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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

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Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 29 mars 2025

4ème dimanche de Carême C - 30 mars 2025

 Au coeur de toute vie chrétienne, un Dieu qui nous apprend à être fils.





(Arcabas, Le fils prodigue)





De dimanche en dimanche, nous progressons sur notre route de carême et nous approfondissons le cœur de notre vie chrétienne. Après le nécessaire combat contre le mal, après le Christ qui se révèle à nous dans toute sa gloire, après avoir compris que Dieu nous appelle et prend soin de nous, l’évangile de ce dimanche nous fait comprendre qu’au cœur de toute vie chrétienne, il y a Dieu qui nous apprend à être fils. Et il le fait à travers cette parabole qui nous parle d’un père et de ses deux fils. Une histoire de famille, comme toutes nos histoires de famille.

Tous les parents peuvent avoir fait cette expérience dont parle Jésus. Dès qu’il y a un enfant, deux voies s’ouvrent devant lui. Soit il suit la voie de ses parents, soit il prend un autre chemin. Sera-t-il plus l'enfant de ses parents parce qu’il leur obéit en tout ? Sera-t-il moins l’enfant de ses parents parce que soudain, il prend une voie autre, que peut-être eux désapprouvent ? C’est cet éternel classique des relations entre les parents : quand l’enfant est bien sage et réussi, ce sera mon enfant. Quand l’enfant n’en fait qu’à sa tête, c’est l’enfant du conjoint qui fait sa crise. Mon fils a réussi ; ton fils a encore fait une bêtise. Pour ne pas sembler sexiste, je rassure tout le monde : cela marche pareil avec les filles ! Dans la parabole de ce dimanche, il n’y a pas de mère ; le père ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Comprenons donc cette histoire aujourd’hui, avec en arrière fond cette question : lequel des deux est davantage le fils de son père ? 

Commençons alors avec le plus jeune. Il exige de son père la part de fortune qui [lui] revient … en principe après la mort de son père ! Ce n’est pas une avance sur héritage qu’il demande, mais bien tout l’héritage alors que le père vit encore, et apparemment en bonne santé. Aime-t-il son père ? Sans doute, au moins un peu. Ce qui est certain, c’est qu’il ne réalise pas la portée de sa demande. J’y reviendrai dans un instant. Le père donne ce qui est demandé, et le fils s’en va, dilapidant sa fortune en menant une vie de désordre. Je vous laisse imaginer sa vie, le concept de désordre étant variable d’une personne à l’autre. Ce que nous pouvons comprendre, c’est que cela ne se passe pas bien. Quand il n’y a plus d’argent, il n’y a plus non plus de nourriture, non pas qu’il ne puisse plus en acheter, mais il se trouve qu’une grande famine survint. Quand on n’a pas de chance, on n’a pas de chance. Les astres semblent s’aligner contre lui. Plus d’argent, plus de nourriture, plus d’amis, ceux-là mêmes qui ont certainement profité de sa fortune quand elle existait. Le ventre grommelant, il va rentrer en lui-même. L’homme réfléchit mieux le ventre vide, semble-t-il ! Toujours est-il que les gargouillis de l’estomac lui font souvenir de la maison de son père et du fait que les ouvriers là-bas ne manquent de rien. Son plan est simple : rentrer, manifester quelques regrets et demander à réintégrer les lieux comme ouvrier, la possibilité d’être toujours fils lui semblant irréaliste. Et c’est ce qu’il fait ! 

Il me faut revenir alors sur un détail que j’ai déjà évoqué : ce fils ne se rend pas compte de ce qu’il a demandé à son père au début de l’histoire. Et le père, j’en suis désolé, ne semble pas avoir davantage réfléchi aux conséquences de la demande de son jeune fils, qu’il honore séance tenante. Nous savons du père qu’il est plutôt aisé. Il a des ouvriers qui travaille pour lui. C’est un propriétaire terrien, qui a du bétail. Nous le savons parce que son fils aîné travaille dans ses champs, et le père fera tuer le veau gras au retour du loustic. Pour donner la moitié de son bien, il a forcément dû vendre une partie de ses terrains ou de ses bêtes. Le jeune fils et le père ont-ils réfléchi au nombre d’ouvriers qu’il faudrait licencier pour réaliser avant l’heure la demande du plus jeune ? Car enfin, si vous avez moitié moins de terrain et de bêtes, il vous faut moins d’ouvriers pour en assurer la gestion ! Quel père inconséquent, non, de répondre ainsi, sans discuter, à une demande pour le moins irréfléchie, aux conséquences lourdes pour d’autres ! Et en plus, il fait la fête quand le gamin revient ! Heureusement pour chacun de nous que ce père soit aussi peu raisonnable avec son jeune fils ! 

