruit la mort pour toujours.




Le jour viendra où le Seigneur, Dieu de l’univers, (…) détruira la mort pour toujours. Les disciples qui ont fui au moment du procès de Jésus, saint Jean et les femmes au pied de la croix, se sont-ils souvenus de cette promesse de Dieu formulée par le prophète Isaïe ? Nous souvenons-nous de cette promesse lorsque la mort nous frappe par le départ de nos proches ? 
 
J’essaie d’imaginer ce qui pouvait passer par la tête de Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques et Salomé, lorsqu’elles se rendent au tombeau une fois le sabbat terminé. Ont-elles seulement pu vivre les fêtes de la Pâque juive comme les autres années, ou la douleur de la mort violente de Jésus a-t-elle pris le pas sur ce qui aurait dû être la joie de la fête, la joie de la libération ? Lorsque nous les croisons sur la route qui mène au tombeau, elles semblent n’avoir qu’une question : Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? Pourquoi n’y ont-elles pas pensé avant, et demandé à l’un ou l’autre Apôtre de les accompagner ? Visiblement, elles sont encore toutes bouleversées par les événements vécus. Elles en perdent leur bon sens ; elles sont comme dans un autre monde. Alors imaginez ce que cela a dû être pour elles lorsque, arrivant au tombeau, elles voient celui-ci ouvert ! Imaginez encore leur surprise devant le tombeau vide du corps de Jésus et occupé par un jeune homme vêtu de blanc. Même si elles connaissaient la prophétie d’Isaïe, même si elles avaient entendu Jésus dire qu’il ressusciterait, je doute qu’à ce moment précis toutes les pièces se soient mises en place d’elles-mêmes. D’ailleurs, nous dit saint Marc, elles furent saisies de peur. 
 
N’est-ce pas la peur qui nous saisit aussi quand nos proches s’endorment du sommeil de la mort ? Peur de l’avenir, peur de la solitude à affronter, peur des questions qui pourraient surgir. Nous ne savons que rarement comment réagir face à la mort. Nous avons beau savoir que toute vie doit finir, nous avons beau savoir que la mort fait partie de notre vie, quand elle survient, elle ouvre des abîmes de doute, de questions, de peur. C’est à ce moment-là que l’Eglise nous fait réentendre les promesses de Dieu. Le jour viendra où le Seigneur, Dieu de l’univers préparera pour tous les peuples un festin sur sa montagne. Il enlèvera le voile de deuil qui enveloppait tous les peuples… Il essuiera les larmes sur tous les visages. Oui, Dieu vient consoler son peuple, Dieu vient nous consoler dans ces moments difficiles. Ce jour de commémoraison de tous les fidèles défunts fait partie de ces jours de consolation, de ces jours où il est bon de réentendre que notre vie, même si elle marquée par la mort, a un sens profond et un but autre que le néant du tombeau. Ce jour de prière pour tous nos défunts nous permet de garder la mémoire de nos disparus et de vivre un moment de communion avec eux. A vue humaine, ils sont morts, ils ne sont plus là ; mais dans la foi, nous pouvons les découvrir vivants pour toujours. 
 
Comme l’affirme Paul dans sa lettre aux Romains, ni la mort ni la vie, ni les esprits ni les puissances, ni le présent ni l’avenir, ni les astres, ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur. Nous demeurerons en Dieu pour toujours puisque Jésus, celui que les hommes ont fait mourir en croix, est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous. Avec un tel avocat, qui pourrait être condamné ? Avec un tel avocat, qui ne pourrait pas être sauvé ? N’a-t-il pas donné sa vie pour tous ?  
 
