Une question restée sans réponse ?
N’aurait-il pas pu répondre simplement à la question qui lui était posée ? N’aurait-il pas pu répondre clairement surtout à cette question qui agite, semble-t-il, beaucoup d’esprits ? Pourquoi encore deux paraboles – celle de la porte étroite et celle du maître de maison qui ferme sa porte - qui compliquent tout et ne répondent pas directement à l’énigme posée ? Avait-il besoin d’être jésuite avant l’heure, Jésus, quand il a répondu à la question de cet inconnu ?
La question était pourtant
simple : Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? Un
oui ou un non aurait fait l’affaire ; un nombre aurait donné davantage
d’éclairage. Certains, au cours des siècles suivants, s’y sont d’ailleurs
essayés. Je pense aux témoins de Jéhovah qui croient toujours que seuls 144000
pourront vivre au ciel avec le Christ ! Ce n’est pas la réponse de Jésus.
Ce qui me fait dire que ce n’est pas le nombre qui importe. D’ailleurs le livre
de l’Apocalypse parle d’une foule innombrable. Or 144000, c’est quand même
ultra bien dénombré ! Cela représente 12 fois 12000, soit 12000 sauvés pour
chacune des 12 tribus d’Israël. C’est plus facile à compter, par paquets de 12.
Et puisque j’en suis à ce que Jésus ne dit pas, il me faut préciser ici que Luc
ne fait pas dire à Jésus que les derniers seront premiers et les premiers
seront derniers, mais bien : il y a des derniers qui seront
premiers, et des premiers qui seront derniers. Ce n’est quand même pas
tout-à-fait la même chose ! Si, au paradis, sont appliquées nos règles de
bienséance, les hommes entreront en premier et les femmes en dernier, comme au
restaurant. Est-ce à dire que vous seriez moins importantes ? Bien sûr que
non ! Et si donc il n’y a pas de grand renversement magique, c’est que la
position, ni le sexe d’ailleurs, ne change grand-chose. Et si ce n’est ni le
chiffre, ni la position, ni l’identité sexuelle qui comptent, qu’est-ce qui est
alors important pour être sauvé ? C’est cela, la vraie question. Pour y
répondre, nous devons nous intéresser aux paraboles que Jésus nous livre.
La deuxième parabole confirme cette interprétation. Ecoutez plutôt : lorsque le maître de maison se sera levé pour fermer la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte en disant : « Seigneur, ouvre-nous », il vous répondra : « Je ne sais pas d’où vous êtes. » Alors (et c’est là que cela devient intéressant) vous vous mettrez à dire : « Nous avons mangé et bu en ta présence (ce que font les familiers du maître et non les domestiques !), et tu as enseigné sur nos places. » Il vous répondra : « Je ne sais pas d’où vous êtes. » La porte de service est plus facile à franchir que la porte par laquelle entre le maître. Servir est plus important que d’être reçu à la table du maître. Il faut d’ailleurs entendre la fin de la réponse du maître. Elle s’énonce ainsi : Eloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice. Et voilà le grand critère pour être sauvé : ne pas commettre d’injustice. Et le service semble être le remède à ce travers. Celui qui sert n’a pas le temps d’être injuste. Il sert, tout simplement. Celui qui mange à la table du maître peut être injuste, ne serait-ce qu’envers ceux qui le servent et dont il ne remarque même pas la présence tant leur service est efficace. Il pense que, parce qu’il mange à la table du maître, il peut ignorer ou maltraiter les serviteurs du maître. Manger à la table du maître n’est pas une garantie, une assurance. Manger à la table du maître doit plutôt entrainer un art de vivre, une vigilance, une lutte contre l’injustice, ce qui nous montre déjà que le maître est bon, puisqu’il ne supporte pas les arrogants qui se croient tout permis, ni ceux qui pratiquent l’injustice.
Nous ne saurons jamais si nous serons nombreux ou pas à être sauvés. Et nul ne peut dire avec certitude qu’il sera sauvé. Mais nous pouvons décider, par notre art de vivre, de prendre le chemin qui mène au salut. Ce chemin s’appelle service et justice pour tous ceux qui croisent notre route. Dieu voit le chemin que nous suivons ; son amour pour les humbles, les serviteurs et les justes n’oubliera pas de nous appeler si c’est la voie que nous avons choisie de suivre ici-bas. C’est là notre seule certitude, car les paraboles du jour nous le rappellent : nous n’irons pas tous au paradis par magie. Amen.
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