Parlons donc du fils ainé. Quand il revint [des champs] et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Pas besoin d’être grand psychologue pour comprendre qu’il se mit en colère, et qu’il refusait d’entrer. C’est donc le père qui sort. Et nous découvrons, et le père sans doute aussi, que cet ainé ne se considère pas vraiment comme fils, mais plutôt comme ce que veut devenir le plus jeune : un ouvrier. Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras ! Remarquez bien le vocabulaire : Je suis à ton service, sans transgresser tes ordres, ton fils et non pas mon frère ! Pas plus que son jeune frère, il ne se considère comme fils de son père. Ne se considérant pas fils, il ne peut pas appeler frère cet autre qui est revenu. C’est le père inconséquent qui va renouer tous les fils. Il l’a fait pour le jeune fils en lui faisant remettre une bague au doigt et des sandales aux pieds, symboles des hommes libres, et en organisant ce banquet. Il le fait pour son aîné, en lui disant : Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! Il remet de la filiation et de la fraternité là où il y avait une compréhension erronée des rapports familiaux. 

Ce que ce père fait pour ses deux fils, il le fait pour chacun de nous. Il nous apprend à être vraiment fils et filles de Dieu. Car dans cette grande famille que nous formons, il y a quelquefois une compréhension erronée du sens de la famille. Le jeune fils, c’est nous quand nous considérons que ce n’est pas grave de ne pas rester dans la famille, que notre vie sera meilleure loin de la paroisse, que l’absence à la messe du dimanche n’est pas dramatique. D’ailleurs, ce n’est pas d’un Dieu Père dont nous avons envie dans ce cas-là, mais plutôt d’un Dieu qui satisfasse immédiatement tous nos caprices. Le fils aîné, ce sont tous ces chrétiens qui vont à la messe comme de bons petits soldats, parce qu’il faut, et qui attendent en retour quelque chose : un chevreau pour festoyer, une meilleure place au paradis, un peu plus de considération pour les prières que nous pouvons formuler, parce que nous, nous fournissons des efforts, nous sommes toujours là alors que, si nous avions su que le veau gras était tué pour notre retour, il y a longtemps que nous serions partis ! Il nous faut sortir de cette logique mortifère et retrouver le sens de la paternité divine et de la fraternité humaine. Si nous ne considérons pas Dieu comme notre Père commun, nous ne pourrons jamais nous reconnaître comme frères et sœurs. Comme chacun des fils de la parabole, nous avons à apprendre à devenir ce que nous sommes depuis notre baptême : fils et filles de Dieu, frères et sœurs en Jésus Christ. 

Avec le jeune fils, apprenons à nous défaire de cette pensée qui fait de Dieu un magicien qui doit répondre à nos envies. Avec le fils aîné, arrêtons de croire que nous pouvons faire des choses pour Dieu qui doit nous en récompenser en retour. Dieu est un Père qui se donne, qui respecte notre liberté, et qui toujours attend le retour de ses enfants, qu’ils soient comme le fils plus jeune ou comme le fils aîné. De Dieu n’exigeons rien, mais accueillons tout ce qu’il veut nous donner, à commencer par son amour sans limites et une fraternité à toute épreuve. Nous pourrons avancer dans la vie et construire un monde où tous les hommes seront à la fête avec Dieu. Amen. 


samedi 22 mars 2025

3ème dimanche de Carême C - 23 mars 2025

 Au coeur de toute vie chrétienne, un Dieu qui appelle et qui prend soin.




(Marc CHAGALL, Moïse et le buisson ardent, 
Source internet : Moïse Et Le Buisson Ardent 1966 Lithograph 22x17 by Marc Chagall - For Sale on Art Brokerage)





Je ne me lasserai jamais de ce beau texte du livre de l’Exode que nous avons entendu en première lecture. Il nous rend témoin d’une part de la préoccupation de Dieu pour son peuple, et d’autre part de l’appel que Dieu adresse à Moïse. Car la situation du peuple hébreu en Egypte a bien changé. Souvenez-vous : la famille de Jacob est arrivée en Egypte alors que l’un de ses fils, Joseph, était le bras droit de Pharaon. Par sa gestion droite et avisée, il avait permis à l’Egypte de traverser une période de longue famine ; des étrangers, dont la famille de Jacob, venaient même se ravitailler ici pour échapper à la mort. Mais, dit sobrement le livre de l’Exode (1,8) : Un nouveau roi vint au pouvoir en Égypte. Il n’avait pas connu Joseph. Et c’est la fin d’une période heureuse en Egypte, le début des travaux forcés, les coups de fouet des garde-chiourmes… 

Nous ne savons pas trop combien de temps a duré cette épreuve ; ce que nous savons, c’est que Dieu ne reste pas sourd aux appels de ceux qui crient vers lui.  J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel. Et nous verrons tout au long du livre de l’Exode comment Dieu prend soin de ce peuple qu’il a décidé de délivrer et de mener sur une nouvelle terre. Nous pouvons voir encore aujourd’hui comment Dieu prend soin de nous.