Au cœur de ce jour si particulier, c’est bien le message de la résurrection qu’il nous faut entendre. Alors que le monde va entrer dans l’hiver, cette période où même la nature semble mourir, il est bon de se souvenir que la vie, en Jésus, a toujours le dernier mot. Les promesses de Dieu ne s’annulent pas dans la mort puisque Jésus a vaincu la mort ; il a repoussé les frontières de la vie. Désormais, la vie, c’est en grand ; désormais la vie, c’est pour toujours, même par-delà la mort. Lorsque vous faites vos visites au cimetière, ce n’est pas à la terre que vous parlez ; ce n’est pas une pierre tombale qui reçoit vos confidences ou accueille vos prières : ce sont ceux et celles qui reposent là et qui veillent sur vous d’auprès de Dieu. Alors que le monde s’enfonce dans la nuit et le froid, le message d’une vie plus forte que la mort vient réchauffer nos cœurs et donner un nouvel espace à notre foi. Il y a une vie au-delà de la mort ; il y a LA vie, pour toujours, pour celles et ceux qui reconnaissent en Jésus leur Sauveur, leur Seigneur et leur Dieu. Puisque rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus, Jésus devient le lien entre nous, vivants de la terre et ceux qui désormais vivent en Dieu. 
 
Même si en ce jour nous faisons mémoire de tous nos défunts, réjouissons-nous : Dieu vient nous consoler et nous assurer que ceux que nous avons aimés ont une place auprès de lui. Son amour est plus fort que la mort. Son amour a détruit la mort pour toujours. Dès lors, que notre amour ne soit pas sans espérance, que notre amour ne trébuche pas sur les pierres de nos tombeaux. Christ est vivant, ressuscité ; à notre tour, nous serons vivants pour toujours ; à notre tour, nous ressusciterons. C’est bien plus qu’une promesse, c’est réalité en Jésus Christ. Amen.
 
(Photo prise à Dublin, Garden of remembrance)

vendredi 31 octobre 2014

Toussaint - 01er novembre 2014

La sainteté a-t-elle un présent ?





Toussaint : voilà une fête qui ne fait pas grand mystère de ce qu’elle célèbre : son nom dit déjà tout. Tous les saints, pris dans une seule célébration. Une fête au confluent du passé et de l’avenir. 
 
Une fête qui nous vient du passé, puisque ceux que nous célébrons aujourd’hui sont déjà morts ; ils sont déjà en Dieu. Les jours de nos années n’étant pas extensibles à volonté, chaque époque ayant ses propres saints, chaque pape le souci d’en proclamer de nouveaux (François a déjà dépassé en nombre de saints créés son glorieux successeur, saint lui-même !), une année ne suffit pas à célébrer chacun. Entre les nouveaux entrants et les anciens oubliés, il fallait bien une fête pour les célébrer tous, afin de ne fâcher personne. On peut voir les choses ainsi. Cette fête nous rappelle surtout que le passé de l’Eglise n’a pas été que marqué par l’Inquisition et les Croisades, et que beaucoup de bien s’est fait par l’intermédiaire de ceux et celles qu’elle porte sur les autels. Le message de l’Evangile a été vécu sans relâche depuis que Jésus a prêché sur les bords du lac de Galilée jusqu’à aujourd’hui. Pas une époque qui n’ait ses saints ; pas un continent, pas un pays,  où l’Evangile a été proclamé qui n’ait un glorieux ancêtre dans la foi. Cette fête a de quoi nous réjouir, même en ces temps moroses. Tant d’hommes et de femmes connus ou oubliés qui ont vécu une vie chrétienne exemplaire, capable de nous guider nous-aussi à la rencontre du Christ. Tant d’hommes et de femmes et d’enfants qui sont autant de chemin vers Dieu, autant de routes de sainteté. Nous aurions mauvaise foi de dire que nous ne trouvons pas la nôtre. Parmi les saints et les saintes, il y a des enfants, des pères et mères de familles, des religieux et des religieuses, des papes, des évêques, des prêtres, des diacres, des laïcs consacrés, des chrétiens de base : bref, chacun de nous, dans la situation qui est la sienne, peut se trouver un modèle, ancien ou plus récent, pour le guider vers Dieu. 
 
