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samedi 19 septembre 2020

25ème dimanche ordinaire A - 20 septembre 2020

 Mes pensées ne sont pas vos pensées...






(Tableau de Nicolaes Cornelisz Moyaert, Les ouvriers de la dernière heure, Pays-Bas, XVIIème siècle)




          Parmi toutes les difficultés que l’homme peut rencontrer avec Dieu, il en est une qui tient une place particulière parce qu’elle est, au fond, fondamentale : celle de la représentation que nous nous faisons de Dieu. Entre le Dieu que l’Eglise nous présente, ce que l’on comprend de lui et ce que l’on rêve de lui, il y a souvent une large palette, pleine de toutes les couleurs possibles selon que l’on soit de bonne ou de mauvaise humeur, selon qu’il fasse beau ou gris, selon que l’on soit optimiste ou pessimiste… Le prophète Isaïe le résume assez bien dans ce verset entendu en première lecture : Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins. 

            Ne nous illusionnons pas : nous avons tous, à un moment ou à un autre de notre histoire, rêvé Dieu. Comme ce serait bien si Dieu était ceci ou cela, s’il faisait ainsi plutôt que comme cela. Les divers courants qui traversent une religion ne sont pas seulement l’expression de sensibilités liturgiques différentes. A y regarder de près, il faut bien convenir que souvent est en cause aussi une manière de représenter Dieu, de parler de lui. Un exemple assez prégnant aujourd’hui concerne la manière d’inviter les gens à la confession : vous aurez ceux qui ne parleront que de péchés, de leur gravité et de la nécessité de les débusquer tous et un par un, et ceux qui vous parleront d’abord de la miséricorde de Dieu. Selon que vous entendrez l’un ou l’autre, vous aurez l’impression de ne pas avoir à faire au même Dieu ; vous aurez d’un côté le Dieu que l’homme ne peut jamais satisfaire et pour qui l’homme est une déception permanente et de l’autre, vous aurez celui qui pardonne sans fin au point qu’on peut se demander s’il ne se fait pas un peu avoir avec son côté bisounours. Et je me rends compte alors de la difficulté qu’il y a à parler de Dieu à une assemblée qui est composée d’hommes, de femmes, quelquefois d’enfants, si divers dans leur parcours, dans leur évolution, au point que je me demande s’il faut tout simplement encore parler de lui. Renoncer à en parler n’est pourtant pas une option. Il nous faut parler de Dieu ; il nous faut le présenter aux hommes. 

            La première lecture et l’évangile de ce dimanche nous invitent alors à le faire en prenant Dieu comme il est, à laisser Dieu être le Dieu qu’il veut être. A l’appel d’Isaïe, allons à la recherche de Dieu tant qu’il se laisse trouver. Mais cherchons-le en laissant là nos catégories, nos schémas de pensée car autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées, dit le Seigneur. Autrement dit, accueillons Dieu tel qu’il se révèle à nous, en nous souvenant du nom qu’il avait révélé jadis à Moïse : Je suis qui je suis, c'est-à-dire je suis celui dont tu auras besoin selon les circonstances de ta vie. Ou encore laisse-moi être pour toi celui que je t’estimerai nécessaire. Laisse-moi être Dieu, quoi ! Une belle manière de nous dire que nous ne pouvons, et nous ne devons pas, mettre la main sur Dieu. Dire à Dieu ce qu’il doit être pour nous, c’est déjà ne plus le laisser être Dieu à sa manière ; c’est déjà en faire une idole. 

            La parabole que Jésus raconte nous montre un maître de domaine qui va employer des ouvriers au petit matin. Il fixe avec eux un salaire qu’ils estiment justes (une pièce d’argent pour la journée de travail) puisqu’ils vont se mettre à son service. Et voilà que le maître du domaine recommence son embauche vers neuf heures, vers midi, vers trois heures et enfin une dernière fois vers cinq heures, à une heure de la fin de journée. La promesse de ce maître à tous ces autres embauchés est de leur donner ce qui est juste, sans autre précision de montant. Quand vient le temps de payer tout ce monde, il donne à chacun la même chose, qu’importe le temps qu’ils aient passé dans la vigne. La réaction des premiers embauchés, payés curieusement en dernier, ne se fait pas attendre. En recevant leur pièce d’argent, ils s’estiment lésés alors qu’ils sont les seuls qui avaient un contrat clair qu’ils ont accepté. Ils ont eu ce qui avait été acté le matin. Leur révolte vient du fait que le maître du domaine a jugé bon de donner à tous ce qu’il n’a défini qu’avec les premiers. Aurions-nous été les premiers que nous aurions sans doute réagi de la même manière. Nous estimons tous que celui qui travaille plus doit gagner plus. Souvenons-nous juste des réactions qu’a pu susciter la proposition d’un salaire universel faite par un candidat aux élections présidentielles. 