        Ce que nous révèle encore le livre de l’Exode, c’est que Dieu a suscité Moïse. Il lui a parlé dans ce buisson ardent, l’a appelé et envoyé en mission : Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. Sans doute Dieu, tel un super héros, aurait-il pu se trouver une cape et venir lui-même affronter Pharaon. Mais cela aurait conduit Dieu à renoncer à la liberté de l’homme. Si Dieu se manifestait ainsi, l’homme n’aurait plus le choix de croire ; il ne serait plus libre. Dieu a donc choisi d’avoir besoin de l’homme pour réaliser son projet. Et quand l’homme est sollicité par Dieu, ne croyez pas que tout est simple. Je vous invite à relire les quatre premiers chapitres du livre de l’Exode. Vous verrez Moïse argumenter contre Dieu pour échapper à la mission que celui-ci veut lui confier : Je ne te connais pas ; s’ils me demandent ton nom, que répondrai-je ? Je ne sais pas parler, envoie quelqu’un d’autre, quelqu’un qui sera plus doué que moi… Bref, à chaque objection levée, une autre est exprimée, mettant à rude épreuve la patience de Dieu. Moïse finira toutefois par prendre le chemin de l’Egypte pour faire ce que Dieu attend de lui. 

        Ce qui s’est passé jadis est toujours d’actualité. Dieu veille sur nous ; Dieu entend nos cris, voit notre misère. Et toujours et encore, il suscite des hommes et des femmes pour aider l’humanité à traverser ses crises, à retrouver le sens de la justice, à retrouver le chemin vers Dieu, et donc vers les hommes pour qu’une véritable fraternité soit possible, et que justice et paix puissent s’embrasser à nouveau. Au cœur de notre foi, il doit y avoir cette certitude que Dieu veille, qu’il ne nous abandonne pas. Au cœur de notre foi, il doit y avoir cette certitude que Dieu appelle chacun de nous à quelque chose de beau et de grand pour le bien de tous. Nous n’aurons pas tous l’envergure et la mission d’un Moïse, mais tous nous avons quelque chose à faire pour que notre monde se porte mieux. La justice et la paix, ça commence chez nous, dans nos familles, sur nos lieux de travail, dans nos cours d’école… Et si tu n’as pas encore été confronté à ton buisson ardent, et découvert ce que Dieu attend de toi, ou que tu penses être trop jeune pour déjà faire quelque chose, ou trop vieux pour encore faire quelque chose, tu peux toujours prier pour ceux qui sont en première ligne. Dieu a besoin de chacun de nous pour travailler à son règne ; Dieu a besoin de chacun de nous pour bâtir la paix. 

        Je veux terminer mon propos en reprenant le beau nom de Dieu que celui-ci révèle à Moïse : Je suis qui je suis. Il nous dit que Dieu sera toujours celui dont nous aurons besoin à un moment donné de notre histoire. En effet, il peut aussi se traduire par Je suis qui je serai, nous assurant de la présence constante de Dieu à nos côtés, différent selon ce que nous traversons, mais toujours attentif, toujours à veiller sur nous. Il suffit de relire, dans l’Evangile de Jean, toutes les affirmations de Jésus commençant par : Je suis. Et vous comprendrez la richesse des variations de la présence de Dieu dans notre vie. Dans l’ordre cela donne :  Je suis le Pain de la Vie, Je suis la lumière du monde, Je suis la Porte, Je suis le bon berger, Je suis la résurrection, Je suis le chemin, la vérité et la vie, Je suis la vigne véritable, Je suis Roi. Autant d’occasion pour Jésus de préciser ce nom de Dieu. Autant d’images pour nous dire comment Dieu prend soin de nous. 

        Que notre Carême soit l’occasion de mieux connaître Dieu, de mieux connaître comment nous avons besoin de Dieu. Puissions-nous, à mieux connaître Dieu, nous laisser mieux envoyer par lui pour participer à son œuvre de salut pour tous les hommes. Dieu veut avoir besoin de toi pour dire et répandre son amour. Ecoute son appel, laisse-toi envoyer. Deviens ce figuier qui porte du fruit en abondance. Amen. 




samedi 15 mars 2025

2ème dimanche de Carême C - 16 mars 2025

 Au coeur de toute vie chrétienne, le Christ qui se révèle à nous.



(Luca GIORDANO, La Transfiguration, 1685, Gallerie degli Uffizi, Florence, Italie)




Un autre grand classique du Carême, quelle que soit l’année liturgique : l’évangile de la Transfiguration de Jésus. Celui qui avec nous et pour nous combat le mal, se révèle à nous dans toute sa gloire. La version que donne Luc de cet épisode comporte quatre différences par rapport à la relation de l’événement par Matthieu et Marc. 

La première originalité de Luc, c’est le contexte : Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. Cette précision de la prière ne se trouve qu’en Luc. Là où l’on pourrait penser en Matthieu et Marc que Jésus emmène trois de ces disciples pour en faire les témoins de cette transfiguration, Luc nous dit que le but premier, c’était d’aller prier sur la montagne. Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre… La révélation de Jésus, tel qu’il est dans toute sa gloire, se fait dans la prière. C’est donc possible pour nous aussi, de contempler la gloire du Christ lorsque nous prions. Mieux, c’est quand nous prions que nous approchons du Christ dans toute sa gloire. Ce lieu de contact qu’est la prière, nous permet de mieux comprendre qui est Jésus en réalité. 