La fête de la Toussaint a donc aussi un avenir. Si tant d’hommes et de femmes, croyants au Christ, ont été reconnus par l’Eglise comme d’authentiques témoins de la foi, c’est aussi pour nous rappeler que nous sommes appelés à la sainteté, nous aussi ! Les derniers saints créés sont bien des contemporains : qui n’a pas connu Jean-Paul II, pour ne citer que lui ? Si c’est une fête qui marque le passé de l’Eglise, elle dit aussi son avenir : la sainteté n’est pas épuisée par celles et ceux qui ont été reconnus comme tel. Il y a toujours de la place pour les saints de demain. La sainteté est notre destinée à tous. N’est-ce pas ce que proclamera la prière après la communion ? Dieu qui seul es saint, toi que nous admirons et adorons en célébrant la fête de tous les saints, nous implorons ta grâce : quand tu nous auras sanctifiés dans la plénitude de ton amour, fais-nous passer de cette table, où tu nous as reçu en pèlerins, au banquet préparé dans ta maison. C’est ce que nous espérons ; c’est ce que nous demandons dans la prière de ce jour : que nous aussi connaissions un jour la joie d’être à la table de Dieu dont notre autel est une préfiguration. 
 
Si donc la Toussaint a un passé et un avenir, il reste une question : a-t-elle un présent ? Est-elle une fête pour aujourd’hui aussi ? Pour moi, la réponse est oui. Mais pour qu’il en soit ainsi, il faut que nous ayons conscience que la sainteté n’est pas une récompense pour plus tard, mais un état d’esprit, un art de vivre aujourd’hui. Nous sommes tous saints par notre baptême. Paul nous l’a encore redit dans la deuxième lecture : Voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous  comblés : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes. Dès aujourd’hui ! Et si nous sommes enfants de Dieu dès aujourd’hui, c’est donc que nous sommes saints dès maintenant, appelés à vivre dès maintenant cette sainteté qui nous vient de Dieu, par grâce. La sainteté n’est décidément pas un hochet pour enfant sage ; elle est notre condition commune, nous invitant à vivre chaque jour, dès maintenant, ce don que Dieu nous fait en nous reconnaissant comme siens. C’est chaque jour de notre vie terrestre que nous avons à vivre en fidèles du Christ Jésus ; c’est chaque jour que nous devons faire briller notre auréole, et pas que sous les bras. Etre saint, c’est notre vocation, dès ici-bas. Etre saint, c’est notre condition commune. 
 
Si la Toussaint nous donne de nous réjouir de nos glorieux anciens, si elle nous permet d’entrevoir la gloire qui nous est promise, elle nous tourne donc aussi vers notre baptême, vers l’appel que nous avons reçu de Dieu pour vivre nous aussi comme lui : Soyez saints comme Dieu est saint. Tel est l’appel de Dieu dès l’Ancien Testament. Réjouissons-nous pour celles et ceux qui ont répondu à cet appel, par toute leur vie. Et stimulons-nous à les imiter dès maintenant ; ainsi le Royaume espéré deviendra réalité visible pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore Jésus Christ. N’est-ce pas le meilleur moyen de répandre l’esprit des béatitudes ? Bonne fête à chacun de nous qui essayons, à travers des vies chaotiques, de vivre l’Evangile du Christ et d’y rester fidèles, sincèrement. Amen.

(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)

vendredi 24 octobre 2014

30ème dimanche ordinaire A - 26 octobre 2014

L'amour véritable.