            Dès lors que nous imaginons que Dieu est celui qui nous rétribue pour nos actions, il faut que la rétribution soit juste à vue humaine. Ainsi le croyant le plus pieux, le plus ancien, le plus fidèle devrait avoir une meilleure place que celui qui vient de se convertir. Il est encore courant, dans certaines de paroisses, de croire que les gens croyants et pratiquants ont droit, par exemple, à la présence de la chorale pour des funérailles ou pour un mariage, alors que les autres, ceux que l’on ne voit jamais ou si peu, pourraient s’en passer. On me l’a fait comprendre ainsi au début de mon ministère : notre chorale ne chante que les mariages des familles de choristes. Et je pourrais multiplier les exemples de ce genre… Il y a des gens pour croire que, parce qu’ils sont engagés dans la paroisse, parce qu’ils vont à la messe tous les dimanches… ils ont droit à plus de la part de Dieu que le commun des mortels qui ne fait qu’assister à la messe de temps en temps. Nous avons nos valeurs, nos échelles de valeurs, et Dieu, s’il est juste, doit s’y conformer. Les ouvriers de la première heure récriminaient contre le maître du domaine : « Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons enduré le poids du jour et la chaleur ! » 

            Heureusement pour nous, Dieu n’est pas le trésorier payeur général que nous imaginons souvent. Dieu est Dieu, à la manière de Dieu, et non à la manière des hommes. Heureusement aussi que Dieu ne se soucie pas de son image, mais uniquement de sa justice, de sa miséricorde et par-dessus tout, il se soucie de nous, il se soucie de l’homme, de tous les hommes, de tout l’homme. Rien de ce qui fait notre vie ne lui est indifférent : ni nos joies, ni nos peines, ni nos réussites, ni nos échecs. A chacun, quelle que soit sa vie, il propose la même chose : une alliance d’amour appuyée sur sa miséricorde infinie. Il n’y a pas d’autre contrat ; il n’y a pas d’autre rétribution. Dieu nous paie en amour et en miséricorde. Et c’est bien ainsi ; et c’est mieux ainsi pour nous. Ce que nous avons à rechercher, ce n’est pas le strapontin 3628 au paradis parce qu’il est plus proche de Dieu que le 10625. Ce que nous avons à chercher, c’est l’amour de Dieu pour nous ; ce qu’il nous donne d’expérimenter, c’est sa miséricorde à notre égard. Les ayant trouvé et expérimenté, nous serons alors invités à les vivre à notre tour avec nos frères et sœurs en humanité. Entendons bien la parole du maître à l’un des serviteurs de la première heure : Mon ami (noter l’intimité du mot), je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? Qui est assez fou pour dire à Dieu comment il doit être Dieu ? Qui est assez fou pour dire à Dieu que la manière qu’il a d’être Dieu pour nous ne peut pas être la même que celle qu’il a pour d’autres ? 

            Laissons-là nos imaginaires sur Dieu. Laissons Dieu être Dieu à sa manière. Il ne nous en aimera que davantage. Laissons-le exercer sa miséricorde comme il l’entend et non comme nous la pratiquons entre nous. Il pourrait toujours se trouver quelqu’un qui estimerait que nous méritons moins d’amour et moins de miséricorde que lui ; s’il avait une place plus grande dans le cœur de Dieu que nous, nous serions perdus. Laissons à Dieu la possibilité d’être Dieu, pour tous et chacun à sa manière ; laissons l’amour de Dieu et sa miséricorde s’exercer envers nous selon nos besoins, sans nous préoccuper de la manière dont il les exercent pour les autres. Si nous croyons que Dieu est Unique, croyons aussi que son amour et sa miséricorde pour nous sont uniques. Et puisque ce sont les hommes qui sont différents, acceptons que cet amour et cette miséricorde uniques soit exercés de manière différente, pour répondre au mieux aux besoins de chacun. C’est ainsi que notre Dieu unique se veut Dieu pour tous. Amen.

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