La deuxième particularité de Luc, c’est de nous dire de quoi Jésus parlait avec Moïse et Elie. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. Est-ce là, dans cette rencontre sur la montagne de la Transfiguration, que Jésus puisera les explications qu’il donnera aux disciples d’Emmaüs, au soir de Pâques quand, sur la route, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait ? Rien ne le dit, rien ne le contredit ! Et j’aime à croire que là, dans cette révélation de sa gloire, auprès de Moïse et d’Elie, Jésus puise aussi le courage qui lui sera nécessaire pour affronter cette dernière étape de sa vie terrestre : les événements de Jérusalem qui conduiront à sa mise en croix et à sa mort. Cela me rend Jésus moins romantique et plus humain : tout Fils de Dieu qu’il est, il a besoin d’être fortifié, renforcé par ces figures de la foi que sont Moïse et Elie, pour affronter l’ultime combat, celui pour lequel il est venu dans le monde. Cet échange singulier entre Jésus, Moïse et Elie, nous fait comprendre aussi que nous ne pouvons pas rejeter ce que nous appelons l’Ancien Testament au prétexte que Jésus est venu et qu’un Nouveau Testament a été écrit. Jésus se révèle aussi à nous dans la lecture et la méditation de ces textes plus anciens qui portent en germe sa présence au milieu des hommes.

La troisième particularité de Luc, c’est que ce sont les disciples qui font le choix de garder le silence sur ce qu’ils ont vu et entendu et en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu. Ils nous montrent ainsi qu’ils ont saisi par eux-mêmes qu’il faudra attendre le bon moment pour parler de cette expérience unique aux autres ; aujourd’hui n’est pas ce moment. Ils ont aussi mesuré la confiance que Jésus leur a fait quand il les a emmenés pour ce temps si particulier. Ils nous apprennent à nous tous qu’il n’est pas toujours bon d’exposer à la vue et au su de tous, les expériences spirituelles que nous pouvons faire. Jésus se révèle quelquefois à nous dans des moments particuliers de notre histoire, et ces moments n’appartiennent qu’à nous. Si Jésus n’a emmené que Pierre, Jean et Jacques, c’est peut-être qu’il a estimé que ceux-là étaient en mesure de comprendre et de garder pour eux ce qu’ils ont vécu avec lui. 

Peut-être que c’est en cela que réside alors la dernière différence de Luc. Lorsque vous lisez la version de Matthieu et de Marc, vous comprenez que lorsqu’il ne reste plus que Jésus seul, avec eux, ils redescendent immédiatement rejoindre les autres. C’est dans cette descente que Jésus leur Jésus leur impose le silence. Chez Luc, il vous faudra ouvrir votre bible (parce que ce n’est pas dit dans le texte entendu aujourd’hui) pour découvrir qu’ils ne redescendent de la montagne que le lendemain. Ils ont eu non seulement une expérience spirituelle unique, mais ils ont eu toute la nuit pour en parler avec Jésus. Vous imaginez cela ? Toute une nuit pour discuter de ce qu’ils viennent de vivre ? Peut-être Pierre avait-il finalement dressé des tentes comme il le suggérait au moment où Moïse et Elie s’éloignaient de Jésus. Je vois là un rappel qu’il nous faut profiter de ces moments où Jésus se révèle à nous, et ne pas trop vite passer à autre chose. Ceux qui ont déjà vécu une semaine de retraite ou d’adoration au Mont Sainte Odile, savent de quoi je veux parler. Il y a, dans les dernières heures de ces moments, une douce euphorie, un grand contentement de ce qui a été vécu et le désir que cela se poursuive. Il nous faut toujours redescendre dans la vie ordinaire, mais doucement, sans précipitation. 

Au cœur de toute vie chrétienne, il y a le Christ qui se révèle à nous et qui nous appelle à prendre du temps avec lui, à l’écart, sur la montagne, dans la prière. Ce temps de carême est un temps privilégié pour faire une retraite au cœur même de notre vie quotidienne pour approfondir notre relation avec lui, pour fréquenter davantage les Ecritures et comme le dit la voix qui se fait entendre, pour l’écouter. Puissions-nous nous préparer à la rencontre avec le Ressuscité en relisant nos Ecritures Saintes et en comprenant mieux celui qu’elles nous révèlent : le Fils que [Dieu s’est] choisi. Amen.


samedi 8 mars 2025

1er dimanche de Carême C - 9 mars 2025

 Au coeur de toute vie chrétienne, le combat contre le mal.



(Source : Jesus Tempted In The Desert Painting at PaintingValley.com | Explore collection of Jesus Tempted In The Desert Painting)





Quelle que soit l’année liturgique, au premier dimanche de carême, la liturgie nous donne d’entendre que Jésus fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. Des deux, le diable et Jésus, ce n’est pas Jésus le plus fou, mais bien le diable, qui aurait dû savoir qu’il n’en sortirait pas vainqueur. Pas ici, pas maintenant ; son heure n’était pas encore venue. Ayant épuisé toutes les formes de tentations, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé. Il y aura un moment où il sera le plus fort, un moment où, à vue d’homme, le diable aura gagné ; ce sera au pied de la croix. Nous n’en sommes pas là aujourd’hui. 