S’il nous fallait choisir une seule phrase de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, ce serait assurément ce double commandement qu’il livre aujourd’hui à ses contradicteurs qu’il nous faudrait retenir. L’amour de Dieu et du prochain, irrémédiablement lié, éternellement associé. Depuis que Jésus a été interrogé sur le cœur de la Loi, nul ne peut ignorer qu’il s’agit, dans un même mouvement, d’aimer Dieu et le prochain. Et pour ceux qui n’auraient pas tout compris, saint Jean, dans l’une de ses lettres, enfonce le clou en proclamant : Celui qui dit qu’il aime Dieu qu’il ne voit pas et qui n’aime pas son frère qu’il voit, celui-là est un menteur ! Il nous faut donc tenir pour acquis que notre amour de Dieu se vérifie dans l’amour des frères, et que notre amour des frères renforce notre amour de Dieu. 
 
Faisons un pas de plus. A l’origine de l’amour, il y a Dieu. J’aime à le croire. Et ma conviction en est renforcée chaque fois que je vois les hommes incapables d’aimer par eux-mêmes. Je parle là de cette qualité d’amour qui nous fait accepter l’autre tel qu’il est ; cette qualité d’amour qui me pousse au pardon lorsque l’autre me blesse ; cette qualité d’amour qui me permet de comprendre que l’autre n’est pas mon objet, ma possession, mais un être libre, avec son histoire propre, ses qualités et ses défauts. Nos réflexes humains nous poussent le plus souvent à aimer qui nous aime, le temps qu’il nous aime ou qu’il nous plaît, et à ignorer l’autre le jour où il nous blesse, ou simplement parce qu’il ne correspond plus à ce que nous avions entrevu ou imaginé à son sujet. Mais là n’est pas le véritable amour. Pour apprendre comment aimer, il me faut regarder vers la source de l’amour. Rien ne vaut alors la fréquentation des textes bibliques, qui ne sont finalement que la mise en page de l’amour immense de Dieu pour nous. De la première aube jusqu’à la fin des temps, Dieu aime passionnément l’humanité. Toute la Bible en témoigne. C’est l’amour de Dieu qui est créateur ; c’est l’amour de Dieu pour l’humanité qui suscite les patriarches, les rois et les prophètes. C’est l’amour de Dieu pour l’humanité qui engendre le Christ en Marie, offrant au monde la Source du salut en cet enfant, Dieu fait homme. C’est l’amour de Dieu pour l’humanité qui se livre sur la croix, alors que tous, croyants et païens, rejettent ce Dieu Sauveur, venu annoncer aux hommes qu’ils sont faits pour vivre ! C’est encore l’amour de Dieu pour l’humanité qui ressuscite ce Fils unique et propose à tout homme qui croit en lui d’être libéré à son tour du mal et de la mort. Il n’y a pas de place, en Dieu, pour la vengeance, l’humiliation, la revanche. Seul l’amour est vrai. Seul l’amour donne vie. Et c’est à cet amour-là que nous sommes invités à nous conformer ; c’est de cet amour-là dont parle Jésus ; c’est cet amour-là qu’il nous invite à vivre. Un amour qui est de toujours et pour toujours. 
 
L’amour devient ainsi comme la marque de fabrique du croyant. Jésus le dira à ses disciples : C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que le monde saura que vous êtes mes disciples. Non pas que nous soyons meilleurs que les autres, mais nous avons, perpétuellement devant les yeux, et au plus profond de notre cœur, l’exemple de Jésus qui nous a aimés jusqu’à donner sa vie pour nous. Comment, ayant bénéficié d’un tel amour, ne pas chercher à en faire bénéficier d’autres ? Si notre baptême nous configure bien au Christ Sauveur, nous avons reçu de lui ce qui est nécessaire pour vivre et aimer comme lui. N’est-ce pas son Esprit qui habite en nous ? N’est-ce pas son Esprit qui nous fait vivre ? Peut-être nous faut-il revenir à la source même de notre baptême pour y puiser la force d’aimer ! Et si notre amour est quelquefois défaillant, nous pouvons puiser encore à la source du pardon que Dieu nous offre, pour goûter ainsi à la joie qu’il y a d’être aimé, malgré nos faiblesses. Nous pouvons aussi nous approcher de la table de l’Eucharistie où Dieu rend actuel le sacrifice de son Unique : nous pouvons recevoir ici la vie même de Dieu et faire mémoire de son amour pour nous. Nous le voyons : Dieu nous demande d’aimer comme il aime, parfaitement. Mais il nous donne aussi, à travers ses sacrements, les moyens nécessaires pour vivre et faire grandir un tel amour. Dieu ne nous demande rien d’impossible ! Agissant pour nous dans ses sacrements, il éveille en nous la possibilité d’aimer vraiment. 
 