Aujourd’hui, l’Ecriture nous dit d’abord que cet affrontement avec le diable, l’adversaire, nommez-le comme vous voulez, c’est le combat de Jésus, certes, mais c’est aussi notre combat à nous, qui voulons suivre le Christ. Et si un seul d’entre nous pense encore qu’il peut y échapper ou s’en dispenser, il se trompe dans les grandes largeurs. Chaque croyant qui veut suivre Jésus est nécessairement confronté à l’adversaire parce que rien ne lui insupporte plus, au diable, que quelqu’un qui décide de suivre Jésus. Comment seulement imaginer que celui qui s’en prend au Maître ne s’en prenne pas un jour à ses disciples, ensemble et individuellement ? Ensemble, nous ne le voyons que trop ces dernières années avec toutes les attaques dans les lieux de cultes, les dégradations, et hélas quelques morts. Individuellement, nous savons tous nos propres faiblesses, les situations qui peuvent nous faire céder, nous détourner du bien, nous détourner du Christ, même si ce n’est qu’un instant. S’il est vrai que Dieu nous connaît, et connaît chacune de nos faiblesses dont il veut nous guérir, l’adversaire aussi nous connaît et connaît nos faiblesses dont il veut jouir. Serait fou celui ou celle qui pense échapper à l’attention de l’adversaire ; serait fou celui ou celle qui pense être à l’abri des attaques de l’adversaire. Je ne dis pas cela pour nous effrayer, mais pour nous rendre conscient de ce combat nécessaire à mener. Celui qui ignore ou refuse de reconnaître cette réalité court le risque de ne pas savoir l’affronter. La certitude du psalmiste doit être nôtre : Dieu combat avec nous et pour nous. Puisqu’il s’attache à moi, je le délivre ; je le défends car il connaît mon nom. Il m’appelle, et moi, je lui réponds ; je suis avec lui dans son épreuve. Ce que Jésus réalise au désert lorsqu’il est confronté au mal, il le réalise encore pour nous. Il s’oppose à l’adversaire et remporte la bataille. Dieu intervient toujours pour ceux qui croient en lui et se tournent vers lui. Ce qu’il a fait jadis en Egypte pour nos pères, il le fait encore pour nous aujourd’hui.

Le second enseignement des lectures de ce jour, c’est que, dans cette lutte contre l’adversaire, nous avons une arme puissante. Nous avons Jésus, la Parole de Dieu. Cette Parole est tout près de [nous], elle est dans [notre] bouche et dans [notre] cœur. Comme le rappelle Paul aux chrétiens de Rome, si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé. Autrement dit, alors le mal n’aura pas de prise sur toi. Cela ne signifie pas que nous n’y sommes pas confrontés, mais cela signifie que le mal ne pourra pas nous submerger ; il n’aura pas de prise définitive sur nous. Tant que nous reconnaitrons que Jésus, celui qui est mort en croix, est ressuscité, vainqueur de la mort ; tant que nous garderons sa Parole en nos cœurs ; tant que nous nous reconnaîtrons disciples de Jésus, il combattra avec nous et il nous donnera part à sa victoire. L’adversaire essaiera, toujours et encore ; et l’adversaire perdra, toujours et encore. Contre Jésus, il ne peut pas gagner. C’est ce que nous rappelle notre foi pascale. Celui qui était mort est vivant ; Dieu l’a ressuscité, il lui a rendu la vie, ouvrant à celles et ceux qui croient en lui les portes de la vie éternelle. Ce n’est pas une belle histoire pour enfants sages ; c’est ce que nous croyons et pouvons expérimenter chaque jour. Chaque fois que je sens le désir du mal grandir en moi et que je l’étouffe, chaque fois le Christ ressuscité a combattu avec moi pour que je puisse résister au mal et faire en sorte qu’il ne passe pas par moi. En ces temps troublés qui sont les nôtres, nous pouvons voir le mal à l’œuvre et quelquefois désespérer ; plus que jamais, il nous faut entendre Jésus qui nous appelle à une foi plus grande, plus affirmée, pour que nous puissions résister avec lui à toute forme de mal, à toute forme de tentation. Ce qu’il a fait jadis dans le désert, il nous donne de le faire à sa suite : nous aussi, nous pouvons faire s’éloigner le malin de notre vie. 

Ecoutons encore Paul quand il écrit aux chrétiens d’Ephèse (6, 11-17) : Revêtez l’équipement de combat donné par Dieu, afin de pouvoir tenir contre les manœuvres du diable. Car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes. Pour cela, prenez l’équipement de combat donné par Dieu ; ainsi, vous pourrez résister quand viendra le jour du malheur, et tout mettre en œuvre pour tenir bon. Oui, tenez bon, ayant autour des reins le ceinturon de la vérité, portant la cuirasse de la justice, les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix, et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais. Prenez le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu. Que notre carême nous permette de nous réarmer contre l’adversaire pour que sa défaite n’en soit que plus évidente au matin de Pâques. Amen. 


mercredi 5 mars 2025

Mercredi des Cendres - 5 mars 2025

 Moi, les autres et Dieu !





Au début de cette célébration, nous a été redite la première parole de Dieu entendue aujourd’hui par les baptisés qui prient l’office des Laudes, la prière du matin. J’ai souhaité que notre célébration commence par ces mots parce qu’ils redonnent du sens de ces quarante jours qui s’ouvrent devant nous. Que nous disent-ils ?

La première chose rappelée par ce texte, c’est que nous sommes un peuple consacré au Seigneur notre Dieu. C’est [nous] qu’il a choisi pour être son peuple particulier, parmi tous les peuples de la terre. Cette parole, adressée au peuple libéré d’Egypte par Moïse, nous pouvons la faire nôtre, nous que Dieu a libérés de l’Egypte de notre péché et de la mort, par son Fils Jésus, notre Seigneur et Sauveur. Notre baptême a fait de chacun un membre de ce peuple consacré au Seigneur notre Dieu, en nous plongeant dans la mort et la résurrection de Jésus. Le temps du carême est d’abord un temps pour redécouvrir la grâce de notre baptême, signe de notre alliance avec Dieu. Et je ne peux que vous inviter à le vivre comme un me time, comme disent les anglophones, un temps pour moi. Cela peut sembler égoïste et contre-productif, mais cela est essentiel. Le carême est fait pour chacun, comme un temps où d’abord chacun retrouve qui il est en vérité, dans un monde qui ne cesse de nous bousculer. Chacun doit avoir conscience que s’il se perd, il est perdu pour les autres ; s’il s’agite constamment, il ne sert personne et n’est utile à personne. Or Dieu s’est donné un peuple particulier pour que ce peuple soit utile aux autres ; ce peuple particulier a la responsabilité d’être lumière pour les autres peuples. Comment pourrions-nous guider les autres vers la lumière si nous perdons de vue l’éclat de cette lumière ? Le jeûne que Jésus recommande, ce n’est pas d’abord pour nous priver, mais pour nous recentrer sur nous-mêmes, pour que nous puissions comprendre ce qui est vraiment essentiel et le distinguer de l’accessoire, voire du superflu. 

La deuxième chose rappelée par cette parole de livre du Deutéronome, c’est que Dieu a fait cela, il a fait de nous son peuple particulier par amour. Ce n’est pas pour nous embêter ; ce n’est pas pour se jouer de nous ; ce n’est pas davantage pour nous piéger et nous faire remarquer au bout d’un moment combien nous sommes faibles et que sans lui nous n’avons pas les cartes en main. Non, s’il l’a fait, c’est parce qu’il nous aime. Et dans l’amour vrai, il n’y a pas de piège ; dans l’amour vrai, on ne se joue pas de l’autre. Dans l’amour vrai, on espère le meilleur pour l’autre. Ayant pris du temps pour nous, pour nous retrouver, nous pourrons aller vers les autres. Il sera même plus facile d’aller vers les autres quand nous aurons compris à frais nouveau l’amour que Dieu nous porte, parce que forts de cet amour, nos pas nous conduirons naturellement vers les autres, vers les petits, les exploités, les rejetés pour leur dire à eux aussi : tu es de ce peuple consacré au Seigneur parce qu’il t’aime. Et je viens te redire et te manifester un peu de cet amour. L’aumône (ou la charité) que Jésus recommande dans l’évangile devient possible quand je sais qui je suis, quand je me sais aimé et capable d’aimer en retour. Celui qui ne sait pas la grandeur que Dieu a mis en lui et qui ne s’aime pas, ne peut pas aimer les autres. Pour prendre soin des autres, il faut déjà savoir prendre soin de soi. Pour comprendre que les autres sont mes frères et sœurs en humanité, il faut que je me comprenne comme membre de ce peuple, de cette famille que Dieu rassemble. 

Nous pouvons alors comprendre la troisième richesse de cette parole du Deutéronome : vous saurez que le Seigneur votre Dieu est le vrai Dieu, le Dieu fidèle qui garde son Alliance et son amour pour mille générations à ceux qui l’aiment et gardent ses commandements. Quand je sais que je suis membre d’un peuple rassemblé, quand je reconnais les autres comme mes frères et sœurs, alors je peux comprendre que le Dieu qui permet cela est le vrai Dieu qui garde son Alliance et son amour. Il ne m’aime pas que le jour de mon baptême, mais chaque jour qu’il me donne de vivre. Il m’aime inconditionnellement, malgré mon péché, malgré ma capacité à vivre loin de lui et à l’oublier. Il m’aime et il m’attend. D’où l’invitation à une prière renouvelée, pour retrouver le sens de Dieu après avoir retrouvé le sens de moi et des autres. 