Rassemblés pour célébrer l’Eucharistie, nous pouvons rendre grâce pour ce que l’amour de Dieu réalise pour nous chaque jour ; et nous pouvons faire nôtre l’exclamation du psalmiste : Je t’aime, Seigneur !  L’aimant lui de tout notre cœur, nous verrons s’ouvrir devant nous les chemins qui nous mènent vers nos frères en humanité pour construire avec eux un monde de paix et d’amour. Amen.
 
(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)

vendredi 17 octobre 2014

29ème dimanche ordinaire A - 19 octobre 2014

Dieu et César.



Les Pharisiens se concertèrent pour voir comment prendre en faute Jésus en le faisant parler. D’emblée est posé le cadre de cette rencontre surprenante entre Jésus et des disciples des Pharisiens et des partisans d’Hérode : un cadre hostile, un piège destiné à faire tomber celui que la foule vient écouter en masse. Je ne sais pas si c’est de la bêtise ou de l’inconscience de vouloir prendre Jésus en défaut sur sa parole ; mais reconnaissons que cela donne un peu de panache à la démarche de ses adversaires. Pouvez-vous imaginer un seul instant réussir à prendre en défaut Jésus, en le faisant parler, lui qui est le Verbe de Dieu selon saint Jean, c’est-à-dire la propre parole de Dieu ? 
 
Les récents enseignements de Jésus (parabole des deux fils, parabole des ouvriers homicides et parabole des invités à la noce) auraient quand même dû les mettre en alerte. Certes, Jésus les a grandement énervés ; mais puisque c’est justement son enseignement qui les excite, pourquoi l’attaquer sur ce point-là ? Ils savent que c’est son point fort ; ils savent que sa parole a du poids ; ils savent qu’il est écouté. Quand tu veux attaquer ton adversaire, trouve son point faible ; ne le provoque pas dans le domaine où il excelle. N’ont-ils donc point de bon sens ? Bref, dès le départ, nous pouvons sentir que l’affaire est mal engagée, et ce n’est pas parce qu’ils viennent à plusieurs contre Jésus seul qu’ils ont un avantage ! 
 
Mais venons-en au piège lui-même. Ils sont futés quand même ; ils commencent par passer de la pommade à Jésus : Maître, nous le savons ; tu es toujours vrai et tu enseignes le vrai chemin de Dieu. Tu ne te laisses influencer par personne, car tu ne fais pas de différence entre les gens. Ce qu’ils disent là n’est pas faux, nous le savons bien. L’enseignement de Jésus, sa parole, est le vrai chemin de Dieu. S’ils ne venaient pas en adversaires, nous pourrions louer leur foi, comme Jésus le fit lui-même si souvent pour celles et ceux qui venaient à lui avec un cœur pur. Mais voilà, leur cœur n’est pas pur, leurs intentions ne sont pas bonnes ; ils sont fourbes. Ils essaient de cacher leur piège derrière des paroles suaves. Du coup, leur question passe presque pour anodine, un simple point de détail, une précision toute bête à apporter dans un enseignement déjà riche. Donne-nous ton avis : est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à l’empereur ? La question peut nous sembler futile aujourd’hui, mais pour Jésus, elle est redoutable. S’il répond oui, il s’affichera comme collabo, partisan des Romains, et les foules, qui n’attendent qu’une seule chose, être débarrassé de l’envahisseur, se détourneront de lui. S’il répond non, il sera considéré comme séditieux, appelant à la révolte, et c’est ce même envahisseur, pourtant honni, qui se chargera de lui et règlera le compte de ce gêneur. Nous pouvons mesurer davantage encore la fausseté des paroles mielleuses qui ont introduit la question. 
 