Le chemin proposé par le Deutéronome peut sembler déroutant. Il nous a été tellement dit qu’il fallait partir de Dieu pour arriver à soi en passant par les autres ! Mais c’est ce chemin proposé par le Deutéronome qui me semble juste pour celui qui s’est perdu. Partir de lui, de ce qu’il est pour aller à Dieu par les autres. Ce chemin nous rappelle notre nécessaire solidarité dans la foi ; nous avons besoin les uns des autres pour grandir dans la foi, l’espérance et l’amour. Nous avons besoin les uns des autres pour marcher humblement avec Dieu. Le carême vécu d’abord pour soi ouvre aux autres et à Dieu, parce qu’en nous permettant de nous redécouvrir personnellement, il nous fait comprendre que nous n’existons pas pour nous, mais pour les autres et pour Dieu. C’est le chemin fait par Saint Augustin par exemple, qui s’était égaré dans une vie de patachon avant de revenir vers Dieu, grâce à l’amour et à la prière de sa mère Monique. Son chemin de conversion lui a fait chanter : Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi. Puisse ce carême nous faire redécouvrir cette vérité. Amen. 


samedi 1 mars 2025

8ème dimanche ordinaire C - 2 mars 2025

 Salade de fruits, jolie, jolie, jolie...





Salade de fruits, jolie, jolie, jolie, tu plais à mon père, tu plais à ma mère… Ce refrain que les moins de cinquante ans ont le droit de ne pas connaître est revenu à ma mémoire en méditant cette page d’évangile pour l’homélie de ce dimanche. Il donne l’impression que Luc, après avoir recueilli avec précision des informations concernant tout ce qui s’est passé depuis le début, était en possession d’éléments épars dont il ne savait que faire, et plutôt que de les jeter, les a réunis en un discours tutti frutti pour une petite leçon de choses. Il y a suffisamment de choses variées dans ce discours pour que pères et mères, et tous les autres, puissent y trouver leur plaisir. Nous avons là des problèmes de vue, de jardinage, de cœur, et si nous rajoutons les paroles de Ben Sira le Sage, nous avons l’ouïe et la parole. La leçon de chose peut alors commencer.

Commençons par le plus ancien, Ben Sira. Il nous dit : Ne fais pas l’éloge de quelqu’un avant qu’il ait parlé, c’est alors qu’on pourra le juger. A croire qu’il était féru de physique et de mathématique, et qu’il avait découvert avant tout le monde que la vitesse de la lumière était supérieure à celle du son. C’est sans doute lui qui a inspiré à un autre cette maxime : C’est parce que la vitesse de la lumière est supérieure à celle du son que certains ont l’air brillants avant d’avoir l’air stupide (j’ai changé le dernier mot pour des questions de décence). Toujours est-il que l’un et l’autre nous invite à la prudence et à la patience. Ne nous emballons pas devant les hommes, attendons qu’ils ouvrent la bouche ! Cela peut éviter bien des déconvenues. Leçon de chose n° 1. 

La première parabole de Jésus rapportée par Luc nous parle de maître et de disciples. Elle est un avertissement à tous ceux qui pensent tout savoir, à ceux qui pensent avoir dépassé leur maître. Ils ne voient plus qu’eux, leur maigre savoir acquis, et ils s’imposent partout, faisant comprendre à qui veut bien les écouter qu’eux seuls ont les solutions ; et ils abusent de leur pouvoir en imposant leurs vues au mépris du respect élémentaire dû aux autres et d’une prudence minimum qui voudrait que l’on confronte son avis à celui d’autrui. Ils sont des guides aveugles qui conduisent ceux qui les écoutent dans un trou, parce qu’ils refusent d’avoir des maîtres ou s’érigent en maître. Nous en avons de beaux exemples en ce moment, particulièrement dans le domaine politique (regardez ce qui se passe dans le bureau ovale à Washington) ; chaque jour hélas nous apporte son lot d’aveugles qui veulent guider le monde. Mais nous avons pu voir aussi les ravages que peuvent commettre ses guides autoproclamés ou proclamés comme tels par les autres sans discernement, quand ils exercent dans le domaine religieux. Cela donne des abus de toutes sortes et même, dans le pire des cas, des attentats pour éliminer ceux qui ne croient pas, qui ne suivent pas la même route. Soyons assez réalistes sur nous-mêmes et nos capacités, sur ceux que nous écoutons et regardons et acceptons toujours de nous former mieux au discernement et à la réflexion. Leçon de chose n°2.

La parabole sur la paille et la poutre est un appel à ne pas juger les autres trop vite pour ne pas commettre d’injustice d’une part, et ne pas se ridiculiser d’autre part. Personne, hors Dieu, n’est parfait ; personne, hors Dieu, n’est sans défaut. Faisons le ménage devant notre porte avant de vouloir le faire chez les autres. C’est la leçon de chose n° 3.

De même que l’on reconnaît l’arbre à ses fruits, de même on distingue l’homme bon de l’homme mauvais à sa parole ! De même qu’un pommier ne peut donner que des pommes, l’homme bon ne peut dire que du bien et l’homme mauvais que du mal, car, dit Jésus, L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. Le cœur, dans la bible, est le siège de mes grandes décisions, du lieu où, si je suis croyant, Dieu dialogue avec moi et me fait connaître sa volonté, le lieu où Dieu inscrit sa Loi (Jr 31, 31-34). Seul celui dont le cœur est bon peut le bien. As-tu laissé entrer dans ton cœur le bien ou le mal ? C’est une invitation à l’introspection, à un regard honnête sur soi et, le cas échéant, à la conversion. Leçon de chose n° 4.

L’évangile de ce dimanche est peut-être fait de bric et de broc, mais cela ne signifie pas qu’il n’a rien à nous dire. Ces petites paraboles, mises ensemble, nous invitent à utiliser nos sens et notre intelligence en vue du bien et de l’édification. Tout ce que nous voyons, tout ce que nous entendons, tout ce que nous disons, tout ce que nous faisons, que ce soit toujours pour le bien de tous, débordant de l’amour que Dieu a mis dans notre cœur. Alors nous serons des disciples bien formés, chacun comme notre maître, lui qui est passé en faisant le bien. Amen. 


samedi 22 février 2025

7ème dimanche ordinaire C - 23 février 2025

 Pour nous ou pas pour nous ?







Il arrive, en lisant les évangiles, qu’on se dise : telle parole est vraiment pour moi ; elle correspond bien à ce que je vis en ce moment. Il arrive aussi, peut-être même plus souvent, qu’on se dise, toujours en lisant les mêmes évangiles, que cette parole, elle est pour untel qui, décidément, gagnerait à ouvrir sa bible de temps en temps. Je pense que l’évangile entendu aujourd’hui en fait partie. Ces paroles de Jésus à ses disciples, c’est pour les autres ! Et nous en connaissons tous, de ces autres, qui feraient bien de relire les paroles de Jésus.

Pourquoi ces paroles ne seraient-elles pas pour nous ? Parce que nous allons à l’église, et que nous sommes des gens bien, nous ! Et même si l’introduction liturgique dit : En ce temps-là, Jésus déclarait à ses disciples, il suffit d’ouvrir l’évangile de Luc pour comprendre que Jésus ne parle pas qu’aux Douze qu’il vient d’appeler, mais aussi à cette foule nombreuse qui se colle à lui. Ecoutons le verset 17 de ce chapitre : Il y avait là un grand nombre de ses disciples et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon. Sans nul doute, c’est à cette multitude qu’il doit s’adresser. Car un vrai disciple n’a pas besoin que Jésus lui dise tout cela, si ? 

Si, justement ! Parce que disciple de Jésus, nous avons à le devenir toujours plus, toujours mieux. Et nous avons sans doute chacun en tête un visage, un prénom, de quelqu’un qui nous insupporte et qui se rapproche de ce que Jésus appelle vos ennemis. Tel parent, plus ou moins éloigné après un partage d’héritage qui s’est mal passé ; tel voisin dont le chien ne fait qu’aboyer à nous rompre les oreilles ; tel collègue qui ne comprend rien à rien, qui fait gaffe sur gaffe et qui met tout le monde en retard ; tel étranger qui profite, parait-il, des avantages sociaux que la France lui donne généreusement alors que pour les « vrais Français » il n’y a jamais rien ; tel élu qui ne nous a pas accordé la faveur qu’on lui demandait ; tel fonctionnaire qui a volontairement rejeté notre dossier alors qu’il ne sait même pas ce que c’est que de travailler ; tel enseignant qui n’aime pas notre enfant et le sous-note exprès ; tel chauffard sur la route qui n’avance pas ou qui ne nous laisse pas le dépasser… la liste est longue, des ennemis supposés ou réels que Jésus nous invite à aimer. Car voyez-vous, à élever des murs, à classer les gens entre les bons et les mauvais, on ne construit pas une société, on divise, on active la haine. Regardez de l’autre côté de l’Atlantique et vous comprendrez ! 

De cette page d’évangile, exigeante mais belle, retenons peut-être ces trois mots qui ont pu passer totalement inaperçu : Faites du bien. Ils sont le condensé de la pensée de Jésus exprimée dans ce discours. Faites du bien à tous, faut-il préciser, car si vous faites du bien seulement à ceux qui vous en font, quelle récompense méritez-vous ? Même les pécheurs en font autant, avertit Jésus. Le disciple véritable de Jésus ne peut non seulement se lasser de faire le bien, mais il ne devrait même pas être capable d’envisager de faire le mal. Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera. Les paroles qui peuvent sembler dures du début du discours ne doivent pas nous empêcher d’entendre cette fin du discours. De la manière dont nous traitons nos frères et sœurs en humanité, c'est-à-dire chacun de ceux qui croisent notre route, Dieu nous traitera quand viendra le moment du jugement. Seul celui qui est sans péché peut différencier le bon grain de l’ivraie. Aucun de nous ne peut y prétendre. 

Faire du bien. Voilà qui devrait être notre ligne de conduite, notre devise en toute circonstance. Et nous savons tous, par expérience, que c’est plus facile à dire ou à écrire qu’à faire. L’autre est tellement compliqué, n’est-ce pas ! Mais ne sommes-nous pas tous l’autre de quelqu’un ? Nous sommes tous l’ami de quelqu’un ; nous sommes tous l’ennemi de quelqu’un. Nous pouvons choisir entre nous taper dessus ou nous réconcilier et faire grandir l’humanité et le monde. C’est cela, je crois, que Jésus vient nous rappeler aujourd’hui. Pour faire du bien, il faut haïr faire le mal ; mais jamais celui qui fait le mal. Parce qu’il est l’un de nous, il est comme nous : capable du pire et du meilleur. Ne l’oublions pas.   Amen.