Comment Jésus s’en sort-il ? En retournant le piège contre ses adversaires en trois temps ! Premier temps : Montrez-moi la monnaie de l’impôt. Ils lui présentèrent une pièce d’argent. Et déjà le piège se referme sur eux : ils ont bien en poche une monnaie qui sert à payer l’impôt. Ils ne semblent pas avoir cherché longtemps. Ils l’avaient à portée de main. Ils pactisent donc eux-mêmes avec l’occupant. Deuxième temps : l’effigie et la légende, de qui sont-elles ? – De l’empereur César. Si la possession de la pièce ne suffisait pas, voilà démontré qu’ils savent que c’est de l’argent sale, comme nous dirions aujourd’hui. Ce n’est pas la monnaie qui devrait avoir cours en Israël ; ils savent que c’est une monnaie étrangère, marque de leur soumission à l’impie. Troisième temps : l’enseignement de Jésus : Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Comme pour dire, ne me mêlez pas à vos compromissions. Ce qui est de ce monde, rendez-le à ce monde ; ce qui est du monde de Dieu, rendez-le à Dieu. Il faut alors encore préciser que la liturgie nous prive du dernier verset  de ce passage de l’évangile de Matthieu. Il nous dit la réaction des adversaires à la parole de Jésus : A ces mots, ils furent tout surpris et, le laissant, ils s’en allèrent. 
 
Qu’apprenons-nous de tout ceci ? Premièrement : Jésus se pose en libérateur. Par son geste, par sa parole, il redonne aux choses leur vraie valeur. Il libère nos esprits étriqués de toute vision étroite ou partisane. Il nous invite à être vrais. Nous sommes vraiment libres lorsque notre oui est oui et notre non est non. En apprenant à rendre à César et à Dieu ce qui leur revient respectivement, nous sommes engagés dans ce processus de libération. Nous sommes vrais, et dans nos relations humaines, et dans notre relation à Dieu. Deuxièmement : Matthieu nous apprend dans son évangile ce que Jean révèlera dans le sien : nous avons à vivre dans le monde sans être du monde ; non pas évadés dans une bulle spirituelle, mais pleinement présent à la vie des hommes, sans toutefois entrer dans le jeu des compromissions. Si nous avons appris de Jésus à être vrais, alors nous pouvons nous engager dans ce monde, y compris en politique pour transformer le monde, sans jamais céder à l’esprit du monde. Troisièmement : Ayant appris à être vrais, sachant nous positionner justement dans ce monde qui passe, nous pouvons alors avoir une parole vraie, une parole claire, une parole qui éclaire et libère, une parole qui surprend aussi ceux à qui nous nous adressons. Notre parole doit être comme la parole de Jésus ; c’est sa parole que nous devons faire entendre, c’est de sa parole que nous devons vivre. 
 
Pour finir, laissons le dernier mot à la prière de l’Eglise ; l’oraison, que nous avons adressée à Dieu au début de notre eucharistie, nous introduisait magnifiquement à toutes ces découvertes. N’hésitons pas à la reprendre chaque fois que nous sommes confrontés à l’adversité, aux vents contraires ; elle nous indiquera toujours le chemin de la liberté et de la vérité, qui nous permettra de rendre et à César et à Dieu, ce qui leur revient. Dieu éternel et tout-puissant, fais-nous toujours vouloir ce que tu veux et servir ta gloire d’un cœur sans partage. Tout est là, tout est dit. Amen.
 
(Image de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'Evangile, éd. Les Presses d'Ile de France)